• La carte de la #mémoire statuaire par Christian Grataloup - Sciences et Avenir

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    Les pratiques mémorielles collectives les plus courantes ne coutent pas bien cher. Il suffit de nommer. Plutôt que de numéroter les rues ou les établissements (scolaires, hospitaliers, militaires, etc.), on leur donne un nom, le plus souvent celui d’une personne, décédée de préférence. La dépense se limite à quelques plaques. On retrouve aussi ces dénominations sur les papiers à en-tête ou les cartes de visites, dans la mesure où subsistent encore ces pratiques prénumériques. Quel effet cela a-t-il pour le souvenir du (rarement de la) disparu(e) ? Très certainement peu de choses. Beaucoup de résidents ignorent qui était l’illustre dont leur adresse porte le patronyme et avouent souvent ne pas même s’être posé la question. Habiter avenue des tilleuls ou rue Gambetta ne change rien à la vie quotidienne ou aux représentations qu’on se fait de sa propre géographie. Littéralement, le plan de la ville n’est pas une carte-mémoire.

    #traces #statues #déboulonage

    • Les #pratiques_mémorielles collectives les plus courantes ne coutent pas bien cher. Il suffit de nommer. Plutôt que de numéroter les rues ou les établissements (scolaires, hospitaliers, militaires, etc.), on leur donne un #nom, le plus souvent celui d’une personne, décédée de préférence. La dépense se limite à quelques #plaques. On retrouve aussi ces #dénominations sur les papiers à en-tête ou les cartes de visites, dans la mesure où subsistent encore ces pratiques prénumériques. Quel effet cela a-t-il pour le souvenir du (rarement de la) disparu(e) ? Très certainement peu de choses. Beaucoup de résidents ignorent qui était l’illustre dont leur adresse porte le #patronyme et avouent souvent ne pas même s’être posé la question. Habiter avenue des tilleuls ou rue Gambetta ne change rien à la vie quotidienne ou aux représentations qu’on se fait de sa propre #géographie. Littéralement, le plan de la ville n’est pas une carte-mémoire.

      "Ah, s’il avait pu ne pas exister, celui-là !"

      Je me souviens avoir, il y a plus de quarante ans, enseigné dans un collège (un CES alors) de ce qui était la banlieue rouge. La municipalité communiste lui avait donné le nom de #Marcel_Cachin. Lorsque la vie politique française du XXe siècle figurait dans les programmes, je me faisais un devoir de citer l’homme politique communiste, longtemps directeur de L’Humanité. Je n’ai jamais rencontré un élève qui en avait au préalable une vague connaissance. Pourtant, cela faisait moins de vingt ans qu’il était décédé et l’environnement politique local aurait pu favoriser ce culte du héros. L’ignorance était aussi profonde dans l’établissement voisin baptisé (si j’ose dire) Eugénie Cotton. Chose amusante, il est plusieurs fois arrivé que des élèves s’écrient : "ah, s’il avait pu ne pas exister, celui-là !". On pourrait imaginer une dystopie où il serait possible d’effacer le passé, ce qui ferait disparaître tous les lieux portant le nom évanoui. L’abolition historique générant l’abolition géographique. L’amnésie gommant la carte.

      En supprimant une statue, ne serait-on pas quelque peu dans un processus de même nature, mais inversé ? Effacer la #matérialisation d’une mémoire, ce n’est plus, bien sûr, la glorifier, mais ce n’est pas non plus montrer quelles nuisances, quelles souffrances elle avait occultées. Passé le bref moment de satisfaction qu’apporte le sentiment d’avoir infligé une juste punition, comment pourra-t-on rappeler au quotidien ces nuisances et ces souffrances ? En érigeant d’autres statues, jusqu’à ce que plus tard d’autres mécontentements finissent par les prendre pour cibles, soit par regret des #célébrations antérieures, soit, plus probablement, parce que les personnages ou les actes célébrés apparaissent trop tièdes, trop ambigus. Ce sont les actuelles mésaventures de #Victor_Schœlcher, dont les représentations n’ont d’autres buts que de rappeler l’abolition de l’#esclavage (sinon, qui se souviendrait de cet assez modeste personnage politique du XIXe siècle ?), raison qui lui a valu d’être, avec #Félix_Eboué, panthéonisé en 1949 (et sa tombe fleurie par Mitterrand en 1981).

