• « Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/08/faire-appel-a-davantage-de-main-d-uvre-etrangere-est-devenu-une-necessite-vi

    « Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale »
    Gianmarco Monsellato
    Président de Deloitte France et Afrique francophone
    Alors que la loi française sur l’immigration adoptée le 19 décembre est très restrictive, l’avocat Gianmarco Monsellato explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi la France a besoin des compétences étrangères pour préparer l’économie de demain.
    Les débats actuels l’illustrent : l’immigration tend à être abordée exclusivement à travers un prisme social et politique, et beaucoup trop peu à travers un prisme économique. Parasitées par les débats sécuritaires et identitaires, les discussions qui ont entouré l’examen puis le vote du projet de loi au Parlement n’ont pas fait toute sa place à une question pourtant centrale : comment former et attirer les talents qui occuperont les emplois que va créer l’économie de demain ?
    Nous nous trouvons face à un déficit de main-d’œuvre, sur fond de ralentissement démographique, avec une raréfaction de la ressource travail et une pénurie de compétences dont souffrent déjà les entreprises aujourd’hui. Une pénurie qui se constate à tous les niveaux : dans des grands groupes, mais plus largement sur l’ensemble du tissu économique.
    Une étude récente du Lab de Bpifrance sur la pénurie de talents dans les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire) industrielles posait ainsi les bases d’un débat serein sur l’immigration économique, de manière globale et chiffrée, en montrant les besoins colossaux d’emplois à pourvoir (400 000 emplois supplémentaires d’ici à 2035 dans l’industrie).
    Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale. On peut regretter que la discussion sur les fameux « métiers en tension » soit restée trop focalisée sur les emplois – souvent peu qualifiés – à pourvoir aujourd’hui. Mais les métiers en tension de demain, dont il faut se préoccuper vite, ce sont aussi tous ces emplois hautement qualifiés qui n’existent pas encore ! Ceux induits par les révolutions technologiques, par la mutation climatique, et ceux qui serviront à faire le lien entre toutes ces transitions, par leur capacité à synthétiser et mettre en perspective les nouvelles problématiques.
    Nous sommes d’ores et déjà entrés dans une compétition mondiale pour attirer ces talents. Or, force est de constater que notre système actuel n’y parvient pas suffisamment.Deux indicateurs éloquents pour s’en rendre compte : d’après le Conseil d’analyse économique, seulement 10 % de l’immigration en France est liée aux compétences – un chiffre bien inférieur à celui de nos voisins européens. Et sur l’index mondial de compétitivité des talents publiée par l’Insead, la France figure au 19e rang, loin derrière l’Allemagne. Il y a donc bien un sujet fondamental d’attractivité !
    La compétition est particulièrement marquée dans la tech. La transformation numérique et l’automatisation modifient la nature du travail, augmentant la demande pour des compétences en informatique, en analyse de données ou en intelligence artificielle. Il y a un écart entre les compétences enseignées et celles demandées par le marché du travail.
    L’immigration de main-d’œuvre qualifiée peut et doit aider à combler cet écart. En 2050, la moitié des jeunes diplômés seront originaires d’Afrique ; le niveau des étudiants africains en mathématiques est souvent supérieur à celui observé en France au lycée… Ignorer ce réservoir de talents serait une erreur stratégique majeure pour notre économie.
    L’enjeu devrait donc être de plus en plus de créer des régimes fiscaux et sociaux favorables, d’abaisser le coût du travail pour attirer cette main-d’œuvre étrangère. De nombreux pays l’ont fait. Les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et l’Allemagne et même, récemment, le Japon, ont adopté des politiques ambitieuses en matière d’immigration. En France, ces politiques résolument volontaristes n’existent pas, ou peu. La question de l’immigration ne doit pas se limiter à un – légitime – débat politique. Elle est au cœur de la stratégie économique des Etats. Attirer des talents au-delà de ses frontières, c’est pour l’Europe une des conditions pour rester compétitive. L’apport des talents étrangers à l’économie française n’est pas seulement une question d’inclusion, c’est un levier de performance – et, in fine, une source de souveraineté.

    #Covid-19#migration#migrant#loiimmigration#migrationqualifiee#economie#talent#strategie#souverainete#inclusion#maindoeuvre#metierentension#france

  • « La loi sur l’immigration est étriquée, erronée et dangereuse d’un point de vue économique »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/03/la-loi-sur-l-immigration-est-etriquee-erronee-et-dangereuse-d-un-point-de-vu

    « La loi sur l’immigration est étriquée, erronée et dangereuse d’un point de vue économique »
    Tribune Hillel Rapoport
    Professeur d’économie à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne
    Cela fait longtemps que le débat public sur l’immigration en France se focalise sur les questions sécuritaires et identitaires. Quand l’économie est abordée, c’est toujours en réaction à un agenda électoraliste et populiste : les immigrés prennent-ils le travail des Français et coûtent-ils plus qu’ils ne rapportent au budget de l’Etat ? Il est symptomatique que les deux seuls aspects véritablement économiques de la loi portent sur les métiers en tension et sur des conditions plus restrictives de versement de prestations sociales aux immigrés. Rien sur le long terme.
    Pourtant, d’un point de vue économique, l’immigration est à la fois la rançon de la réussite d’un pays et, dans un monde globalisé, une condition de sa croissance future. En eux-mêmes et par la diversité qu’ils apportent, les immigrés sont une source d’innovation, de création, d’entrepreneuriat et d’insertion dans l’économie mondiale. C’est évident pour l’immigration qualifiée.
    Aux Etats-Unis, les immigrés représentent un quart des entrepreneurs ou des innovateurs et plus du tiers des professeurs dans les universités les plus prestigieuses. La causalité est à double sens : la réussite et le rêve américain attirent les plus qualifiés, et les compétences ainsi que la diversité qu’ils apportent viennent nourrir le dynamisme, la productivité et la croissance de l’économie américaine.
    L’immigration moins qualifiée est également porteuse de bénéfices économiques. Au-delà des aspects démographiques de soutenabilité des systèmes de retraite, les immigrés sont largement complémentaires des travailleurs natifs. Le fait qu’ils « exercent les métiers dont les Français ne veulent pas », pour employer un poncif, n’en est pas moins vrai, et par ailleurs leur concentration dans les services à la personne permet de libérer du travail qualifié, notamment féminin.
    En définitive, l’immigration est un atout stratégique fondamental dans la compétition économique internationale ; s’en priver, c’est se tirer une balle dans le pied, et c’est exactement ce que fait la France depuis maintenant cinquante ans, à contre-courant de la plupart des autres pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques]. Plutôt que de renvoyer aux nombreuses études qui le démontrent, considérons l’échec douloureux et presque humiliant de la France dans la course à la production d’un vaccin contre le Covid-19.
    Nos champions nationaux se sont fait damer le pion par Pfizer, entreprise aussi multinationale que multiculturelle, dont la collaboration avec BioNTech, licorne allemande fondée par des chercheurs d’origine turque, a connu le succès que l’on sait ; et par Moderna, entreprise américaine créée dix ans auparavant par trois fondateurs dont un immigré libano-arménien et un Sino-Américain, établi en Suède, et dirigée par… un Français. Pourquoi la France a-t-elle échoué ? Il n’est pas exclu que ce soit la faute des immigrés… qu’on n’a pas su attirer, promouvoir, intégrer.
    Mais qui songerait à pointer l’absence de diversité de nos élites économiques, politiques et scientifiques (absence totale dans le cas du comité de direction de Sanofi France) ? L’étroitesse d’esprit qui nous empêche de voir ce que la diversité peut nous apporter nous rend myopes sur les questions d’immigration, au sens propre d’absence de vision de long terme.
    Le fait est que depuis cinquante ans la France s’est enfermée dans un cercle vicieux où l’arrêt de l’immigration de travail dès le milieu des années 1970 la condamne à ne subir (car c’est bien comme cela qu’elle le vit) qu’une immigration au nom du droit (familial et humanitaire) plutôt qu’au nom de l’économie, ce qui se traduit par une structure de l’immigration moins qualifiée et moins diversifiée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE.Mais ce type d’immigration, peu qualifiée et peu diversifiée, est justement celui qui alimente les attitudes négatives vis-à-vis de l’immigration, mais aussi les crispations identitaires et économiques liées à la compétition réelle ou supposée pour les emplois, les logements et les aides sociales. Et pousse les opinions publiques à exiger encore moins d’immigration.
    Dans le même temps, les pays anglo-saxons mettent en œuvre des politiques volontaristes d’ouverture à l’immigration, qualifiée et non qualifiée, proposant un contre-modèle vertueux. Le principal dispositif, les « systèmes par points », attribue à chaque candidat à l’immigration un certain nombre de points en fonction de critères tels que l’âge, le niveau d’éducation, de maîtrise de la langue, la profession, etc., et définit un seuil total de points synonyme de visa d’immigration permanente.
    De tels systèmes ont été adoptés successivement par l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, et aucun ne les a depuis abandonnés. Ces pays auraient-ils compris quelque chose qui nous échappe ? Ou sont-ils plus attractifs ? Il est exact que la France, qui proclame vouloir attirer les talents, souffre d’un déficit d’attractivité, ce que révèle par exemple son classement dans l’indice de compétitivité globale pour l’attraction des talents (19ᵉ sur 25) de l’Institut européen d’administration des affaires.
    La modélisation des déterminants des migrations internationales met en évidence tant le rôle des facteurs d’attraction – salaires, libertés publiques, mais aussi mieux-disant environnemental et sociétal sur des questions telles que l’ouverture à la diversité – que celui des facteurs de répulsion, dont la xénophobie et le populisme. De ce point de vue, la loi relative à l’immigration émet un signal désastreux. Elle relève sans doute avant tout d’un calcul politique, mais celui-ci est risqué et se double d’un calcul économique erroné et perdant.
    Hillel Rapoport est titulaire de la chaire Economie des migrations internationales à l’Ecole d’économie de Paris.

