• N’oublions pas les tsiganes

    Pour résumer, dès 1940 les nomades français (vanniers, forains, commerçants ambulants, artistes de cirque, musiciens ambulants…) étaient interdits de circuler pour éviter qu’ils ne deviennent des agents ennemis ou qu’ils nuisent aux mouvements des troupes. Ces interdictions de circulation prenaient la forme de résidence surveillée puis de camps allemands pour nomades.

    Sous le Gouvernement de Vichy, les camps de Salieri, Rivesaltes, le Barcarès, Argelès-sur-Mer et Lannemezan ouvrent leurs portes aux nomades français ; ils sont placés sous l’administration française. On recense alors entre 3000 et 6000 le nombre de Tsiganes internés dans ces camps pour nomades français. Les conditions de vie dans ces camps étaient les mêmes que celles dans les camps de concentration. De nombreux Tsiganes mouraient de maladies, de la malnutrition ou de leurs blessures.

    Ce n’est qu’en 1946, soit un an après la fin de la guerre ou deux ans après la Libération que les derniers Tsiganes quittent les camps français. L’argument de l’époque : l’administration voulait recenser le nombre de nomades et contrôler leur identité… La vie en dehors des camps de concentration français n’a pour autant pas été plus clémente avec les Tsiganes qui étaient victimes de délation, d’accusations ou de persécutions par les autorités. Constatant la confiscation et le vol de leurs biens et la privation de leurs droits, les Tsiganes ont vu naître une méfiance vis-à-vis des institutions françaises. Aujourd’hui, le devoir de mémoire pour mettre fin au malaise de l’histoire.

    http://www.liberation.fr/debats/2015/01/27/n-oublions-pas-les-tsiganes_1190007

  • Chronique d’un « #Charlie », couille molle ordinaire, Thomas Misiaszek, #citoyen européen - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2015/01/20/chronique-d-une-couille-molle-ordinaire_1184556

    Après l’électrochoc des attentats, qu’est-ce que j’ai l’intention de faire maintenant ? Soyons honnêtes : rien. (...)
    Dans les années 2000, ambiance de fin de soirée, le 11 septembre, les attentats de Madrid, de Londres, ça commence à sentir le roussi. Mais bon, même si le FN au deuxième tour des élections présidentielles a réussi à mobiliser pour une manif une partie des couilles molles comme moi, on s’est toujours senti relativement libre de ne rien foutre. Et aujourd’hui, la force de l’#habitude a pris le pas sur le #volontarisme.

    Ce n’est bien sûr pas la seule raison de mon état d’esprit. En plus de ces facteurs exogènes, sociologiques ou historiques, s’ajoute un certain fatalisme simpliste. Celui-ci consiste à croire que la couille-mollitude existera toujours, de même que les méchants, de même que les héros. Il convient donc d’attendre que les héros gagnent contre les méchants et d’en profiter, en bon passager clandestin. Ce raisonnement ne résiste bien sûr pas à la critique. C’est pourtant une des bases indéfectibles de la #résignation.

    Oui, il aurait pu dire "les assis" au lieu de couille molle, mais c’était, j’imagine, pour... consonner avec le style Charlie.

  • Trois mots pour les morts et pour les vivants - Libération
    http://www.liberation.fr/debats/2015/01/09/trois-mots-pour-les-morts-et-pour-les-vivants_1177315

    Etienne Balibar

    Imprudence. Les dessinateurs de Charlie Hebdo ont-ils été imprudents ? Oui, mais le mot a deux sens, plus ou moins aisément démêlables (et, bien sûr, il entre ici une part de subjectivité). Mépris du danger, goût du risque, héroïsme si l’on veut. Mais aussi indifférence envers les conséquences éventuellement désastreuses d’une saine provocation : en l’occurrence le sentiment d’humiliation de millions d’hommes déjà stigmatisés, qui les livre aux manipulations de fanatiques organisés. Je crois que Charb et ses camarades ont été imprudents dans les deux sens du terme. Aujourd’hui que cette imprudence leur a coûté la vie, révélant du même coup le danger mortel que court la liberté d’expression, je ne veux penser qu’au premier aspect. Mais pour demain et après-demain (car cette affaire ne sera pas d’un jour), je voudrais bien qu’on réfléchisse à la manière la plus intelligente de gérer le second et sa contradiction avec le premier. Ce ne sera pas nécessairement de la lâcheté.

