• Nelson Mandela est mort mais l’apartheid est toujours vivant - Le Monde

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/12/nelson-mandela-est-mort-mais-l-apartheid-est-toujours-vivant_4333270_3232.ht

    Nelson Mandela est mort, mais l’apartheid vit toujours sous une forme non codifiée, non légalisée mais bien réelle, notamment en Israël. Un apartheid masqué, rampant, une mise à l’écart. Beaucoup pensent que l’utilisation du terme « apartheid » est exagérée voire outrageante pour l’Etat juif, mais ils oublient que l’apartheid prend des formes diverses héritées de la domination d’un groupe sur un autre ou sur plusieurs autres et aboutit à l’exclusion, la marginalisation, voire l’expulsion. L’apartheid n’est pas seulement le produit de l’occupation, il est le corollaire de la colonisation et de la volonté de se débarrasser d’un groupe de population en le cantonnant dans des endroits spécifiques ou des bantoustans afin de faire de la place à un autre groupe. Ecarter ou cantonner les Palestiniens pour laisser le champ libre à la communauté juive. N’est-ce pas la définition qui en a été donnée par l’ONU en 1973 dans sa résolution 3068 (...)
    Chaque semaine ou presque, de nouveaux programmes de logement sont annoncés en Cisjordanie ou à Jérusalem. Chaque semaine ou presque, des Palestiniens sont tués.

    (...) Selon l’ONU, un tiers des blessés au cours de l’année 2013 sont des enfants. (...) Comment appeler les restrictions imposées en zone C (62% de la Cisjordanie) qui, si elles étaient levées, permettraient d’augmenter le PIB de l’Autorité palestinienne de 35% selon la Banque mondiale ? Que faut-il conclure de la toute récente enquête de l’OCDE qui souligne qu’un Arabe sur deux vit sous le seuil de la pauvreté alors que le pourcentage est de un sur cinq pour les Juifs. Depuis 1948, date de la création d’Israël, aucune ville ni village arabe n’ont été construits alors que la population a été multipliée par dix et que 600 municipalités juives ont été créées. Plus d’une trentaine de lois-cadres « discriminant directement ou indirectement les citoyens palestiniens d’Israël » ont été répertoriées (...). Y a-t-il un terme pour caractériser les 600 kilomètres de routes réservées aux seuls colons en Cisjordanie, la bonne centaine de permis de type différent que doivent posséder les Palestiniens pour pouvoir se déplacer, des infrastructures séparées pour chaque communauté et leur cloisonnement pratiquement intégral ?

    Faut-il allonger la liste, donner des détails supplémentaires ? En octobre 1999, lors d’une visite à Gaza, Nelson Mandela avait invité les Palestiniens à ne pas renoncer, à poursuivre la lutte car, comme il l’avait souligné lors de sa libération « notre marche vers la liberté est irréversible. Nous ne pouvons pas laisser la peur l’emporter ». La peur, ce sentiment qui domine la politique israélienne et au nom duquel tout peut se justifier. Mandela l’avait compris. Yitzhak Rabin aussi. Il a été assassiné. Personne ne l’a remplacé. Et si Marwan Barghouti, leader du Fatah, emprisonné depuis onze ans, affirme que « l’apartheid a été vaincu en Afrique du Sud, il ne l’emportera pas en Palestine », on ne voit pas qui, pour le moment, va pouvoir y mettre un terme.