    #Covid-19#migrant#migration#france#loiimmigration#attractivite#economie#talents#competitivite#determinantmigration#metierentension#politiquesociale#xenophobie

  • Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/20/loi-immigration-experts-et-associations-soulignent-la-rupture-politique-marq

    Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
    Par Julia Pascual
    JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE
    Une « victoire idéologique de l’extrême droite », des « digues qui sautent », le texte « le plus régressif depuis quarante ans »… Mardi 19 décembre, le projet de loi sur l’immigration » a été définitivement adopté par le Parlement à 349 voix contre 186, au sortir d’une commission mixte paritaire conclusive.
    Un an et demi après avoir été annoncé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et malgré une motion de rejet essuyée le 11 décembre devant l’Assemblée nationale, le vote de la loi marque aux yeux de nombreux chercheurs, historiens, syndicats, avocats ou associations une rupture politique inédite tant son contenu reprend plusieurs marqueurs de l’extrême droite en matière d’immigration. Le tout, avec l’assentiment du gouvernement et d’une majorité de ses troupes à l’Assemblée nationale, outre celui, unanime, des députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national.
    Composée de près d’une centaine d’articles, la loi reprend l’essentiel de la version du texte adopté au Sénat en novembre, durci sous la domination de la droite et du centre, alliés indispensables à la Macronie dans la recherche d’un vote. Il entérine notamment le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement de l’accès aux prestations familiales et aux aides au logement à cinq ans de séjour régulier, la remise en cause de l’automaticité du droit du sol, la possibilité de placer en rétention certains demandeurs d’asile à la frontière, celle de retirer un titre de séjour en cas de non-respect des « valeurs de la République », l’allongement des délais pour bénéficier du regroupement familial, le durcissement des conditions de l’immigration étudiante ou pour soins ou encore le vote de quotas annuels d’immigration par le Parlement.
    Ces mesures se sont ajoutées aux dispositions initiales du projet de loi qui lèvent les protections à l’éloignement dont bénéficient certains étrangers – en particulier ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans –, accélèrent le traitement des demandes d’asile ou exigent un niveau minimal de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel (prérequis jusque-là réservé à la naturalisation).
    Une victoire « historique » de la droite, a salué le patron des Républicains, Eric Ciotti. Ce texte laisse « le champ libre à une xénophobie aujourd’hui complètement décomplexée », ont dénoncé mardi une large coalition d’associations parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre et France terre d’asile. Il « heurte de plein fouet les principes de notre République », a aussi déclaré la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’alarmant notamment de la consécration de la « préférence nationale ». « C’est un basculement, estime à son tour Pierre Henry, président de France Fraternités et directeur général de l’association France terre d’asile entre 1997 et 2020. En franchissant ces lignes rouges, le gouvernement français rejoint les gouvernements illibéraux et populistes d’Europe. »
     »Alors qu’une loi sur l’immigration est votée en moyenne tous les deux à trois ans depuis les années 1980, celle qui vient d’être entérinée se distingue par une accumulation de mesures ayant trait à des champs très larges touchant à la fois au droit de la nationalité, au droit du séjour, à l’asile ou au code de la Sécurité sociale.
    L’opposition au texte avait gagné jusqu’aux syndicats de magistrats administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l’Union syndicale des magistrats administratifs, qui avaient de façon inédite appelé à la grève lundi 18 décembre pour dénoncer, en particulier, les dispositions – prévues dès la première version du texte – qui généralisent les audiences délocalisées ou en vidéoconférence pour juger des recours d’étrangers placés en rétention administrative. « C’est la première fois que, pour une catégorie entière de contentieux, on dit qu’on peut tenir des audiences sans la présence physique de l’ensemble des parties ou en dehors d’un lieu de justice, analyse Julien Henninger, président du SJA. C’est une bascule parce qu’on crée une inégalité devant la justice pour toute une catégorie de requérants. » Idem pour la disposition – également présente dans le texte initial – qui prévoit la généralisation du juge unique au détriment des formations collégiales de trois juges pour statuer sur les demandes d’asile. « Alors que le président de la République a encore déclaré [le 10 décembre] qu’il était attaché à la tradition d’asile, il remet en cause ce que la droite n’a jamais osé faire, c’est une rupture », juge l’historien Patrick Weil. La droite a largement œuvré à durcir la copie gouvernementale. Elle a, par exemple, resserré les conditions d’obtention du titre de séjour étudiant à travers le dépôt d’une caution ou la majoration des frais d’inscription. « C’est la première fois qu’une mesure aussi forte est prise, qui laisse à penser que les étudiants étrangers ne sont pas les bienvenus, regrette Guillaume Gellé, le président de France Universités, l’entité qui rassemble les dirigeants des universités et des grandes écoles. Cela va à l’encontre des intérêts de nos établissements – où plus de 40 % des doctorants sont étrangers – et de la diplomatie scientifique, culturelle et d’influence de notre pays. »
    Plus symbolique de la reprise des marqueurs idéologiques de la droite, le rétablissement du délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), voulu par LR avec l’assentiment de l’exécutif, signe un retour en arrière dans l’histoire. Ce délit avait été supprimé en 2012 par la gauche, en application d’une directive européenne, et remplacé par la possibilité de placer les étrangers en retenue administrative. Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Darmanin avait d’ailleurs convenu que « l’absence d’un délit de séjour irrégulier n’empêche pas la police de procéder à des retenues ni de renvoyer les personnes ». Mais l’exécutif s’est finalement rangé derrière les desiderata de la droite.
    Il l’a fait encore – en dépit d’âpres négociations – sur le conditionnement de l’accès à certaines prestations sociales à cinq ans de séjour régulier (délai minoré pour ceux qui travaillent), qui « légitime la préférence nationale chère à l’extrême droite », regrette Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Avalisée également, la fin de l’automaticité du droit du sol. L’enfant né en France de parents étrangers devra ainsi manifester sa « volonté » de devenir français à sa majorité. Une « régression énorme », selon Patrick Weil. M. Darmanin voyait dans cette mesure, introduite par la droite sénatoriale, un cavalier législatif (sans rapport avec l’objet de la loi) susceptible d’être retoqué par le Conseil constitutionnel. Mais, là encore, les digues ont cédé. « C’est un peu le retour de la droite Pasqua », s’est d’ailleurs réjoui mardi Olivier Marleix, le chef de file du parti Les Républicains à l’Assemblée nationale, en référence à celui qui, ministre de l’intérieur, avait remis en cause la tradition républicaine du droit du sol et introduit la manifestation de la volonté entre 1993 et 1998.Egalement considérée comme un cavalier législatif, la suppression de l’aide médicale d’Etat – une couverture maladie pour les sans-papiers – a été écartée du texte final mais, sous la pression des LR, le gouvernement a promis une réforme début 2024.« L’accumulation de mesures dans le texte installe une logique de soupçon inédite vis-à-vis de l’immigré », considère le sociologue François Héran. « Ce n’est pas l’opinion publique qui pousse dans ce sens, dénonce l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés. Ce sont les politiques qui créent un appel d’air au racisme. »Longtemps présenté comme la jambe gauche du texte gouvernemental et conspué par la droite, le titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension a été réduit à peau de chagrin. La régularisation de ces immigrés salariés devait à l’origine se faire de « plein droit ». A l’arrivée, elle demeure à la libre appréciation des préfets et seul l’accompagnement de l’employeur dans les démarches n’est plus un prérequis. « Historiquement, on a toujours eu des vagues de régularisation, même sous Nicolas Sarkozy, recontextualise l’avocat Patrick Berdugo, vice-président de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. Aujourd’hui, c’est totalement exclu, au point que la droite se coupe d’une partie non négligeable de son électorat parmi les patrons de PME. » Mardi encore, le Medef expliquait pourtant que l’économie avait un besoin « massif » d’immigration.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#droitdesejour#retention#prestationsociale#etudiant#regularisation#prefet#titredesejour#metierentension#economie#racisme

  • Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/20/loi-immigration-experts-et-associations-soulignent-la-rupture-politique-marq

