• Pourquoi Nokia ne veut plus lâcher Alcatel Submarine Networks
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    Suite à des évolutions technologiques et économiques, le géant finlandais des équipements télécoms ne veut plus se séparer du champion français des câbles sous-marins. Mais en face, la France veut toujours conserver cette société, à l’activité éminemment stratégique, dans son giron. Voilà pourquoi des discussions ont débuté entre l’opérateur historique Orange, BPIFrance et Nokia pour trouver un moyen de diversifier l’actionnariat d’ASN et d’assurer son avenir industriel.

    Pas question, désormais, de lâcher cette pépite ! Aujourd’hui, Nokia n’est plus disposé à vendre Alcatel Submarine Networks (ASN), un des leaders mondiaux des câbles sous-marins qu’il a récupéré en 2015, lors de son rachat d’Alcatel. Signe que le vent a tourné : au mois de janvier, La Tribune a indiqué que le géant finlandais des télécoms songeait à garder ASN sous sa coupe. Alors qu’à ce moment-là, Nokia négociait sa vente au petit équipementier français Ekinops (accompagné par BPIFrance et le fonds Aleph Capital). Trois mois plus tard, en avril, les négociations ont fini par capoter. Au grand dam de l’Etat français, qui dispose d’un droit de regard sur la vente d’ASN, et souhaite le renforcer à l’avenir. Et pour cause : les câbles sous-marins, où transitent 99% des communications intercontinentales, sont vitaux pour l’économie. Au cœur de l’Internet mondial, cette activité est aussi très sensible, et figure dans le collimateur des militaires et des espions.

    Récemment, Rajeev Suri, le PDG de Nokia, a confirmé qu’il voulait conserver ASN. Lors de la présentation des résultats trimestriels du groupe, le 25 avril, il a justifié cette position nouvelle par des changements sur le marché des équipements de réseaux optiques. Toutefois, il a dit « comprendre » que le gouvernement français ne veuille pas qu’ASN demeure à 100% sous la coupe de Nokia et appelle à un partage de son actionnariat. Pourquoi ? Tout simplement pour sécuriser une activité considérée comme souveraine pour la France.

    Mais pourquoi diable Nokia a-t-il changé son fusil d’épaule ? Selon deux sources proches du dossier, c’est la convergence technologique et économique entre les câbles sous-marins et les câbles terrestres qui explique ce revirement. Jusqu’à il y a peu, le marché des câbles sous-marins n’intéressait que des consortiums d’opérateurs. Comme ces infrastructures coûtent jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros, les Orange, Deutsche Telekom ou Telefonica commandaient leurs câbles ensemble, et en partageaient la propriété et la capacité. Mais l’arrivée des géants américains du Net (les GAFA Google, Amazon, Facebook et Amazon) a changé la donne.

    Ces acteurs aux poches profondes ont une problématique différente des opérateurs : ils veulent de plus en plus disposer de leurs propres câbles pour relier directement leurs data centers à travers le globe. Outre les câbles sous-marins, ils ont également besoin de câbles terrestres pour assurer la liaison avec leurs centres de données. Autrement dit, pour relier deux data centers enfoncés dans les terres entre les Etats-Unis et l’Europe, un acteur comme Google aura besoin d’un câble sous-marin transatlantique, certes, mais aussi de deux câbles terrestres sur chaque continent. « On comprend, dès lors la logique à considérer les problématiques maritime et terrestre dans leur ensemble », nous dit une source.