person:jean stern

  • Les végans meilleurs soutiens de Nétanyaou ? Israël terre promise du vegan-washing Paul Aries - 24 Avril 2019 - Le Grand Soir
    https://www.legrandsoir.info/les-vegans-meilleurs-soutiens-de-netanyaou-israel-terre-promise-du-veg

    Un site végan me soupçonnait récemment d’antisémitisme (ce qui est un comble) parce que j’évoquais l’importance du lobby végan en Israël dans ma Lettre aux mangeurs de viandes qui souhaitent le rester sans culpabiliser (Larousse). Je vais cependant récidiver en m’abritant derrière le site autorisé de la Chambre de commerce France-Israël qui titrait, au lendemain de la réélection du candidat de la droite la plus dure : « Le véganisme : clé de la victoire de Nétanyaou ? ».

    La thèse, même sous forme interrogative, mérite le détour pour qui connait Israël. Il est exact que pour emporter les voix des « amis des animaux », Netanyahou a annoncé arrêter de consommer de la viande. Lors d’une conférence de presse donnée le 10 mars 2019, la députée Sharren Haskel, membre du parti du Likoud et proche de « Bibi », a annoncé que le Premier ministre et toute sa famille « avaient opté pour le végétarisme ». « Pas entièrement », a-t-elle ajouté à mi-mot. La presse conclut qu’en « s’entourant de cette figure appréciée par les défenseurs des bêtes, « Bibi » a probablement gagné des points dans les urnes ». Beaucoup de sites dont Actualité Israël ont repris aussitôt cette analyse. Sharren Haskel a joué effectivement un rôle central dans la véganisation de la droite. Ex-membre volontaire des commandos de la police des frontières, opposée récemment aux projets d’amélioration de la situation juridique des gays, reconnue comme proche idéologiquement du Tea Party des Etats-Unis, elle n’a cessé de se droitiser, au fils des années, expliquant, par exemple, qu’« ll n’y a pas d’armée plus morale dans le monde que la nôtre » (sic). Les journalistes s’interrogent cependant : « Deux questions émergent lorsqu’on constate l’importance de ces mouvements en Israël : y a-t-il un lien entre l’antispécisme et la spécificité historique d’Israël, à savoir sa définition comme « Etat des Juifs » ? Ensuite, cet engouement pour la cause animale a-t-il un lien avec le conflit israélo-palestinien ? ». La faute politique du candidat travailliste aurait été de ne jamais préciser si, de son côté, il mangeait encore du poulet, lit-on sous la plume des experts.

    L’instrumentalisation du véganisme à des fins politiques ne date pas cependant de cette seule période électorale ni même de la présence de Sharren Haskel. Nétanyaou se dit depuis longtemps favorable aux « lundis sans viande » et l’armée israélienne se proclame végane (alimentation et vêtements).

    Les faits sont assez têtus pour permettre de raconter une tout autre histoire. Cette pseudo « première nation végane » (comme on le lit dans la presse) reste l’un des pays au monde consommant le plus de viande (80 kilos par personne et par an contre 66 en France), notamment de poulets (57 kilos), et les végans, avec 8 % de la population, n’y sont guère plus nombreux qu’ailleurs… Alors pourquoi Israël passe-t-elle pour être le paradis des végans dans le monde ? L’Etat israélien est l’inventeur du vegan-washing en tant que stratégie politique.

    Israël a été d’abord le laboratoire d’une expérience grandeur nature, en matière de conversion, puisque 60 % des téléspectateurs réguliers de l’émission de télé-réalité « Big Brother » ont changé leur façon de manger. Tel Gilboa (née en 1978), fondatrice du Front israélien de libération des animaux (ALF) en 2013, a remporté la sixième édition de « Big Brother » en 2014, en utilisant, avec la complicité de la production, l’émission pour propager, en prime time, le véganisme, et ceci durant trois mois et demi… Végan France titrait le 10 février 2016 : « Une activiste végane remporte « Big Brother » ». Elle portait pour la finale un T-shirt « Go Végan », son opposant en finale (Eldad) était aussi végan, comme d’ailleurs 4 des 18 occupants de la « maison ». On sait aujourd’hui qu’elle a bénéficié d’une véritable mise en scène, un autre candidat était un pseudo-éleveur bovin engagé par la production et dont le rôle était de provoquer et de pousser la participation végane, la production a même autorisé l’ami de Tal à venir parler de véganisme devant les résidents de la « maison » et leur a projeté une vidéo sur l’industrie des œufs, de la viande et du lait, séance enregistrée puis projetée à la télévision, avec une séquence montrant les résidents fondant en larmes. Yoram Zack, directeur de la production, a prononcé un discours après sa victoire : « Il y a cent neuf jours vous êtes entrée dans la maison pour accomplir une mission. Vous êtes venue ici pour servir de voix à ceux qui ne peuvent pas parler . »

    Cette belle aventure n’est pas sans lien avec le fait que le gouvernement israélien a choisi de faire des biotechnologies (notamment dans le domaine agricole) un secteur de pointe, avec la fondation de plus 1 350 firmes, dont 612 créées depuis 2007, et qui mobilisent 20 % du total des investissements. Un exemple : la start-up SuperMeat commercialise une viande vegan friendly , grâce à un blanc de poulet issu de cultures cellulaires, les cellules sont prélevées par biopsie puis cultivées industriellement en laboratoire, elles se nourrissent d’acides aminés d’origine végétale et de glucose. L’association #L214 a relayé l’appel aux dons à SuperMeat sur Facebook. Le professeur Yaakov Nahmias, cofondateur et directeur de recherche de SuperMeat, est aussi directeur du Grass Center for Bioengineering de l’Université hébraïque de Jérusalem et membre du Broad Institute de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Ces projets sont soutenus par des organisations comme l’ONG A #Well-fed_World (Un monde bien nourri) qui distribue de l’alimentation végane aux nécessiteux. Cette ONG travaille avec le Fonds international pour l’Afrique afin de généraliser des repas scolaires strictement végétariens (Éthiopie). La #Modern_Agriculture_Foundation et l’université de Tel-Aviv ont lancé, en 2014, un projet de viande de poulet cultivée, sous la direction d’Amit Gefen, un des principaux experts mondiaux en ingénierie tissulaire. La firme #Jet-Eat vient de lancer la première imprimante alimentaire 3D végane…au monde.

    Cette belle aventure n’est pas non plus sans lien avec la possibilité que donne le #vegan-washing de laver plus blanc l’Etat d’Israël et sa politique de colonisation.

