• Le policier qui a éborgné Laurent Theron acquitté | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1671115456-policier-eborgne-laurent-theron-acquitte-justice-violences-m

    Le policier Alexandre M. a été acquitté par la cour d’assises. Il était jugé pour la grenade de désencerclement qui a éborgné Laurent Theron lors d’une manifestation en 2016. La cour a invoqué la légitime défense, malgré des vidéos contraires.

    Cour d’assises de Paris sur l’île de la Cité – Il est plus de 20 heures ce mercredi 14 décembre quand le verdict tombe : « Acquitté. » Le brigadier-chef Alexandre M., jugé depuis trois jours pour avoir éborgné le syndicaliste Laurent Theron en 2016, repart libre de la cour d’assises. Alors que l’avocat général avait demandé « deux à trois ans » de prison avec sursis et une interdiction de port d’armes pendant cinq ans, ou que la partie civile ne voulait pas de prison mais une « révocation » du policier, la cour a estimé qu’Alexandre M. avait agi en état de légitime défense . Tout de suite, des soutiens du mutilé dans le public crient et commencent à chanter :

    « Police partout, justice nulle part. »

    « Vous détruisez des vies », « Grâce à vous, ils vont continuer », lancent-ils à l’égard de la cour qui plie bagage rapidement. Comme Alexandre M., qui s’efface via une porte dérobée. Une vingtaine de gendarmes se placent au milieu du public, répartis entre les pro-Laurent et les policiers. Les agents partent en premier pendant que les autres continuent de chanter. Certains pleurent. « C’est la démonstration de l’impunité. Rien d’autre » , lance à une justice qui a quitté les lieux Cédric D., membre du collectif contre les violences d’État Désarmons-les.

    À côté, Laurent Theron est dépité. « On y a cru, on a cru au Père Noël au final » , souffle-t-il à son avocate, maître Lucie Simon. Face aux autres, il ne sait « pas quoi dire ». Avant l’audience, il avait déclaré à StreetPress qu’envoyer « un policier aux assises, c’est déjà une victoire », vu le peu de fois où c’est arrivé. Ce sentiment n’existe plus quand il quitte le tribunal de l’île de la Cité.

    Une vidéo combattue

    Dans cette affaire, outre le fait qu’Alexandre M. n’était pas habilité au lancement de la grenade de désencerclement (GMD) et qu’il n’avait pas été formé au maintien de l’ordre, comme StreetPress le racontait avant le procès, l’IGPN a surtout noté qu’ « aucun groupe hostile ni danger imminent n’était perceptible » lors du lancement de la grenade. L’inspection s’est basée sur des vidéos au moment où Laurent Theron a été éborgné (dont celle ci-dessous, projetée à l’audience). Une version que maître Laurent-Franck Liénard – l’avocat favori de la police – s’est attelé à démolir au bazooka verbal durant trois jours. Face au premier enquêteur de l’IGPN, il attaque :

    « Vous dites qu’il n’y a pas d’individus hostiles au moment où le policier lance sa grenade. Est-ce que vous les avez cherchés ? »
    Face au deuxième, il est encore plus direct :
    « Vous avez le sentiment de bien avoir fait votre boulot ? »
    À un expert en balistique qui avait eu le malheur de dire qu’il n’y avait pas beaucoup de monde en face d’Alexandre M. lors de son lancer, l’avocat s’énerve :
    « Vous n’y étiez pas, vous voyez ce qu’on vous a montré dans une vidéo de quatre secondes. »

    Un amoncellement de témoignages policiers

    Ses remarques provoquent l’acquiescement des dizaines de policiers présents derrière lui. Parmi eux, il y a le secrétaire général d’Alliance, Fabien Vanhemelryck, ou celui d’Unité SGP Police Grégory Joron, qui est venu bavarder avec le prévenu. Linda Kebbab, la déléguée nationale de ce syndicat, a aussi squatté les bancs. D’anciens collègues du prévenu sont également là. Dès le premier jour, certains tombent dans l’injure. Lorsque l’enquêteur de l’IGPN passe devant la cour, plusieurs témoins auraient entendu des policiers chuchoter :

    « Lui, ce n’est pas un collègue, c’est un bâtard. »
    Quelques-uns auraient également traité maître Lucie Simon, l’avocate de Laurent Theron, de « conne ». « Qu’elle ferme sa gueule », auraient soufflé des agents.

