• Comment des policiers de Seine-Saint-Denis sont formés aux violences conjugales
    Louise Fessard
    https://www.mediapart.fr/journal/france/240418/comment-des-policiers-de-seine-saint-denis-sont-formes-aux-violences-conju

    Il demande aux fonctionnaires de « se mettre en situation de repérage » face à ces enfants, eux-mêmes auteurs d’infractions. « On ne peut pas leur reprocher leur violence à l’école, si on ne leur dit rien de la transgression majeure subie à la maison, si on ne leur dit pas d’abord “Ton père n’a pas le droit de battre ta mère”. » Dans 40 % des cas de violences conjugales, en plus de l’état de stress post-traumatique, les enfants sont eux-mêmes victimes de violences physiques ou sexuelles, martèle le juge, pour démonter l’idée que les maris violents puissent être de bons pères.

    Ces situations de violences familiales relèvent d’instances différentes : la justice pénale si la femme dépose plainte, la protection de l’enfance lorsqu’elle alerte l’assistante sociale, et le juge aux affaires familiales en cas de divorce. « Le problème est que ces trois couloirs sont étanches, pointe le juge. Mais on ne peut pas découper la vie des gens en tranches, on doit avoir présent à l’esprit que c’est un problème unique. »

    Un policier retraité, délégué à la cohésion police-population, s’interroge sur la fréquence des accusations d’atteintes sexuelles sur les enfants lors d’affaires de divorce. Édouard Durand réplique que sur 7 672 cas de maltraitance sur enfants signalés aux services sociaux, on compte seulement 4 % de fausses dénonciations (selon une étude canadienne). Ce chiffre s’élève à 12 % en cas de conflits pour la garde des enfants. « On ne peut pas travailler sur les violences conjugales sans aller rechercher nos représentations sur la famille, sur le rôle des parents, poursuit le juge. Le risque rationnel est de ne pas voir la violence subie qui se passe sous nos yeux. Mais nous avons la pensée irrationnelle inverse qui est le risque de trop voir la violence. Dans neuf cas sur dix, les violences conjugales demeurent inconnues de la justice. »

    Comme empli d’une colère froide, il décrit les « injonctions contradictoires » faites aux femmes victimes de violence. « On leur dit d’un côté de partir pour protéger les enfants et de l’autre qu’elles n’ont pas le droit de les priver de père. » Et pourquoi ne partent-elles pas ? « Parce qu’elles savent qu’elles risquent une extrême aggravation. » C’est souvent au moment des ruptures que les hommes violents passent à l’acte. « Dans la majorité des féminicides, l’homme tue sa femme après avoir exercé des violences, c’est l’aboutissement d’une logique d’appropriation. »