    Gary Yourofsky, le meilleur VRP végan en Israël
    Le militant étasunien Gary Yourofsky est l’un des nouveaux visages du véganisme israélien. Sa vidéo a été visionnée par plus d’un million d’habitants sur une population de huit millions, ses conférences font le plein et attirent l’élite de la société y compris des politiques comme Tzipi Livni (ancienne agente du Mossad, ancienne députée, elle vient d’abandonner la politique) … à tel point que la presse se demandait si Netanyaou n’irait pas la prochaine fois dans le cadre de sa stratégie assister à une conférence de Yourofsky. Gary Yourofsky ne recycle pas seulement les plus vieux clichés du végétarisme, l’humanité serait herbivore, toutes les maladies majeures seraient dues à la consommation carnée, car il se veut aussi ouvertement misanthrope et « dérape » souvent : « Au fond de moi, j’espère sincèrement que l’oppression, la torture et le meurtre se retournent dix fois contre les hommes qui s’en moquent ! Je souhaite que des pères tirent accidentellement sur leurs fils à l’occasion des parties de chasse, pendant que les carnivores succombent lentement à des crises cardiaques. Que chaque femme emmitouflée dans la fourrure doive endurer un viol si brutal qu’elle en soit marquée à vie. Et que chaque homme couvert de fourrure se fasse sodomiser si violemment que ses organes internes en soient détruits. Que chaque cowboy et chaque matador soit encorné jusqu’à la mort, que les tortionnaires du cirque se fassent piétiner par des éléphants et lacérer par des tigres . » Gary Yourofsky a pris position également en faveur d’Israël contre la Palestine : « Alors que les Israéliens sont dans un processus de destruction des industries de viande, de produits laitiers et d’œufs – ce qui amènera à l’éradication des camps de concentration pour les animaux, les Palestiniens et leurs sympathisants “droitdelhommistes”, psychotiques, sont en train de construire encore plus de camps pour les animaux ! […] Les Palestiniens sont le problème. C’est le groupe de personnes le plus psychotique du monde . »

    Cette position n’est malheureusement pas isolée. Eyal Megged appelle Netanyahou à faire d’Israël la terre des droits des animaux plutôt que de chercher inutilement une paix impossible avec les Palestiniens . Aeyal Gross, professeur israélien de droit international, s’insurge : « Le végétarisme devient un outil pour améliorer l’image des forces de défense israélienne, ou celle d’Israël dans son ensemble […] À Tel-Aviv aujourd’hui, il est beaucoup plus facile de trouver de la nourriture dont la préparation n’a pas impliqué l’exploitation des animaux que de trouver une nourriture dont la production n’a pas entraîné l’oppression et le déracinement d’autres êtres humains ». Le mouvement palestinien de défense des animaux dénonce Israël comme le premier pays du monde à faire du vegan-washing (blanchiment de l’image par le véganisme comme d’autres font du green-washing alors qu’ils bousillent la planète). On peut lire sur le site de Palestinian Animal League la mise en garde suivante : « Israël utilise le vegan washing pour couvrir les dégâts causés aux vies palestiniennes et au véganisme en Palestine, et obtient maintenant le soutien international de végétaliens bien connus, qui sont intentionnellement ou involontairement des outils dans le jeu de vegan washing du « paradis végétarien ». Les Palestiniens dénoncent ainsi le rôle d’institutions de propagande comme Vibe Israël qui invite d’éminents blogueurs végétaliens à visiter « l’empire végan appelé Israël ». Le mouvement palestinien accuse aussi Binthnight Israël, une association de défense d’Israël auprès des juifs du monde entier, d’avoir ajouté à son programme « Israël pour les végans »… Les palestiniens rappellent que la plus grande partie des productions véganes est réalisée dans les colonies israéliennes illégales à l’intérieur des territoires palestiniens.
    
Le gouvernement israélien, et notamment, son armée communique sur « Tsahal, l’armée la plus vegane au monde… », de là à soutenir qu’elle fait une guerre propre, le passage est souvent étroit).

    Cette propagande consistant à utiliser le véganisme pour légitimer la politique d’Israël fonctionne à plein au sein des multiples relais communautaires. Le JForum.fr (portail juif francophone) a ouvert un Forum sur « Israël, terre promise des végans ». Infos-Israël.News ajoute qu’Israël, paradis pour les végétariens mérite le détour et le soutien actif… L’association végétarienne de France titre « Ici, il fait bon être végé ! » et intègre Tel-Aviv « nation végane selon le Ministère du tourisme » dans les lieux de vacances de tout bon végan. Tribune Juive se fait l’écho cependant du débat qui secoue la communauté.

    Israël champion du vegan-washing ?
    Jérôme Segal nous aide à comprendre les raisons du véganisme israélien. Il y voit déjà une idéologie de substitution pour une gauche orpheline de victoires. Il cite le rôle des juifs, comme Peter Singer et Henry Spira, dans la naissance du véganisme. Il prolonge, également l’analyse de Jean Stern, selon lequel le pinkwashing était une stratégie politique visant à promouvoir Tel-Aviv comme capitale mondiale de la tolérance envers les minorités sexuelles dans le seul but de présenter le pays autrement que comme un Etat épinglé par des associations humanitaires pour ses manquements aux droits humains. Jérôme Segal parle donc du vegan-washing comme d’une stratégie délibérée servant les intérêts militaristes, colonialistes, économiques de l’Etat israélien. Le journaliste Gidéon Levy (éditorialiste au quotidien Haaretz) explique que le véganisme permet de mieux camoufler ce qui se passe en Cisjordanie. La gauche israélienne a tenté naturellement de surfer sur ce courant végan (comme certains dirigeants politiques de la gauche française le font encore). Conséquence : la gauche est de plus en plus marginalisée en Israël, au point que le seul parti qui ose encore se dire de gauche aujourd’hui, Meretz, n’a obtenu que 3,6 % des suffrages en avril 2019. Ce n’est pas pourtant faute d’avoir fait des efforts, puisque Tamar Zandberg, député du Meretz, est l’organisateur de la journée végane, au sein même de la Knesset, réunissant tous les députés…

    La gauche et les milieux écologistes israéliens ne parviendront à retrouver une parole forte qu’en se portant à la défense de l’élevage paysan israélien et palestinien.

    Paul Ariès

    #végan #biotechnologies #véganisation de la droite #antispécisme #vegan-washing #SuperMeat #vibe_israël #végétalisme #tsahal
    #sharren_haskel https://fr.wikipedia.org/wiki/Sharren_Haskel
    #gary_yourofsky https://fr.wikipedia.org/wiki/Gary_Yourofsky
    # Tzipi_Livni https://fr.wikipedia.org/wiki/Tzipi_Livni
    . . . . . . . . .

  • L’interview de la mère d’Oussama Ben Laden, Alia Ghanem, par Martin Chulov dans le Guardian est l’évènement médiatique du moment :
    https://www.theguardian.com/world/2018/aug/03/osama-bin-laden-mother-speaks-out-family-interview
    L’article a été largement signalé et commenté (positivement) dans les grands médias français.

    Or, en dehors d’Angry Arab, personne ne semble vouloir remarquer que l’interview reprend tous les talking points de la propagande séoudienne de l’ère Mohamed Bin Salman.

    D’entrée de jeu, Chulov admet qu’il interviewe la famille Ben Laden sous le contrôle du régime séoudien :

    Now, Saudi Arabia’s new leadership – spearheaded by the ambitious 32-year-old heir to the throne, Crown Prince Mohammed bin Salman – has agreed to my request to speak to the family. (As one of the country’s most influential families, their movements and engagements remain closely monitored.)