    Le deuxième jour, six policiers sont entendus tour à tour. Loin de ne parler que du moment où la grenade a été jetée, à 16h53, ils reviennent sur l’ensemble de la manifestation, marquée par des affrontements entre les forces de l’ordre et certains groupes. Deux pandores ont été touchés par un jet de cocktails Molotov. Le commissaire Alexis M. parle lui d’une « nuée » de ces engins incendiaires. « C’était destiné à nous tuer », assure Sébastien C., supérieur du brigadier-chef Alexandre M. « J’ai vu des collègues brûler. On était plus dans un climat de peur », soutient Jérôme P. Le commandant Léon R. décrit d’une « journée violente du début à la fin ». Un autre commissaire évoque des « nébuleuses violentes ». En face, maître Liénard demande rhétoriquement à un policier :

    « Vous pensez que vous méritez de mourir pour avoir défendu l’ordre public ? »
    « Condamner mon client, c’est castrer tous les CRS. »

    Et lorsqu’on aborde la question du lancer de la grenade d’Alexandre M. à 16h53, la situation ne serait pas différente. « Pour moi, la menace est toujours présente », dit le second du commandant. « C’est toujours hostile », indique son supérieur, tandis qu’un CRS de la compagnie estime qu’ils sont « pris à partie de manière éloignée ». Le commissaire Alexis M. va même jusqu’à justifier la grenade par des lancers de pavés. « Menteur », crie-t-on dans la salle. Le gradé réitère quand on revoit la vidéo des faits, où les projectiles sont invisibles. Face à ces propos, maître Lucie Simon est « stupéfaite » :

    « Alors que vous n’étiez pas là et que vous n’avez jamais dit ça avant, vous nous dites de manière très certaine que les bonds offensifs de la CRS 07 sont justifiés par des jets de pavés. »


    Le brigadier-chef a formulé des excuses envers Laurent Theron. Il a aussi décrit son parcours de policier : 20 ans dans la brigade de nuit d’un commissariat. Il est devenu CRS deux semaines avant d’éborgner Laurent Theron / Crédits : Anaële Pichot

    (...)

    Nadia Sweeny remarque
    https://seenthis.net/messages/983445

    L’évolution du taux de poursuites [ des policiers accusés de violences] reste stable autour de 16 %. Une augmentation sensible a cependant eu lieu en 2016 – 22 % des auteurs signalés étaient poursuivis – probablement dû à la mobilisation contre la #loi_travail.

    Avec l’affaire Théron, tout se passe comme si même dans le cas de plaignants plus insérés, syndiqués, militants, obstinés, l’impunité policière devait rester inentamée, y compris avec un dossier pourri pour le brigadier auteur des faits, des témoignages de collègues contradictoires quant aux circonstances de son acte, et un réquisitoire du procureur demandant à la cour d’entrer en voie de condamnation.

    https://seenthis.net/messages/983077

    #Laurent_Théron #police #justice #violences_d’Etat #maintien_de_l'ordre #légitime_défense présumée et confirmée #impunité_policière #jurés #justice_populaire #fascisation

    • reste la possibilité que le parquet fasse appel, comme seul il en a le pouvoir... un policier qui utilise une GLD alors qu’il n’est pas habilité, qu’il n’en a pas reçu l’ordre, qui la lance avec un tir en cloche, alors que les circonstances, établies par des vidéos et une partie des témoignages de ses propres collègues (!) n’en justifient en rien l’usage, c’est énorme, et c’est une occasion rêvée de faire comme si des limites légales avaient effectivement cours. mais le proc n’avait même pas jugé bon de requérir la révocation, peine visée à titre principal par Laurent Théron. si honneur de la police il y eut, celui de rares rétifs au régime de Vichy, ou celui des fachos qui s’en réclamèrent des décennies plus tard, il n’y a probablement plus rien à défendre sur ce terrain.

    • Procès 1312 : suite à l’acquittement du flic éborgneur, les mots de la rage
      https://paris-luttes.info/proces-1312-suite-a-l-acquittement-16498

      Nous rassemblons dans cet article trois textes écrits à chaud par des personnes ayant assisté aux trois jours d’audience de la cour d’assises de Paris qui a finalement acquitté le CRS mutilateur — reconnu coupable mais exonéré de sa responsabilité pour « légitime défense » !

      .... Mais plus grave encore, cette négation à l’encontre de Laurent, syndicaliste, l’a été plus encore par l’absence des syndicats dans leur ensemble à ce procès. Cela démontre une fois de plus ce manque de courage politique, voire même une tacite complicité avec l’État dans la conduite de cette guerre sociale qu’on nous inflige par des lois certes républicaines mais anti démocratiques.

      Encore une fois, ils se tirent une balle dans le pied, ...

  • Un policier jugé aux assises pour avoir éborgné un manifestant à Paris 

    .... Depuis 2016, Laurent Théron a subi cinq opérations chirurgicales, de longs arrêts maladie et des dizaines de rendez-vous médicaux. Il décrit de lourdes « difficultés physiques, psychologiques, financières et professionnelles ». Mais aussi sa découverte des « violences d’État, policières et judiciaires ».
     
