Agression à la Mutinerie : la justice condamne la victime pour s’être défendue

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  • Justice Complice | Marcia
    http://retard-magazine.com/justice-complice

    Il était 9h34, la juge est entrée, on s’est levé, j’ai rigolé parce que ça faisait comme dans les films. Et puis les audiences ont commencé à défiler, les unes après les autres, la notre était à la fin, on est resté assises jusqu’à 12h47. La personne que j’accompagnais, casier vierge, s’est pris 5 mois de prison avec sursis pour s’être défendue contre un mec homophobe qui l’avait agressée physiquement dans la rue devant son lieu de travail. Source : Retard Magazine

  • Bordeaux : Décédé après avoir été battu à coups de talon par une jeune femme
    http://www.20minutes.fr/bordeaux/1981123-20161215-bordeaux-homme-battu-jeune-femme-tram-decede

    L’homme, sans doute en état d’ébriété, avait importuné la jeune femme, le 2 décembre dernier dans le tramway, au niveau de la place de la Victoire. Celle-ci avait violemment réagi en le faisant chuter à terre et en s’acharnant sur lui à coups de talon au niveau de la tête.

    Sérieusement blessé, l’homme d’une trentaine d’années avait été hospitalisé. Il n’a pas survécu à ses blessures et est décédé cette semaine, nous apprend Sud Ouest.

    La jeune femme avait été mise en examen pour tentative de meurtre et écrouée. Les faits pourraient être requalifiés en homicide ou en coups mortels selon les résultats de l’autopsie.

    Je n’approuve pas l’homicide commis par cette femme. Je met ce fait divers ici pour voir si il y aura une circonstance aggravant ou si d’éventuels troubles post traumatiques serons pris en compte dans son procès et sa condamnation. Je relève au passage le choix de l’expression « avait importuné la jeune femme » qui me semble être un euphémisme pour ne pas pas dire « avait harcelé sexuellement la jeune femme » ou « avait agressé sexuellement la jeune femme »

    Je met aussi en parallèle la très lourde condamnation de cette lesbienne qui en 2014 avait riposter physiquement à une agression lesbophobe et pour laquelle cette circonstance n’a pas été pris en compte au moment du procès.
    http://yagg.com/2014/04/09/agression-a-la-mutinerie-la-justice-condamne-la-victime-pour-setre-defendue

    #violences #homicide #fait_divers #victimes #violences_des_femmes

    • Ici un texte comparant le traitement médiatique de ce fait divers et celui des féminicides :
      http://simonae.fr/au-quotidien/actualite/pardon-avoir-talon-achille

      Dans le cas de la jeune femme bordelaise, le ton est radicalement différent. Pas de tournures passives pour elle : on parle bien de ses actions.

      « Celle-ci l’aurait poussé au sol, puis frappé à plusieurs reprises »

      « Celle-ci avait violemment réagi en le faisant chuter à terre et en s’acharnant sur lui »

      Les actes sont décrits et elle en est le sujet. Contrairement à l’autre cas, qui ne les décrit qu’avec un « Une jeune femme […] après avoir été volontairement percutée par son compagnon ». Le vocabulaire utilisé n’est pas ce qu’on pourrait s’attendre à voir dans un fait divers : « violemment réagi » « s’acharner »… Des mots qui insistent particulièrement sur la violence de l’agression, alors que le fait divers est censé être factuel, d’une, et de deux, le deuxième cas arrive à garder un ton plutôt neutre, qui minimise la notion de violence, alors qu’il décrit littéralement un meurtre tout aussi brutal sans motif, contrairement à la jeune femme qui était harcelée.

      Ou, comme le dit l’article, « importunée ». Importuner est un verbe qui a pour synonymes « agacer », « déranger », « ennuyer », et même « distraire ». Son utilisation n’est absolument pas anodine. On minimise ainsi les faits : un homme en état d’ébriété harcelait une jeune femme, ou plus. Le harcèlement de rue pouvant très vite passer d’un « tu me passes ton numéro ? » aux menaces de mort lorsque l’homme en question est sobre, on se doute que la situation n’était pas aussi simple que les
      articles veulent faire croire.

      Qui plus est, les deux articles mettent en évidence la disproportion de sa réaction : « il l’a juste draguée un peu et elle l’a tuée violemment, s’est acharnée sur lui », c’est le message qui en ressort. Ce n’était pas une réaction défensive, mais un meurtre de sang-froid. Le vocabulaire utilisé suscite ainsi l’émotion. L’injustice. La colère.

      Du côté du 20 minutes, on retrouve bien un « motif » pour le meurtre de la jeune femme, mais on tombe encore une fois dans le fameux drame conjugal.

      Différend amoureux
      Selon une source proche du dossier, le jeune homme aurait d’abord voulu faire passer son acte pour un accident avant de reconnaître les faits. « On s’oriente vers une qualification criminelle de meurtre », a précisé le magistrat, indiquant que le parquet de Libourne devrait être rapidement dessaisi au profit du parquet de Bordeaux.

      Les motifs exacts de ce drame restent pour l’heure inconnus mais la piste du différend amoureux semble privilégiée. L’enquête a été confiée à la brigade de recherches de la gendarmerie de Libourne.

      Un « différend amoureux ». Tout comme la « dispute », fréquemment utilisée dans le cadre des homicides conjugaux, le différend répartit les torts. Puisque c’est quelque chose que l’on fait à deux, la victime est en partie responsable. Les violences et meurtres commis par des hommes sur leur conjointe sont fréquemment justifiés par les émotions violentes. Ne pouvant supporter une rupture ou un conflit, il l’a tuée, parce que les hommes « ne savent pas gérer leurs émotions ». Notez au passage que la disproportion des réactions des hommes dans ces articles n’est pas utilisée contre eux : elle est même généralement utilisée par leurs avocats pour insister sur la détresse du meurtrier, et souvent par les journalistes pour créer de l’empathie, consciemment ou non.

      #vocabulaire #langage