Le retour de l’austérité, signe de l’instabilité économique globale | Mediapart | 01.04.24
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Mais ce sont les pays émergents les plus fragiles qui sont le plus durement frappés par cette nouvelle tendance, souvent avec l’action directe du Fonds monétaire international (FMI). Outre l’Argentine soumise à la furie austéritaire de son nouveau président libertarien Javier Milei, on peut citer parmi les pays touchés par ce tour de vis l’Égypte, le Nigéria, la Turquie ou le Kenya. Le mouvement n’est pas encore généralisé, mais il y a clairement un tourbillon disciplinaire en cours.
Ce mouvement est accompagné d’un discours prônant à nouveau l’austérité comme une solution aux maux économiques. Dans le Financial Times du 25 mars, le président de la banque Rockefeller International, Ruchir Sharma, se réjouissait ainsi que les cinq pays émergents cités plus haut aient eu recours à ces méthodes dignes, reconnaît-il, du bon vieux « consensus de Washington ». « Ils sont en voie de guérison », affirmait-il ainsi.
Un nouveau « consensus de Washington » ?
Mais nous ne sommes pas pour autant revenus aux grandes heures du consensus de Washington des années 1980. Ce retour de bâton de l’austérité s’accompagne en effet d’un autre mouvement majeur en apparence contradictoire et pourtant assez général d’un soutien public inédit à l’économie. Après des années de politique monétaire très accommodante, les États ont accéléré les injections de fonds dans le secteur privé.
Rien qu’aux États-Unis, l’ensemble des plans d’aide mis en place depuis la pandémie s’élève à près de 5 000 milliards de dollars, soit près d’un quart du PIB annuel de la première économie du monde. La Chine n’est pas en reste, l’objectif affiché par Xi Jinping de développer les « nouvelles forces productives » technologiques se fait évidemment avec l’appui d’argent public.
Mais même dans les pays qui prétendent revenir à des logiques d’austérité, les largesses publiques au secteur privé ne cessent pas. Dans les pays émergents, les problèmes budgétaires tiennent souvent à la faiblesse de l’imposition du capital. Surtout, en Allemagne comme en France, les coupes budgétaires ont servi à maintenir les importantes aides publiques au secteur privé. Outre-Rhin, la censure du « fonds pour le climat et la transformation » (KTF) par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en octobre a conduit le gouvernement fédéral à favoriser l’aide aux entreprises au détriment des aides sociales. En France, on sait que la nouvelle réforme de l’assurance-chômage n’est justifiée que par le maintien d’un flux fiscal annuel de près de 200 milliards d’euros en faveur des entreprises et du refus d’augmenter les impôts sur le capital.