• #Tunisie : la #morgue de #Sfax débordée par les corps de migrants

    D’une capacité de 35 places, la morgue de l’#hôpital de Sfax, dans le centre de la Tunisie, est actuellement à saturation : une centaine de corps de migrants sont en attente d’inhumation. La région concentre les départs d’embarcations chargées d’exilés vers l’Europe.

    Il n’y a pas assez de place pour les cadavres. D’après un responsable de la santé basé à Sfax, la morgue de l’hôpital, d’une capacité de 35 places, est à saturation : une centaine de corps de migrants sont en attente d’#inhumation.

    Face à la multiplication des décès en mer, les autorités tunisiennes locales souffrent d’un manque de capacités logistiques pour conserver ces corps, le temps que des tests ADN soient effectués pour identification et que des tombes soient réservées, explique Middle East Monitor.

    Ce n’est pas la première fois que la morgue de l’hôpital se retrouve dans cette situation. En mars 2023, les autorités avaient tiré la sonnette d’alarme, alors que 70 corps avaient été pris en charge.

    Pour répondre à l’urgence, le directeur régional de la santé avait lancé un appel « aux organisations de migration », en particulier l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), « pour soutenir les efforts du système de santé local en fournissant des conteneurs réfrigérés et un camion réfrigéré pour transporter les corps à l’hôpital ».

    En mai 2022 aussi, l’établissement avait reçu 92 corps de migrants morts en mer, tous originaires d’Afrique subsaharienne. Faute de place, une quarantaine d’entre eux étaient « entassés sur le sol », avait déploré le porte-parole du tribunal de Sfax, Mourad Turki.
    Des naufrages en chaîne

    Cette région du centre de la Tunisie est le principal point de départ des embarcations d’exilés en partance pour l’Europe. Et les naufrages sont très nombreux. Mercredi 10 avril, deux embarcations parties de Tunisie ont chaviré en mer. L’un au large de Lampedusa : neuf personnes, dont une fillette, sont décédés, et 15 sont portées disparues. Le second naufrage s’est produit au large des côtes tunisiennes, sans que l’on ne retrouve les 45 passagers du bateau.

    Parfois, il faut attendre des jours voire des semaines après un naufrage avant que la mer ne recrache des corps sur les différentes plages du pays.

    Début avril, les autorités tunisiennes avaient aussi récupéré 13 corps de migrants au large du pays. Le 25 mars aussi, cinq corps de migrants ont été retrouvés par les garde-côtes tunisiens, sur le littoral centre.
    « Le racisme ici a tout chamboulé »

    Au cours du premier trimestre 2024, plus de 21 000 personnes parties des côtes tunisiennes ont atteint l’Italie, a déclaré à la radio Mosaïque FM le porte-parole de de la Garde nationale tunisienne, Houssam Eddine Jebabli.

    Les exilés embarquent dans de frêles bateaux en fer complètement inadaptés aux traversées en mer, poussés par des conditions de vie très difficiles dans le pays. Le racisme anti-Noirs, attisé par des propos du président Kaïs Saïed, est légion dans la région de Sfax notamment. Forcés de quitter la ville, des centaines de migrants survivent depuis plusieurs mois dans des camps délabrés, le long d’une route, sous des oliviers.

    Pour ces exilés qui survivent dans le dénuement le plus total, la seule solution reste un départ pour l’Europe. « Quand je suis arrivé en Tunisie, c’était pour y rester et construire ma vie : obtenir l’asile, continuer mes études dans l’informatique, et travailler un peu en parallèle, a raconté à InfoMigrants Miguel, un migrant camerounais installé dans un des camps près d’Al-Amra. Mais le racisme qu’il y a ici a tout chamboulé. Ça a cassé tous mes rêves ».