    Loi « immigration » : experts et associations soulignent la rupture politique marquée par le texte
    Par Julia Pascual
    JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE
    Une « victoire idéologique de l’extrême droite », des « digues qui sautent », le texte « le plus régressif depuis quarante ans »… Mardi 19 décembre, le projet de loi sur l’immigration » a été définitivement adopté par le Parlement à 349 voix contre 186, au sortir d’une commission mixte paritaire conclusive.
    Un an et demi après avoir été annoncé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, et malgré une motion de rejet essuyée le 11 décembre devant l’Assemblée nationale, le vote de la loi marque aux yeux de nombreux chercheurs, historiens, syndicats, avocats ou associations une rupture politique inédite tant son contenu reprend plusieurs marqueurs de l’extrême droite en matière d’immigration. Le tout, avec l’assentiment du gouvernement et d’une majorité de ses troupes à l’Assemblée nationale, outre celui, unanime, des députés Les Républicains (LR) et Rassemblement national.
    Composée de près d’une centaine d’articles, la loi reprend l’essentiel de la version du texte adopté au Sénat en novembre, durci sous la domination de la droite et du centre, alliés indispensables à la Macronie dans la recherche d’un vote. Il entérine notamment le rétablissement du délit de séjour irrégulier, le conditionnement de l’accès aux prestations familiales et aux aides au logement à cinq ans de séjour régulier, la remise en cause de l’automaticité du droit du sol, la possibilité de placer en rétention certains demandeurs d’asile à la frontière, celle de retirer un titre de séjour en cas de non-respect des « valeurs de la République », l’allongement des délais pour bénéficier du regroupement familial, le durcissement des conditions de l’immigration étudiante ou pour soins ou encore le vote de quotas annuels d’immigration par le Parlement.
    Ces mesures se sont ajoutées aux dispositions initiales du projet de loi qui lèvent les protections à l’éloignement dont bénéficient certains étrangers – en particulier ceux arrivés en France avant l’âge de 13 ans –, accélèrent le traitement des demandes d’asile ou exigent un niveau minimal de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel (prérequis jusque-là réservé à la naturalisation).
    Une victoire « historique » de la droite, a salué le patron des Républicains, Eric Ciotti. Ce texte laisse « le champ libre à une xénophobie aujourd’hui complètement décomplexée », ont dénoncé mardi une large coalition d’associations parmi lesquelles la Fondation Abbé Pierre et France terre d’asile. Il « heurte de plein fouet les principes de notre République », a aussi déclaré la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’alarmant notamment de la consécration de la « préférence nationale ». « C’est un basculement, estime à son tour Pierre Henry, président de France Fraternités et directeur général de l’association France terre d’asile entre 1997 et 2020. En franchissant ces lignes rouges, le gouvernement français rejoint les gouvernements illibéraux et populistes d’Europe. »
     »Alors qu’une loi sur l’immigration est votée en moyenne tous les deux à trois ans depuis les années 1980, celle qui vient d’être entérinée se distingue par une accumulation de mesures ayant trait à des champs très larges touchant à la fois au droit de la nationalité, au droit du séjour, à l’asile ou au code de la Sécurité sociale.
    L’opposition au texte avait gagné jusqu’aux syndicats de magistrats administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et l’Union syndicale des magistrats administratifs, qui avaient de façon inédite appelé à la grève lundi 18 décembre pour dénoncer, en particulier, les dispositions – prévues dès la première version du texte – qui généralisent les audiences délocalisées ou en vidéoconférence pour juger des recours d’étrangers placés en rétention administrative. « C’est la première fois que, pour une catégorie entière de contentieux, on dit qu’on peut tenir des audiences sans la présence physique de l’ensemble des parties ou en dehors d’un lieu de justice, analyse Julien Henninger, président du SJA. C’est une bascule parce qu’on crée une inégalité devant la justice pour toute une catégorie de requérants. » Idem pour la disposition – également présente dans le texte initial – qui prévoit la généralisation du juge unique au détriment des formations collégiales de trois juges pour statuer sur les demandes d’asile. « Alors que le président de la République a encore déclaré [le 10 décembre] qu’il était attaché à la tradition d’asile, il remet en cause ce que la droite n’a jamais osé faire, c’est une rupture », juge l’historien Patrick Weil. La droite a largement œuvré à durcir la copie gouvernementale. Elle a, par exemple, resserré les conditions d’obtention du titre de séjour étudiant à travers le dépôt d’une caution ou la majoration des frais d’inscription. « C’est la première fois qu’une mesure aussi forte est prise, qui laisse à penser que les étudiants étrangers ne sont pas les bienvenus, regrette Guillaume Gellé, le président de France Universités, l’entité qui rassemble les dirigeants des universités et des grandes écoles. Cela va à l’encontre des intérêts de nos établissements – où plus de 40 % des doctorants sont étrangers – et de la diplomatie scientifique, culturelle et d’influence de notre pays. »
    Plus symbolique de la reprise des marqueurs idéologiques de la droite, le rétablissement du délit de séjour irrégulier (passible d’une amende de 3 750 euros), voulu par LR avec l’assentiment de l’exécutif, signe un retour en arrière dans l’histoire. Ce délit avait été supprimé en 2012 par la gauche, en application d’une directive européenne, et remplacé par la possibilité de placer les étrangers en retenue administrative. Devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Darmanin avait d’ailleurs convenu que « l’absence d’un délit de séjour irrégulier n’empêche pas la police de procéder à des retenues ni de renvoyer les personnes ». Mais l’exécutif s’est finalement rangé derrière les desiderata de la droite.
    Il l’a fait encore – en dépit d’âpres négociations – sur le conditionnement de l’accès à certaines prestations sociales à cinq ans de séjour régulier (délai minoré pour ceux qui travaillent), qui « légitime la préférence nationale chère à l’extrême droite », regrette Dominique Sopo, président de SOS-Racisme. Avalisée également, la fin de l’automaticité du droit du sol. L’enfant né en France de parents étrangers devra ainsi manifester sa « volonté » de devenir français à sa majorité. Une « régression énorme », selon Patrick Weil. M. Darmanin voyait dans cette mesure, introduite par la droite sénatoriale, un cavalier législatif (sans rapport avec l’objet de la loi) susceptible d’être retoqué par le Conseil constitutionnel. Mais, là encore, les digues ont cédé. « C’est un peu le retour de la droite Pasqua », s’est d’ailleurs réjoui mardi Olivier Marleix, le chef de file du parti Les Républicains à l’Assemblée nationale, en référence à celui qui, ministre de l’intérieur, avait remis en cause la tradition républicaine du droit du sol et introduit la manifestation de la volonté entre 1993 et 1998.Egalement considérée comme un cavalier législatif, la suppression de l’aide médicale d’Etat – une couverture maladie pour les sans-papiers – a été écartée du texte final mais, sous la pression des LR, le gouvernement a promis une réforme début 2024.« L’accumulation de mesures dans le texte installe une logique de soupçon inédite vis-à-vis de l’immigré », considère le sociologue François Héran. « Ce n’est pas l’opinion publique qui pousse dans ce sens, dénonce l’avocat Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de soutien des immigrés. Ce sont les politiques qui créent un appel d’air au racisme. »Longtemps présenté comme la jambe gauche du texte gouvernemental et conspué par la droite, le titre de séjour pour les travailleurs sans papiers dans les métiers en tension a été réduit à peau de chagrin. La régularisation de ces immigrés salariés devait à l’origine se faire de « plein droit ». A l’arrivée, elle demeure à la libre appréciation des préfets et seul l’accompagnement de l’employeur dans les démarches n’est plus un prérequis. « Historiquement, on a toujours eu des vagues de régularisation, même sous Nicolas Sarkozy, recontextualise l’avocat Patrick Berdugo, vice-président de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers. Aujourd’hui, c’est totalement exclu, au point que la droite se coupe d’une partie non négligeable de son électorat parmi les patrons de PME. » Mardi encore, le Medef expliquait pourtant que l’économie avait un besoin « massif » d’immigration.

    #Covid-19#migration#migrant#france#loimigration#droitdesejour#retention#prestationsociale#etudiant#regularisation#prefet#titredesejour#metierentension#economie#racisme

  • L’économie va avoir « massivement » besoin de travailleurs étrangers, alerte le patronat
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/12/19/l-economie-va-avoir-massivement-besoin-de-travailleurs-etrangers-alerte-le-p