    « Obtenir un procès est déjà une victoire, commente-t-il aujourd’hui. La règle, c’est le non-lieu et la criminalisation de la victime, qui l’aurait “bien cherché”. Je l’ignorais. Il y a des centaines de victimes avant moi et des milliers de complices : ceux qui commettent les violences et ceux qui les couvrent, les valident, les défendent. »

    Pour son avocate, Lucie Simon, « Laurent Théron aimerait que la cour d’assises rompe le cercle de l’impunité policière. Il a bien conscience que c’est la responsabilité individuelle d’un policier qui va être recherché dans un contexte précis. Mais c’est aussi l’occasion d’interroger la dangerosité de l’arme qui l’a mutilé, et qui peut aussi tuer »

    « Alexandre M. a agi de sa propre initiative »

    Dans leur ordonnance de renvoi, rendue en mai 2019, les juges d’instruction Matthieu Bonduelle et Carine Rosso concluent qu’Alexandre M. a agi « hors de tout cadre légal et réglementaire ».
    Ils considèrent que son geste, « disproportionné au regard de la situation », n’était « justifié ni par la légitime défense, ni par l’état de nécessité » puisque le policier et sa compagnie « n’étaient ni assaillis, ni encerclés, ni même réellement pris à partie » au moment des faits. « Alexandre M. a agi de sa propre initiative, sans recevoir d’ordre de quiconque, contrairement à ce qu’exige la doctrine d’emploi de cette arme » pour laquelle il ne disposait d’aucune habilitation, ajoutent-ils. 

    Le policier a fait appel de son renvoi devant les assises, qualifié par le syndicat Unité SGP Police de « décision politique » à l’époque. En janvier 2021, la chambre de l’instruction a intégralement conforté l’analyse des juges et maintenu le procès aux assises, contre l’avis du parquet. 

    L’enquête, ouverte dès le lendemain des faits et confiée à l’IGPN, a permis d’établir la chronologie précise d’une manifestation houleuse. Dans l’après-midi, des bouteilles, pavés, pétards et cocktails Molotov volent en direction des policiers et gendarmes, qui dénombrent quinze blessés, dont un CRS brûlé à la jambe. Aux alentours de 16 h 30, les forces de l’ordre enchaînent plusieurs « bonds offensifs » pour reprendre le contrôle de la place de la République, avant une relative accalmie. 

    Depuis la salle de commandement de la préfecture de police, le commissaire Alexis Marsan ordonne de procéder aux sommations réglementaires pour disperser les derniers manifestants. Entre 16 h 46 et 16 h 51, le commissaire Paul-Antoine Tomi relaie ces consignes sur le terrain : il tire trois fusées rouges. Comme en témoignent plusieurs vidéos versées au dossier, la place est en cours d’évacuation quand Laurent Théron est touché, à 16 h 53. 

    Plusieurs manifestants sont témoins de la scène. L’un d’entre eux voit « le bras d’un policier sortir d’une ligne de CRS et jeter une grenade en l’air », ce qui sera corroboré par l’enquête. Un autre décrit l’explosion, « à un mètre de distance » de la victime, après « un rebond ». Tous sont surpris par cette grenade, lancée à un moment où la situation paraît stabilisée. Plusieurs policiers auditionnés s’étonnent également du geste de leur collègue et s’en désolidarisent. 

    Grâce aux images, l’IGPN parvient à identifier à quelle compagnie appartient le tireur : la CRS 07, basée à Deuil-la-Barre (Val-d’Oise). Trois de ses membres ont déclaré un usage de grenade ce jour-là, dans le fichier dédié à cet effet. Parmi eux, Alexandre M., le seul gaucher, s’est signalé à sa hiérarchie. 

    Face aux enquêteurs puis devant le juge, le policier reconnaît être l’auteur du tir qui a blessé Laurent Théron. Mais il soutient avoir agi en légitime défense, alors qu’une foule hostile jetait des projectiles et qu’il venait d’être touché au bras, juste avant de riposter. Seul hic : ni ses collègues ni les images ne confirment sa version. Une autre compagnie était bien aux prises avec des manifestants sur la place, à sa droite, mais hors de sa portée. La victime se trouvait quant à elle sur sa gauche, à quatorze mètres. 

    Comme le procureur, les juges d’instruction ont écarté la légitime défense. Ils ont néanmoins exploré une autre piste : peut-être qu’Alexandre M. a obéi à un ordre de sa hiérarchie. Lui-même a esquissé cette hypothèse. Une heure plus tôt, alors que des cocktails Molotov avaient été lancés sur les forces de l’ordre, le capitaine de sa compagnie aurait donné l’instruction orale d’utiliser les grenades « en cas de danger ». Mais là encore, ses chefs et ses collègues démentent une telle consigne. 

