Que vous inspire le niveau de destructions opérées dans Gaza ?
En sociologie des conflits, on parle de « transfert de risque ». Cela signifie que des troupes d’une armée régulière opérant contre un groupe armé dissimulé au sein de la population, obligées de minimiser leurs pertes, transfèrent le risque qui pesait sur elles sur l’ennemi, y compris sur les civils.
Ce que les Américains et les Britanniques ont commencé à faire dans les dernières décennies, c’est de transférer le risque. Par exemple, en opérant des bombardements massifs à distance. C’est pratique, si l’on veut, mais ce n’est pas soutenable, du point de vue de la légitimité de l’action. Il faut donc tenter de relégitimer les opérations militaires conduites ainsi.
Il y a plusieurs méthodes pour tenter d’y parvenir. L’une d’entre elles consiste à décrire votre ennemi comme ne méritant pas d’être protégé, et impliquant qu’il n’est pas nécessaire d’établir une distinction entre combattants et civils. Les Américains ont tenté cela, en Irak et en Afghanistan, et ils ont arrêté en comprenant que c’était une erreur. Ce que font les Israéliens, c’est brouiller toute distinction, en sous-entendant que le Hamas, Gaza et les terroristes tueurs du 7 octobre, c’est un peu la même chose.
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Quelle aurait pu être l’alternative ?
Peut-être tirer un avantage du cessez-le-feu [il a débuté vendredi 24 novembre au matin pour une durée de quatre jours] pour dire : très bien, voici nos exigences, nous voulons stopper les hostilités à la condition, par exemple, que l’Autorité palestinienne prenne le contrôle de Gaza, avec ou sans notre aide, dans l’idée de bâtir une solution à deux Etats. C’est le moment d’avoir un plan. Sinon la guerre va se poursuivre dans les mêmes conditions. Personnellement, je souffre de voir ce que nous faisons à Gaza.
Ce contexte n’est-il pas un facteur qui menace, à terme, la stabilité d’Israël ?
Bien sûr, ce qui est à l’œuvre, c’est la construction politique du futur, liée à la manière dont se définira notre sécurité. Pour commencer, il faut pouvoir traiter avec une entité politique en mesure de gouverner l’enclave. La grande peur, c’est de se retrouver avec Gaza sans direction, sous le contrôle de milices, comme Mogadiscio en Somalie. Il est encore temps de changer d’approche. Nous n’avons pas le choix : il faut trouver un accord avec l’Autorité palestinienne pour administrer la bande. Il faut aussi cesser de détruire Gaza et de tuer des milliers de gens.