    L’économie va avoir « massivement » besoin de travailleurs étrangers, alerte le patronat
    Par Elsa Conesa
    Grand absent des débats autour du projet de loi sur l’immigration, le patronat a finalement pris la parole mardi 19 décembre, alors que les discussions entre le gouvernement et les oppositions s’étiraient à l’Assemblée nationale. « Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a expliqué Patrick Martin, président du Medef, sur Radio Classique, soulignant que « d’ici 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social et notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ».
    Confronté à des pénuries de main-d’œuvre dans presque tous les secteurs de l’économie après la crise sanitaire, le patronat est pourtant resté silencieux ces derniers mois, au grand dam du gouvernement qui espérait un soutien des milieux économiques. Seules quelques fédérations concernées au premier chef, comme celle des hôteliers et restaurateurs, ou des services à la personne, sont montées au créneau en faveur des régularisations. Le texte, à travers son article 3, visait pourtant à répondre à ces difficultés en créant un titre de séjour pour les travailleurs immigrés exerçant dans les métiers en tension. « C’est le patronat qui a demandé qu’il y ait plus de main-d’œuvre », avançait le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dans Le Monde, en novembre 2022, en présentant le contenu du texte.
    Dans ce contexte, la sortie du président du Medef n’est évidemment pas passée inaperçue. Elle n’en reste pas moins d’une grande prudence. Patrick Martin dit regretter que le volet économique du débat sur l’immigration soit « occulté » par la question des régularisations. Et évoque plutôt le défi de long terme, à savoir le déclin démographique et le vieillissement de la population, qui vont tout à la fois assécher la population active et créer de nouveaux besoins autour du grand âge. « On ne s’est pas interrogé finalement sur ce qui est l’essentiel : aura-t-on ou non besoin de main-d’œuvre immigrée, bien sûr légale (…) à partir de 2036 ?, a ajouté Patrick Martin. On pense qu’on aura du mal à échapper à ça, comme beaucoup d’autres pays qui ont fait ce choix. »
    Historiquement, le patronat a longtemps joué un rôle moteur dans la politique migratoire, rappelle l’historien du patronat et chercheur au CNRS Hervé Joly. « Jusqu’à la crise des années 1970, l’immigration était encouragée par les milieux libéraux et la droite, car elle favorisait la concurrence sur le marché du travail et permettait de recruter une main-d’œuvre moins chère. Sans que cela soit toujours assumé publiquement, car les syndicats et la gauche y étaient plutôt hostiles. » Un embarras qui demeure. « On avait d’autres sujets, l’Agirc-Arrco, le budget de la Sécurité sociale… », avance l’organisation pour expliquer son mutisme, affirmant n’avoir été consultée ni par les partis ni par le gouvernement, alors que ce dernier s’y était engagé. L’immigration économique, c’est « moins de 10 000 personnes par an », soit une « toute petite fraction » de l’immigration totale, argumente-t-elle encore.
    Si le patronat s’est tenu à distance des débats enflammés sur l’immigration, c’est aussi qu’il a craint d’être pris pour cible et, au final, de marquer contre son camp. L’opportunité de s’exprimer ou non ? Un choix « cornélien », expliquait récemment un dirigeant de l’organisation, en soulignant le risque d’être attaqué par La France insoumise ou le Rassemblement national.
    Peu de fédérations ont par ailleurs été demandeuses d’une prise de parole publique de sa part, en dehors de celles qui l’ont fait directement : l’industrie manque cruellement de soudeurs, de chaudronniers, d’ingénieurs, mais ces pénuries en travailleurs qualifiés ne sont pas celles visées par la mesure sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Beaucoup de patrons considèrent en outre qu’une application systématique et plus homogène sur le territoire de la circulaire Valls de 2012 serait suffisante. Et plaident pour que le gouvernement fasse plutôt revenir vers l’emploi les personnes qui s’en sont éloigné. A ces raisons s’ajoutent les convictions personnelles de dirigeants qui, parfois, s’opposent à leurs besoins économiques. Elsa Conesa

    #Covid-19#migrant#migration#france#loimigration#travailleurmigrant#patronat#medef#economie#maindoeuvre#metierentension

  • Régularisation des sans-papiers dans les métiers en tensions : les députés adoptent un « compromis » en commission
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/30/regularisation-des-sans-papiers-dans-les-metiers-en-tensions-les-deputes-ado

    Régularisation des sans-papiers dans les métiers en tensions : les députés adoptent un « compromis » en commission
    La nouvelle mouture ne prévoit ni procédure « discrétionnaire » au bon vouloir du préfet, comme le souhaitait le Sénat, ni régularisation automatique.
    Le Monde avec AFP
    Un « compromis » entre la version du gouvernement et celle du Sénat. La commission des lois de l’Assemblée nationale a approuvé jeudi 30 novembre une version remaniée de l’article du projet de loi sur l’immigration portant sur la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension.« Nous sommes résolument opposés aux dispositions de l’article », a déclaré la députée Annie Genevard au nom des députés LR, qui ont voté contre.Cette nouvelle mouture ne crée ni une procédure « discrétionnaire » au bon vouloir du préfet, comme le souhaitaient les sénateurs, ni un droit automatique à la régularisation, a défendu le rapporteur général du texte Florent Boudié (Renaissance). Cette nouvelle version n’est pas « idéale » mais il s’agit d’un « compromis » destiné à « faire aboutir ce texte », a souligné le président de la commission des lois, Sacha Houlié, représentant de l’aile gauche de la majorité.La version initiale du gouvernement (article 3) prévoyait une titularisation « de plein droit » pour les sans-papiers sur le territoire depuis au moins trois ans ayant travaillé au moins huit mois au cours des deux dernières années dans les métiers et zones en tension.
    Le Sénat avait largement durci ce dispositif (article 4 bis), prévoyant un titre de séjour accordé par les préfets « à titre exceptionnel », dans une « procédure strictement encadrée » et assortie de multiples conditions. Les sénateurs avaient notamment posé comme conditions le respect des « valeurs de la République », une « vérification » auprès de l’employeur de la « réalité de l’activité alléguée » et une durée minimale de travail de douze mois.
    La version proposée par M. Boudié revient à huit mois, supprime l’intervention de l’employeur et instaure la possibilité pour le préfet de s’opposer à la délivrance du titre de séjour en cas de menace pour l’ordre public, de non-respect des valeurs de la République ou encore de polygamie.Le rapporteur général a insisté devant les députés sur la nécessité de restaurer « l’autonomie de la demande de régularisation par rapport à l’employeur », alors que ce dernier peut avoir intérêt à maintenir son salarié dans une situation précaire.Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a approuvé cette réécriture, et, s’adressant à la droite inquiète d’un « appel d’air », s’est dit ouvert à l’instauration d’un « quota », par exemple de « 8 000, 10 000 ou 5 000 » travailleurs qui pourraient être régularisés par an. Le gouvernement s’est, en revanche, opposé à des amendements visant à rétablir sa version initiale de l’article 3, soutenue par l’aile gauche de la majorité, le groupe indépendant Liot et le PS. La durée de validité de la mesure, à l’origine prévue jusqu’à la fin de 2026, a été prolongée au 31 décembre 2028.

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  • Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/22/projet-de-loi-immigration-le-gouvernement-veut-eviter-le-49-3_6201630_823448