    Voilà l’une des dictatures les plus violentes de la planète, où le déplaisir du prince vous vaudra la ruine, ou la prison, ou la réclusion à vie dans une résidence privée, ou quelques centaines de coups de fouets, voire la décapitation. Un pays où des milliardaires parmi les plus puissants ont été retenus dans un hôtel, possiblement torturés, avant d’être proprement ruinés. Où un Premier ministre étranger a été retenu et démissionné d’office.

    Mais si la famille accepte enfin de parler – avec l’accord de la nouvelle direction du régime – c’est, selon Chulov, pour éviter de « réouvrir d’anciennes plaies » :

    Unsurprisingly, Osama bin Laden’s family are cautious in our initial negotiations; they are not sure whether opening old wounds will prove cathartic or harmful. But after several days of discussion, they are willing to talk.

    L’idée qu’il n’est pas bien sain, d’un point de vue journalistique, de présenter dans de telles conditions la parole de ces gens comme un authentique entretien, est soulevée dans la fin de l’article par une demi-sœur de Ben Laden installée (réfugiée ?) à Paris. Objection balayée d’une phrase et l’euphémisme « complicated status in the kingdom » :

    From her home in Paris, she later emailed to say she strongly objected to her mother being interviewed, asking that it be rearranged through her. Despite the blessing of her brothers and father, she felt her mother had been pressured into talking. Ghanem, however, insisted she was happy to talk and could have talked longer. It is, perhaps, a sign of the extended family’s complicated status in the kingdom that such tensions exist.

    D’ailleurs la conversation se fait ouvertement en présence d’un commissaire politique du régime mais, précise notre grand reporter : qui ne fait aucune tentative pour influencer la conversation…

    When we meet on a hot day in early June, a minder from the Saudi government sits in the room, though she makes no attempt to influence the conversation.

    On est heureux de constater que les méthodes séoudienness se sont affinées depuis l’interview grotesque de Saad Hariri.

    Bref, l’entretien commence.

    D’entrée de jeu, premier élément de langage tiré de la propagande officielle saoudienne : Oussame Ben Laden s’est radicalisé sous l’influence d’un membre des Frères musulmans. Subtile…

    “The people at university changed him,” Ghanem says. “He became a different man.” One of the men he met there was Abdullah Azzam, a member of the Muslim Brotherhood who was later exiled from Saudi Arabia and became Osama’s spiritual adviser.

    Un autre élément de langage, central, reviendra plusieurs fois dans l’interview : en Afghanistan, Ben Laden est un type très bien : il n’est pas encore un jihadiste (jusqu’en 1999…).

    “[…] He spent all his money on Afghanistan – he would sneak off under the guise of family business.” Did she ever suspect he might become a jihadist? “It never crossed my mind.”

    Tant qu’à faire, le petit détail sectaire qui ne trompe pas : la maman de Ben Laden est alaouite :

    Ghanem begins to relax, and talks about her childhood in the coastal Syrian city of Latakia, where she grew up in a family of Alawites, an offshoot of Shia Islam.

    Évidemment, le bon fan-boy de la rébellitude syrienne ne tarde pas à en faire la bonne lecture : la mère de Ben Laden est alaouite « comme les Assad ». Par exemple Sam Dagher te conseille l’article en commençant par cette remarque (subtile) :
    https://twitter.com/samdagher/status/1025343757229678597

    Must read by ⁦@martinchulov⁩ on Bin Laden’s mother. She’s Syrian Alawite like the Assads. […]

    Un autre talking point typique de MBS : l’Arabie séoudite était un pays relativement libéral dans les années 70 (ah ah… comment traduire « freewheeling » ici sans paraître totalement ridicule), mais a adopté une interprétation rigoriste du wahhabisme en réaction à la révolution iranienne (dont le but, écrit-il, était d’exporter le chiisme dans le monde arabe sunnite).

    Osama bin Laden’s formative years in Jeddah came in the relatively freewheeling 1970s, before the Iranian Revolution of 1979, which aimed to export Shia zeal into the Sunni Arab world. From then on, Saudi’s rulers enforced a rigid interpretation of Sunni Islam – one that had been widely practised across the Arabian peninsula since the 18th century, the era of cleric Muhammed ibn Abdul Wahhab.

    Ah, il faut te dire qu’à ce moment de ce long article, l’interview proprement dite de la mère de Ben Laden est terminée depuis longtemps, et n’a dû occuper que deux gros paragraphes…

    À la place, on part dans des considérations enthousiastes sur cette nouvelle direction saoudienne, sous l’influence de Bin Salman, qui voudrait instaurer un « islam modéré » en Arabie (Chulov est d’ailleurs sans surprise coupable, dans le Guardian, de plusieurs articles enthousiastes sur les femmes séoudiennes autorisées à conduire) :

    In 2018, Saudi’s new leadership wants to draw a line under this era and introduce what bin Salman calls “moderate Islam”. This he sees as essential to the survival of a state where a large, restless and often disaffected young population has, for nearly four decades, had little access to entertainment, a social life or individual freedoms. Saudi’s new rulers believe such rigid societal norms, enforced by clerics, could prove fodder for extremists who tap into such feelings of frustration.

    Reform is beginning to creep through many aspects of Saudi society; among the most visible was June’s lifting of the ban on women drivers. There have been changes to the labour markets and a bloated public sector; cinemas have opened, and an anti-corruption drive launched across the private sector and some quarters of government. The government also claims to have stopped all funding to Wahhabi institutions outside the kingdom, which had been supported with missionary zeal for nearly four decades.

    Such radical shock therapy is slowly being absorbed across the country, where communities conditioned to decades of uncompromising doctrine don’t always know what to make of it. Contradictions abound: some officials and institutions eschew conservatism, while others wholeheartedly embrace it. Meanwhile, political freedoms remain off-limits; power has become more centralised and dissent is routinely crushed.

    Toujours plus éloigné du sujet initial (la maman d’Oussama), le prince Turki al-Faisal, l’« érudit » ancien chef des services secrets saoudiens :

    I meet Prince Turki al-Faisal, who was the head of Saudi intelligence for 24 years, between 1977 and 1 September 2001 (10 days before the 9/11 attacks), at his villa in Jeddah. An erudite man now in his mid-70s, Turki wears green cufflinks bearing the Saudi flag on the sleeves of his thobe.

    Lequel te synthétise l’élément de langage central de l’article : en Afghanistan c’est un combattant de la liberté, et c’est après que ça se gâte :

    “There are two Osama bin Ladens,” he tells me. “One before the end of the Soviet occupation of Afghanistan, and one after it. Before, he was very much an idealistic mujahid. He was not a fighter. By his own admission, he fainted during a battle, and when he woke up, the Soviet assault on his position had been defeated.”

    As Bin Laden moved from Afghanistan to Sudan, and as his links to Saudi Arabia soured, it was Turki who spoke with him on behalf of the kingdom. In the wake of 9/11, these direct dealings came under intense scrutiny.