    Désormais le jeune homme n’aspire qu’à une chose : prendre la mer direction l’Italie. Malgré la dangerosité de la traversée. En 2023, 1 313 personnes parties des côtes tunisiennes ont disparu ou sont mortes en #mer_Méditerranée, selon les chiffres du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Un nombre jamais atteint jusqu’ici.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/56547/tunisie--la-morgue-de-sfax-debordee-par-les-corps-de-migrants
    #migrations #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_Frontières #cadavres #identification #ADN #Méditerranée

  • #Liban. Sur les #traces des #disparus de la #guerre_civile

    Comment filmer la #disparition ? Traduire par l’image ce qui n’est plus ? C’est un travail de #remémoration contre l’#amnésie_officielle et collective, et donc un travail pour l’histoire, que propose l’équipe du film The Soil and the Sea (« La terre et la mer »), qui sillonne le Liban sur les traces des #charniers de la guerre civile.

    Image trouble, son étranglé, vagues menaçantes… The Soil and the Sea (« La terre et la mer ») commence littéralement à contre-courant, la caméra submergée dans une lutte contre les vagues, dont nous tire la voix de l’écrivain libanais Elias Khoury lisant en arabe son poème « La mer blanche ». Ce sauvetage n’est pourtant qu’une illusion : c’est bien une noyade longue d’un peu plus d’une heure qui commence avec le film réalisé par Daniele Rugo, véritable plongée cinématographique dans la violence de la guerre civile libanaise.

    Partant de la côte beyrouthine, le film nous fait entrer au Liban par le charnier méditerranéen qui le borde, cette mer dans laquelle la guerre a souvent dégurgité ses #cadavres. The Soil and the Sea interroge les disparitions, exhume les histoires des #victimes et de leurs familles, creuse les bas-fonds de près de quinze années de #guerre_civile.

    Un pays amnésique et imprégné de #violence

    Au Liban, 17 415 personnes auraient disparu de 1975 à 1990, pendant la guerre civile qui a opposé de très nombreuses factions locales et internationales, mais dont les victimes ont été en majorité libanaises, palestiniennes et syriennes. Ce chiffre est tiré de la recherche constituée par le Lebanon Memory Archive, un projet piloté par l’équipe du film qui met en lumière cinq sites libanais abritant des #fosses_communes datant de la guerre1. Massacres délibérés, emprisonnements, torture, enlèvements, assassinats arbitraires ou ciblés, des lieux tels que #Damour, #Chatila, #Beit_Mery, #Aita_Al-Foukhar ou #Tripoli, sont emblématiques de toutes les facettes de la violence devenue routinière dans le Liban des années 1980. Leurs noms seuls suffisent à réveiller le souvenir d’une opération militaire, d’une prison ou d’une hécatombe dont les histoires sont tues dans un pays qui s’est remis de la guerre civile en instaurant un fragile statu quo.

    Afin de saisir la force de The Soil and the Sea, il faut comprendre la portée politique du simple geste de prise de parole proposé par le film. Dans les années 1990, la principale barrière mise en place pour éviter de retomber dans les méandres d’un affrontement civil a été le #silence. Aucune #politique_mémorielle n’a été mise en place à l’échelle du pays, les programmes scolaires s’arrêtent notoirement à la veille de la guerre civile, et la guerre est un arrière-plan anecdotique dans les conversations des Libanais·es. Des organisations de la société civile plaident pourtant depuis longtemps en défense des familles des personnes disparu·es, et une loi de 2018 promettait même d’éclaircir leur sort, mais le silence reste de mise pour la majorité de la société libanaise. La faute en revient surtout à l’absence de politiques publiques et d’institutions dédiées : il n’existe pas au Liban d’histoire « objective » de la guerre, scientifiquement constituée, et admise par l’État et la population. The Soil and the Sea donne un exemple saisissant de cette #amnésie_collective avec l’anecdote d’une mère qui pose une plaque et plante un olivier en mémoire de son fils Maher, disparu devant la faculté des sciences dans la banlieue sud de la capitale. Alors que cette faculté relève du seul établissement supérieur public du pays - l’Université libanaise -, les étudiant·es et les professeur·es rencontré·es par la mère de Maher sont effaré·es d’apprendre qu’une fosse commune « de trente mètres de long » a été enfouie sous les dalles de leur campus à la suite d’une bataille entre des factions libanaises et l’armée israélienne pénétrant dans Beyrouth en 1982.

