Sandburg

Développeur, col blanc en T-shirt noir.

  • Fermeture des murs anti inondations à la Nouvelle-Orléans
    https://www.youtube.com/watch?v=eu3hEtCiUOU

    Lorsque l’on conduit vers l’est depuis La Nouvelle-Orléans, on arrive dans cette zone marécageuse traversée par l’autoroute, puis on tombe sur ce mur de métal spectaculaire. Il est équipé de portes qui se ferment quand la tempête arrive.
    C’est très dramatique, très médiéval : on annonce qu’à telle heure les portes se fermeront. Et derrière, il y a ces communautés qui sont du mauvais côté du mur. C’est une manifestation visible de ce qui nous attend avec le réchauffement climatique.
    ~~Nathaniel Rich

    • De ce que je comprends, c’est un système qui n’est pas destiné à bloquer les gens, mais à limiter l’impact des inondations pour éviter une nouvelle Katrina (c’est-à-dire une métropole de plusieurs millions d’habitants totalement inondée).

      Là j’ai l’impression que le gars s’indigne, avec la même logique de prétendre que les digues installées aux Pays-Bas ont pour but de condamner le reste de l’Europe en cas de montée des eaux, alors que pour les Hollandais ce serait les grand luxe.

    • « Le mur de béton de La Nouvelle-Orléans est une manifestation visible de ce qui nous attend avec le réchauffement climatique »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/09/14/nathaniel-rich-la-nouvelle-orleans-est-associee-a-l-histoire-mais-d-une-cert

      Deux semaines après que l’ouragan Ida a frappé La Nouvelle-Orléans, l’essayiste et journaliste Nathaniel Rich, spécialiste des questions environnementales, décrit une ville à l’avant-poste du réchauffement climatique.

      Nathaniel Rich a marqué l’histoire du journalisme américain en publiant en 2018 un reportage qui a occupé l’intégralité d’un numéro du New York Times Magazine : « Perdre la Terre : une histoire de notre temps » (en France, les éditions du Seuil en ont publié en 2019 une version française). Cette enquête revient sur une décennie d’inaction politique, entre 1979 et 1989, face à une crise climatique pourtant déjà avérée.

      Son deuxième livre, Second Nature (non traduit, Farrar, Straus and Giroux, 304 pages, 22 euros), raconte, en dix essais, un monde « postnaturel » dans lequel rien n’est proprement « sauvage », et où ce que nous appelons « nature » ne saurait désormais se passer de l’homme. Habitant de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, Nathaniel Rich a répondu à nos questions depuis l’Alabama, où il s’était réfugié avec sa famille en attendant le rétablissement de l’électricité.

      L’ouragan Ida, de catégorie 5, la plus sévère, a frappé La Nouvelle-Orléans, le 29 août, soit seize ans, jour pour jour, après Katrina. Comment la ville a-t-elle changé entre-temps ?

      Des milliards de dollars ont été investis pour construire un système de barrière anti-inondation à la pointe de la technologie, qui se voit depuis l’espace. Un mur ceint désormais la ville. Lorsque l’on conduit vers l’est depuis La Nouvelle-Orléans, on arrive dans cette zone marécageuse traversée par l’autoroute, puis on tombe sur ce mur de béton spectaculaire. Il est équipé de portes qui se ferment quand la tempête arrive. C’est très dramatique, très médiéval : on annonce qu’à telle heure les portes se fermeront. Et derrière, il y a ces communautés qui sont du mauvais côté du mur. C’est une manifestation visible de ce qui nous attend avec le réchauffement climatique.

      Le gouvernement fédéral a dû tracer une ligne quelque part et a choisi, pour un certain nombre de raisons, de dire que c’est là qu’elle se trouverait. Et, bien sûr, après la tempête, les gens qui vivent derrière la porte ont été gravement affectés, et ceux de l’intérieur s’en sortent plutôt bien. Donc, il n’y a pratiquement pas eu d’inondation à La Nouvelle-Orléans, ce qui est assez incroyable.

      Au-delà de La Nouvelle-Orléans, toute la côte du golfe du Mexique concentre des installations industrielles à haut risque.