    Une grenade mise de côté

    En tout état de cause, Alexandre M. n’aurait jamais dû se retrouver avec une grenade de désencerclement dans la main ce jour-là. Policier depuis 20 ans, dans une brigade de nuit du Val-d’Oise, il n’a rejoint la CRS 07 que deux semaines avant les faits et n’a encore reçu aucune formation au maintien de l’ordre. 
     
    Au cours de la manifestation, alors que cela chauffe sur la place, Alexandre M. accompagne un collègue au camion-armurerie pour ravitailler sa compagnie en grenades. Il prend alors l’initiative d’en garder une pour lui, au cas où, même s’il n’a pas l’habilitation nécessaire. Il dit d’ailleurs ignorer les dommages que peut causer cette arme et n’envisager que des blessures « minimes » aux jambes.

    Au moment où le CRS décide de tirer, il ne prévient pas ses collègues, comme le voudrait l’usage. Enfin, il lance la grenade [comme il l’a vu faire par ses collègues, ndc] d’une manière irrégulière et dangereuse : « en cloche », vers le haut, ce qui est strictement interdit. La doctrine exige de la lancer au ras du sol.
     
    « C’est l’échec de ma vie », a déclaré le CRS devant les magistrats, se disant « très affecté par les blessures » causées à Laurent Théron. Pour sa défense, il affirme qu’il s’est réellement senti en danger et n’avait pas l’intention de blesser quiconque. Depuis sa mise en examen, intervenue il y a cinq ans et demi, Alexandre M. est chargé de l’entretien des bâtiments de sa compagnie. 

    Un débat judiciaire particulièrement important s’est tenu en fin d’instruction. Les faits pour lesquels Alexandre M. est mis en examen – des « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente » – sont de nature criminelle, passibles de la cour d’assises. Mais le parquet de Paris a demandé leur « correctionnalisation », c’est-à-dire une requalification à la baisse, pour qu’ils soient considérés comme un délit et jugés devant le tribunal correctionnel. 

    La correctionnalisation permet de raccourcir les délais, pour que le procès ait lieu plus tôt. Elle conduit aussi à « zapper » le jury populaire au profit de trois juges professionnels. Favorable à cette solution « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice », le parquet tient un raisonnement surprenant : il avance que l’expertise médicale ordonnée par le juge d’instruction « a certes conclu à la perte définitive de l’usage de son œil par Laurent Théron mais évalué une ITT à 30 jours ». « Aucune expertise n’a établi une incapacité permanente », ajoute-t-il, substituant la durée de l’interruption de travail (temporaire) à celle de « l’infirmité » (définitive). 

    Les juges d’instruction se sont cependant opposés à cette « confusion entre des notions juridiques distinctes » et ont maintenu le renvoi aux assises, confirmé par la cour d’appel. L’avocate de Laurent Théron, Lucie Simon, reproche au parquet d’avoir voulu « minimiser la responsabilité du policier de manière purement opportune et spécieuse ».
     
    Redonner « une dimension politique et collective » au procès

    Pour des mutilations causées par un policier dans l’exercice de ses fonctions, un procès aux assises est particulièrement rare : il ne semble exister que trois précédents. Dont deux condamnations à des peines de prison avec sursis.

    En octobre 2022, un policier de la BAC de Reims a été condamné par la cour d’assises de la Marne à deux ans de prison avec sursis et deux ans d’interdiction de port d’arme pour avoir éborgné un supporter bastiais avec sa matraque télescopique en février 2016. Il a fait appel du verdict. 

    En 2018, trois policiers étaient jugés devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour une intervention à Villemomble, en 2013, lors de laquelle une femme a été éborgnée par une grenade de désencerclement. Ils ont été acquittés en première instance et en appel, la légitime défense ayant été retenue. La victime, Fatouma Kebé, est décédée d’une maladie entre les deux procès. 

    En 2015, un gendarme a comparu devant la cour d’assises de Mayotte pour avoir éborgné un enfant de neuf ans sur une plage, en 2011, par un tir de flashball. Il a été condamné à deux ans de prison avec sursis, sans inscription au casier judiciaire. Il n’a pas fait appel. 

