• La petite bourgeoisie culturelle continue d’exister, mais autrement, en se repliant dans les mondes privés : on cherche à avoir son potager, à acheter son moulin… Au même âge, la génération qui a connu une ascension dans les années 1980 était en responsabilité des actions culturelles de la collectivité, dirigeait des festivals dotés de 300 000 euros de budget. On perçoit clairement un tournant plus individualiste du mode de vie, centré sur le noyau familial.

      La fragilisation que vous décrivez a encouragé, dites-vous, un certain mépris social envers les milieux populaires. Par quels mécanismes ?

      L’effet de lieu est ici important, car il s’agit d’une petite bourgeoisie perdante dans une ville en déclin, ce qui est source de frustration. Dans le Bas-Montreuil, cette petite bourgeoisie culturelle est encore gagnante, au sens où elle donne encore le ton – d’ailleurs, le vote pour les forces de gauche y est encore massif. Cela ne veut pas dire que le rapport au populaire n’est pas ambivalent, mais l’ethnocentrisme de classe sera plus aisément euphémisé, dissimulé.

      À Lergnes, c’est justement la conscience qu’on ne bénéficiera pas des aménités des quartiers gentrifiés qui incite non seulement à critiquer les élus de la nouvelle majorité municipale, mais aussi à fustiger les « cas sociaux » pour leurs comportements, leur occupation de l’espace public, ainsi que pour leurs opinions, soupçonnées d’être d’extrême droite. Le sentiment de déclin exacerbe le rejet d’une certaine altérité populaire, au lieu que se nouent des alliances de classes.