      Contextualiser et non effacer

      La colère qui aboutit au renversement d’une statue est d’aujourd’hui. Ce ne sont pas les comptes du passé qui sont réglés, mais des souffrances bien contemporaines qui s’expriment. S’attaquer à la mémoire des traites négrières et de leurs acteurs hurle la blessure constamment rouverte du racisme subi au quotidien. Mais en tentant de changer la mise en scène du passé – qui ne passe pas, selon la formule consacrée -, c’est la mémoire qui risque de disparaître, pas le racisme présent qui n’a nul besoin de profondeur historique.

      De fait, tous les historiens et autres spécialistes de sciences sociales ne cessent de dire qu’il faut avant tout contextualiser et non effacer. Bien sûr, je ne peux y manquer. Mais je contenterai d’un seul critère de mise en situation : éviter de réduire une personne et sa statue à une symbolique marginale dans ce qu’elles peuvent représenter. En 2005, la célébration du bicentaire de la victoire d’Austerlitz a avorté. Cela pouvait se comprendre par refus d’une exaltation militariste et impérialiste. Mais le grand reproche fait alors à Napoléon a été d’avoir rétabli l’esclavage aux colonies trois ans avant la bataille. Ce retour en arrière sur un acquis majeur de la Révolution, même s’il n’avait guère eu d’effet concret, est évidemment un acte honteux. Mais ce n’est vraiment pas pour cela qu’on a érigé des statues de l’empereur. La situation est la même pour la figure du roman national la plus honnie aujourd’hui : Jean-Baptiste Colbert. On peut le détester pour les mêmes raisons qui ont fait réinventer son personnage par la 3ème République : le fait qu’il soit un maillon essentiel dans la chaîne des bâtisseurs de l’Etat central. Le roman national en faisait un modèle à suivre pour les petits écoliers, en vantant sa capacité de travail : l’imagerie le montrait entrant dans son bureau très tôt le matin et se frottant les mains pour exprimer son plaisir de voir d’énormes piles de dossiers à travailler. Le colbertisme n’a que marginalement à voir avec le Code noir dont la haine dont il est l’objet témoigne d’abord d’une totale décontextualisation. Certes, il vaut mieux prendre des symboles qui tiennent la route et Christiane Taubira a très justement tranché sur la mémoire de Colbert en insistant sur les raisons toutes autres de sa célébration. Sacrifier la statue qui trône devant l’Assemblée nationale (d’ailleurs une copie) n’aurait pas grand sens et n’aboutirait qu’à provoquer d’inutiles divisions.

      Les oubliées, les opprimées, les minoritaires

      L’ancien contrôleur général des finances de Louis XIV connaît ainsi un bref moment de « popularité » qui n’a pas grand rapport avec la patrimonialisation généralisée dans laquelle nous baignons depuis au moins trois décennies. Dans un monde où toute ancienne usine, toute petite zone humide, toute vieille ferme est célébrée comme un lieu de mémoire si sa destruction est envisageable, ne resterait-il que les statues qu’il faudrait effacer ? Alors que, dans l’ensemble, on ne leur prête généralement aucun intérêt et que même ceux qui passent régulièrement devant elles ne s’y intéressent pas le moins du monde. Une solution est aujourd’hui souvent prônée : ériger nouvelles statues célébrant les oubliées, les opprimées, les minoritaires. Vu que l’immense majorité de la statuaire publique (et encore, compte non tenu des monuments aux morts militaires) représente des hommes blancs, souvent vieux, la tâche est impressionnante, digne d’une relance économique hyper-keynésienne. Mais les sommes monumentales (désolé, le jeu de mot est tentant) nécessaires ne seraient-elles pas mieux employées à remettre à flots les hôpitaux publics ? Il est vrai que ce serait sans doute un facteur de réindustrialisation, les bronziers ayant largement disparu du territoire national.