    Pour recomposer l’histoire d’un pays amnésique, The Soil and the Sea choisit d’enchaîner les #témoignages, comme celui de la mère de Maher. Les #récits sont racontés en « voix off », superposés à des images montrant les lieux banals, gris, bétonnés, où les Libanais·es foulent souvent sans s’en douter - ou sans y penser - les corps de centaines de leurs semblables. Les voix des proches ou des survivant·es qui témoignent sont anonymes. Seuls ces lieux du quotidien incarnent la violence. Le film offre l’image d’un Liban pâle et quasi désert, où l’immobilier aussi bien que la végétation ont recouvert les plaies mal cicatrisées de la guerre. Des silhouettes lointaines parcourent ruines antiques et bâtiments modernes, gravats et pousses verdoyantes, mais on ne verra jamais les visages des voix qui racontent, par-dessus des plans savamment composés, les disparitions des proches, l’angoisse des familles, parfois de précieuses retrouvailles, plus souvent des vies passées dans l’errance et la nostalgie. Filmant le présent pour illustrer les récits du passé, The Soil and the Sea met au défi l’expérience libanaise contemporaine en montrant des lieux imprégnés jusque dans leurs fondations par une violence rarement nommée, qui prend enfin corps à l’écran dans les récits des familles laissées pour compte. Le travail de mise en scène du témoignage oral est aussi soigné du point de vue de l’image que du son, les mots crus des proches étant délicatement accompagnés par les arrangements légers et angoissants de Yara Asmar au synthétiseur.

    Géographie de l’oubli

    Faut-il déterrer les cadavres ? Serait-ce rendre justice aux familles que de retourner aujourd’hui la terre, et risquer ainsi de raviver les blessures d’un pays jamais guéri de la violence ? Ces questions, posées par un survivant du massacre commis par les milices palestiniennes à Damour en 1976, reçoivent plus tard une réponse indirecte de la part de la mère de Maher : « S’ils exhument des restes, où est-ce que je les mettrais ? » Juxtaposant des témoignages qui se font écho, The Soil and the Sea devient un jeu de questions et réponses qui exprime le paradoxe de l’#amnésie libanaise. Aux dépens de nombreuses victimes et de leurs familles, l’oubli a été un geste d’amnistie qui a permis à la société libanaise de se reconstruire, d’élever des banques et de déployer des champs sur une terre ravagée par le conflit. Beaucoup de victimes ont aussi été acteur·rices de la violence, à commencer par Maher, mort au service d’une milice, dont le récit de la disparition entame et conclut le film. En exhumant leurs corps, on risquerait de raviver des colères enfouies avec eux. Au lieu de prendre un tel risque, et outre l’impossibilité matérielle et politique d’une telle entreprise, le documentaire et le projet de recherche auquel il s’adosse se contentent de recueillir des #souvenirs sans les commenter autrement que par des images du quotidien, familières à tous·tes les Libanais·es.

    L’absence de protagonistes à l’écran, le choix de filmer les lieux représentés à des moments où ils sont inhabituellement déserts, illustrent d’abord la #disparition, thème principal de l’œuvre. Nous, spectateurs et spectatrices, sommes invité·es dans ces espaces comme dans des arènes cinématographiques qui réverbèrent les récits de la violence et abattent le quatrième mur, nous mettant au centre d’un récit oral, musical et visuel. Nous qui foulons le sol libanais, nous qui partageons sa mer et contemplons ses espaces, sommes responsables de constater la violence gravée en eux, nous dit le film. Si on ne peut résoudre les disparitions sans raviver la violence qui les a causées, si on ne peut déterrer les cadavres sans risquer d’exhumer la guerre qui les a tués, on peut au moins admettre l’amnésie, s’en reconnaître responsable, et apaiser par des #actes_mémoriels la violence fantôme qui hante le Liban.