    Et une autre explication totalement tirée par les cheveux : si la plupart des terroristes du 11 Septembre étaient séoudiens, ce n’était pas parce que les Séoudiens vivent dans un environnement toxique depuis l’enfance, mais parce que Ben Laden voulait tourner le monde occidental contre l’Arabie… Oui, c’est une très jolie théorie du complot dans laquelle on présente le royaume comme une victime du 11 Septembre :

    “There is no doubt that he deliberately chose Saudi citizens for the 9/11 plot,” a British intelligence officer tells me. “He was convinced that was going to turn the west against his ... home country. He did indeed succeed in inciting a war, but not the one he expected.”

    Et pour terminer, enfonçons le clou sur l’authentique conviction réformatrice (« mais pourra-t-il réussir ? ») de ce brave Mohammed Bin Salman :

    While change has been attempted in Saudi Arabia before, it has been nowhere near as extensive as the current reforms. How hard Mohammed bin Salman can push against a society indoctrinated in such an uncompromising worldview remains an open question.

    Saudia Arabia’s allies are optimistic, but offer a note of caution. The British intelligence officer I spoke to told me, “If Salman doesn’t break through, there will be many more Osamas. And I’m not sure they’ll be able to shake the curse.”

  • HOMO INC.CORPORATED. Le triangle et la licorne qui pète. – Sam Bourcier
    Estimant que « l a conséquence de la privatisation de l’anus est l’individualisation », Sam Bourcier mène une charge allègre contre les « bons homos », sourcilleux sur leurs « droits » dans le cadre rassurant de la « nation ». Il décortique le « triangle biopolitique » entre sécurité, population et discipline, moteur de l’intégration comme de l’exclusion. Pour l’illustrer, Bourcier fait découvrir la réflexion mais aussi le mode de vie d’un collectif « queer et transféministe » de Bologne, Smaschieramenti, créé en 2008, qui squattait avant d’en être expulsé en 2015 un vaste bâtiment au nom rêveur, l’Atlantide. Pour lutter contre l’austérité et le néolibéralisme, ce groupe travaille sur le concept de « grève du genre », c’est-à-dire le refus des rôles, masculins, féminins, établis par le consensus normatif. Entre réunions, séminaires, manifestations, fêtes, les queers de Bologne créent « du trouble dans la valeur », que Bourcier théorise. Contre ce que le « pink bloc » de Bordeaux a baptisé « dictature des normaux », cet ouvrage, tonique et foutraque, est un appel d’air.
    Jean Stern

    http://www.cambourakis.com/spip.php?article870

    Homo inc.orporated – Le triangle et la licorne qui pète
    Collection sorcières
    256 pages / 140 x 205 mm
    Date de sortie : 30 août 2017
    Prix : 19 euros
    Disponibilité : disponible

    https://www.monde-diplomatique.fr/2018/08/STERN/58974
    source : @mdiplo
    #homosexualités #queer #Cambourakis #Sam_Bourcier #Jean_Stern
    #pink_bloc

  • 120BPM au pays de l’apartheid.
    http://didierlestrade.blogspot.com/2018/06/120bpm-au-pays-de-lapartheid.html

    Tout ceci, je le garderais pour moi et mes intimes si 120BPM n’était pas programmé ce soir même au festival LGBT de Tel Aviv (TLVFest). Contacté ces derniers jours par Mohamed Paz (de LGBT pour la Palestine), BDS France et mon ami Jean Stern (auteur de « Mirage gay à Tel Aviv »), Robin Campillo a répondu par le biais de sa productrice Marie-Ange Luciani que les droits du film avaient étaient vendus en Israël, que la diffusion du film n’était plus de leur ressort, que Robin était fatigué de la couverture médiatique, qu’il ne serait pas présent lors de la projection (hors compétition du festival) et qu’aucune déclaration serait faite. Embarras. Source : Didier (...)

    • « 120BPM » n’est pas un film comme les autres. C’est pourquoi il a provoqué une telle passion - et aussi, un tel mépris de la part de ceux, très nombreux dans la communauté LGBT, qui se sentaient agressés par cet hommage à la lutte contre le sida. Je l’ai bien vu lors des attaques personnelles, la plupart venaient de personnes qui soit n’étaient pas actives contre le sida à l’époque et qui en ressentaient une honte cachée, soit des personnes qui n’ont jamais aimé Act Up de toute manière.
      Mais ce film raconte que la désobéissance civile est fondamentale pour obtenir des droits et il est projeté à Tel-Aviv alors que le mois de mai qui vient juste de se terminer a vu la plus grande opération de désobéissance civile à Gaza, soldée par des milliers de morts et de blessés, y compris des enfants, des femmes et des personnes âgées. N’importe qui avec un esprit sain y verrait une contradiction politique évidente. Face à tant de vies meurtries, face à la violence écœurante de ces snipers israéliens exécutant des manifestants comme des cibles amusantes, n’importe quel réalisateur politique ferait un geste. Qu’aurait-il fallu pour que Robin Campillo ou ses producteurs prennent la parole ? Shakira annule son concert en Israël et Campillo ne peut pas annuler une projection ? S’il ne veut pas boycotter l’événement, qu’il s’exprime au moins.

      #Didier_Lestrade #Robin_Campillon #LGBT #pinkwashing #Israël #Palestine #cinéma

  • [Le 102] Présentation/discussion autour de « Mirage gay à Tel-Aviv » de Jean Stern
    https://grenoble.indymedia.org/2018-02-25-Presentation-discussion-autour-de

    Rencontre avec Jean Stern auteur du livre « Mirage Gay à Tel-Aviv » 19h30 resto vegan (sans aliment issu de l’exploitation animale) 20H30 présentation et discussion. prix libre Dans le cadre de la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions), nous vous invitons, samedi 3 mars à partir de 19h30, à une soirée-rencontre avec Jean Stern auteur de "Mirage gay à Tel-Aviv". Dans cette enquête inédite et à contre-courant, Jean Stern démonte une stratégie marketing et politique orchestrée par (...)

    #Agenda

    https://le102.net

  • Israël : résister à la colonisation
    https://r22.fr/son/israel-resister-a-la-colonisation

    Table-ronde autour de la réponse citoyenne et non-violente à l’impunité d’Israël. Modération : Selim Nadi. Intervenant·es : Michèle Sibony de l’Union Juive française pour la paix (UJFP) ; Jean Stern, auteur de « Mirage gay à Tel-aviv » ; Imen Habib de Boycott Désinvestissement sanctions (BDS). Durée : 1h22. Source : R22 Tout-monde

  • INTERVIEW – Jean Stern : « Le pinkwashing de Tel Aviv a fait oublier la Palestine et l’occupation »
    Middle East Eye | Malek Bachir | 4 septembre 2017| Dernière mise à jour : 09 septembre 2017
    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/interview-jean-stern-le-pinkwashing-de-tel-aviv-fait-oublier-la-pales

    (...) L’objectif de cette opération lune de miel est de valoriser l’image de Tel Aviv, de la déconnecter du contexte politico-militaire. C’est la grande réussite de Tel Aviv, faire oublier la Palestine et l’occupation. Les as du marketing qui ont accompagné la mutation de la ville se sont inspirés du greenwashing qui consiste pour les entreprises à repeindre en vert leurs actions, à mettre par exemple des plantes vertes dans les sièges sociaux.

