Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • @arno Je me désole de tes dernières déceptions cinématographiques ( https://seenthis.net/messages/602521 ). Et c’est à cela que je pensais hier soir au cinéma où je suis allé voir, deux soirs de suite, deux films qui ont, un soir après l’autre, changé ma vision de la vie. Du coup je me dis que ce serait dommage que tu passes à côté.

    Le premier, les Fantômes d’Ismäel d’Arnaud Desplechin, voir la version longue absolument. Retour rapide sur une petite polémique. Arnaud Despechin a réalisé un chef d’oeuvre avec les Fantômes d’Ismaël, un chef d’oeuvre de deux heures et vingt minutes. Pour une raison qui n’appartient qu’à lui, il a soumis son film aux championnats du monde de cinéma, en ce qui me concerne, l’endroit idéal pour des essais nucléaires, Cannes fin mai. Et à Cannes où se pressent les autoproclamés amoureux du cinéma, leur chef, Thierry Frémaux (je suis hyper fâché avec les Thierry en ce moment, c’est hallucinant) a imposé que le film soit remonté en dessous de deux heures, 1H50, ce qui donne un film dont on ne cesse de me dire qu’il est à peine compréhensible. Comme il était hors de question que je mégote sur mon barril annuel de Desplechin j’ai fini par trouver une salle qui le passait en version longue, ça tombait bien, mon cinéma, le Méliès à Montreuil. Et là je me dis que toute personne qui exige qu’un tel joyau soit remonté est aussi saine d’esprit qu’un détraqué s’attaquant à la Joconde au cutter et mérite donc, l’asile.

    Les Fantômes d’Ismaël est une de ces narrations au long cours à la Desplechoin dans laquelle tous les fils , tous les spaghetti qui contribuent à constituer une expérience que l’on appelle l’existence humaine sont d’abord jetés en vrac dans une assiette et ensuite remués un bon moment, avant que l’on tente d’y voir un peu plus clair, bref une sorte de psychanalyse cinématographique, laquelle est soutenue par des images qui donnent le vertige tellement elles sont belles, avec notamment quelques mouvements de camera qui relève de la chorégraphie, évidemment c’est monté de façon admirable avec les effets habituels de vignette à la Desplechin pour les flashbacks , quelques effets de superposition absolument sublimes qui indiquent par endroits le maillage entre la fiction et le récit de la vie, et à tout cela on ajoute une véritable oeuvre d’art au milieu du film, une installation dans un grenier (à Roubaix, forcément à Roubaix) : la matérialisation des lignes de fuite de deux tableaux de la renaissance par des cordes grossières. Bref du grand art. @arno en sortant de ce film tu ne sauras même plus comment on épèle Ozon.

    Le deuxième film qu’@arno devrait aller voir pour se refaire un fond de l’oeil cinématographique, c’est Sayonara de Kôji Fukada. Film à l’admirable étrangeté, @arno, rien que pour te faire plaisir, j’ai trouvé un film pour toi avec une androide ! (intersection très improbable entre nos deux cinématographies, le premier Alien exclu). Cette Androide est handicapée et circule pendant tout le film en chaise roulante motorisée et prend des bains de soleil pour recharer ses batteries. Le personnage principal est une Sud Africaine qui parle le japonais, l’anglais et le français et qui se fait réciter de la poésie par son android en fauteuil roulant. C’est on ne peut plus #it_has_begun et rarement je n’ai vu au cinéma une aussi belle fin du monde.

    Merci qui ?