    The Soil and the Sea apporte sa pierre à l’édifice mémoriel par la constitution d’une #géographie qui relève un à un des #lieux de l’oubli libanais. Les récits qui permettent l’enquête ne sont jamais exhaustifs. Ils permettent d’incarner cette géographie, lui donnant le relief et la profondeur qui manquent aux images du quotidien libanais contemporain. Par des procédés fins et dépouillés, le film de #Daniele_Rugo nomme l’innommable, montre ce qui ne peut être montré, et parvient ainsi à nous remémorer notre #oubli.

    https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/liban-sur-les-traces-des-disparus-de-la-guerre-civile,7167
    #film #documentaire #film_documentaire

  • Espagne : enquête sur un trafic de cadavres de migrants algériens

    Une vingtaine de personnes, dont des employés des pompes funèbres, des assistants légistes et du personnel de l’administration judiciaire, est visée par une enquête de la justice espagnole pour avoir participé à un vaste réseau de trafic de cadavres de migrants algériens. Ils faisaient payer les familles des victimes pour identifier les corps, en dehors de tout cadre légal.

    Au moins 20 personnes font l’objet d’une enquête dans les villes espagnoles de Murcie, Alicante, Almería et Madrid, et quatre ont été interpellées ce week-end pour appartenir à une organisation de trafic de cadavres de migrants, révèle le média La Verdad. Parmi ceux visés par la justice figurent des employés des pompes funèbres, des assistants légistes et du personnel de l’administration judiciaire affecté à l’Institut de médecine légale de Carthagène.

    Les membres de ce réseau sont accusés d’avoir demandé de l’argent, en dehors de tout cadre légal, à des familles d’exilés algériens à la recherche de leur proche disparu lors de la traversée de la Méditerranée.

    La manière de procéder était bien rodée : ils publiaient la photo d’un cadavre de migrant sur les réseaux sociaux afin d’appâter les familles sans nouvelles d’un frère, d’un fils, d’un mari ou d’un père. Ils leur facturaient ensuite différentes sommes, dont le montant n’a pas été divulgué, pour permettre d’identifier le corps et de le rapatrier au pays. Pour l’heure, on ne sait pas si l’identification était formelle et que le défunt était bien celui que les proches recherchaient ou s’ils ont falsifié des documents.

    Les quatre personnes interpellées ont été placées en détention provisoire par le tribunal de Carthagène. « Ces détenus font l’objet d’une enquête pour appartenance à une organisation criminelle, escroquerie, falsification de documents publics et délits contre le respect des défunts », précise la note de la justice transmise aux médias espagnols.
    Absence de protocoles clairs et homogènes

    En Espagne, il n’existe pas de protocoles clairs et homogènes pour procéder à la recherche des personnes disparues et à l’identification des personnes décédées sur la route de l’exil. Le manque d’informations et de règles favorise depuis des années le développement d’intermédiaires entre les autorités espagnoles et les familles des défunts.

    De plus, les proches font souvent face au silence des autorités espagnoles – et algériennes. « Malheureusement, les États ne respectent pas leur obligation de recherche lorsque les personnes disparues sont des migrants », affirme l’association Caminando Fronteras.

    Dans les morgues, les manières de gérer les cadavres et les familles diffèrent de l’une à l’autre. Dans celle « de Murcie, on a été bien reçu », expliquait l’an dernier à InfoMigrants Abdallah, à la recherche de son cousin disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne depuis les côtes algériennes. « À Almeria, par contre, c’était plus compliqué. Il nous a fallu l’autorisation d’un commandant de gendarmerie pour vérifier qu’un cadavre qui correspondait aux caractéristiques physiques d’Oussama, et arrivé le jour supposé du naufrage, était bien celui de mon cousin. Malgré notre insistance auprès des autorités, nous ne l’avons jamais obtenue. C’était très dur pour nous. On nous a aussi interdit de voir les affaires personnelles retrouvés sur le corps. Alors qu’on a ce droit ».