      Lorsque le président sénégalais #Abdoulaye_Wade a voulu ériger sur les #collines_des_Mamelles, près de #Dakar et face à l’Atlantique, l’énorme groupe statuaire qu’est le monument de la #Renaissance_africaine (52 mètres de haut, en bronze et cuivre), un seul pays s’est montré capable de relever le défi technique : la Corée du Nord. Statufier les mémoires est chose difficile. Deux passés particulièrement douloureux, la Shoah et les traites négrières se livrent à ce qu’il est convenu d’appeler une concurrence mémorielle. Des lieux ont pu être ainsi fabriqués, ainsi la maison des esclaves de Gorée où sans doute peu d’esclaves sont passés, mais peu importe. D’autres subsistent, comme la cité de la Muette à Drancy qui fut l’antichambre d’Auschwitz. Neuf juifs sur dix déportés de France passèrent par le camp de Drancy. En 2006 une sorte de jumelage mémoriel fut mis en place entre les municipalités de Gorée et de Drancy avec l’érection de deux groupes statuaires, un dans chaque lieu, réalisés par deux artistes guadeloupéens, Jean et Christian Moisa. Mais les deux célèbrent la fin de l’esclavage, pas la libération des camps.

      Finalement, la statue la plus durable serait celle qui n’a pas de corps. Grace aux déboulonnages opérés durant l’occupation pour fournir des métaux rares aux Allemands, ont longtemps subsisté sur bien des places de France, des socles vides, pourvu néanmoins d’une plaque. La solution a été adoptée pour un des très récents ensembles de statues érigées à Paris : le monument aux 549 soldats français morts en #Opex inauguré le 11 novembre 2019 par le président Macron. Le cercueil porté par les 6 soldats de bronze est non seulement vide, mais il n’existe pas. La statue idéale.

      #statues #Christian_Grataloup #toponymie_politique #effacement #contextualisation

      ping @albertocampiphoto @isskein

  • Questions d’#identité dans les #Balkans du XXe siècle

    L’ensemble de ce numéro est consacré à des articles nés de colloques, de varia ou des comptes rendus tous liés à des phénomènes humains. La première partie est axée sur les témoignages, témoignages de femmes résistantes ou déportées pendant la décennie 1940 dans les Balkans, des existences jetées par l’histoire dans des situations exceptionnelles, un « Malgré-nous » mosellan qui se retrouve dans les montagnes albanaises, une paysanne roumaine jetée en Sibérie, une jeune fille contrainte à « prendre la montagne » puis à rejoindre l’URSS avant de réussir à retrouver la France, des femmes qui « choisissent » la collaboration horizontale en Serbie... Nous retrouvons dans une seconde partie les questions identitaires en particulier à Chypre et en Macédoine avec des textes rares sur la République de Chypre du Nord et l’imbroglio identitaire macédonien du XXe siècle.

    Éditorial

    Joëlle Dalègre
    Questions d’identité dans les Balkans du XXe siècle… [Texte intégral]

    Narrations de soi, récits littéraires et identité

    Maria Thanopoulou
    Mémoire de la #survie et survie de la #mémoire [Texte intégral]
    Mémoire orale de la Seconde Guerre mondiale en #Grèce
    Memory Survival and Survival of Memory, Oral Memory of WWII in Greece
    Alexandra Vranceanu Pagliardini
    Du Journal de #Mihail_Sebastian au Retour du #hooligan : une vie de #Norman_Manea [Texte intégral]
    L’évasion dans la république des lettres
    From Mihail Sebastian’s Journal 1935-1944 : The Fascist Years to Norman Manea’s The Hooligan’s Return : A Memoir : the Escape to the Republic of Letters
    De la Jurnalul lui Mihail Sebastian la Întoarcerea huliganului de Norman Manea : evadarea în republica literelor
    Evelyne Noygues
    Le périple en #Albanie d’un « Malgré-nous » mosellan [Texte intégral]
    The trip in Albania of one “Malgré-nous” from Moselle
    Udhëtimi në Shqipëri e një « Malgré-nous » mosellan
    Hélène Lenz
    #Déportation d’une famille paysanne roumaine en #Sibérie (1941-1945) [Texte intégral]
    Deportation in Siberia of a Rumanian Peasant Family (1941-1945)
    Primele etape ale deportării în Siberia a unei familii de țărani din Bucovina în 1941
    Katina Tenda‑Latifis
    Témoignage : #Katina_Tenda‑Latifis [Texte intégral]
    Partisane, exilée, exportatrice de vins grecs et écrivain
    Testimony : Katina Tenda Latifis, Partisan, Exiled, Greek Wines Exporter and Writer
    Odette Varon‑Vassard
    Voix de #femmes [Texte intégral]
    Témoignages de jeunes filles juives grecques survivantes de la #Shoah
    Women’s Voices : Testimonies of Greek Jewish Women Who Survived the Shoah
    Γυναικείες φωνές : Μαρτυρίες Ελληνοεβραίων γυναικών που επέζησαν από τη Shoah
    Loïc Marcou
    La Shoah à #Salonique dans l’œuvre de l’écrivain #Georges_Ioannou [Texte intégral]
    The Holocaust in Salonika in the Work of the Writer Georges Ioannou
    Το Ολοκαύτωμα στη Θεσσαλονίκη στο έργο του συγγραφέα Γιώργου Ιωάννου
    Nicolas Pitsos
    Les noces de sang macédoniennes ou comment marier fiction et histoire dans le roman Que demandent les barbares de #Dimosthénis_Koúrtovik [Texte intégral]
    Macedonian Bloody Wedding or How to Match Fiction and History in Dimosthenis Kurtovic’s Novel What the Barbarians are Looking For
    Ο ματωμένος Μακεδονικός γάμος ή πώς παντρεύονται μυθοπλασία και ιστορία στο μυθιστόρημα Τι ζητούν οι βάρβαροι του Δημοσθένη Κούρτοβικ

