Disqueuse. Rédoine Faïd aux assises pour évasion, par Noémie Schulz @noemieschulz
▻https://twitter.com/noemieschulz/status/1706335451043266563
L’interrogatoire de #RedouaneFaid sur les faits commence « Avant de monter dans cet hélicoptère, je me dois d’expliquer la génèse de tout ça. Ce qui a provoqué l’envie de partir. Je dois démarrer mon récit en détention. »
"Quand vous arrivez à #Fresnes, au quartier d’isolement, vous etes au rez-de chaussée. La cellule, c’est comme être dans une cave. Pas de fenêtre, un vasistas en hauteur, pas de chauffage, pas de douche, des toilettes turques ou normales selon la cellule"
« La première fois que j’y suis arrivé, c’était y’a 20 ans. C’est un gouffre quand vous arrivez, y’a des rats, des cafards. Si vous fermez pas la fenêtre, le rat monte dans la cellule. C’est ça Fresnes. L’hiver, il gèle tout simplement. Vous dormez avec trois pulls, deux manteaux »
« Les surveillants sont féroces. Ce sont des conditions de détention extrèmes.
Vous y passez 23 heures par jour. On entend les lamentations des gens, les gens qui pleurent, qui hurlent. Mais plus fort que les lamentations, c’est le silence dans cet endroit »
"Le silence transmet le son d’une douleur impénétrable. C’est une machine à broyer. C’est l’outil répressif de l’administration pénitentiaire."
« C’est un endroit, ça vous ferme l’esprit, on vous dépossède de votre corps. Vous vous dites que votre vie appartient à ces murs.
C’est difficile de pas sombrer dans la haine. Moi j’ai développé des capacités pour résister à ça. »
"On veut pas s’évader, on sait que ça va renforcer la répression. J’ai fait la connerie en 2013. Je voulais pas recommencer. Mais le problème c’est que ça s’arrête pas. Tout est fait pour vous briser."
« Ceux qui considèrent que cette injustice ne les concerne pas, je leur dis qu’ils se trompent.
L’agressivité qu’il y a dans ces quartiers c’est grave, cela destabilise la démocratie. Le système carcéral français reverse des femmes, des hommes brisés »
"On leur a inculqué la haine, on leur a transfusé de la rage. On vous parle du fléau des multirécidivistes. On entend des experts qui disent que c’est normal que ce soit dur. Mais tous ces gens, à un moment ils vont sortir, vous allez être amené à les croiser"
« Vous voulez quoi ? on veut des gens énervés, en colère, enragés, ou des gens qui sont calmes ?
Quand la société ne pâtit pas de cette violence, ça veut dire que cette violence ils l’ont retournée contre eux. »
« Il y a des #suicides, 125 par an. A minima c’est une faute politique.
Moi je me suis retrouvé dans cette cellule, c’est quoi l’issue ? C’est une question de survie aussi. Vous vous dites je vais crever ici. La folie vous guette, la mort rode. »
"L’évasion c’est une séduction. Tout le monde dans la vie. Après une semaine harassante, tout le monde a envie de sortir, fumer une clope, partir en vacances. En prison, ça a une autre signification."
« C’est une solution, mauvaise, mais qui fait rentrer un espoir. Elle t’empêche aussi de te suicider, de te tuer, de devenir fou. Tu t’accroches à quelque chose. Petit à petit l’idée chemine dans ma tête. Dans ce désert de silence, je renais. »
« Il faut pas juste une kalachnikov et un hélicoptère pour s’évader, ça commence dans la tête.
J’ai peur aussi parce que ça peut mal se passer, on peut se faire tuer. »
"Je vais choisir l’évasion la plus complexe, qui demande de ne pas toucher à un surveillant. L’idée c’est de partir sans faire de dégâts. LMême si une prise d’otage ça choque les gens. Je voulais faire ça le mieux possible."
« En tous ca,s y’a pas une goutte de sang qui sera versée. Moi je suis un #braqueur, pas de problème. Mais j’ai mes limites. Y’a des zones où je ne veux pas aller. Je suis pas prêt à tout »
« Pour s’évader de prison, je m’inspire des autres. Mesrine, Francis Mariani, Michel Vaujour, je regarde ce qu’ils ont fait bien entendu et je vais moderniser les choses car depuis les maisons ont été bunkerisées »
"Avant y’avait pas filins, les portes étaient pas blindées. J’apporte ma touche personnelle. Il faut une aide extérieure, un contact. Quelqu’un qui applique le scénario à la lettre, qui comprend les choses, qui a une expérience. Moi j’ai la chance d’avoir des amis."
« Mais moi mes potes je les balancerai pas, je vous dirai pas qui c’est. Ils m’ont aidé au péril de leur vie.
Donc j’ai mon gars dehors, je rentre en contact avec lui. Il est prêt à tout. J’ai du matériel en ma possession, depuis très longtemps. »
« A Réau y’avait pas filin, j’ai eu du mal à le croire
2e atout, le bâtiment du parloir, il est juste à l’entrée
il fallait voir si y’avait la place pour que l’hélicoptère se pose... y’a archi la place. Y’a un problème de mirador
Moi j’ai dit, pas de coup de feu. J’ai mes limites ».
« On a un tuyau, dans cette cour y’a une porte de service qui conduit au parloir. On se dit que si on arrive à péter cette porte, pour accéder au parloir, c’est faisable.
Mais les explosifs, c’est trop risqué, on décide de pas faire ça »
« J’avais un autre problème, mon gars dehors il connait pas l’intérieur. Si quelqu’un vient au parloir, il faut pas qu’il se perde. Je vous l’ai dit, je copie sur les autres. Je regarde aussi les échecs, c’est le maitre des maitres pour apprendre »
« Donc je sais que c’est un danger, un mec qui se trompe, qui va perdre une ou deux minutes, c’est chaud.
Je me tourne vers mon frère Rachid, je lui envoie mon gars, qui lui parle, qui le motive ».