    Le pinkwashing est une stratégie marketing pensée, construite et financée par la mairie de Tel-Aviv, les hôteliers et le ministère du Tourisme du gouvernement Netanyahou, belle alliance de la droite, de la « gauche » et du business.

    Ils ont trouvé le slogan : « Tel-Aviv, la ville qui ne dort jamais », qui plaît aux gays comme aux hétéros festifs. Après, ils ont investi des millions de dollars en publicité en ciblant la presse magazine et les médias gays, invités des dizaines de journalistes LGBT [lesbiennes, gays, bisexuels et trans] à Tel Aviv, fait des opérations de promo dans les clubs gays etc. Nul ne se plaint d’ailleurs à Tel Aviv du retour sur investissement, plusieurs dizaines de millions de dollars en une dizaine d’années.(...)


  • https://www.monde-diplomatique.fr/2017/08/STERN/57776

    Good Guy & "bad boy"
    Pour nombre d’homosexuels, adolescents dans les années 1970, Guy Hocquenghem (1946-1988) fut d’abord un visage et deux mots. Le visage hypercool d’un jeune homme, tignasse bouclée de pâtre grec, bouille narquoise, col roulé et veste de cuir ; et les deux mots, « révolution » des « homosexuels », qui s’affichaient dans les pages du Nouvel Observateur, début 1972, où il publia une sorte d’autoportrait. Le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), dont il fut la figure la plus en vue, tenait alors ses assemblées générales du côté des Beaux-Arts de Paris.

    Il y a donc quelque chose de profondément émouvant à retrouver cette photographie, retraitée en magenta et jaune, en couverture d’Un journal de rêve (1), recueil d’articles d’Hocquenghem écrits entre 1970 et 1987, sélectionnés par Antoine Idier, sociologue et historien des idées. Celui-ci publie simultanément la première biographie consacrée au journaliste et polémiste, aiguillon dans les années post-68 de l’extrême gauche radicale, plus précisément d’un courant qualifié souvent avec mépris de « désirant ». C’était là l’expression d’une homophobie répandue dans la société française et du refus de la majorité des gauchistes d’affronter la normalité bourgeoise de la sexualité, qui n’avait pas beaucoup évolué depuis l’après-guerre. Mais cette normalité commençait au début des années 1970 à marquer le pas, sous les directs du gauche d’Hocquenghem. L’intérêt et le charme du travail d’Antoine Idier sont d’offrir au lecteur la possibilité, avec Les Vies de Guy Hocquenghem, judicieusement sous-titré Politique, sexualité, culture (2), de faire des allers et retours entre la biographie et le recueil d’articles. On saisit alors à quel point il fut un chroniqueur aiguisé plutôt qu’un penseur, un homme d’humeur plutôt que d’amour, un individualiste égotiste plutôt qu’un acteur collectif. Cette posture du chroniqueur, en soi passionnante, permet à Hocquenghem de ne rien s’interdire dans les sujets qu’il traite, de Michel Platini à Pier Paolo Pasolini, de la « nouvelle droite » à la « paresse de la gauche ». Sa liberté de ton, avec une capacité d’affirmation de points de vue à vif, cassants, paradoxaux, nourris d’exaspération, qui n’existe plus guère dans la presse française, lui vaudra de nombreux et farouches détracteurs. Qu’il ne ménageait pas en retour, secouant l’après-Mai intellectuel, décrypté ici avec brio. L’auteur revient en particulier sur les débats houleux autour du livre de Gilles Deleuze et Félix Guattari L’Anti-Œdipe, et sur les affrontements avec les féministes. Pour Hocquenghem, la conception hétérosexuelle de l’homosexualité par la psychanalyse et le féminisme empêchaient la « lecture minoritaire » qu’il élaborait. Il se sentait parfois brisé, mais assumait ses positions sur des questions aussi controversées que la sexualité des enfants ou le plaisir à prendre du plaisir avec les minorités (raciales comme sexuelles).

    Le conformisme journalistique sera aussi l’une de ses cibles privilégiées, notamment dans ses critiques de la télévision publiées dans Libération. Chroniqueur de presse, il explora aussi le cinéma, avec l’incroyable Race d’Ep, réalisé avec Lionel Soukaz ; publia de nombreux livres, essais et romans, contribua au numéro de Recherches, la revue dirigée par Guattari, titré « Trois milliards de pervers », qui fut rapidement interdit. Tout lui était bon à prendre afin de s’exprimer. Cela donne, avec le recul, un côté extrêmement désordonné à son travail. Antoine Idier ne cherche pas à y remettre de l’ordre, ce qui serait un contresens, mais à y déceler une trajectoire. De René Schérer à Walter Benjamin, de Jean-Louis Bory à Gilles Deleuze, des bordels SM de New York aux studios d’Europe 1, du réjouissant Désir homosexuel en 1972 à la jouissive Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary en 1986, publiée au crépuscule d’une courte vie tuée par le sida, Hocquenghem se comprend non pas comme un théoricien, mais comme un acteur du social. Charmeur évidemment, ambigu et pénible parfois, tête à claques qu’on avait souvent envie d’embrasser, il aimait pousser à bout, y compris ses partisans et amis. Good Guy et bad boy.
    Jean Stern.

    (1) Guy Hocquenghem, Un journal de rêve , postface d’Antoine Idier, Gallimard, coll. « Verticales », Paris, 2017, 320 pages, 22 euros.
    (2) Antoine Idier, Les Vies de Guy Hocquenghem. Politique, sexualité, culture , Fayard, Paris, 2017, 354 pages, 22 euros.

    http://www.editions-verticales.com/fiche_ouvrage.php?id=392
    http://www.fayard.fr/les-vies-de-guy-hocquenghem-9782213702025
    Sur ce dernier lien un extrait en ligne (l’introduction de l’auteur).
    #Guy_Hocquenghem #Jean Stern #biographie
    Sinon un ancien billet que j’avais collé ici sur @seenthis
    https://seenthis.net/messages/505807

  • Mirage gay à Tel-Aviv
    Israël, comme tous les pays encore prisonniers des religions monothéistes, reste très homophobes. Mais #Tel-Aviv est une des capitales mondiales de l’homosexualité. Depuis quelques années, la propagande israélienne mesuré le profit qu’elle pouvait tire de la sympathie des gays occidentaux grâce à ce pinkwashing , camouflage de l’occupation et de la colonisation de la Palestine. Cofondateur de Gai Pied , puis journaliste à Libération et à La Tribune , fin connaisseur d’Israël, Jean Stern était bien placé pour enquêter sur ce ripolinage particulier de la « marque Israël ».
    Il en présente les acteurs et en éclaire les mécanismes : Gay Pride, Chanteurs trans, campagnes de publicité, émissions de télévision, invitations - souvent refusées - de personnalités étrangères, films homosexuels grand public ou pornographies et, bien sûr, déclarations démagogiques du premier ministre Benyamin Netanyahou et consorts. Ce reportage n’oublie pas la #Palestine, où les #gays subissent à la fois l’oppression d’une société traditionaliste et le chantage des autorités d’occupation.
    Dominique Vidal _ Le Monde Diplomatique juin 2017