    Discours politique, historiographie et identité

    Christina Alexopoulos
    Nationalisme d’État, #répression des #minorités linguistiques et revendications identitaires [Texte intégral]
    Le cas du #macédonien dans la Grèce des années 1930 et 1940
    State Nationalism, Repression of Linguistic Minorities and Identity Claims : the Case of the Macedonian Language in Greece during the 30’ and 40’
    Isabelle Dépret
    #Islam hétérodoxe et #christianisme en Grèce [Texte intégral]
    Tabous, #identités_religieuses et #discours nationaux
    Heterodox Islam and Christianism in Greece : Taboos, Religious Identities and National Discourse
    Ετερόδοξο Ισλάμ και Χριστιανισμός στην Ελλάδα : Ταμπού, θρησκευτικές ταυτότητες και εθνικός λόγος
    Ljubinka Škodrić
    Intimate Relations between Women and the German Occupiers in Serbia 1941-1944 [Texte intégral]
    Relations intimes entre des femmes et des occupants allemands en #Serbie, 1941-1944
    Alexandre Lapierre
    Identité nationale et relations communautaires à travers l’œuvre poétique de #Kóstas_Montis [Texte intégral]
    National Identity and Communities Relations through the Poems of Costas Montis
    Mathieu Petithomme
    Mémoire et politique à #Chypre_du_Nord [Texte intégral]
    Les usages des #célébrations_patriotiques et des #manuels_scolaires par le #nationalisme turc
    Memory and Politics in Northern Cyprus : Patriotic Celebrations and School Textbooks as used by Turkish Nationalism
    Η Μνήμη και τα πολιτικά στην Βόρεια Κύπρο : Πατριωτικές τελετές και σχολικά εγχειρίδια όπως χρησομιποιούνται από τον τούρκικο εθνικισμό
    Mathieu Petithomme
    Système partisan et évolution des clivages politiques à Chypre du Nord (1974-2014) [Texte intégral]
    Party System and Evolution of the Political Cleavages in Northern Cyprus (1974-2014)
    Κομματικό σύστημα και εξέλιξη των πολιτικών διαιρέσεων στην Βόρεια Κύπρο (1974-2014)

    http://ceb.revues.org/8064
    #revue #Chypre #littérature
    via @ville_en

  • La foire aux « causes faciles »...

    Celebrating causes: Dies irae

    Every cause has its day, whether deserved or not

    http://www.economist.com/news/international/21567057-every-cause-has-its-day-whether-deserved-or-not-dies-irae

    World Toilet Day was on November 19th. World Television Day has just passed. International Civil Aviation Day is on December 7th and International Mountain Day comes four days later. (...)

    No means exist for purging the calendar of causes when their day is done. And the whims of UN decision-making mean that, though 264 days are free of an observance, others are overloaded. March 21st, for example, requires some contortions for the conscientious: they must simultaneously celebrate Nowruz, eliminate racial discrimination, care about Down’s syndrome and exalt poetry.

    Any takers for World Apathy Day?

    #causes_faciles #ONU #célébrations