kaparia

animateur d’un espace de création dans le quartier de Kypseli, Athènes

  • 𝗔𝗽𝗿𝗲̀𝘀 𝗹𝗲 𝗻𝗮𝘂𝗳𝗿𝗮𝗴𝗲, 𝗱𝗲𝘀 𝘀𝘂𝗿𝘃𝗶𝘃𝗮𝗻𝘁𝘀 𝗱𝗲́𝗻𝗼𝗻𝗰𝗲𝗻𝘁 𝗹𝗲𝘀 𝗴𝗮𝗿𝗱𝗲𝘀-𝗰𝗼̂𝘁𝗲𝘀 𝗴𝗿𝗲𝗰𝘀 𝗲𝘁 𝗙𝗿𝗼𝗻𝘁𝗲𝘅

    𝐿𝑎 𝑣𝑒𝑟𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑜𝑓𝑓𝑖𝑐𝑖𝑒𝑙𝑙𝑒 𝑔𝑟𝑒𝑐𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙’𝑢𝑛 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑖𝑟𝑒𝑠 𝑛𝑎𝑢𝑓𝑟𝑎𝑔𝑒𝑠 𝑒𝑛 𝑀𝑒́𝑑𝑖𝑡𝑒𝑟𝑟𝑎𝑛𝑒́𝑒 𝑒𝑠𝑡 𝑚𝑖𝑠𝑒 𝑎̀ 𝑚𝑎𝑙 𝑝𝑎𝑟 𝑙𝑒𝑠 𝑡𝑒́𝑚𝑜𝑖𝑔𝑛𝑎𝑔𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑠𝑢𝑟𝑣𝑖𝑣𝑎𝑛𝑡𝑠. 𝐿𝑒 𝑟𝑜̂𝑙𝑒 𝑑𝑒 𝐹𝑟𝑜𝑛𝑡𝑒𝑥, 𝑙’𝑎𝑔𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑒𝑢𝑟𝑜𝑝𝑒́𝑒𝑛𝑛𝑒 𝑐ℎ𝑎𝑟𝑔𝑒́𝑒 𝑑𝑒𝑠 𝑓𝑟𝑜𝑛𝑡𝑖𝑒̀𝑟𝑒𝑠 𝑒𝑥𝑡𝑒́𝑟𝑖𝑒𝑢𝑟𝑒𝑠, 𝑒𝑠𝑡 𝑒́𝑔𝑎𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑜𝑖𝑛𝑡𝑒́ 𝑑𝑢 𝑑𝑜𝑖𝑔𝑡. 𝑈𝑛𝑒 𝑒𝑛𝑞𝑢𝑒̂𝑡𝑒 𝑎 𝑒́𝑡𝑒́ 𝑜𝑢𝑣𝑒𝑟𝑡𝑒.

    Pavlos Kapantais
    17 juin 2023

    Kalamata (Grèce).– Plus de quatre jours après le naufrage d’un bateau de pêche en provenance de Libye, où s’étaient embarquées jusqu’à 750 personnes – notamment des ressortissantes et ressortissants égyptiens, syriens et pakistanais –, l’espoir est mince de retrouver des survivant·es au large des côtes sud de la Grèce.

    Les questions sont nombreuses en particulier sur l’action des gardes-côtes grecs, accusés par certains témoignages d’avoir provoqué l’accident. La Cour suprême grecque a ordonné une enquête sur les circonstances du drame, l’un des pires naufrages en Méditerranée avec des centaines de morts. Pour l’heure, 104 personnes ont été rescapées et 78 corps récupérés.

    Jeudi après-midi, Kriton Arsenis, ancien eurodéputé, a rencontré des survivants dans le port de Kalamata, sur la péninsule du Péloponnèse, en tant que membre de la délégation de Mera25, le parti de Yánis Varoufákis. « Les réfugiés nous ont dit que l’embarcation a chaviré pendant qu’elle était tirée par le bateau des gardes-côtes », a-t-il raconté.

    « Les survivants nous disent que le bateau a basculé alors qu’il faisait l’objet d’une manœuvre où il était tiré par les gardes-côtes helléniques, a déclaré de son côté Vincent Cochetel, envoyé spécial du Haut Commissariat aux réfugiés pour la Méditerranée occidentale et centrale. Ils nous disent qu’il était tiré non pas vers les côtes grecques, mais en dehors de la zone de secours en mer grecque. »

    Ces témoignages vont à l’encontre de la version officielle, qui, jusqu’à vendredi, expliquait que les gardes-côtes n’étaient pas intervenus.

    La Grèce est régulièrement accusée de refouler des migrant·es en mer, provoquant la crainte, derrière une aide supposée, d’être en réalité éloigné·es du territoire – une pratique illégale au regard du droit international maritime et de la Convention de Genève, qui doivent permettre à toute personne en situation de détresse d’être secourue et acheminée vers un port dit « sûr » et de pouvoir, si elle le souhaite, déposer une demande d’asile dans le pays qu’elle tentait de rallier.

    En mai dernier, des révélations du New York Times ont mis en lumière cette pratique, grâce à une vidéo d’un « push-back » prise sur le fait. Mediapart avait documenté un cas semblable en 2022, qui avait provoqué la mort de deux demandeurs d’asile.