    #Israël #Jean_Stern #homosexualité #pinkwashing

    Dans cette enquête inédite et à contre-courant, Jean Stern démonte une stratégie marketing et politique orchestrée par l’État israélien – le pinkwashing – qui consiste à camoufler la guerre, l’occupation, le conservatisme religieux et l’homophobie derrière le paravent sea, sex and fun d’une plaisante cité balnéaire, Tel Aviv. De Tsahal, armée affichée « gay-friendly », au cinéma – porno ou branché – empreint d’orientalisme, en passant par la frénésie nataliste chez les gays via la gestation pour autrui, l’auteur raconte l’envers du décor d’un rouleau compresseur. Ce « mirage rose » est décrié par les homosexuels palestiniens et les militants radicaux LGBT israéliens, juifs comme arabes.

    http://www.editionslibertalia.com/catalogue/hors-collection/jean-stern-mirage-gay-a-tel-aviv
    #homophobie
    Cofondateur de GaiPied en 1979, puis journaliste à Libération et à La Tribune, Jean Stern a publié Les Patrons de la presse nationale. Tous mauvais (La Fabrique, 2012).

    Paru dans CQFD n° 154, mai 2017. @cqfd

    LE PINKWASHING À L’HEURE DE TEL AVIV (OU ISRAËL SE RACHÈTE UNE IMAGE PINK)

    Publié aux #éditions_Libertalia, le livre de Jean Stern est une enquête inédite qui décortique la stratégie marketing de l’État israélien draguant la communauté gay occidentale. Rencontre avec l’auteur, cofondateur de Gai Pied, puis journaliste à Libération et actuel rédacteur en chef de La Chronique d’Amnesty International.

    CQFD : « Mirage gay à Tel Aviv » est une enquête sur ce que l’on appelle le pinkwashing. Est-ce que tu peux nous expliquer de quoi il s’agit ?

    Jean Stern : Je vais prendre un exemple simple avec le « greenwashing », qui consiste pour les entreprises à repeindre en vert leurs actions, à mettre par exemple des plantes vertes dans les sièges sociaux. Le pinkwashing apparaît en 2008 avec l’idée d’attirer la communauté gay occidentale à Tel Aviv pour tenter d’« adoucir » l’image d’Israël et de développer un nouveau tourisme. À partir de 2009-2010, une vraie stratégie marketing est pensée, élaborée, construite par la mairie de Tel Aviv, les hôteliers et le ministère du tourisme pour tenter de changer l’image d’Israël. Il faut rappeler qu’Israël était en dehors des grands circuits touristiques mondiaux jusqu’à la fin des années 2000. Et le gouvernement israélien s’est dit : il va falloir mettre en avant nos atouts. Tel Aviv, balnéaire, dotée de nouveaux lieux de sociabilité et dont l’image était en train de changer offrait un vrai potentiel. Ils ont trouvé le slogan : « Tel Aviv, la ville qui ne dort jamais ». Un slogan festif adapté aux hétéros mais qui marche aussi bien pour les gays. Israël a alors ciblé les médias gays, invités des dizaines de journalistes LGBT à Tel Aviv, fait des opérations de promo dans les clubs gays etc. Mais le pinkwashing a aussi et surtout permis un discours idéologique, avec cette idée sous-jacente : il y a des droits pour les gays en Israël, et ils n’en ont pas dans le monde arabe.

    Dans ton livre, on entre dans le détail puisqu’on découvre qu’une boîte de com’ basée aux Pays-Bas a été embauchée pour faire ce travail de marketing…

    Oui, il s’agit d’Outnow, une entreprise habituée à travailler avec des marques comme Orange, IBM mais aussi avec des villes comme Berlin, Vienne ou Copenhague. À partir de 2008, le gouvernement israélien a mis en place la structure « Brand Israël » directement reliée au cabinet de la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Tzipi Livni. Cette ancienne agente du Mossad, le service secret israélien, n’ignorait rien de l’image désastreuse de son pays. L’équipe de Livni a utilisé toutes les ressources du marketing pour l’améliorer. Des dizaines de millions de dollars ont été dépensés sur plusieurs années. Entre autres choses, le congrès de l’association mondiale du tourisme LGBT a été accueilli là-bas. Dès 2009-2010, un flux touristique s’est instauré. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de touristes gays occidentaux se rendent chaque année à la semaine de la fierté gay, début juin. Un tourisme très rentable puisqu’il contribue à faire tourner les nombreux bars, clubs et hôtels de Tel Aviv. Même si Israël a investi beaucoup d’argent, le retour sur investissement est flatteur puisque cela a non seulement amené des gens à Tel Aviv mais a surtout contribué à changer l’image du pays chez les gays avec cette idée assez simplette mais qui hélas marche : « Un pays aussi sympa avec nous ne peut pas être aussi horrible qu’on le dit avec les Palestiniens. »

    Par ailleurs, on comprend dans ton livre qu’à travers ce plan marketing, Israël utilise le désir des gays occidentaux pour l’homme oriental.

    Israël a récupéré ce que l’on a appelé l’orientalisme sexuel dont on trouve les traces chez des écrivains du XIXe siècle comme Flaubert ou Gérard de Nerval. Dans son livre L’Orientalisme, Edward Saïd explique comment l’image du monde arabo-musulman était très liée au désir sexuel des hommes occidentaux pour « l’homme arabe ». Cet orientalisme sexuel a connu son âge d’or dans les années 1950-60 avec pas mal d’écrivains emblématiques qui s’installaient au Maroc, en Tunisie, mais aussi s’engageaient aux côtés des Palestiniens. Jusque dans les années 1970, nombre de gays occidentaux sont allés ainsi au Maroc, en Égypte ou en Tunisie, rencontrer des hommes arabes. Et de fait, ça marchait assez bien parce qu’on était dans une sorte de « pas vu pas pris » réciproque. Mais le durcissement des pays arabo-musulmans, comme le Maroc et l’Égypte, à l’égard des homosexuels, a rendu de plus en plus compliqué ce tourisme sexuel. Et puis le contexte post-11 septembre 2001 a fait qu’une partie des homosexuels sont devenus hostiles à l’islam, et aux Arabes en général. Cela a été la naissance de l’homonationalisme, et il faut aujourd’hui déplorer qu’une partie des homosexuels occidentaux soutiennent la droite et l’extrême droite dans la croisade mondiale contre l’Islam. Israël leur propose un genre de placebo d’Orient qui leur convient assez bien, et je raconte comment de ludique le séjour à Tel Aviv devient de plus en plus politique.

    Dans ce contexte particulier, comment vivent les homosexuels en Palestine ?