    Pour les collectifs Désarmons-les et L’Assemblée des blessés, dont Laurent Théron fait désormais partie, le procès d’Alexandre M. est une occasion rare de rouvrir le débat sur les violences policières. 
    En amont de l’audience, ces deux organisations ont diffusé un communiqué de presse commun rappelant que « plus de 66 personnes ont perdu l’usage d’un œil en 25 ans, dont près de 40 au cours du premier mandat de Macron ». N’attendant « rien de l’institution judiciaire », elles s’engagent à « faire le procès de l’État hors de l’enceinte des tribunaux »

    Ce débat devrait toutefois se glisser jusqu’à l’intérieur de la cour d’assises, où Laurent Théron a fait citer plusieurs témoins pour redonner « une dimension politique et collective » au procès. « Je veux profiter de cette parenthèse dans la norme du non-lieu pour donner la parole aux autres. La grande majorité des victimes de violences policières sont des personnes noires ou arabes, avec un destin plus tragique : elles ont été tuées par la police. C’est un privilège d’avoir un procès aujourd’hui, et si cela est possible, c’est parce que d’autres sont entrés en lutte pour que le sujet soit visible. Je suis donc aussi héritier de combats qui ont eu lieu avant moi. » À l’issue des trois jours d’audience, un verdict est attendu le mercredi 14 décembre.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/111222/un-policier-juge-aux-assises-pour-avoir-eborgne-un-manifestant-paris

    https://seenthis.net/messages/982579

    #violences_d’Etat #maintien_de_l'ordre #police

    • "Irresponsabilité pénale". Syndicaliste éborgné en manifestation : le CRS acquitté aux assises
      https://www.leparisien.fr/faits-divers/syndicaliste-eborgne-en-manifestation-le-crs-acquitte-aux-assises-14-12-2

      À l’ouverture de son procès, le policier de 54 ans s’était dit « sincèrement navré de la blessure gravissime » infligée au syndicaliste Laurent Theron, qui a perdu son œil droit lors d’une manifestation contre la loi travail en 2016.

      Il avait présenté ses excuses à l’ouverture du procès. La cour d’assises de Paris a acquitté mercredi soir un CRS jugé pour avoir lancé une grenade qui a éborgné un syndicaliste lors d’une manifestation contre la loi travail en septembre 2016, estimant qu’il avait agi en état de #légitime_défense (tout sauf les dires policiers démontre l’inverse !)

      Après trois heures et demi de délibéré, la présidente de la cour Catherine Sultan a annoncé que le brigadier-chef de 54 ans, Alexandre M., bénéficiait d’une cause d’#irresponsabilité_pénale, une décision immédiatement accueillie dans le public aux cris de « Police partout, justice nulle part ».

      Laurent Theron, définitivement aveugle de l’œil droit depuis qu’il a été atteint par cette grenade, a immédiatement quitté la salle d’audience alors que ses soutiens continuaient de scander « Honte sur vous ».

      Alexandre M. est sorti avec son avocat Laurent-Franck Liénard par une petite porte.

      Un tir « légitime »

      Le CRS a toujours défendu un tir « légitime », en réaction aux jets de projectiles de « groupes hostiles » sur la place de la République à Paris ce 15 septembre 2016, alors qu’il dispersait avec sa compagnie un cortège d’opposants à la loi travail.

      Il s’est aussi déclaré prêt à recommencer. Le proc avait refusé de requérir l’interdiction d’exercer. La justice reste une institution policière.

      #Laurent_Théron #justice #police #justice #la_hogra

    • Une condamnation reviendrait à « castrer tous les CRS de France », Laurent-Franck Liénard, avocat.

      [Le brigadier] Alexandre Mathieu semble lui-même très mal à l’aise. Il jette des coups d’oeil brefs et discrets à Laurent Théron.

      L’experte parle de son enfance difficile et évoque une période de "dérive sociale" dans sa jeunesse pour faire référence à son adhésion au mouvement punk (qu’elle qualifie de mouvement "sectaire" et "violent")... Ça pouffe très fort dans la salle.

      Acclamations et sifflements du côté droit du public, où se trouvent la majorité des soutiens de Laurent Théron. Son avocate, Maître Lucie Simon décrit cette analyse comme étant une « nouvelle violence pour la victime. »

      .... Arrivé sur la place, il constate une "nébuleuse de 200 hommes qui ont prit possession de la place et du skatepark." Pour se réapprovisionner, il se dirige avec un collègue, Claude M. témoin plus tôt dans l’après-midi. Il "découvre" qu’un camion armurerie les suit depuis le début.

      Malgré les avertissements de son collègue, Alexandre Mathieu garde une GMD dans sa poche. Il justifie son geste par le choc d’avoir vu son collègue brûler quelques dizaine de minutes plus tôt. "J’ai choisi de protéger la vie de mes hommes."

      S’en suit, selon lui, offensives policières et projectiles de manifestants. "Je confond un bout de verre et un cocktail Molotov loupé" et c’est à ce moment que le drame se produit : il choisit, par panique, de lancer cette grenade pour "provoquer un repli et avancer".