    Projet de loi « immigration » : le gouvernement veut éviter le 49.3
    Par Alexandre Pedro et Nathalie Segaunes
    Veillée d’armes, lundi 20 novembre au soir, à Matignon. A la table de la première ministre, Elisabeth Borne, ont été conviés, à quelques heures du début de l’examen du projet de loi « immigration » en commission à l’Assemblée nationale, les ministres Gérald Darmanin (intérieur), Olivier Dussopt (travail) et Franck Riester (relations avec le Parlement), ainsi que les présidents des groupes parlementaires de la majorité, les rapporteurs et les responsables du texte.
    Au sein de ce cénacle, Gérald Darmanin redit sa conviction qu’« un compromis est possible » à l’Assemblée nationale ; que le groupe Les Républicains (LR), présidé par Olivier Marleix, est « fracturé » ; et prévient surtout qu’il est « hors de question de recourir au 49.3 ». En référence à cet article de la Constitution qui permet de faire adopter un texte sans vote.
    Le ministre de l’intérieur rejette la comparaison avec la réforme des retraites, adoptée sans vote en mars. « La situation n’est pas du tout la même, insiste le locataire de la Place Beauvau. Le texte sur l’immigration, lui, est très largement soutenu par les Français. » Elisabeth Borne, qui annonçait en mars ne plus vouloir recourir au 49.3 en dehors des textes budgétaires, conclut la soirée en excluant à son tour le passage en force. Le recours à cette arme constitutionnelle est risqué – car synonyme d’une motion de censure de l’opposition, pouvant potentiellement faire tomber le gouvernement – et, surtout, impopulaire aux yeux des Français et même des élus de la majorité. Il vaut mieux « perdre » sur le projet de loi « immigration » « qu’aller au 49.3 », a ainsi mis en garde le porte-parole du groupe MoDem, Erwan Balanant, mardi 21 novembre. Le gouvernement n’a cependant aucune certitude, à ce stade, de pouvoir s’épargner un nouveau 49.3. Car le texte adopté par le Sénat en première lecture, le 14 novembre, au terme d’une difficile négociation entre la droite et les centristes, a été durci « en des termes qui ne sont pas acceptables pour la majorité présidentielle », dénonce Sacha Houlié, président (Renaissance) de la commission des lois à l’Assemblée nationale, dans Ouest-France, le 19 novembre. Et le projet de loi menace d’être largement réécrit par les députés du groupe macroniste.
    « Notre état d’esprit est de revenir au texte initial du gouvernement », prévient le président du groupe Renaissance au Palais-Bourbon, Sylvain Maillard. Ce qui offrirait aux députés LR de bonnes raisons de ne pas voter le projet de loi, qui sera examiné en commission à partir du 27 novembre, puis dans l’Hémicycle le 11 décembre.
    Dès l’entame du dîner, lundi soir, Florent Boudié, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a donc mis en garde la majorité : « On ne peut pas arriver en détricotant le texte du Sénat. » Le député (Renaissance) de Gironde, soucieux de déminer le terrain, distingue trois types de mesures dans le texte adopté à une large majorité au Palais du Luxembourg.
    Tout d’abord celles relevant de ce qu’il appelle la « zone noire », des dispositions qui seront supprimées parce qu’elles sont considérées comme des « cavaliers législatifs » et courent donc le risque d’être retoquées par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de la suppression de l’aide médicale d’Etat – qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins – mais aussi des mesures sur le droit du sol – qui relèvent du code de la nationalité –, ou de celles concernant les mineurs isolés non accompagnés.
    Dans la « zone blanche » figurent les dispositions introduites par le Sénat qui, à l’inverse, peuvent être reprises par la majorité à l’Assemblée nationale : celle qui vise à renforcer le contrôle des visas étudiants, celle qui conditionne le regroupement familial à l’apprentissage de la langue française ou celle qui prévoit un meilleur encadrement des étrangers malades.
    Enfin, dans la « zone grise », Florent Boudié inscrit « les mesures sur lesquelles [les députés de la majorité doivent] éviter une inutile arrogance ou provocation à l’égard des parlementaires LR, car [ils ne sont] pas tout à fait au clair chez [eux] ». Par exemple, la suppression de la tarification sociale dans les transports pour les personnes en situation irrégulière.
    Sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, le rapporteur propose un amendement de compromis entre l’article 3 initial – qui instaure un droit opposable à un titre de séjour, dès lors qu’un certain nombre de critères sont remplis – et la mesure votée au Sénat, qui laisse la main aux préfets : M. Boudié suggère de revenir à un principe de régularisation dans la loi, mais en donnant un droit de veto aux préfets, qui pourraient « interrompre la procédure de régularisation, sur des critères précis fixés par la loi, si l’étranger menace l’ordre public ou s’il a eu des agissements contraires aux valeurs de la République ».
    Un tel mix permettra-t-il de bâtir une majorité à l’Assemblée nationale ? Gérald Darmanin a insisté sur la dimension répressive du projet de loi, mardi soir, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, le présentant comme une arme contre l’« écosystème » des « trafiquants de misère », passeurs, marchands de sommeil ou patrons profitant des clandestins. Alors qu’il multiplie, ces jours-ci, les tête-à-tête avec les députés, quitte à faire « deux petits déjeuners, deux déjeuners et deux dîners par jour », selon son entourage, le ministre de l’intérieur estime qu’entre quinze et vingt députés LR seraient « intéressés » par le texte, dit-on Place Beauvau. Des chiffres qu’Olivier Marleix juge « optimistes et grotesques ». Et ce n’est pas l’amendement proposé par Florent Boudié – concernant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension – qui risque de le rendre moins inflexible. « Tel que je l’ai compris, c’est un recul par rapport à ce qui est sorti du Sénat », juge le patron des députés de droite. Considérant que « cet amendement réaffirme de façon très claire le droit à la régularisation pour les sans-papiers, assorti d’une sorte de pouvoir de veto pour le préfet », M. Marleix estime que dans la « réalité » il sera « très compliqué » pour ce dernier « d’avoir des éléments de veto ». « Donc on revient à une situation de régularisation qui sera massive », en conclut-il.
    A l’Assemblée nationale, certains élus LR poussent très fort pour rejeter le texte, même musclé par leur camp au Sénat. « La situation est trop grave pour se satisfaire de petits pas », a ainsi prévenu Aurélien Pradié (Lot), l’un des soixante-deux députés LR, mardi matin sur France 2. « Il y a soixante-deux nuances de Républicains », se rassurait, lundi soir, Gérald Darmanin, à Matignon

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  • Loi « immigration » : le Sénat supprime la mesure du gouvernement sur les métiers en tension
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/loi-immigration-le-senat-supprime-la-mesure-du-gouvernement-sur-les-metiers-

    Loi « immigration » : le Sénat supprime la mesure du gouvernement sur les métiers en tension
    Les sénateurs ont adopté un nouvel article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » et aux contours durcis pour les travailleurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre.
    Le Sénat a voté la suppression de la mesure phare du projet de loi relative à l’immigration du gouvernement : l’article 3 qui prévoyait un titre de séjour pour certains travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, dans la soirée du mercredi 8 novembre. La majorité sénatoriale de droite et du centre s’est toutefois accordée avant ce vote sur la rédaction d’un autre article prévoyant un titre de séjour « exceptionnel » et aux contours durcis pour les travailleurs dans les secteurs en pénurie de main-d’œuvre, qui a été adopté par 226 voix contre 119.
    « La conséquence de cet amendement qui est déposé, c’est évidemment la suppression de l’article 3 d’origine dans le texte, avait déclaré le président Les Républicains (LR) de la commission des lois, François-Noël Buffet, considérant qu’il pouvait engendrer une régularisation importante, pour ne pas dire massive. » La mesure gouvernementale aurait engendré un « droit automatique » à la régularisation, a aussi dénoncé le président du groupe LR, Bruno Retailleau, redoutant un « appel d’air » migratoire. Le compromis trouvé par la majorité sénatoriale est « acceptable pour le gouvernement », a estimé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, qui s’est cependant opposé par principe à la suppression de son article. Il a expliqué que ce volet entraînerait la publication d’une « nouvelle circulaire ». « L’important, c’est l’esprit de compromis que veut le gouvernement pour avoir l’essentiel de ce qu’il demande : une mesure de régularisation de personnes qui travaillent dans notre pays depuis très longtemps et dont les patrons [refusent de] les régulariser », a-t-il déclaré.
    M. Darmanin soumettra en décembre cette rédaction à l’Assemblée nationale, où le camp présidentiel ne dispose pas de majorité absolue. « À l’Assemblée, nous rétablirons le texte ambitieux de l’exécutif, tout le texte de l’exécutif. Y compris le volet sur les régularisations », a promis dans Le Figaro le député Renaissance Sacha Houlié, incarnation du volet social de la réforme. Présenté comme une « ligne rouge » à droite mais plébiscité par l’aile gauche du camp présidentiel, l’article 3 prévoyait dans sa rédaction par le gouvernement l’octroi d’un titre de séjour d’un an renouvelable aux personnes qui travaillent dans des « métiers en tension », justifiant de trois ans de présence en France ainsi que de huit fiches de paie.
    L’article additionnel que la droite et le centre ont déposé mercredi prévoit lui de laisser au « seul pouvoir discrétionnaire du préfet » cette possibilité de régularisation au terme d’une « procédure strictement encadrée », largement durcie et assortie de multiples conditions, dont celle du respect des « valeurs de la République ». L’Assemblée nationale devra à son tour se prononcer sur le projet de loi à partir du 11 décembre.

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  • Immigration : au Sénat, la droite se rallie à un compromis sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/08/immigration-au-senat-la-droite-se-rallie-a-un-compromis-sur-la-regularisatio

    Immigration : au Sénat, la droite se rallie à un compromis sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension
    Par Mariama Darame et Julia Pascual
    Un accord a finalement été trouvé. Alors que le projet de loi « immigration » est examiné par le Sénat depuis lundi 6 novembre, la majorité sénatoriale – composée de la droite et du centre – est parvenue à s’entendre, mardi, sur une position commune autour de l’article 3, laissant augurer un vote global du texte à l’issue des débats, le 14 novembre. L’article 3 du projet de loi prévoit de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers dans les secteurs qui peinent à recruter. Depuis sa présentation par le gouvernement, en novembre 2022, il est farouchement combattu par Les Républicains (LR) qui l’assimilent à une « prime à la fraude » et à un « appel d’air » en faveur de l’immigration irrégulière.
    Erigé en ligne rouge, véritable totem politique, l’article 3 est devenu le symbole d’un gouvernement en mal de majorité parlementaire et un levier utilisé par LR pour obtenir de nombreuses concessions sur le durcissement du texte de loi. Mais le jusqu’au-boutisme de la droite a failli se retourner contre elle en menaçant de faire voler en éclats la majorité, tandis que les sénateurs centristes plaidaient pour l’adoption d’une mesure législative sur la régularisation.
    Mardi 7 novembre, les deux groupes sont donc finalement parvenus à sceller un accord autour de la suppression de l’article 3 et d’une écriture nouvelle qui devait permettre à la mesure d’être votée au Sénat, dans une version moins-disante, et au texte de loi de poursuivre son chemin jusqu’à l’Assemblée nationale.
    Les sénateurs ont conçu un nouvel article qui ne prévoit pas, comme initialement, une régularisation de plein droit, mais laisse aux préfets leur entier pouvoir discrétionnaire. (...) En ce sens, la version voulue par la majorité sénatoriale ne fait qu’amender le système actuel de régularisation, qui confie aux préfets le pouvoir de délivrer ou non un titre de séjour à un travailleur sans papiers en s’appuyant sur quelques critères indiqués dans une circulaire ministérielle de 2012 (et qui exige, par exemple, une présence d’au moins trois ans en France, vingt-quatre fiches de paie et une demande d’autorisation de travail remplie par l’employeur). Sous ce régime instauré par la gauche il y a plus de dix ans, quelque 7 000 salariés sans papiers sont régularisés chaque année. Le nouvel article tel que rédigé par la majorité sénatoriale prévoit que les préfets puissent délivrer un titre de séjour aux travailleurs sans papiers dans les secteurs en tension, à condition que ceux-ci soient présents en France depuis trois ans et qu’ils fournissent douze fiches de paie. Ils seraient désormais dispensés de fournir l’autorisation de leur employeur. Le dispositif s’achèverait en 2026. LR a, en outre, obtenu que les préfets aient « l’obligation de vérifier, non seulement la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, mais aussi son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française, son adhésion au mode de vie et aux valeurs de la communauté nationale, et son absence de condamnation pénale », détaille Bruno Retailleau. La majorité sénatoriale s’est aussi mise d’accord sur une suppression de l’article 4 du projet de loi qui autorisait certains demandeurs d’asile à travailler. « Il s’agit d’une véritable reprise en main de notre politique migratoire », a appuyé Bruno Retailleau, se félicitant par ailleurs du durcissement du texte par le Sénat, qui a tour à tour voté, mardi 7 novembre, la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME), le rétablissement du délit de séjour irrégulier ou encore la restriction des conditions d’obtention d’un titre de séjour étudiant.
    « C’est un accord tout à fait satisfaisant, a estimé pour sa part Philippe Bonnecarrère, corapporteur centriste du texte de loi au Sénat. La rationalité conduisait à un accord. On ne peut pas dire que le Sénat est le point d’équilibre institutionnel et qu’on veut un texte plus ferme et ne pas le voter. » Sur le réseau social X (anciennement Twitter), Gérald Darmanin s’est exprimé, mardi soir : « Nous nous félicitons qu’un accord ait été trouvé par la majorité sénatoriale sur les métiers en tension. Ce texte ferme et juste est utile à la France. » Le ministre de l’intérieur poussait depuis plusieurs semaines déjà pour un compromis autour d’une disposition réglementaire de régularisation plutôt que de plein droit.

