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    Sivens : un témoin affirme que les forces de l’ordre ont relancé les affrontements

    05 novembre 2014 | Par Jade Lindgaard

    Les gendarmes ont-ils relancé les affrontements qui ont entraîné la mort de Rémi Fraisse dans la nuit du 25 au 26 octobre sur le site du projet de barrage de Sivens ? C’est ce qu’affirme un nouveau témoignage recueilli par Mediapart, dans un récit qui diffère sensiblement de celui des autorités.

    Les forces de l’ordre ont-elles relancé les affrontements qui ont entraîné la mort de Rémi Fraisse, dans la nuit du 25 au 26 octobre ? C’est ce qu’affirme un nouveau témoin à Mediapart. Zac, 18 ans, jeune travailleur, se trouvait sur le site de la zone humide du Testet le samedi soir, après une après-midi de manifestation contre le barrage de Sivens et de heurts quasi-ininterrompus avec gendarmes et CRS. Son récit de la soirée et de la nuit du samedi au dimanche a les fragilités de tout témoignage mais il est en partie corroboré par d’autres éléments et d’autres manifestants. Zac se dit prêt à témoigner de ce qu’il a vu ce soir-là devant les enquêteurs et la justice.

    Vers 21 heures, « je suis sur le front », nous raconte-t-il mardi 4 novembre, « on allumait des feux pour faire une ligne de pression et on avançait vers les flics ». Selon lui, « il n’y avait pas d’attaque de notre côté, pas d’envoi de pétards, peut-être deux ou trois cailloux, mais ce n’était pas une attaque ». Au bout d’un moment, les gendarmes menacent de faire usage de gaz lacrymogène.

    « Et là ça s’est échauffé d’un coup : ils ont balancé une dizaine de grenades lacrymogènes et assourdissantes. Ca a volé de partout, et ça ne s’est plus arrêté jusqu’à 4 heures du matin ». Selon une source proche de l’enquête interrogée par Mediapart, quelque 400 grenades au total ont été utilisées dans la nuit du 25 octobre. Les opposants ripostent en envoyant des pierres et des « bâtons enflammés » selon Zac, mais pas de coktails Molotov, ni d’acide.
    Lieu de la mort de Rémi Fraisse, sur la zone humide du Testet (JL).Lieu de la mort de Rémi Fraisse, sur la zone humide du Testet (JL).

    Vers 1h30 du matin, Zac dit se trouver « tout prêt des gendarmes », à environ dix mètres, estime-t-il. Ceux-ci sont regroupés sur un terre-plein, entouré par un grillage, à l’extrémité de la zone déboisée, devant les restes d’un générateur et d’un algéco incendiés le vendredi soir. Ils sont séparés des manifestants par de profondes douves creusées dans la terre, encore visibles une semaine plus tard. « Il y avait un énorme fossé, on ne pouvait pas les assaillir, a expliqué par ailleurs une jeune-femme rencontrée sur place par Mediapart le 31 octobre. Ils n’étaient pas en danger. On ne pouvait pas les attaquer ».

    De l’autre côté de ces douves, plusieurs dizaines de contestataires se déplacent de gauche à droite. Certains allument des feux sur les flans boisés de la vallée, selon Christian, un jeune homme également présent cette nuit-là. Des gendarmes se cachent dans les arbres et envoient des tirs de flashball, selon le récit de cet autre témoin.

    Face aux gendarmes, Zac dit voir Rémi Fraisse, rencontré quelques heures plus tôt vers la métairie, une bâtisse de ferme occupée par les zadistes. Le jeune-homme se trouve avec un ami, « sans cagoule, sans rien dans les mains » selon Zac. « Des lacrymos et des assourdissantes sont lancées. J’entends des explosions. Dans le nuage de gaz, je vois Rémi tomber devant moi. Un copain essaie de le tirer par les jambes. Ce copain se fait tirer dans le dos par un LBD (« lanceur de balles de défense », un flashball à double canon, ndlr). On essaie de tirer le copain. Et là, on voit des policiers, des CRS, récupérer Rémi et le tirer par les bras sur cent mètres. Sa tête rebondit sur le sol. Ça se calme. Toutes les lumières s’éteignent. On ne voit plus rien ».

    Zac n’a pas vu de grenade tomber sur la victime et explique ne pas savoir faire la différence entre grenades assourdissantes et offensives : « Je n’en ai pas vu beaucoup ». En revanche, il se souvient que quand Rémi était au sol, « les CRS lui ont foutu deux, trois coups de tonfa (matraque équipée d’une poignée, ndlr) avant de le tirer ».