      La présidente s’interroge. "Avez-vous commis une erreur d’appréciation ? Vous êtes le seul à lancer une grenade. Les autres collègues, pour la plupart, ne semblent pas s’être senti dans un cas de légitime défense." Il ne se démonte pas. "Je pense, oui, qu’il fallait le faire."

      "J’ai lancé la grenade avec force, je voulais la faire rouler, elle s’est élevée, elle a fait une courbe. je le reconnais, je l’assume, j’ai raté mon jet. C’est malheureux."

      Parfois, les mots d’AM s’apparentent à une grosse blague. "Quand nous sommes rentrés dans le camion, on s’est quand même dit, c’est étrange ce qui s’est passé là... Ce serait quand même pas cette grenade ?"

      Margaux Harivel @margauxhrvl
      https://twitter.com/margauxhrvl/status/1602699092534169603

      en presse :

      Oui, le lancer de son client était « raté » et n’a pas atteint la cible visée, distante de plusieurs dizaines de mètres de la victime. Mais il n’empêche qu’il était « justifié », martèle l’avocat. Il répète ad nauseam les dangers encourus par les policiers, avant d’en venir aux « causes exonératoires de la responsabilité pénale ». Elles sont toutes remplies, selon Laurent-Franck Liénard : il y a eu un « commandement de l’autorité » validant l’usage de la #GMD (celui-ci est pourtant intervenu une heure avant les faits), Alexandre M. était en état de légitime défense (l’accusé dit avoir reçu une bouteille en verre), et de nécessité (le chef de groupe voulait « protéger ses hommes »)… Pour tout cela, l’avocat demande l’acquittement au jury. Une condamnation reviendrait à « castrer tous les CRS de France », et donc à menacer la sécurité de la société tout entière.

      idem

      .... Le défilé des CRS à la barre, entre amnésie et soupçon d’une volonté de protection de leur collègue, a donné une impression de louvoiement, que résument ces mots du voisin d’Alexandre Mathieu à l’instant des faits : « On était plus ou moins pris à partie, mais de façon éloignée. » ....

      Il n’y a donc pas de coupable dans cette affaire, a décidé la justice. En revanche, il y a bien une victime. Laurent Théron, père de deux enfants de 14 et 20 ans dont il a la garde exclusive, a raconté sa vie de cyclope depuis le 15 septembre 2016. Le champ de vision réduit et le relief qui disparaît. Les portes dans lesquelles on se cogne, l’eau qu’on verse à côté du verre, l’hésitation devant une petite marche. La fin du ping-pong et du football américain – impossible de renvoyer une balle ou d’attraper un ballon. Le certificat à obtenir pour continuer à conduire, la gêne pour faire ses créneaux à droite, les cinq accrochages en quatre ans qui ont incité la GMF à résilier son assurance. Les six opérations qu’il a subies. L’implant qui n’a pas tenu. Le mélange de lymphe et de sang qui coule la nuit, et le réveille. L’obligation de se laver l’œil cinq fois par jour, dix en été quand l’air est sec et chaud. Sans même parler de la dépression et des difficultés financières. « Ce 15 septembre 2016, je veux l’oublier, a dit Laurent Théron. Mais tous les jours, le miroir me le rappelle. »

      https://justpaste.it/ajtq4

      #porcherie

  • Emission de #radio du avec des membres du réseau « Entraide, Vérité et Justice » |
    https://laparoleerrantedemain.org/index.php/2022/12/05/emission-de-radio-avec-des-membres-du-reseau-entraide-verite-

    Les 12, 13 et 14 décembre 2022, aura lieu le procès [en cour d’assises !] du policier accusé d’avoir mutilé Laurent Théron lors d’une manifestation du mouvement contre « la Loi-Travail ». Pour soutenir Laurent et les autres victimes de la #police, un procès populaire de la police, de la #justice et de l’#Etat sera également organisé avant les audiences au tribunal, le 11 décembre de 14h à 18h.

    A cette occasion, une émission de radio a été réalisé le 27/10/2022 avec des membres du réseau d’Entraide, Vérité et justice, Christian, Fatou, Mélanie et Isaac, au studio son de la #Parole_errante. L’entretien revient sur l’histoire des mobilisations contre les crimes racistes et sécuritaires, l’importance d’articuler combats judiciaires et luttes sociales et de faire exister le récit de celles et ceux qui font face aux #violences_d’Etat.

    Bonne écoute et venons nombreux le 11 décembre à la Parole errante, puis les 12, 13 et 14 décembre au procès du policier-tireur pour soutenir Laurent et toutes celles et ceux qui font face à la violence d’Etat.