    𝗟𝗲 𝗽𝗮𝘁𝗿𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗙𝗿𝗼𝗻𝘁𝗲𝘅 𝘀𝘂𝗿 𝗽𝗹𝗮𝗰𝗲

    Le rôle de Frontex, l’agence européenne chargée des frontières extérieures, est également mis en question, car selon les autorités portuaires grecques, un avion de surveillance de Frontex avait repéré le bateau mardi après-midi mais les secours ne sont pas intervenus car les passagers ont « refusé toute aide ». Son patron Hans Leijtens s’est rendu à Kalamata pour établir les faits et « mieux comprendre ce qui s’est passé car Frontex a joué un rôle » dans ce naufrage « horrible ».

    « On ne demande pas aux personnes à bord d’un bateau à la dérive s’ils veulent de l’aide […], il aurait fallu une aide immédiate », a affirmé pour sa part à la télévision grecque ERT Nikos Spanos, expert international des incidents maritimes. D’après Alexis Tsipras, le chef de l’opposition grecque de gauche, qui s’est entretenu avec des rescapés, « il y a eu un appel à l’aide ».

    Le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), deux agences des Nations unies, se sont félicités des enquêtes « qui ont été ordonnées en Grèce sur les circonstances qui ont conduit au chavirement du bateau et à la perte de tant de vies », tout en rappelant que « le devoir de secourir sans délai les personnes en détresse en mer est une règle fondamentale du droit maritime international ».

    "𝑶𝒖𝒊, 𝒄̧𝒂, 𝒊𝒍𝒔 𝒎𝒆 𝒍’𝒐𝒏𝒕 𝒕𝒐𝒖𝒔 𝒅𝒊𝒕, 𝒍𝒆𝒔 𝒄𝒂𝒍𝒆𝒔 𝒆́𝒕𝒂𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒓𝒆𝒎𝒑𝒍𝒊𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒇𝒆𝒎𝒎𝒆𝒔 𝒆𝒕 𝒅’𝒆𝒏𝒇𝒂𝒏𝒕𝒔." - 𝐴𝑟𝑒𝑡𝑖 𝐺𝑙𝑒𝑧𝑜𝑢, 𝑡𝑟𝑎𝑣𝑎𝑖𝑙𝑙𝑒𝑢𝑠𝑒 𝑠𝑜𝑐𝑖𝑎𝑙𝑒 𝑎𝑢 𝑠𝑒𝑖𝑛 𝑑𝑒 𝑙’𝑂𝑁𝐺 𝑔𝑟𝑒𝑐𝑞𝑢𝑒 𝑇ℎ𝑎𝑙𝑝𝑜

    Le HCR et l’OIM ont rappelé vendredi que depuis le début de l’année, au moins 72 778 migrants sont arrivés en Europe (dont 54 205 en Italie), par les routes migratoires en Méditerranée orientale, centrale, et occidentale ou par le nord-ouest de l’Afrique. Dans le même temps, au moins 1 037 migrants sont morts ou portés disparus.

    Neuf Égyptiens ont été arrêtés dans le port de Kalamata. Ils sont âgés de 20 à 40 ans et soupçonnés de « trafic illégal » d’êtres humains. Parmi les suspects, qui devraient comparaître lundi devant le juge d’instruction, figure le capitaine de l’embarcation qui a chaviré, d’après une source portuaire à l’AFP.

    Areti Glezou, travailleuse sociale au sein de l’ONG grecque Thalpo était en première ligne aux côtés des rescapés. Manifestement choquée, elle se souviendra longtemps de certains détails à glacer le sang. « Un homme me racontait qu’il a nagé pendant deux heures au côté de corps d’enfants avant d’être secouru. » Elle s’arrête, reprend son souffle et, les larmes aux yeux, elle poursuit : « Oui, ça, ils me l’ont tous dit, les cales étaient remplies de femmes et d’enfants. » Aucun n’aura été retrouvé vivant.

    Plus de 120 Syriens se trouvaient à bord et un grand nombre d’entre eux sont portés disparus, ont indiqué vendredi à l’AFP des membres de leurs familles et des militants locaux. La plupart sont originaires de la province instable de Deraa dans le sud du pays. Berceau du soulèvement antirégime déclenché en 2011, elle est revenue sous le contrôle des forces gouvernementales en juillet 2018. Plusieurs d’entre eux ont gagné la Libye, d’où était parti le bateau, en transitant par des pays voisins comme le Liban, la Jordanie ou encore l’Arabie saoudite.

    Vendredi matin, on a cependant vu des larmes de joie sur le port de Kalamata. Des deux côtés des barrières qui entourent le hangar où logent les rescapés, deux frères se sont aperçus. Fardi a retrouvé Mohamed vivant. Le grand a retrouvé le petit. Autour d’eux les sourires fleurissent sur les visages. Pour quelques brefs instants, journalistes, humanitaires et hommes en uniformes redeviennent d’abord des êtres humains. Comme un rayon de lumière qui illumine soudain un océan de tristesse.

    Une demi-heure plus tard, des bus viennent chercher les rescapés pour les emmener au camp de Malakasa dans la région d’Athènes. Le hangar est désormais vide.

    #frontières #naufrage #Grèce #migrants #migrations #Frontex #Méditerranée

    https://www.mediapart.fr/journal/international/170623/apres-le-naufrage-des-survivants-denoncent-les-gardes-cotes-grecs-et-front