• Un signe de fin de cycle

    http://www.liberte-algerie.com/contrechamp/un-signe-de-fin-de-cycle-230135 Mustapha Hammouche

    Un signe de fin de cycle

    Jamais, depuis l’Indépendance, un soulèvement n’a essayé de franchir le pas… de la porte de la Présidence. Ni lors de l’insurrection du 5 Octobre 1988 ni au plus fort de la déferlante FIS. Le fait d’une manifestation d’agents de l’ordre est déjà surprenant pour le plus averti des observateurs. Mais, pour le pouvoir, certainement très éprouvé du fait qu’un corps auquel est impartie la tâche de s’opposer à toute manifestation “subversive” — autrement dit toute manifestation ne venant pas en soutien au régime — qui se dresse contre son autorité. Et désigne le responsable à déposer et choisit les interlocuteurs à rencontrer.

    Outre ces marques d’audace, les agents expriment spontanément leur constat de vacance de pouvoir. Comme l’a noté une internaute, reprise par le site “Algérie-focus.com”, il y a de l’humour dans le fait même que des policiers frondeurs se présentent devant la Présidence pour demander à rencontrer… le Premier ministre. Montrant par là, qu’ils savent que Sellal est appelé à suppléer l’absence physique du chef de l’État.

    Le pouvoir semble stupéfait devant un évènement aussi imprévu qu’imprévisible. Une espèce de 5 Octobre “à l’envers” ! Où ceux censés servir de rempart aux actions de contestation de la politique du régime prennent, eux-mêmes, l’initiative de défier ses capacités répressives ! Mais il n’a visiblement pas de réponse prête pour remédier à ce genre de situations. D’autant plus qu’il devait être assuré de la sérénité — et de l’obédience — d’un des corps dont il a prioritairement amélioré la situation sociale. La réaction de l’autorité est toute faite d’hésitation : elle ne condamne pas le mouvement, promet des concessions, mais ne convient de sa légitimité… Peut-être parce qu’il se rend tout simplement compte qu’il est allé trop loin dans l’encadrement réglementaire de la profession, mais surtout parce qu’il a le souci de réduire au plus vite un mouvement lourd de sens politique. Celui-ci vient, en effet, de faire voler en éclats un mythe que le régime n’a de cesse de ressasser, le mythe selon lequel il est le représentant d’un État fort et stable. Cette illusion d’aplomb lui vient de ce qu’il a placé toutes les composantes de la société devant le dilemme du système rentier : clientélisme ou répression.

    Mais voilà, c’est une catégorie de manifestants devant laquelle la mécanique répressive est désarmée qui émet le message de contestation. C’est une partie de cette mécanique qui se retourne contre le système global et le met à l’épreuve. D’une certaine manière, les policiers manifestent par procuration pour toutes les catégories répressibles de la société. L’Algérie, du fait de la nature de son régime, vit un moment paradoxal : c’est de l’intérieur du dispositif de musellement de la société que fusent les signes de mécontentement populaire ! Et que se déclarent les symptômes les plus spectaculaires d’un système déliquescent.
    Telle est la logique du cycle de vie des systèmes totalitaires : ils périssent des effets de leurs propres abus. De leur propre aveuglement.