    #Covid-19#migrant#migration#france#immigration#regularisation#AME#metierentension#etudiant#titredesejour#travailleursanspapier#loiimmigration

  • Au Sénat, la crise politique couve autour du projet de loi « immigration »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/11/06/au-senat-la-crise-politique-couve-autour-du-projet-de-loi-immigration_619845

    Au Sénat, la crise politique couve autour du projet de loi « immigration »
    Par Mariama Darame et Julia Pascual
    Le projet de loi « immigration » peut-il déboucher sur une crise politique ? Derrière les déclarations de principes, c’est le scénario redouté par une partie de l’exécutif et des parlementaires.
    Ajourné à maintes reprises depuis son annonce à l’été 2022, l’examen du texte porté par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, démarre en séance publique, lundi 6 novembre, au Sénat. Sans que personne ne sache s’il trouvera un point d’atterrissage à l’issue des débats, qui doivent durer jusqu’au 14 novembre, jour du vote solennel. « Il y a un compromis politique à trouver », a déclaré M. Darmanin, le 5 novembre sur France 2. Convaincu qu’une « voie de passage » existe, il s’est déclaré « opposé » au recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote.
    Ce texte – qui sera la seconde loi portant sur l’immigration sous la présidence d’Emmanuel Macron, soucieux de répondre à ce qu’il considère être une attente des Français – a été présenté par l’exécutif comme tenant d’un équilibre entre une jambe droite et une jambe gauche. Au titre de la première, il prévoit de faire sauter des protections à l’éloignement, en particulier celles applicables aux étrangers arrivés en France avant l’âge de 13 ans, y résidant depuis plus de vingt ans ou depuis plus de dix ans et étant conjoints ou parents de Français. Il entend aussi accélérer l’instruction des demandes d’asile, simplifier le contentieux administratif en droit des étrangers ou encore conditionner l’obtention d’une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d’un niveau minimal de français. Sa jambe gauche repose, elle, sur deux mesures principales : la simplification des régularisations des travailleurs sans papiers et l’autorisation de travailler pour certains demandeurs d’asile. (...)A droite, où l’on défend désormais une réforme de la Constitution et une remise en cause des traités européens, ce texte est vu comme « une synthèse des contraires ». « On ne peut pas à la fois vouloir expulser plus tout en régularisant massivement des clandestins », clame Bruno Retailleau, le président du groupe LR au
    A gauche, le discours offensif du ministre de l’intérieur au lendemain de l’attentat d’Arras, au cours duquel un jeune homme originaire du Caucase russe ayant grandi en France a tué un professeur et blessé trois autres personnes, a achevé de convaincre que l’équilibre du texte initial était un « leurre ». « Depuis Arras, M. Darmanin instrumentalise le texte “immigration” en prétendant que, s’il avait été adopté, l’attentat ne se serait pas produit. Il se fabrique une protection à l’encontre de toute mise en cause de sa responsabilité. Or il n’a pas eu le courage de dire que le risque zéro n’existe pas », estime la sénatrice socialiste de Paris Marie-Pierre de La Gontrie.
    Si M. Darmanin a toujours assumé vouloir faire voter son texte grâce à l’appui des parlementaires de LR, il se retrouve aujourd’hui face à une droite qui rechigne à sceller un accord sur une thématique devenue l’un de ses seuls marqueurs de différenciation, après son soutien en dent de scie sur la réforme des retraites et à quelques mois des élections européennes où elle redoute la concurrence de l’extrême droite. D’autant qu’une grande partie des élus de LR vouent une hostilité grandissante au ministre de l’intérieur, perçu comme un concurrent pour l’échéance présidentielle de 2027.
    Résultat : M. Darmanin a beau se dire chaque jour davantage ouvert au « compromis » avec la droite, cette dernière n’a cessé de faire monter les enchères sans jamais se satisfaire des concessions accordées. « On risque de revivre le scénario de la réforme des retraites : tout donner aux LR pour n’avoir aucune voix en retour », s’inquiète le président du groupe macroniste au Sénat, François Patriat. A la veille des débats au Palais du Luxembourg, le président de la République, Emmanuel Macron, a fait savoir aux chefs de parti dans un courrier, dimanche, son intention d’aborder avec eux, lors d’une nouvelle rencontre à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 17 novembre, l’élargissement du champ du référendum aux « questions sociétales », dont les enjeux migratoires. Une demande de modification de l’article 11 de la Constitution formulée par LR et par le Rassemblement national. (...) La droite fait pour sa part du maintien de l’article 3 du projet de loi « immigration » – simplifiant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers qui peinent à recruter – une ligne rouge. Aujourd’hui, cette régularisation relève d’une mesure exceptionnelle laissée à la discrétion des préfets. Des critères d’appréciation leur sont indiqués dans une circulaire ministérielle de 2012, qui permet de régulariser autour de 7 000 salariés chaque année. Ces derniers doivent par exemple prouver trois années de présence sur le territoire français, fournir vingt-quatre fiches de paie attestant de leur activité professionnelle et leur employeur doit signer une promesse d’embauche.L’article 3 simplifie le dispositif et permettrait à un travailleur d’être régularisé de plein droit dès lors qu’il cumule trois ans de présence en France et huit fiches de paie, sans être nécessairement accompagné par son patron. Le ministère de l’intérieur défend la fin d’une forme d’« esclavage moderne », la droite y voit la porte ouverte à une régularisation massive. « C’est un chiffon rouge qui est là simplement pour séduire l’aile gauche [de la majorité] mais qui est une brèche qui va ruiner tous les autres efforts faits sur ce texte », martèle Bruno Retailleau. L’article 3 est devenu un totem politique. LR jure qu’il ne votera pas le texte s’il est maintenu, tandis que, s’il est retiré, c’est l’aile gauche de la Macronie qui menace de bloquer l’adoption de la loi.
    En attendant, tout à son souhait de voir aboutir un vote, l’exécutif a laissé la commission des lois du Sénat – dominée par la droite et le centre – muscler considérablement le volet répressif du texte début mars. Ce dernier est ainsi passé de vingt-sept à quarante-huit articles. Quelque soixante-dix amendements ont notamment été adoptés qui prévoient la suppression de l’aide médicale d’Etat – un panier de soins pour les sans-papiers – au profit d’une « aide médicale d’urgence », la restriction des conditions d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers, le resserrement des critères du regroupement familial ou encore de l’accès au titre « étranger malade ». Une transformation à laquelle souscrit largement l’exécutif. L’examen en séance publique devrait être à nouveau l’occasion pour la majorité de droite et du centre de redessiner le texte à son image. Les quelque 640 amendements déposés par les sénateurs augurent de débats intenses et le projet de loi pourrait tripler de volume à l’issue des discussions au Palais du Luxembourg. Mais l’inconnue autour du devenir de l’article 3 reste entière. Le gouvernement s’est dit plusieurs fois prêt à sa réécriture, pour amoindrir sa portée. En somme : plutôt que de prévoir une régularisation de plein droit, une circulaire serait créée, qui laisserait aux préfets leur entier pouvoir discrétionnaire en matière d’admission exceptionnelle au séjour.
    Une solution moins-disante qui a le mérite de séduire une partie de la majorité sénatoriale, sans trop heurter l’aile gauche de la Macronie, attachée à une inscription de la mesure dans la loi. Le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille, a d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, qualifié, Place Beauvau, de « compromis acceptable ».
    Mais, dans le même temps, Bruno Retailleau a déposé, lui, un amendement de suppression. « S’ils assouplissent les conditions de la régularisation, ça ne passera pas non plus pour nous », prévient-il. De quoi faire voler en éclat la majorité sénatoriale ?« A l’heure présente, il n’y a pas d’accord sur l’article 3, souligne Philippe Bonnecarrère. Il n’y a pas d’accord entre le Sénat et le gouvernement. Il n’y a pas d’accord au niveau de la majorité sénatoriale. » « Les prochaines quarante-huit heures vont être décisives », abonde Hervé Marseille. Le gouvernement pourrait également renvoyer la discussion des articles 3 et 4 – ce dernier vise à exempter certains demandeurs d’asile d’une période de carence de six mois avant de travailler – à la fin de la semaine afin de mener d’ultimes négociations avec le chef de file de la droite sénatoriale, M. Retailleau.
    Dans ce contexte, la possibilité que le projet de loi, durci dans sa quasi-totalité par les amendements des LR et des centristes soit finalement rejeté par une alliance de circonstance entre la droite et la gauche n’est pas négligeable. « Ce serait quand même par principe un échec du gouvernement, mais ce serait aussi un échec du Sénat », s’alarme le président (LR) de la commission des lois du Sénat, François-Noël Buffet, dont le rapport, en mai 2022, a servi d’inspiration au texte « immigration ».
    A mots couverts, des élus centristes et de droite pointent du doigt la démarche « jusqu’au-boutiste » de M. Retailleau, qui pourrait ébranler dans son sillage l’alliance entre la droite et les centristes au Sénat, et par là même fragiliser la position de son président (LR), Gérard Larcher. Ce dernier s’inquiète de débats qui mettraient en scène les divisions de sa majorité et, au-delà, d’une forme d’instabilité institutionnelle générée par l’absence de texte au Sénat, en miroir d’une Assemblée nationale dépourvue de majorité absolue.