      Une grande partie des plates-formes pétrolières du pays sont dans le golfe du Mexique. Il y a une concentration énorme d’industries chimiques sur le Mississippi, connue sous le nom de Cancer Alley [la zone du cancer], qui est mise en danger par la montée du niveau de la mer et les ouragans. Donc, c’est un énorme problème de sécurité nationale.
      L’évaluation préliminaire des dégâts donne une idée de l’énorme quantité de dommages environnementaux que l’ouragan Ida va sûrement causer. Les gens signalent des flammes, de la fumée, des traînées de pétrole dans les cours d’eau, il y a des panaches de fumée noire provenant de ces horribles usines où l’on ignore ce qu’il se passe. On ne peut qu’imaginer l’horreur des dommages environnementaux causés par toutes ces installations industrielles situées sur la trajectoire d’ouragans majeurs.

      Après avoir longtemps vécu à New York, vous vous êtes récemment installé à La Nouvelle-Orléans. Pourquoi avoir fait ce choix ?

      C’est en partie par amour pour la ville : c’est un endroit unique, dont l’identité a été forgée à partir d’un sentiment de précarité, depuis sa fondation en tant que colonie française, il y a trois cents ans. Les ouragans ne sont qu’une partie des fléaux, il y a eu des pestes terribles, le terrain est extrêmement inhospitalier, le Mississippi débordait tout le temps, il y a eu des incendies dramatiques… La ville est depuis toujours sous la menace constante de l’anéantissement. Je pense qu’une grande partie de la culture, de la beauté et de l’émerveillement qu’elle suscite tient à cette conscience de vivre dans un monde fini.

      En même temps, sur un plan plus pratique, la ville est en fait assez bien protégée. Il y a eu plus de victimes d’Ida à New York qu’en Louisiane. Bien sûr, si vous vivez à l’extérieur du mur, c’est une autre histoire. Mais La Nouvelle-Orléans est dans cette forteresse maintenant. Et elle est très douée face aux catastrophes. Le terme de « résilience » est presque devenu une insulte tellement il a été utilisé pour embobiner les habitants, mais c’est vrai que, face aux tragédies, les communautés se rassemblent, elles savent se remettre. Les digues peuvent toujours céder à nouveau, j’ai confiance en eux. New York, à bien des égards, n’a pas les mêmes ressources.

      Vous évoquez dans votre livre la notion de « nature lag », en référence au « jet lag » : nous voyons partout des signes du désastre à venir, mais notre esprit n’est pas encore aligné.

      C’est un autre élément qui rend la ville intéressante : nous voyons les choses comme elles sont, nous n’avons pas à convaincre qui que ce soit du changement climatique. Tout le monde sait que chaque saison d’ouragans pourrait être la dernière. La Nouvelle-Orléans est associée au passé, à l’histoire mais, d’une certaine façon, c’est une ville du futur. Nous sommes déjà en paix avec le risque extrême et l’imprédictibilité du futur. Ce n’est pas vraiment le cas dans le reste du pays.

      Par ailleurs, vivre à La Nouvelle-Orléans, c’est vivre dans un environnement entièrement fait par l’homme [la ville a été construite sur des marais]. On a l’impression d’être dans la nature, mais on est aussi pleinement conscient que tout de ce qui paraît « naturel » a été mis là à dessein. Et donc, les habitants de La Nouvelle-Orléans n’ont aucune illusion sur ce sujet. D’une certaine manière, c’est aussi inhabituel, du moins en Amérique, où les gens ont des points de vue plus passéistes sur le « naturel » et le « non-naturel ».

      Depuis le XIXe siècle, la tradition environnementaliste américaine voit la nature comme un refuge à l’industrialisation. Une vision romantique qui a présidé à la création de réserves naturelles et de parcs nationaux, et qui s’est avérée contre-productive, écrivez-vous. Pourquoi ?

      Une des leçons fondamentales de l’écologie, c’est que des parcelles de nature sauvage isolées les unes des autres sont vouées à dépérir. Le monde entier est en quelque sorte à l’image de La Nouvelle-Orléans : il n’y a pas un centimètre cube d’atmosphère que nous n’avons pas reconfiguré par notre activité.