    Jihad. C’est à dessein que pour finir je prononce le mot qui fait peur, car il est temps d’en examiner toutes les implications. Je n’ai que le début d’une idée à ce sujet, mais j’y tiens : notre sort est entre les mains des musulmans, si imprécise que soit cette dénomination. Pourquoi ? Parce qu’il est juste, bien sûr, de mettre en garde contre les amalgames, et de contrer l’islamophobie qui prétend lire l’appel au meurtre dans le Coran ou la tradition orale. Mais cela ne suffira pas. A l’exploitation de l’islam par les réseaux jihadistes - dont, ne l’oublions pas, des musulmans partout dans le monde et en Europe même sont les principales victimes - ne peut répondre qu’une critique théologique, et finalement une réforme du « sens commun » de la religion, qui fasse du jihadisme une contrevérité aux yeux des croyants. Sinon, nous serons tous pris dans le mortel étau du terrorisme, susceptible d’attirer à lui tous les humiliés et offensés de notre société en crise, et des politiques sécuritaires, liberticides, mises en œuvre par des Etats de plus en plus militarisés. Il y a donc une responsabilité des musulmans, ou plutôt une tâche qui leur incombe. Mais c’est aussi la nôtre, non seulement parce que le « nous » dont je parle, ici et maintenant, inclut par définition beaucoup de musulmans, mais aussi parce que les chances d’une telle critique et d’une telle réforme, déjà ténues, deviendraient carrément nulles si nous nous accommodions encore longtemps des discours d’isolement dont, avec leur religion et leurs cultures, ils sont généralement la cible.

    • Mais aussi indifférence envers les conséquences éventuellement désastreuses d’une saine provocation : en l’occurrence le sentiment d’humiliation de millions d’hommes déjà stigmatisés, qui les livre aux manipulations de fanatiques organisés.

      Personnellement je parle même d’irresponsabilité : nombreux sont ceux qui les ont appelés à être plus « prudents » ces dernières années, ils n’en ont pas tenu compte.
      Je ne leur fais pas de procès supplémentaire, je suis triste pour eux.
      Le fait qu’au moment du drame ils aient cru à des pétards et que le garde du corps de Charb n’ait pas réagi semble montrer qu’on n’envisageait pas une telle attaque (moi le premier). Que des dessins aient une telle portée semble absurde, mais on doit s’y résigner.

      J’espère sincèrement que tous ceux qui usent de leur liberté d’expression pour toucher les masses comprendront bien ce qui est du ressort de leur responsabilité.
      Dès qu’on intervient dans la sphère publique, qu’on soit une entreprise un chroniqueur ou un humouriste, on a une responsabilité sociale.
      On a beau s’adresser à des adultes, l’humilité doit nous apprendre qu’on n’est pas forcément cablé pareil. Le « j’ai raison, c’est pas ma faute s’il le prend mal » doit être proscrit.
      Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas militer, moi même je me bagarre ts les jours pour faire évoluer les mentalités à mon humble niveau. Simplement j’alerte sur les limites de la « provocation » comme technique d’expression militante.
      Enfin je dis qu’on ne peut ignorer la logique communautaire et la dimension psychologique dans la critique de l’islamisme, car l’émancipation, ça ne peut venir de l’intérieur.
      Je ne vois pas comment une communauté peut s’émanciper à la demande d’une communauté voisine qui l’invite à évoluer en égratignant son orgueil.
      On ne peut que déclencher un raidissement, pas un assouplissement.
      Penser aider les musulmans en caricaturant le prophète quand on est confortablement installé dans un bureau occidental, c’est au mieux du paternalisme contre-productif, c’est le baiser du serpent pour les musulmans qui luttent dans leur communauté contre le pouvoir religieux.

      Oui il va falloir gagner en subtilité..

      Il y a donc une responsabilité des musulmans, ou plutôt une tâche qui leur incombe. Mais c’est aussi la nôtre, non seulement parce que le « nous » dont je parle, ici et maintenant, inclut par définition beaucoup de musulmans, mais aussi parce que les chances d’une telle critique et d’une telle réforme, déjà ténues, deviendraient carrément nulles si nous nous accommodions encore longtemps des discours d’isolement dont, avec leur religion et leurs cultures, ils sont généralement la cible.