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  • Métiers en tension : le gouvernement amorce un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/18/metiers-en-tension-le-gouvernement-amorce-un-recul-sur-la-regularisation-des

    Métiers en tension : le gouvernement amorce un recul sur la régularisation des travailleurs sans papiers
    Après l’attentat d’Arras, l’exécutif évoque la possibilité de renoncer à créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de son projet de loi sur l’immigration, pour privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation.
    Par Thibaud Métais et Julia Pascual
    Le climat actuel aura-t-il raison de la jambe gauche du projet de loi « immigration » ? Après l’attentat d’Arras, le texte, qui doit être examiné au Sénat à partir du 6 novembre, est au cœur des débats. Alors que le parti Les Républicains (LR) font de l’article 3, qui prévoit de simplifier la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension, une « ligne rouge » et menace de ne pas voter en faveur du projet de loi, la disposition pourrait être enterrée. En tout cas, sa portée largement amoindrie. L’exécutif réfléchit depuis des semaines à la façon de procéder et pourrait finalement privilégier la création d’une nouvelle circulaire de régularisation plutôt que de créer un titre de séjour de plein droit, par le biais de la loi. Le 24 septembre, le président de la République, Emmanuel Macron, avait lui-même entrouvert la porte à une modification du texte. « Là-dessus, je pense qu’il y a un compromis intelligent à trouver », avait-il souligné, sur TF1 et France 2.
    Place Beauvau, on avance désormais qu’une nouvelle circulaire pourrait voir le jour. Elle ne remplacerait pas celle de 2012 dite « circulaire Valls », qui liste des critères de régularisation pour motif familial ou professionnel et que les préfets appliquent de façon discrétionnaire et très différente selon les territoires. Grâce à ce texte réglementaire, environ 30 000 personnes sont admises au séjour chaque année. L’objectif de la circulaire supplémentaire à laquelle le ministère de l’intérieur réfléchit serait de permettre à des travailleurs sur des métiers en tension d’être régularisés « en contournant le pouvoir de l’employeur », précise l’entourage de M. Darmanin. « Il ne s’agit pas de créer un flux [d’immigration] mais de sincériser [régulariser] un stock », que les services évaluent à environ 8 000 personnes par an.
    Aujourd’hui, s’il veut demander une régularisation par le biais de la circulaire Valls, un travailleur sans papiers doit non seulement prouver qu’il vit en France depuis au moins trois ans, présenter un certain nombre de bulletins de paie, mais il doit, en outre, demander à son patron de remplir un formulaire officiel d’embauche. L’article 3 du projet de loi prévoyait de faire sauter ce « verrou » de l’employeur dans les métiers en tension et de créer un droit à la régularisation moyennant trois ans de présence en France et huit fiches de paie. Place Beauvau, on pourrait désormais se contenter d’une circulaire qui aurait l’avantage de « garder le pouvoir d’appréciation des préfets ». La régularisation ne serait donc pas de plein droit mais resterait à la libre appréciation des services de l’Etat dans les départements.
    Mardi 17 octobre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, avait pourtant tenu à défendre la disposition. Depuis l’attentat d’Arras, « le climat a changé, mais il serait absolument terrible (…) que des hommes et des femmes qui travaillent quotidiennement (…) soient les victimes d’un climat terroriste qui ne les concerne pas », a-t-il jugé sur Franceinfo. Face aux critiques de la droite et de l’extrême droite, le ministre a répété qu’il « n’y a pas d’appel d’air » avec une telle mesure. « Nous parlons de personnes en situation irrégulière mais qui travaillent légalement dans des métiers où tout le monde a du mal à recruter », a-t-il expliqué.Son entourage précise toutefois qu’Olivier Dussopt est toujours « ouvert sur la forme », législative ou réglementaire, sans dire si l’une ou l’autre est privilégiée, et qu’il « renvoie au débat sans en préjuger l’issue ». Place Beauvau, on assume ne pas vouloir se battre sur la forme et être disposé à un « texte de compromis large » avec la droite et le centre. L’article 3 « n’est pas le cœur essentiel du texte après ce qu’il s’est passé à Arras », considère l’entourage de M. Darmanin, soulignant que ce dernier ne portait pas personnellement la mesure.
    Un tel recul est susceptible de créer des remous dans la coalition présidentielle, où l’aile gauche de Renaissance a plusieurs fois répété son attachement à « l’équilibre » du texte entre ses deux volets social et répressif. « Cette mesure est nécessaire », juge le député macroniste de la Vienne Sacha Houlié, affirmant qu’« elle sera soutenue par le gouvernement et l’Elysée ». Ni Matignon ni l’Elysée n’ont confirmé. Pour M. Houlié, président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, ce n’est pas le moment de reculer, alors que le contexte permet de mettre la pression sur la droite. « Sur les mesures de fermeté, c’est LR qui nous en prive par son refus obstiné de voter le texte depuis des mois », estime-t-il.
    Alors que l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale était prévu pour 2024, le ministre des relations avec le Parlement, Franck Riester, a annoncé, mardi, sur LCP, que la loi sera discutée dès le mois de décembre. « On devrait avoir au moins un vote pour chaque chambre du Parlement d’ici à la fin de l’année [2023] », a-t-il ajouté.

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  • Crise des migrants à Lampedusa : l’extrême droite fait pression sur Emmanuel Macron
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/09/16/crise-des-migrants-a-lampedusa-l-extreme-droite-met-la-pression-sur-emmanuel

