• Je me demande par quel curieuse construction intellectuelle un particulier peut-il s’imaginer avoir la responsabilité, voire la propriété de données personnelles.

    Je suppose que ce n’est pas ici qu’on évoquera cette absurde idée par laquelle on rend chacun responsable de la conservation de reproductions d’oeuvres de l’esprit dont ledit chacun serait l’utilisateur exclusif : non, j’évoquais davantage :

    L’absurdité pour un individu d’accepter de s’authentifier par la conservation de secrets personnels.

    Le peu d’importance de la plupart des données publiques concernant une personne que l’individu n’est pas capable de mémoriser lui-même, sans informatique.

    De quoi parle-t-on exactement quand on parle de données personnelles, alors ?

    • Pour moi : des données qui permettent à l’esprit humain de reconstituer une représentation de la sphère intime de l’individu (vécu, opinions, orientations, déviances..), intimité que l’individu confronte régulièrement à l’espace numérique (photo, mail, réseaux sociaux, blogs, web..) et qui est d’habitude protégé par l’enveloppe de la « pudeur » comme un vêtement cache la partie intime de nos corps.
      Cette pudeur se construisant elle-même par rapport aux normes sociales, qui décrètent ce qui est décent de ce qui ne l’est pas.
      Je considère que les « naturistes » étant sans doute des gens plus libres que moi, c’est vers eux que je me tourne pour apprendre à résister à ce qui s’annonce..

      Personnellement, je ne pense pas être suffisamment signifiant pour craindre quoi que ce soit de la divulgation publique des opinions que j’exprime plus ou moins anonymement sur le web, et pour le reste, je me prépare à me retrouver « à poil » un jour de façon publique pour ce qui est de ma vie privée, tant pis, de toutes façons on est mortels, donc les secrets dans la tombe, ça n’a pas beaucoup d’utilité... Il y a bien d’autres causes dans ce bas monde qui m’effraient et me révoltent plus que cette perspective là...

    • En bon disciple des sociologues, il me semble que nous sommes initialement fabriqués jusqu’à notre intimité. La simple prise de conscience du caractère fabriqué de nos goûts, préjugés, aspects intimes permet d’acquérir la distance suffisante pour en percevoir la vacuité, et donc, le peu de valeur. Fabriqués, nos jugements ne nous définissent plus : ils ne font qu’exposer les limites de notre libre-arbitre, les liens par lesquels l’Exploiteur nous tient.

      J’ai toute confiance en l’exploiteur capitaliste pour chercher à employer à son profit toute prise qu’il pourrait avoir sur moi, la défense d’un secret étant la plus évidente qu’il puisse avoir.

      Pour cette raison, je crois que l’on ne peut être libre si l’on doit défendre des secrets, pour quelque raison que ce soit. Pire encore, on se condamne à rester victime de l’exploitation à prétendre avoir quoi que ce soit d’intime à défendre, de quoi qu’il puisse s’agir (ce qui n’est pas en soit une raison pour livrer pieds et poings liés au Capital de nouvelles armes pour toujours mieux exploiter)