    Dans une société plutôt conservatrice et homophobe, les homosexuels sont harcelés, parfois arrêtés et torturés par la police palestinienne. Une situation qu’exploite Israël grâce à une unité de surveillance électronique (l’unité 8200). Il y a trois ans, 43 réservistes de cette unité ont publié un texte où ils dénoncent le travail qu’on leur demande. C’est-à-dire non pas la prévention du terrorisme mais la détection des homosexuels et des lesbiennes, des hommes adultères, des alcooliques, etc., afin de les soumettre à un chantage. Ceux qui acceptent de s’y soumettre deviennent des collabos et risquent la mort s’ils sont découverts. S’ils refusent, Israël peut les dénoncer à la police palestinienne, et c’est également un péril mortel pour eux. Derrière le sirupeux discours gay-friendly d’Israël que mon livre essaye de décrypter, il y a une réalité bien plus sombre. Mais en Israël, en dehors de Tel Aviv, la société reste majoritairement homophobe. Les jeunes LGBT sont harcelés, violentés. Au-delà de son objectif de faire oublier l’occupation de la Palestine, le pinkwashing est aussi un paravent qui cache la réalité peu reluisante de la société israélienne, homophobe, inégalitaire, de plus en plus raciste.

    Il y a aussi un chapitre sur l’utilisation de mères porteuses en Thaïlande, en Inde et ailleurs par les couples gays israéliens qui laisse sans voix…

    En commençant cette enquête il y a trois ans, j’étais surpris de croiser dans les rues de Tel Aviv des couples de garçons poussant des landaus avec des bébés. Je me suis aperçu qu’il y avait un baby-boom gay en Israël d’une ampleur considérable, unique au monde. On parle de plus de 10 000 naissances dans les couples de lesbiennes et de 5 000 dans les couples homosexuels à Tel Aviv depuis 2010. Pour les lesbiennes, c’est relativement simple puisque Israël est un des pays pionniers de la fécondation in vitro. Pour les gays c’est plus compliqué. Au début, ils ont eu recours à la coparentalité, avec des amies souvent lesbiennes. Et on se partage le temps de garde, une semaine chez l’un, une semaine chez l’autre. Mais petit à petit, ils ont préféré la gestation pour autrui (GPA), baptisée en Israël maternité de substitution. La GPA est devenue un vrai marché avec ses cours : c’est plus cher de louer une mère porteuse juive aux États-Unis qu’une femme non juive au Népal ou en Thaïlande. Pour donner une échelle des prix, cela va de 45 000 à plus de 150 000 dollars. Dans ce nouveau marché de l’enfant, fait d’hyper-capitalisme mêlé de nationalisme – il faut des fils pour peupler Israël – il y a quelque chose qui provoque le malaise. Il y aussi une sérieuse bagarre avec les religieux, dont le poids politique est important en Israël, sur la question de la judaïté de ces enfants. Pour la loi juive, on est juif par la mère. À l’exception de certaines mères porteuses aux États-Unis, la plupart ne sont pas juives. Ces questions éthiques sont en fait très politiques.

    Où est donc l’espoir ? Peut-être du côté du Black Laundry qui a marqué l’histoire de la défense des droits LGBT en Palestine / Israël dans les années 2000 ?

    Il y a eu effectivement au début des années 2000 un mouvement LGBT très novateur, Black Laundry, qu’on peut traduire par lessiveuse noire et qui prônait l’exact inverse du pinkwashing. Il y avait là aussi bien des filles, des garçons ou des trans palestiniens et israéliens. Ce mouvement mixte dans tout les sens du terme a su mener une lutte à la fois contre le pinkwashing alors naissant mais aussi et surtout contre l’occupation, qui est la question centrale en Israël. Ce mouvement a fini par se déliter et beaucoup de ses militants ont d’ailleurs quitté le pays pour Berlin. Mais après plus de dix ans d’atonie, et pendant que les homos réacs jouissent de leur bonne fortune dans leurs luxueux penthouses de Tel Aviv, on assiste depuis quelque temps à une petite renaissance de l’expression de la radicalité LGBT, notamment avec des groupes palestiniens qui tentent de se réapproprier la culture queer arabo-musulmane et de se développer à l’intérieur même des Territoires occupés. C’est difficile, car il leur faut combattre sur tous les fronts, dénoncer ce pinkwashing qui les présente comme des victimes de l’homophobie de leur société, alors qu’Israël contribue largement à leur oppression. Il ne faut pas se leurrer, le combat est très dur, contre la famille, la police, l’armée et un discours qui nie leur identité pour les LGBT palestiniens, contre une société parfois hystériquement homophobe et une extrême droite de plus en plus violente en Israël pour les LGBT israéliens. C’est d’ailleurs en Palestine et en Israël que les mirages du pinkwashing sont souvent le plus violemment critiqués, et cela a quelque chose de réconfortant, surtout vu de France, où il est si difficile de critiquer Israël. Toutes les arnaques ont cependant une fin.

    Propos recueillis par Martin Barzilai


    • @lundimatin

      En Tchétchénie, on persécute les homosexuels. Voici peu de jours, la radio rapportait que le gouvernement turc faisait tirer à balles en caoutchouc sur la Gay Pride place Taksim. Ces horreurs ne se produiraient certes pas en Israël. En effet, le pays est devenu « gay friendly ». C’est ce que nous rapporte Jean Stern dans ce #Mirage_gay qui est une enquête rondement menée sur l’entreprise de pinkwashing lancée par l’État israélien afin de séduire et d’attirer les homosexuels du monde entier. L’énoncé peut paraître caricatural, mais il ne l’est pas du tout. Nous avons bien affaire ici à une hénaurme opération de com’, comme aurait dit le père Ubu et qui, ce qui ne gâte rien, alimente aussi la pompe à phynances… « Lancée en 2009, la conquête publicitaire des gays aura pour cadre une opération plus globale, Brand Israel, “Vendre [lamarque] Israël”. Principe de base : faire oublier l’occupation de la #Palestine, voire son existence. » Le concepteur de l’opération est un diplomate, Ido Aharoni, qui a travaillé aux États-Unis avant de revenir au ministère des Affaires étrangères à #Jérusalem. Il expose ainsi sa stratégie : « Chasser de l’esprit mondial le mur de séparation, Jérusalem et les hommes en noir, l’aspect guerrier et religieux du pays [1] » et « faire du Web un allié » – en investissant pour cela tout l’argent nécessaire.

      https://lundi.am/Mirage-gay-a-Tel-Aviv-Jean-Stern

      Cofondateur de #GaiPied en 1979, puis journaliste à Libération et à La Tribune, Jean Stern a publié Les Patrons de la presse nationale. Tous mauvais (La Fabrique, 2012). En mars 2017 paraissait Mirage gay à #Tel_Aviv aux éditions Libertalia. En plus de cet entretien, vous pouvez lire une recension de l’ouvrage dans notre édition estivale.

      https://lundi.am/Pinkwashing-a-Tel-Aviv

  • #Jean_Stern décrypte le #marketing #gay d’Israël
    https://www.mediapart.fr/journal/international/100617/jean-stern-decrypte-le-marketing-gay-disrael

    Vidéo accessible dans le corps de l’article. Depuis une quinzaine d’années, #Tel-Aviv s’est positionnée sur le créneau du « tourisme gay ». Une manière de redorer son image, mais qui s’avère particulièrement hypocrite, selon le journaliste Jean Stern, auteur de l’ouvrage Mirage gay à Tel-Aviv.