    Les proches des exilés disparus peuvent faire appel à des associations, comme Caminando Fronteras, pour les aider dans leurs démarches et leur éviter de se faire escroquer par des personnes mal intentionnées.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/55761/espagne--enquete-sur-un-trafic-de-cadavres-de-migrants-algeriens

    #cadavres #trafic #trafic_de_cadavres #migrations #réfugiés #mourir_aux_frontières #morts_aux_frontières #business #Espagne #Algérie #pompes_funèbres #enquête #migrants_algériens #identification #disparus #escroquerie #morgues

    • Los piratas de los muertos de las pateras: el negocio con los cuerpos de la inmigración irregular

      EL PAÍS revela el ‘modus operandi’ de una trama que se lucraba con la desesperación de familias argelinas y marroquíes.

      Las fotos que publicaba Francisco Clemente (https://elpais.com/masterdeperiodismo/2021-07-29/el-interprete-de-los-muertos.html) en sus redes sociales no pasaban inadvertidas para nadie. Durante años, este almeriense anónimo divulgó decenas de imágenes en las que podían verse cadáveres arrojados por el mar o cuerpos en la morgue dispuestos antes de la autopsia, todos muertos durante su viaje en patera hacia costas españolas. Muy pocas personas tienen acceso a ese material tan sensible, pero Clemente, no se sabe muy bien cómo, lo conseguía. Y se dio cuenta de que tenía en sus manos un valioso botín con el que hacer dinero. Un negocio que se lucraba con los muertos de la inmigración irregular.

      Este joven almeriense, de 27 años, cayó el pasado sábado detenido en una operación de la Guardia Civil acusado, entre otros delitos, de revelación de secretos y pertenencia a una organización criminal. EL PAÍS investiga los movimientos y conexiones de Clemente desde octubre de 2021 y revela, tras su detención, cómo operaban él y sus cómplices.

      Con esas fotografías de cadáveres y otro tipo de información privilegiada, Clemente dejó de ser tan anónimo y se convirtió en un referente para cientos de familias argelinas y marroquíes que habían perdido la pista de sus seres queridos al intentar emigrar a España. Madres, hermanos o primos que buscaban saber si sus seres queridos estaban vivos o muertos. Clemente creó a mediados de 2020 la cuenta Héroes del Mar en la red social X (antes Twitter) y en Facebook y, junto a su perfil personal, sumaba más de 150.000 seguidores a los que pedía donaciones. Hasta la prensa argelina le dedicaba artículos.
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      Condenados a una lápida sin nombre

      El joven, que se ganaba la vida vendiendo antiguallas por Wallapop, acabó montando un negocio haciendo de mediador entre las familias que buscaban a sus parientes desaparecidos o muertos, según fuentes policiales. No estaba solo, trabajaba en nombre del Centro Internacional para la Identificación de Migrantes Desaparecidos (CIPMID), una ONG de nombre rimbombante que, a diferencia de otras ONG más conocidas, no consta que reciba ninguna subvención o ayuda pública. Para algunas familias, Clemente fue la única fuente de información ante su pérdida y están agradecidos, aunque también dejó un reguero de familias que se sienten estafadas, según la docena de testimonios recogidos por EL PAÍS.

      Fran —como llaman a Francisco Clemente— al final cavó su propia tumba. Las mismas fotos con las que empezó todo encendieron las alarmas de la Guardia Civil que inició una investigación por la que ha acabado detenido junto a otras tres personas. Dos de los detenidos —el dueño de una funeraria y supuesto líder de la trama y el conductor del coche fúnebre de otra— permanecen en prisión sin fianza. A Fran, en libertad, se le ha retirado el pasaporte. Este diario ha intentado contactar con él, pero no ha obtenido respuesta.

