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« vivere vuol dire essere partigiani » Antonio Gramsci

  • Filmer la force publique, ou le refus de la supériorité policière
    par André Gunthert


    http://imagesociale.fr/9128

    Dans une grande majorité de cas, l’enregistrement vidéo ne tient pas les promesses de la sousveillance. Ce que montre en revanche la séquence du contrôle des Misérables est une situation au présent, où ce ne sont pas les images produites, mais le geste même de filmer qui est perçu par les policiers comme une entrave à leur action. Il faut revenir sur le jeu de rôle mis en place par l’opération policière, et comprendre que son sens est celui de la manifestation d’un pouvoir par l’excès du recours à la force – intimidation, tutoiement, violences, menaces… – et simultanément par la soumission des contrôlés à ces comportements. Ce qu’on appelle le « maintien de l’ordre » dans les quartiers est plutôt la mise en scène et la performance toujours répétée de la supériorité policière, qui donne à tous confirmation que « force reste à la loi ».

    Dans cette scénographie réglée, le recours au smartphone constitue une brèche et un danger par le rétablissement d’un équilibre en faveur du contrôlé. Filmer l’événement introduit certes la menace d’une potentielle visibilité publique, mais elle restitue d’abord pour l’objet du contrôle un statut de sujet de droit. Filmer, c’est mobiliser un droit constitutionnel et mettre en balance l’action du contrôle avec son réexamen par une autorité supérieure. Cette neutralisation de la supériorité policière abolit ce qui fait le sens du maintien de l’ordre, et fait apparaître l’acte de filmer comme une rébellion. C’est pour cette raison que les forces de l’ordre tiennent tant à y faire obstacle.