• Marseille du Nord au Sud - La Vie des idées
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    Minayo Nasiali démontre comment, dans cette construction par le bas d’une citoyenneté sociale, les « logiques de l’exclusion » – pour reprendre le titre d’un ouvrage de Norbert Elias – sont aussi nombreuses que discrètes. En premier lieu, les anciens résidents sont fréquemment hostiles aux nouveaux et réclament une priorité dans la mobilité résidentielle. C’est ainsi qu’Arnaud R., président de l’association des résidents de Saint Charles peut affirmer face aux habitants nouvellement installés : « Nous, les résidents, conscients de nos besoins et de nos droits, demandons l’éviction des nomades ».

    En deuxième lieu, les différences ethniques et raciales sont régulièrement réactivées, dans le contexte de la décolonisation comme dans les époques ultérieures, tant par les institutions que par les habitants eux-mêmes. Cela est vrai des politiques destinées à reloger les squatters : les familles métropolitaines sont envoyées vers des logements HBM ou HLM quand les familles « nord-africaines » sont davantage conduites vers les camps de Grand Bastide et de Grand Arenas. Cela est vrai également des politiques de suppression des bidonvilles. Quand les familles de Peysonnel sont étiquetées, classées et envoyées généralement dans des cités de transit, les résidents « nord-africains » sont qualifiés d’ « Algériens » ou vice versa : la nationalité devient un critère primordial de classement et de discrimination.

    En troisième lieu, l’affiliation politique joue plus précisément dans le cas marseillais : les résidents n’hésitent jamais à utiliser le patronage et bien des communistes se plaignent d’être déconsidérés dans leurs demandes, comme lors de l’effondrement de l’immeuble du quartier Saint-Lazare, le 26 juin 1960. Le système du « hochement de tête » et du « clin d’œil » – euphémismes par lesquels les Marseillais désignent le clientélisme – fonctionne à plein, bien que toujours nié par les hommes politiques.