      Nous avons déterminé où nous devrions avoir des réserves, des champs ou des forêts. Nous arrivons seulement maintenant à un moment où nous reconnaissons collectivement qu’il n’y a rien de naturel dans ce que nous persistons à appeler le monde naturel. L’étape suivante est encore un peu difficile à envisager pour les gens, y compris les défenseurs de l’environnement : il nous faudra admettre qu’un écosystème menacé demande des soins intensifs continus, comme tout patient dans un état critique.

      La question n’est plus de savoir comment retrouver le monde que nous avons perdu, mais plutôt de savoir quel monde nous voulons créer à sa place. Il y a beaucoup d’exemples à La Nouvelle-Orléans. Nous sommes entourés de magnifiques marécages que l’on pourrait croire d’une nature virginale, qui ont en fait été créées par des ingénieurs au cours des dix dernières années. Pour penser sérieusement à comment aller de l’avant, nous devons nous détacher de ces vieux idéaux romantiques de la nature, et comprendre qu’ils étaient faux et autocentrés.

      « Dark Waters », l’un des essais qui figurent dans votre dernier livre, a été adapté en film. Les droits de votre premier livre ont été achetés par Apple pour en faire une série. Comment percevez-vous cet appétit des studios pour le sujet ?

      Il est lié au fait que personne à Hollywood n’a vraiment compris comment faire un bon film sur le changement climatique. C’est un problème auquel sont également confrontés les romanciers et, dans une certaine mesure, les journalistes : tout ce qui s’écrit sur le sujet tend à l’être avec le désir de motiver les gens à agir. Ce genre d’écriture est important, et certainement nécessaire sur le plan politique, mais il ne permet pas de raconter de bonnes histoires. Le message est prédéterminé – « vous devriez vous intéresser à ce sujet », « vous devriez voter de cette façon » – , et donc il n’y a pas la tension dramatique d’une histoire classique.

      Avec Second Nature, je voulais raconter des histoires sur des problèmes liés au changement climatique et à l’environnement avec une certaine tension dramatique et morale, et où qui sont les gentils et les méchants n’est pas forcément clair. Mon livre Perdre la Terre a reçu beaucoup d’attention à Hollywood parce que c’était une nouvelle façon d’aborder le sujet. Ce n’est pas une pure histoire de désastre dystopique.

      Ce n’est pas la fin du monde. Et ce n’est pas non plus le sauvetage de la planète. C’était plutôt l’histoire de personnes confrontées à des problèmes majeurs qui les obligeaient à reconsidérer leur façon de voir le monde et les mettaient en difficulté non seulement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan personnel. Et je pense qu’il y a un énorme désir de la part du public d’essayer de réfléchir à ces questions d’une manière plus profonde et personnelle.
      Il ne s’agit pas seulement de parler du traité de Paris. Il s’agit de réfléchir à comment on fait des enfants dans un tel contexte. Comment choisir l’endroit où nous devrions vivre ? Comment tout cela affecte-t-il notre vie quotidienne ? Ce sont ces questions avec lesquelles nous devons nous débattre. Et je pense que la littérature permet cette introspection et cette réflexion plus profonde.

      #écologie #climat

    • Oui, mais de ce que j’en comprends, c’est la multiplication des ouragans qui préfigure le réchauffement climatique lui-même. Les digues et les systèmes de « flood control » sont bien plus anciens.

      La ville est construite sous le niveau de la mer, et entourée par le fleuve Mississippi et le lac pontchartrain. Katrina a provoqué la rupture de digues géantes, d’où l’inondation dramatique de la ville.

      Du coup, je vois évidemment bien le rapport de l’inondation suite à Katrina avec le dérèglement climatique. Mais les digues qui ceinturent la ville sont antérieures, elles ne sont pas en elles-mêmes une conséquence du réchauffement climatique. Si j’ai bien compris, les premiers grands travaux liés aux « flood control acts » successifs démarrent à la fin des années 1930. Alors que l’entretien du Monde commence en évoquant un mur qui ceinture la ville depuis après Katrina, comme s’il n’y avait pas déjà des digues immenses auparavant.

      Et donc, les portes des digues, très dramatiques, très médiévales, qui séparent les communautés, qui préfigurent ce que sera le réchauffement climatique, je vois le rapport, mais je trouve que c’est tiré par les cheveux.