• Irlande du Nord : Michelle O’Neill, issue du Sinn Fein, élue officiellement première ministre
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    Michelle O’Neill, au palais de Stormont, siège de l’Assemblée d’Irlande du Nord situé à Belfast, le 3 février 2024. PETER MORRISON / AP

    La vice-présidente du parti nationaliste Sinn Fein est devenue samedi la première cheffe de gouvernement républicaine de la province britannique. Une décision historique.

    Le Monde avec AFP
    Publié aujourd’hui à 17h07

    Michelle O’Neill est devenue officiellement, samedi 3 février, la première républicaine, favorable à l’unification de l’Irlande, à prendre la tête du gouvernement nord-irlandais. Cette élection marque une étape historique pour la province britannique dominée pendant des décennies par les unionistes, et au passé marqué par trois décennies de conflit sanglant.

    La cheffe de file du Sinn Fein nord-irlandais, âgée de 47 ans, a été désignée première ministre après le redémarrage des institutions de la province, boycottées depuis deux ans par les unionistes pour s’opposer aux dispositions commerciales post-Brexit, qu’ils dénonçaient comme une menace pour la place de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni.

    En 2022, Michelle O’Neill avait porté au sommet le Sinn Fein, ancien bras politique du groupe paramilitaire de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) [on disait plutôt l’inverse, mais bon], qui a remporté des élections locales, du jamais-vu en Irlande du Nord. Mais il a fallu attendre près de deux ans pour qu’elle puisse prendre la tête du gouvernement, car les unionistes, attachés à la place de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni, bloquaient l’assemblée locale à Belfast. Elle avait notamment remporté l’élection en mettant en avant les thèmes du quotidien, comme l’amélioration des services de santé en Irlande du Nord.

    « Un jour historique »

    Devant les élus réunis au palais de Stormont samedi, Michelle O’Neill a salué « un jour historique », une « nouvelle ère », et a promis une assemblée « pour tous », rappelant qu’il aurait été « inimaginable pour la génération de [ses] parents » qu’un nationaliste dirige l’exécutif local.

    A son arrivée à Stormont, la cheffe du Sinn Fein pour toute l’île d’Irlande, Mary Lou McDonald, a estimé que le gouvernement nord-irlandais ne « pouvait pas être entre de meilleures mains ». « C’est une victoire pour tout le monde aujourd’hui, la démonstration que l’égalité et l’inclusion sont à l’ordre du jour », a-t-elle ajouté.

    En vertu de la cogouvernance issue des accords de paix de 1998, l’unioniste Emma Little-Pengelly (attachée au maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni) a été choisie comme vice-première ministre.

    Une nouvelle génération entrée en politique

    Michelle O’Neill incarne une nouvelle génération entrée en politique après l’accord de paix du Vendredi saint, en 1998, qui a mis fin à trente années de violences entre nationalistes, principalement catholiques et favorables à la réunification de l’île d’Irlande, et loyalistes, essentiellement protestants, attachés au maintien de la province sous la couronne britannique.

    Rompant avec la tradition républicaine, elle a assisté en septembre 2022 aux funérailles de la reine Elizabeth II puis au couronnement de Charles III, en mai 2023. Elle est particulièrement appréciée des jeunes pour ses idées de gauche, face aux unionistes aux positions conservatrices sur des sujets comme l’avortement.

    Michelle O’Neill a remisé au second plan l’objectif historique du Sinn Fein, la réunification de l’Irlande. En 2019, au congrès du parti, elle avait déclaré que « la question [n’était] plus de savoir si, mais quand se tiendra le référendum sur la réunification ». Mais son discours est désormais plus modéré, qualifiant mercredi la partition d’« échec pour tous les habitants de l’île » : « Notre peuple a été contraint de vivre dos à dos au lieu de vivre côte à côte ». Elle a appelé à un débat « inclusif », sur les identités britannique et irlandaise, « tous ensemble ».

    Des mois de négociations

    Après des mois de négociations avec le gouvernement britannique, les unionistes du Democratic Unionist Party (DUP) avaient annoncé leur décision cette semaine de mettre fin à leur boycott. Celui-ci entraînait la paralysie de l’Assemblée et de l’exécutif local, où le pouvoir est partagé entre les unionistes – attachés au maintien de l’Irlande du Nord dans le giron britannique – et les républicains.

    Evoquant le difficile chemin parcouru, le chef du DUP, Jeffrey Donaldson, a fait valoir que son parti avait « apporté le changement que beaucoup décrivaient comme impossible ». Il a salué une « bonne journée pour l’Irlande du Nord », où « notre place au sein du Royaume-Uni et son marché intérieur est respectée et protégée ».

    Un argumentaire loin de convaincre les unionistes les plus durs, à l’instar de Jim Allister (TUV, Traditional Unionist Voice), pour qui l’Irlande du Nord reste « dirigée en bonne partie par des lois étrangères », celles de l’UE.
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    Le Monde avec AFP