    #Laurent_Théron #maintien_de_l'ordre #crimes_racistes_et_sécuritaires #violences_d'État

  • L’État et sa police aux assises
    https://souriez.info/Proces-populaire-contre-l-Etat-et

    Émission du 18 novembre 2022 / RL 89.4 // Cas rarissime dans l’histoire des violences et des crimes policiers, un CRS va comparaitre devant une cour d’assises, à Paris les 12, 13 et 14 décembre 2022. Ce CRS a jeté dans la foule une grenade de désencerclement et a arraché l’œil de Laurent Théron, lors d’une manifestation contre la loi Travail le 15 septembre 2016. Cette date est un beau pied-de-nez à l’autorité judiciaire, le « 13/12 » (traduction numérique du slogan « ACAB ») étant devenu un signe de (...) Les Amis d’Orwell (Radio libertaire, 89.4)

    #Les_Amis_d'Orwell_Radio_libertaire,89.4
    https://desarmons.net/2022/11/19/proces-1312-diffusion-audio-du-contre-proces-du-11-novembre
    https://desarmons.net/2022/11/02/proces-1312-mutilation-de-laurent-invitation-au-proces-populaire-de-la-po
    https://paris-luttes.info/proces-1312-mutilation-de-laurent-16354

  • Depuis 2015, l’état d’urgence grignote le droit de manifester
    https://www.mediapart.fr/journal/france/300517/depuis-2015-letat-durgence-grignote-le-droit-de-manifester

    « Dans une #France sous état d’urgence, le droit de manifester pacifiquement semble être de plus en plus perçu par les autorités comme une menace », indique un rapport d’Amnesty international. Depuis un an et demi, les autorités ont utilisé à 639 reprises les pouvoirs d’urgence pour empêcher des militants de participer à des rassemblements publics, dont 574 dans le cadre du mouvement contre la loi sur le travail.

    #Amnesty_international #état_d'urgence #La_France_sous_état_d'urgence

    • http://www.humanite.fr/rapport-letat-durgence-ete-pretexte-des-atteintes-aux-libertes-636766

      Après un an d’enquête, Amnesty International dénonce une restriction disproportionnée du droit à manifester en France en raison des mesures d’exception mises en place depuis fin 2015, qui s’est accompagnée d’une montée des violences policières.

      Manifester est un droit. Ce ne devrait pas être une menace à l’intégrité physique des personnes et à leur liberté. « Je n’avais pas fait de manifestation depuis l’an 2000, raconte Laurent Théron, secrétaire hospitalier syndiqué SUD. À l’époque, c’était tranquille, on manifestait en famille. Ce jour-là, le 15 septembre 2016, à midi, je mangeais avec mes enfants. À 17 heures, j’avais un œil en moins. » Laurent a été victime d’un tir de grenade de désencerclement à l’issue de la dernière manifestation intersyndicale contre la loi travail, à Paris. Ce syndicaliste est l’une des 82 personnes interviewées depuis un an par Amnesty International. Et le rapport de l’organisation non gouvernementale, dévoilé aujourd’hui, est accablant. Il dénonce le recours excessif à la force des autorités françaises et affirme sans détour que la prorogation de l’état d’urgence, cinq fois renouvelé depuis son déclenchement en novembre 2015, a restreint abusivement nos libertés et nos droits.

      « Le but proclamé du gouvernement était de prévenir d’autres attentats, pointe Marco Perolini, l’auteur du rapport d’Amnesty International, “Restrictions disproportionnées à la liberté de réunion pacifique sous couvert de l’état d’urgence en France”. Maintenant, un an et demi après, il est évident que les mesures d’urgence ont été utilisées pour un tout autre motif : prévenir des troubles à l’ordre public et non des actes terroristes. » Le chercheur et son équipe ont recensé 639 mesures individuelles pour empêcher des personnes de manifester entre novembre 2015 et le 5 mai 2017. « Les raisons avancées sont très vagues, poursuit ce secrétaire international de l’ONG, basée à Londres. Frédéric s’est vu interdire de manifester dans le centre de Rennes de septembre 2016 à janvier 2017, sans qu’il lui soit reproché des faits de violence. » Sa seule participation à différentes manifestations a suffi à le rendre « inquiétant » aux yeux de la préfecture.
      Des militants dans le viseur des renseignements généraux

      Maître Raphaël Kempf a ainsi défendu une dizaine de militants interdits de rassemblements, dans le viseur des renseignements généraux qui avaient rédigé des notes blanches (non signées) sur leurs comptes. Le seul défaut de ces citoyens engagés était de participer régulièrement à des manifestations. Dans la majorité des cas, l’avocat a obtenu du tribunal administratif qu’il annule ces interdictions (voir entretien ci-contre). La situation d’état d’urgence a aussi permis au bon plaisir des préfectures d’adopter 155 décrets interdisant des rassemblements publics. « Or ces mesures n’ont rien à voir avec des menaces terroristes, dénonce Marco Perolini. Il y a un détournement de leur usage et la logique préventive est utilisée par les autorités françaises pour gérer le maintien de l’ordre. »