    #International #Culture-Idées #homosexualité #Israël #livre

  • L’« homonationalisme » drapeau de l’occupation israélienne | Pierre Prier
    http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/l-homonationalisme-drapeau-de-l-occupation-israelienne,1804

    Tel-Aviv a été déclarée en 2012 « meilleure ville gay du monde » à l’issue d’une enquête menée par le site gaycities.com et American Airlines, ce qui lui vaut une fréquentation touristique conséquente, notamment en juin, au moment de la Gay pride. Mais cette image « sea, sex and sun » d’ouverture et de tolérance présentée à l’Occident n’est qu’un mirage, selon Jean Stern. Car Israël, pays à la fois colonisateur et largement homophobe, a du mal à passer pour un défenseur des libertés, même si sa politique de (...) Source : Orient XXI

  • Jean Stern - Presse et #médias : le temps de l’hyper-concentration
    Jeudi 3 mars 2016
    https://www.youtube.com/watch?v=pli8YpYlZH0

    Rencontre-Debat avec Jean Stern,auteur de "Les patrons de la presse nationale,tous mauvais" organisé par ATTAC 92

    "La montée en puissance dans la #presse_française des #milliardaires de la téléphonie et du web s’accompagne d’un recul des moyens des #journalistes pour enquêter. Holdings défiscalisées, intense #lobbying politique, services de com. sans foi ni loi : tout est bon pour maintenir la #presse_nationale sous le boisseau. Une #presse plus concentrée, c’est une presse plus soumise, moins libre, au service des intérêts supérieurs du « #libéralisme ». Heureusement, des journalistes relèvent la tête, et de nombreux titres indépendants voient le jour, notamment en numérique."

    Jean Stern, #journaliste, ancien de Libération et de la Tribune est rédacteur en chef de La Chronique d’ Amnesty international, chroniqueur à l’Instant M sur France Inter et collabore au site Orient XXI.
    https://france.attac.org/agenda/article/attac-92-montrouge-presse-et-medias-le-temps-de-l-hyper-concentration?

  • La fin des #médias indépendants : le grand tournant
    http://www.franceinter.fr/emission-l-instant-m-la-fin-des-medias-independants-le-grand-tournant
    http://rf.proxycast.org/1069104167814963201/13938-03.09.2015-ITEMA_20789383-0.mp3

    Radio Nova, racheté par un banquier ? Question de jours. Le Parisien aux mains de LVMH ? Question de semaines. BFM TV et RMC avalé par un géant de la téléphonie ? Signé depuis cet été. Au moment où je vous parle, le milliardaire Vincent Bolloré, prend la présidence du conseil de surveillance de Canal+, dont il a mis à genou les programmes et l’organigramme. C’est son droit d’actionnaire majoritaire. Nous vivons, cette année, un tournant majeur dans l’histoire des médias français. L’information et le divertissement plus que jamais inféodés aux puissants. La part de voix des indépendants réduite quasi à néant.

    Tiens j’avais oublié cette citasse :

    « Nous occupons la presse, nous sommes à la radio, nous sommes partout dans les journaux ! » (Pierre Gattaz, président du Medef, Europe 1, 17 novembre 2013)

    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/12/A/49917

  • Best of interview
    http://pbg.xyz/best-of-interview

    Retour vers le futur, pour bien finir l’année

    Pour cette dernière émission de 2014, le PBG vous propose de replonger dans quelques-unes de ses interviews préférées, extraites de sa jeune histoire et de celle du lo-fi 0.0.

    Au menu, de la musique, toujours de la musique et des extraits d’entretiens avec :

    Daniel Helin, Jean Stern, William Benett, Caroline Sury, David de Point Culture et John King.

    Bonne écoute et bonnes fêtes de fin d’année.

    On se retrouve alive and kicking, en 2015.

    Download

    Diffusions sur radiopanik

    Vendredi 26 Déc 2014 à 17:30 Mercredi 07 Jan 2015 à 10:30

  • Formation et déformation des journalistes (1)
    http://www.acrimed.org/article4102.html

    Jeudi 25 avril 2013 se tenait à la Bourse du travail à Paris un « jeudi d’Acrimed » consacré à la formation des journalistes. Y participaient Franz Durupt, journaliste, ancien élève de l’ESJ de Lille, et Jean Stern, directeur pédagogique de l’EMI-CFD [1]. Avec son concours, nous résumons ici les principaux points de son intervention. Pauvreté des formations, appauvrissement du journalisme J’ai récemment vu deux amis qui ont fait le Centre de formation des journalistes de Paris (CFJ) avec moi il y a 35 (...)

  • Lo-fi 0.0 Spéciale « Le Mal » avec Jean Stern.

    Le MAL. N’œuvrons nous pas tous pour le mal par pure négligence ?

    Interview de Jean Stern, autour de Gay pied, Libé 2 et son livre « Patrons de la presse nationale, tous mauvais ». Musique garage, good & bad girls, le black metal norvégien, Breaking bad et les méchants de cinéma.

    http://www.mixcloud.com/media/swf/player/mixcloudLoader.swf?feed=http://www.mixcloud.com/Lofi_00/speciale-le-mal

    #bad #mauvais #presse #black_metal #shameless_autopromo #breaking_bad #garage_rock #radio_panik

  • Vient de lire Jean Stern - Les patrons de la presse nationale (tous mauvais).


    Ou comment la presse nationale permet aux milliardaires français de défiscaliser d’holdings en holdings les revenus de leurs groupes, de contourner l’impôt sur les entreprises et de se refinancer tout en maintenant des titres dans l’indigence et précarisant les différents secteurs de l’industrie de la presse écrite. Et comment ces patrons renforcent leur influence idéologique et politique et mettent tout le monde au pas, à l’ancienne, comme au 19e s. des capitaines de l’industrie...

    #presse #livre 

    A lire [mais pas d’ebook :(] : http://www.lafabrique.fr/catalogue.php?idArt=713

    http://ragemag.fr/le-capital-nous-a-possede-et-deposseder-entretien-avec-jean-stern

    Alors, demain ?

    Je crois de plus en plus qu’aujourd’hui la seule manière de s’en sortir c’est le « small is beautiful ».(...)
    Moi aujourd’hui, je travaille dans une SCOP (il est directeur pédagogique de l’école de journalisme, l’EMI-CFD, ndlr). Je dis pas qu’il faut faire des SCOP, mais pourquoi pas ? C’est un modèle qui fonctionne.

    http://www.dailymotion.com/video/xucqdy_patrons-de-presse-tous-mauvais_news