    Puis, selon la chronologie décrite par Zac, les gendarmes rallument alors les projecteurs posés sur les toits de leurs deux camions garés devant eux. « Et là, ils recanardent jusqu’à environ 4h30. J’ai attendu qu’ils partent ».
    Autel en hommage à Rémi Fraisse, sur la Zad (JL).Autel en hommage à Rémi Fraisse, sur la Zad (JL).

    Cette version des faits diffère sensiblement du premier récit fait par le procureur d’Albi, Claude Dérens, dimanche soir : « Les gendarmes ont repéré un corps gisant au sol, ils ont fait une sortie pour rapatrier la personne et la soigner ». Elle diffère aussi du scénario avancé par la préfecture, et révélé par RTL le 30 octobre, selon laquelle les gendarmes auraient « porté secours au jeune homme victime d’une plaie de dix à dix huit centimètres entre les omoplates » avant de constater son décès. Selon la dernière version de la préfecture, les gendarmes mobiles auraient immédiatement porté secours à la victime après avoir tiré, « et ce sous les projectiles, afin d’emporter son corps et lui donner les premiers secours ».

    Mais selon un autre témoignage recueilli par Arte Radio, « On était là. Ils nous chargeaient. Ils continuaient à charger pendant qu’ils ramassaient le mort. Ils ont fait venir les pompiers derrière notre dos et ils continuaient à nous charger quand même ».

    Des témoignages décrivent une agressivité particulière des forces de l’ordre à l’encontre des manifestants voulant aider les blessés lors de la nuit du 25 au 26 octobre. « Il y avait des gens qui secouraient les blessés, ils se sont fait tirer dessus au flashball » décrit un Zadiste rencontré par Mediapart. Une membre de la « legal team » de la Zad raconte avoir vu des personnes qui portaient secours à un opposant mal en point après avoir reçu une grenade, « se faire grenadifier et gazifier. C’est un des trucs les pires que j’ai vu. C’était révoltant ».

    Selon le témoignage d’Anna, la compagne de Rémi Fraisse, publié sur le site Reporterre : « Vers deux heures moins le quart, dans la nuit, des amis sont allés plus loin voir ce qui se passait. À leurs dires, ça avait l’air impressionnant, on entendait encore les explosions fortes. Rémi a voulu y aller. Le temps de faire le trajet, nous sommes arrivés sur les lieux des affrontements. Les flics tiraient en rafale. Le spectacle était très violent, l’ambiance très particulière, nous n’avions jamais vécu ça ». Puis « je l’ai vu partir d’un coup en criant « Allez, faut y aller ! » Il a commencé à courir devant. Il n’avait rien pour se protéger, il n’a pas mesuré ce qui l’attendait. Les flics ont tiré en rafale, je me suis écarté pour me mettre à l’abri. Quand je me suis retournée, Rémi n’était plus là ».

    Le déroulé précis de cette nuit dramatique reste à établir. Pour ajouter à la confusion, c’était une nuit de passage à l’heure d’hiver. Si bien que les souvenirs horaires des manifestants ne sont pas toujours clairs.

    Le 2 novembre, sur TF1, le capitaine qui a donné l’ordre d’utiliser les grenades offensives s’est justifié par la violence des « assaillants ». Il a indiqué que son escadron de 72 gendarmes mobiles a été la cible de « fusées de détresse, de fusées très puissantes assourdissantes, de tirs de mortier artisanaux et de bombes incendiaires avec de l’acide et de l’aluminium ». Après le tir de « plus de 200 grenades lacrymogènes », « la pression est telle » selon Denis Favier que les gendarmes passent aux grenades offensives. C’est l’une d’entre elles qui tuera Rémi Fraisse, atteint dans le dos vers 2 heures du matin.

    « Il faut savoir que lorsque le gradé lance sa grenade, il fait nuit, on bénéficie d’un éclairage sommaire et les assaillants sont très mobiles », a indiqué le capitaine de gendarmerie sur TF1. D’après plusieurs récits recueillis par Mediapart, ce soir-là, les gendarmes éteignaient et allumaient régulièrement leurs lumières (projecteurs, phares de camions, torches Maglite). Cette nuit-là, au moins cinq autres personnes ont été blessées parmi les zadistes, selon le décompte en cours de leur avocate. Il y aurait plusieurs blessés côté forces de l’ordre, sans qu’il soit possible d’obtenir des chiffres.