      Si l’enquête d’un an, réalisée auprès de manifestants, syndicalistes, journalistes, représentants du ministère de l’Intérieur, de la Justice, de préfectures, décrit l’usage prétexte de ces mesures d’urgence pour bannir de façon injustifiée certaines personnes de manifestations ou interdire des rassemblements, Amnesty alarme sur de nouvelles stratégies de maintien de l’ordre public qui entraînent des restrictions illégales du droit à la liberté de réunion. « Il y a eu un recours immodéré au confinement de manifestants très souvent pacifiques, accuse Nicolas Krameyer, membre des équipes d’observation d’Amnesty International sur certains cortèges. La nasse peut être autorisée dans le droit international pour séparer des manifestants violents des autres. Mais nous avons constaté que les nasses étaient employées fréquemment, sans donner d’explication, dans un but d’encerclement des manifestants totalement pacifiques, les privant de liberté de circulation et de manifestation. » Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté d’association a dénoncé plusieurs fois cette tactique « préjudiciable à la jouissance des droits », tout comme en France le Défenseur des droits en 2015 à propos d’une manifestation contre le mariage pour tous.
      « Les gendarmes fouillaient les gens et jugeaient au faciès... »

      Mariana Otero peut témoigner de cette tactique systématique. La documentariste était présente sur le pont de la Concorde le jour où un rassemblement s’est spontanément formé devant l’Assemblée nationale pour dénoncer le recours au 49-3 afin d’imposer la loi travail. « À 16 heures, il y avait une cinquantaine de personnes, mais énormément de cars de CRS. Les gendarmes fouillaient les gens et jugeaient au faciès si vous n’étiez pas touriste, et vous obligeaient alors à rentrer dans la nasse. Les gens étaient extrêmement calmes. » La réalisatrice sera empêchée de filmer, accusée d’avoir frappé un CRS, emmenée au commissariat… Le garçon qui s’était interposé pour la protéger sera, lui, placé en garde à vue. « J’ai été témoin d’énormes violences des CRS. Moi-même, j’ai très peur d’aller filmer en manifestation, nous sommes dans un climat de terreur. »

      Le rapport signale un « recours excessif voire arbitraire à la force » par les autorités, l’usage « non nécessaire » de matraques, gaz, balles en caoutchouc, grenades. Nicolas Krameyer s’inquiète de la banalisation de l’usage de la force et du renforcement du sentiment d’impunité des forces de l’ordre. « J’ai été opéré il y a un mois du genou, et je sens les séquelles de l’agression au quotidien, témoigne Gildo, agent territorial syndiqué CGT. Le médecin du travail m’a obtenu un aménagement de poste au travail. Je ne cours plus depuis un an. En vingt-cinq ans de manifestations, je n’ai jamais vécu ça. On m’a ceinturé, on a essayé de m’asphyxier mais ma plainte contre les policiers à l’IGPN (l’Inspection générale de la police nationale – NDLR) a été classée sans suite. Moi, je passe en procès le 8 juin. »

      « Le gouvernement a tellement voulu faire passer la loi travail qu’il a tenté d’écœurer les manifestants, réagit Véronique Poulain, de SUD commerces et services, blessée au pied par une grenade de désencerclement le 26 mai 2016. Une copine, en voyant des reportages en Allemagne, a cru que nous étions en guerre civile ! Avec les ordonnances prévues par Macron, il y aura forcément d’autres manifestations. On va se faire gazer. Mais manifester est un droit. Les forces de l’ordre sont là pour protéger les citoyens, pas pour s’en prendre à eux. » Le gouvernement français doit lever l’état d’urgence, réclame en conclusion Amnesty International. En réponse, le nouveau président a déjà annoncé vouloir le prolonger jusqu’en novembre.

      Des organIsatIons appellent au retour au droIt commun

      Dans une lettre adressée au président de la République, plusieurs organisations de la société civile (le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, la Ligue des droits de l’homme, la Quadrature du Net, Amnesty International…) appellent à la nonprorogation de l’état d’urgence. « Nous tenons par ailleurs à vous rappeler le coût social, politique et institutionnel très élevé de l’état d’urgence qui autorise des mesures impliquant des atteintes graves aux libertés individuelles sans contrôle en amont du juge judiciaire et sans que le contrôle a posteriori du juge administratif permette de compenser cette absence de contrôle a priori. Un régime d’exception ne saurait durer si longtemps impunément pour la République et ses citoyens », écrivent-elles.

      Kareen Janselme
      Journaliste, rubrique social