En Amazonie, la découverte d’un vaste réseau de cités-jardins vieux de 2 500 ans
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Site de Copueno, vallée d’Upano, Equateur. Une rue principale creusée traverse la zone urbaine, créant un axe le long duquel des complexes de plates-formes rectangulaires sont disposés autour de places basses IMAGE LIDAR A. DORISON ET S. ROSTAIN
Un des principaux sites de la zone, baptisé Sangay, comme le grand volcan qui trône non loin, a été découvert dès la fin des années 1970, mais c’est grâce aux travaux du Français Stéphen Rostain que l’archéologie de la forêt amazonienne a pris une véritable épaisseur. L’article de Science, dont il est le premier signataire, condense vingt-cinq années d’études de ce directeur de recherche au CNRS. Sur le terrain, Stéphen Rostain pratique des décapages de grandes surfaces et découvre des vestiges d’habitations au sommet de monticules artificiels, des petites plates-formes de terre érigées pour s’élever par rapport à un sol gorgé d’eau.
Il identifie des centaines de ces tertres, mais ce n’est rien par rapport à ce que livre une couverture Lidar (pour Laser imaging detection and ranging), effectuée en 2015. Analogue au radar mais remplaçant les ondes radio par du laser, cette technique de télédétection est mise en œuvre grâce à des appareils embarqués dans des aéronefs qui survolent la forêt, et elle a pour avantage de passer à travers celle-ci : « C’est une technologie qui déshabille la Terre de sa végétation et révèle le modelé exact du sol. C’est le strip-tease extrême et le nirvana pour les archéologues », s’exclame Stéphen Rostain.
Résultat : sur 300 des 600 kilomètres carrés couverts en 2015, soit un rectangle de 10 kilomètres sur 30 traversé par l’Upano, sont apparus quelque 6 000 monticules rectangulaires. « Les bras m’en sont tombés, confie l’archéologue. A chaque fois que je regarde ces images, je suis stupéfait. » Sur cette zone, on ne compte pas moins de cinq villes et une dizaine de villages.
En couplant le relevé Lidar aux travaux sur le terrain, un paysage bien particulier émerge. Tout d’abord ces plates-formes de quelques mètres d’élévation où se situait l’habitat, pour lequel on ne retrouve que des trous de poteaux. Il devait s’agir de maisons sans murs ou éventuellement avec des parois de bambous fendus, et un toit lui aussi végétal, pour se protéger des pluies. La forme standard de ces monticules, dit l’étude, est un rectangle d’environ 10 mètres sur 30. Ces lieux d’habitation sont rarement isolés et apparaissent en général par groupes de trois à six unités.
Nombreuses voies de communication
Cependant, le Lidar a aussi révélé des ensembles bien plus vastes, par exemple sur le site de Kilamope, où l’on trouve un complexe peut-être cérémoniel couvrant un espace de 10 hectares et comportant une plate-forme de 140 mètres sur 40. L’étude précise que, dans les zones les plus denses, on recense plus de cent éléments au kilomètre carré.
Entre les monticules habités s’étale un patchwork d’espaces cultivés, des parcelles aux contours orthogonaux, délimités par des fosses de drainage de 4 mètres de large et de 40 centimètres de profondeur, elles-mêmes connectées à des canaux plus larges et plus profonds, qui traduisent un véritable souci de désengorger les sols, sous ce climat équatorial où il pleut tous les jours. Des sols enrichis par les retombées du volcan Sangay et qui, encore aujourd’hui, permettent trois récoltes annuelles de maïs. L’analyse des résidus d’amidon retrouvés sur les céramiques mises au jour a montré, en plus de la consommation de maïs, celle de haricots, de manioc et de patates douces.