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Production de médias urbex - photographies vidéos et rédaction web

  • 82 ans d’abandon. C’est la valeur folle à laquelle on pourrait éventuellement s’attendre pour ce lieu. Imaginer, se poser, là, juste un instant, tout ça de nombre d’hivers, d’épisodes cévenols, de renards ou de souris ; c’est toute une vie humaine, belle et longue d’ailleurs. Mais là, en cette maison, l’attente vide, c’est une gigantesque absence, un temps de plus-rien-du-tout, terriblement long. Je vous fais récit de la découverte.

    Le documentaire complet est disponible ici : https://tchorski.fr/25/arthur.htm

    Remarquée par hasard, je me suis rendu sur cet urbex en juillet. Je suis tombé sur une MONTAGNE de ronces (et pourtant je précise d’office que je n’aime pas écrire en capitales). C’est très pentu en sens descente et qui plus est ébouleux, alors le sécateur ? C’est un lance-flamme qu’il faudrait ! J’y reviens en janvier. Essai n°1, essai n°2… je renonce… retourne à la voiture… et puis non flute, je ramperai sous la toile d’épines !

    Une demi-heure plus tard, bobo au dos mazette, un autre écueil, l’escalier n’existe plus, il faut escalader. La porte est obturée par une table, placée depuis l’intérieur. A peine de l’effleure, elle tombe en poussière et en lambeaux pourris.

    L’intérieur de la maison est une ruine. C’est d’une très grande fatigue. Je cherche frénétiquement des papiers pour essayer de comprendre l’historique de l’endroit, ne trouve que des journaux de 1911. Le dernier calendrier, mourant au mur, lui date de 1942. Autrement il n’y a rien. Ah tiens si, sous le lit, un vieux cahier d’école rongé. Il comporte un unique nom : Arthur Naussac. L’enquête peut commencer.

    La maison appartenait à Adrien et Eulalie. Ils sont parents d’Arthur en 1897. Laissons-nous rêver à ce jeune en 1916 : il mesure 1m63, a les cheveux châtains, les yeux marrons, le front moyen, le nez busqué, le visage long. Maçon, il devait probablement être costaud, sec et rude. Il est incorporé en cette année là, puis tué au front le 7 octobre 1918 à Morcourt dans l’Aisne, un mois avant l’armistice… 21 ans. Pauvre jeune, avalé par la guerre, comme tant d’autres.

    Dans cette maison, les parents ont reçu la lettre, ont eu l’immense chagrin. Son nom est désormais gravé dans le marbre du monument aux morts au centre du vaste cimetière.

    Adrien fut conseiller municipal en 1936, puis par la suite plus rien ne filtre, aucune information. Pas même la sépulture, le temps a certainement dû emporter les noms dans le silence. Dès lors les portes se referment peu à peu. La voisine d’en face évoque que les fenêtres se sont vues closes avec des planches en 1991, des gamins jouaient dans la bâtisse. Puis voilà, arrive le déluge de ronces, les fissures, les automnes et les hivers. Les murs lézardés vont imploser. Que cela peut-il faire ? Ça ne dérange personne.

    Très exceptionnellement, je me suis assis et je n’ai rien fait. Juste attendre, imprégné du silence, l’humilité, comme un hommage dû à ce lieu, à ces gens.

    Entrer dans ce sanctuaire m’a donné une curieuse impression. C’était vide depuis si longtemps, c’est tout de même assez peu fréquent. Même si la bâtisse est modeste (mais encore jolie), même si le parcours historique est pauvre, j’ai eu l’impression de bénéficier de beaucoup de chance. Immense respect pour l’endroit, qui retrouve désormais sa solitude totale.