• Quand le #parc_Geisendorf s’appelait #Surinam

    En 1770, le long de la rue de Lyon, se trouvait le domaine d’un planteur genevois rentré de la #Guyane_hollandaise.

    Le parc Geisendorf est propriété municipale depuis 1931. Situé rue de Lyon, dans le quartier de la Servette, il est connu pour son école primaire et pour ses ombrages, dont ceux d’un fameux chêne vert au nombre des « arbres remarquables qui racontent Genève ». Ce parc public était l’immense jardin d’une maison de campagne jusqu’au krach de 1929 : la fin d’une époque pour les propriétaires de quelques-uns des anciens domaines du pourtour de la ville. L’un d’eux, et non des moindres, Beaulieu, qui abrite lui aussi une école à l’ombre de ses cèdres séculaires, était aux banquiers Chauvet jusqu’à la faillite de leur établissement au moment de la grande crise.

    Au 56, rue de Lyon, ce sont les descendants du commerçant en papeterie Charles Geisendorf et de sa femme Pauline Decrue qui cèdent Surinam à la Ville en 1931. Pourquoi Surinam ? Pourquoi ce nom emprunté au plus petit État d’Amérique du Sud, colonie néerlandaise jusqu’en 1975 ? Nous voilà partis pour un voyage à travers le temps et les océans. Jusqu’en 1769, un Genevois du nom de Jean-Zacharie Robin, né en 1723, vit dans ce petit pays baigné par les mêmes eaux que les deux Guyanes qui l’enserrent. Une dépendance tropicale de la Hollande où l’esclavage sévit avec une grande sévérité. Il n’y sera aboli qu’en 1863. Une pratique qui ne semble pas avoir retenu notre Robin de chercher fortune en ces lieux. Il y a créé un domaine près de Paramaribo – sans doute une plantation de café, d’indigo, de coton ou de canne à sucre – qu’il a appelé tout simplement « La Campagne ».

    Un colon à Châtelaine

    De retour d’Amérique, où son fils et les descendants de celui-ci continueront longtemps à exploiter, sinon à battre « La Campagne », Jean-Zacharie Robin achète aux Lucadou-Naville leur domaine de Châtelaine, délimité par la route de Lyon et les futures rues de la Poterie et Liotard. Ce sera 160 ans plus tard le parc Geisendorf. Aujourd’hui, le chemin Surinam, perpendiculaire à la rue de Lyon, entre la rue Lamartine et l’avenue Wendt, perpétue le nom choisi par Robin pour son domaine agricole. Ses successeurs gardent le même nom, d’abord Isaac-Louis Naville, auquel l’ancien colon a vendu son bien pour s’en aller du côté de Cologny, puis la sœur de Naville, madame Galiffe, avant Jean-André Melly, dont les héritiers vendent Surinam en 1883 à Charles Geisendorf. De l’époque des Naville, ou de madame Galiffe, morte en 1814, daterait le décor du grand salon de la maison de maître aujourd’hui disparue. Des boiseries sculptées et des moulures en stuc attribuées au décorateur Jean Jaquet, coqueluche des salons de la fin du XVIIIesiècle et du début du XIXe à Genève.

    « Je me souviens les avoir admirées quand la maison principale servait à des fins scolaires, se souvient l’arrière-petite-fille de Charles Geisendorf, Claire Honegger-Pallard. J’y ai donné des cours de piano et l’une de mes tantes Brun-Geisendorf m’avait conseillé de bien regarder l’intérieur de la maison. Elle y avait passé de nombreuses vacances mais pas moi, car je n’étais pas née quand Surinam a été vendu. »

    Pour se faire une idée des dimensions de la propriété et de l’emplacement des bâtiments qui s’y trouvaient, il faut se reporter aux indispensables plans et cartes en ligne sur internet. L’atlas cantonal de Mayer, des années 1828 à 1831, indique du bâti en T à Surinam, sans doute la maison de maître et ses communs tels qu’ils étaient encore quand Charles Geisendorf acquit le domaine. Aucune urbanisation en vue. Trois propriétés seulement sont ses voisines : la Servette, la Prairie et les Délices.

    Un peu plus tard, sur la carte Dufour datant de 1842, on distingue l’avenue qui menait de la rue de Lyon à la maison et à ses dépendances. Un petit pavillon près du portail permettait de guetter les visites ou simplement de se distraire en regardant passer les voitures. Plaisirs d’un autre âge… Ce pavillon est visible sur plusieurs photos en possession de Claire Honegger-Pallard, qui nous a aimablement permis de les reproduire ici. Le parc est vaste. Des prairies s’étendent autour de la maison, de la rue de la Poterie à la rue Liotard et jusqu’à la rue Lamartine. Un plan postérieur, la carte Siegfried de 1899, détaille trois bâtiments en plus du pavillon au bord de la route. D’autres maisons sont apparues sur le pourtour du fonds, suggérant qu’un morcellement a commencé. Le nom Surinam identifie tout le quartier en devenir, jusqu’à la route des Franchises. Nous voici en 1963, la carte a fait place à la photographie aérienne et seul demeure au bout de l’avenue un bâtiment allongé, qui est la maison de maître aux boiseries de Jean Jaquet. Elle ne résistera pas aux exigences du projet d’aménagement du groupe scolaire de Geisendorf. Des travaux échelonnés entre 1952 et 1969 qui aboutissent à la réalisation des cinq bâtiments actuels.

    https://www.tdg.ch/quand-le-parc-geisendorf-sappelait-surinam-319045994828
    #Suisse #colonialisme #passé_colonial #toponymie #toponymie_politique #histoire #Genève #chemin_du_surinam #noms_de_rue

    Chemin de Surinam :

    –----

    Ajouté à la métaliste sur la #Suisse_coloniale :
    https://seenthis.net/messages/868109

    ping @simplicissimus @albertocampiphoto