    Crise des migrants à Lampedusa : l’extrême droite fait pression sur Emmanuel Macron
    L’arrivée de milliers de personnes sur l’île italienne a offert au Rassemblement national et à Reconquête ! l’occasion de dénoncer une nouvelle fois la « submersion » qui menacerait la France. Le chef de l’Etat, de son côté, rappelle le « devoir de solidarité européenne ».
    Par Nathalie Segaunes
    Alors que l’afflux de migrants diminuait, vendredi 15 septembre, à Lampedusa, les réactions politiques se multipliaient en France. La situation inédite créée par l’arrivée d’environ 11 000 personnes en provenance d’Afrique du Nord, depuis le 11 septembre, sur cette île du sud de l’Italie d’à peine 7 000 habitants, a mis en lumière l’absence de cadre politique, alors que les flux migratoires vers l’Europe s’intensifient. Les départs depuis la Tunisie ont augmenté de 260 % en 2023, comparés à la période allant de janvier à août 2022, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
    La situation à Lampedusa montre que « les approches strictement nationalistes ont leurs limites », a jugé, vendredi, Emmanuel Macron. Une allusion aux promesses de la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, qui prétendait bloquer les nouvelles traversées de migrants. La réponse à la crise migratoire ne peut être qu’européenne, juge Paris.
    Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’île de Lampedusa, où plus de 6 000 migrants sont arrivés cette semaine, au cœur de la gestion des flux migratoires vers l’Europe
    Malgré les crispations passées avec Rome, le président français ne veut pas « laisser seule l’Italie avec ce qu’elle vit aujourd’hui ». En marge d’un déplacement en Côte-d’Or, il a défendu un « devoir de solidarité européenne » avec l’Italie, alors que l’Allemagne vient de suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance de ce pays en raison d’une « forte pression migratoire » et du refus de Rome d’appliquer des accords européens.Ce nouvel épisode de la crise migratoire a offert à l’extrême droite et à la droite françaises l’occasion de dénoncer, une fois de plus, la « submersion » qui menacerait la France, et « l’impuissance » d’Emmanuel Macron et de l’Union européenne (UE) en matière de gestion des flux migratoires.
    « Qui refusera encore de parler de submersion quand il arrive en quelques heures l’équivalent de la population d’une île ? », a déclaré Marine Le Pen (Rassemblement national, RN) sur X (ex-Twitter), jeudi 14 septembre ; elle sera en Lombardie, dimanche, à l’invitation de Matteo Salvini, chef de la Ligue. Elle a été imitée, vendredi, par le président du parti Les Républicains (LR), Eric Ciotti, qui appelle le président de la République à « mettre un terme à cette submersion migratoire ».
    Les têtes de liste aux élections européennes, qui se dérouleront en juin 2024, se sont également emparées du sujet. Pour Jordan Bardella, qui conduira la liste du RN, une seule réponse possible à cette crise : « Emmanuel Macron doit prendre solennellement cet engagement : la France n’accueillera pas un seul migrant » en provenance de Lampedusa. « Pour lui qui a dit vouloir “réduire significativement” l’immigration, c’est le moment de vérité. Fermeté ou impuissance ? », a-t-il ajouté sur X.
    Sa concurrente Marion Maréchal, qui conduira la liste Reconquête ! aux européennes, s’est rendue, quant à elle, à Lampedusa dès jeudi soir, pour y dénoncer un « chaos » et « une « submersion », sur fond d’images de réfugiés assis par terre, en masse, sur le port italien. La nièce de Marine Le Pen a assuré être venue pour « apporter un soutien au peuple italien », estimant que le gouvernement de Giorgia Meloni est « abandonné par l’UE [et par] la France et se retrouve seul à gérer cette situation, alors même que les frontières italiennes ne sont pas seulement les frontières de l’Italie » mais « les frontières de l’Europe entière ».
    « C’est vraiment l’instrumentalisation la plus abjecte qui soit, dénonce auprès du Monde le député macroniste des Français établis hors de France Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale. Si l’Italie est dans cette situation, c’est précisément parce que les pays européens dirigés par les amis de Marion Maréchal ne veulent pas de la solidarité européenne. » Allusion notamment à la Hongrie de Viktor Orban, qui refuse d’accueillir des réfugiés. « Mme Maréchal va faire son business électoraliste dégueulasse sur place devant des gens qui ont failli crever, c’est ça l’humanité et la politique ? », a déploré à son tour le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, vendredi, sur Franceinfo.
    Mais l’extrême droite n’est pas la seule à renvoyer le gouvernement et le chef de l’Etat à des actes. C’est « lors de débats comme celui-ci qu’on doit montrer qu’on est activement européen », a ainsi affirmé Raphaël Glucksmann, candidat aux européennes et probable tête de liste du Parti socialiste. Selon lui, la France ne défend pas aujourd’hui au Conseil européen une « solution européenne » avec des « mécanismes de solidarité » entre Etats plus efficaces que ceux actuellement en vigueur et qu’il appelle de ses vœux.Cette crise intervient alors que l’immigration est l’un des thèmes qui dominent la rentrée politique. Le gouvernement défendra à partir de novembre au Sénat un projet de loi qui cherche à concilier fermeté contre l’immigration illégale et intégration, avec la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension.
    Pour le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, « ce qui se passe à Lampedusa devrait inciter le gouvernement français à la plus grande prudence » sur ce sujet. « Régulariser les clandestins qui travaillent, ce serait créer un appel d’air irresponsable et dangereux, a-t-il écrit sur X, vendredi. Toute personne entrée illégalement sur notre territoire devrait être, au contraire, expulsée systématiquement. » Eric Ciotti a, de son côté, réitéré sa demande d’un référendum sur l’immigration « d’ici à la fin de l’année », car, selon lui, « c’est la seule façon de faire bouger les choses en matière migratoire ».En dépit des injonctions des oppositions, la ministre des affaires étrangères française, Catherine Colonna, a répété, vendredi, que la France « prenait sa part » dans la répartition des migrants. Elle a également jugé « impératif » que les longues négociations européennes relatives au pacte sur la migration et l’asile se terminent « avant la fin de l’année ».

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  • Le titre de séjour « métiers en tension » au cœur des débats sur la loi immigration
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/08/30/le-titre-de-sejour-metiers-en-tension-au-c-ur-des-debats-sur-la-loi-immigrat

    Le titre de séjour « métiers en tension » au cœur des débats sur la loi immigration
    « Ligne rouge » pour les députés Les Républicains, la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers qui font face à une forte pénurie de main-d’œuvre est défendue par une partie de la majorité.
    Par Thibaud Métais
    Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti,avec le nouveau président du Medef, Patrick Martin, le 29 août 2023, sur l’hippodrome de Longchamp, lors de la rencontre des entrepreneurs de France.C’est l’un des points qui devaient être abordés lors du rendez-vous à la maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), mercredi 30 août, entre le président de la République, Emmanuel Macron, et les chefs des partis politiques représentés au Parlement, dans le cadre de l’« initiative politique d’ampleur » annoncée par le chef de l’Etat. Afin de trouver une majorité au Parlement pour voter le projet de loi immigration, l’exécutif serait tenté de faire des concessions à la droite. Au cœur des discussions, notamment, le titre de séjour « métiers en tension », annoncé à l’automne 2022.
    Promu à l’origine pour faire partie du volet « insertion » du projet de loi face au volet « contrôle et sanction », il prévoit la régularisation des sans-papiers travaillant dans les métiers qui font face à une forte pénurie de main-d’œuvre (hôtellerie-restauration, bâtiment, propreté, etc.) afin de faciliter l’emploi d’étrangers. La droite et l’extrême droit avaient critiqué la mesure dès son annonce. Le parti Les Républicains (LR) allant jusqu’à en faire une « ligne rouge ».
    Alors que la première ministre, Elisabeth Borne, s’était dite prête dans un entretien au Figaro le 14 juin à discuter des « modalités » d’un tel titre de séjour, la donne semble avoir changé en cette rentrée. Dans Le Canard enchaîné du 23 août, la cheffe du gouvernement estimait cette fois que « l’allusion aux “métiers en tension” devrait disparaître du texte », la jugeant « mal formulée » et proposant plutôt « une admission exceptionnelle de séjour, sans en faire un droit automatique ». Puis, lundi 28 août, le quotidien Les Echos affirmait qu’Emmanuel Macron « envisage d’abandonner le volet “métiers en tension” » du projet de loi immigration.
    Des déclarations qui ont fait bondir dans la majorité, notamment le président de la commission des lois, Sacha Houlié, qui défend depuis plusieurs mois la mesure. (...) Pourtant, le président de LR, Eric Ciotti, a abordé ces « rencontres de Saint-Denis » avec Emmanuel Macron en répétant que l’abandon de ce titre de séjour serait « non négociable » pour obtenir le vote – nécessaire – des députés de son parti à l’Assemblée nationale. « Cette question ne doit pas nous enfermer », répond Sacha Houlié, qui estime que « même si l’exécutif enlevait ce point, LR a posé d’autres conditions, toutes cumulatives, auxquelles on ne pourra pas répondre : la suppression de l’aide médicale d’Etat, la réforme du code de la nationalité et la sortie des traités européens ». Pour l’élu Renaissance, « en l’espèce, il n’y aura pas d’accord avec LR, sauf s’ils reviennent par miracle à la raison ». Pour la droite et l’extrême droite, la création de ce titre de séjour pourrait créer un « appel d’air » pour une immigration massive. « Il y a eu des régularisations importantes dans les gouvernements passés, il n’y a jamais eu aucune preuve statistique ni historique que celles-ci se soient accompagnées d’une hausse de l’immigration légale ou illégale », répond le député Renaissance des Français de l’étranger Marc Ferracci, selon qui les opposants à la mesure devraient « faire la preuve de leur argument sur un soi-disant appel d’air ». Pour ce dernier, « c’est une mesure de bon sens d’un point de vue économique, une mesure d’humanité aussi car on sait qu’un certain nombre d’employeurs bloque les régularisations pour imposer de mauvaises conditions de travail ». La proposition est d’ailleurs soutenue par l’ensemble de la coalition présidentielle, Horizons, Renaissance et MoDem, « ainsi que l’UDI », précise Sacha Houlié. De son côté, le patronat reste prudent sur la question. Le nouveau président du Medef, Patrick Martin, a défendu, lundi, dans Le Figaro, « une position équilibrée, réaliste et dépassionnée dans ce débat sensible » tout en mettant en avant d’autres pistes pour répondre au problème des pénuries de main-d’œuvre : réforme des lycées professionnels, retour à l’emploi des chômeurs qui en sont le plus éloignés, etc. Le vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, Eric Chevée, ne veut pas « s’insérer dans le débat politique », mais s’interroge : « Peut-on résoudre les problèmes de recrutement et de disponibilité des travailleurs en France en ne s’appuyant que sur la main-d’œuvre de l’Union européenne ? »

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