      Los agentes han señalado a al menos una veintena de sospechosos, entre ellos, varios dueños de funerarias, auxiliares forenses y funcionarios del Instituto de Medicina Legal de Cartagena. Según se desprende de la investigación, Fran es sospechoso de integrar una especie de cártel que se disputaba los cadáveres de los inmigrantes. La trama supuestamente cobraba entre 3.000 y 10.000 euros por facilitar información a las familias, identificar y repatriar a los muertos. “El precio dependía del seguimiento que debían hacer del caso, pero también de la capacidad económica que viesen en los familiares”, explican fuentes de la investigación.

      Según el papel que jugaba cada uno de los participantes, la Guardia Civil les atribuye presuntos delitos contra la libertad de conciencia, contra los sentimientos religiosos y el respeto a los difuntos, además de por pertenencia a organización criminal, revelación de secretos, omisión del deber de perseguir delitos, estafa y cohecho. “Esto es solo la punta del iceberg”, afirman fuentes de la investigación, que deben ahora analizar una ingente cantidad de material incautado.

      La red, sin muchos escrúpulos, tiene su epicentro en Almería y Murcia, y tentáculos en Málaga, Baleares y Alicante, provincias a las que llegan los náufragos sin vida de las pateras. La trama se embolsó presuntamente decenas miles de euros con el sufrimiento de decenas de familias.
      Enganchado a la radio de Salvamento Marítimo

      Fran se metió en el mundo de la inmigración irregular en 2018, coincidiendo con el incremento de la llegada de pateras que salían desde Argelia. Su relación con el fenómeno —salvo por un breve pasaje por la Cruz Roja de donde lo echaron “por comportamientos inadecuados”—era nula, pero se aficionó a sintonizar la frecuencia de radio de Salvamento Marítimo y estaba al tanto de todos los rescates. Pasaba horas en el puerto de Almería y fotografiaba y grababa el desembarco de los inmigrantes, imágenes que, según ha confirmado EL PAÍS con sus compradores, también vendía a interesados en divulgar en redes mensajes contrarios a la inmigración irregular.

      En una de las varias denuncias que se han formalizado en comisarías de toda España contra él, una mujer que pide anonimato acusa Fran de relacionarse con los patrones de las pateras (suele saber con precisión cuándo salen y llegan las embarcaciones) así como de encubrirlos para evitar su detención. La mujer también asegura que fue testigo de cómo Fran contactó con familias para pedirles dinero si querían que su pariente “no tuviese problemas en España”. Presumía, según el acta de declaración de testigo a la que tuvo acceso EL PAÍS, de dar dinero a jueces y policías para evitar que los inmigrantes estuviesen presos. La mujer declaró a los agentes tener “pánico” de Fran y la ONG para la que trabaja.

      Con el tiempo, las posibilidades de negocio fueron creciendo. Fran, que vive con sus padres, ya no se limitaba a dar información a las familias sobre si sus parientes habían llegado o no, sino que encontró al que la Guardia Civil considera el líder de la red criminal, el propietario de una funeraria sin mucha actividad oficial. Este hombre, llamado Rachid, tenía una serie de funerarias amigas con las que hacer negocio y juntos, presuntamente, se disputaban los cadáveres de migrantes magrebíes que llegaban a las costas de sus zonas de actuación. “Decían a las familias que ellos eran los únicos capaces de repatriar el cuerpo”, mantienen fuentes de la investigación. Mentían. Rachid está en prisión sin fianza desde el sábado.

      Todos ganaban. Para Fran, las funerarias eran clave para cerrar el círculo que iniciaba con las familias de los migrantes que le contactaban. Y para las funerarias, Fran suponía un filón porque tenía contacto directo con decenas de potenciales clientes. Solo en 2023, se registraron casi 500 muertes de migrantes en la ruta migratoria que lleva a España por el Mediterráneo.

      Con el dinero que cobraban a las familias, a veces muy por encima de los 3.000 euros que suele costar una repatriación al uso, los investigadores sostienen que se repartían comisiones por adjudicarse los trámites administrativos y funerarios necesarios para repatriar los cuerpos a Argelia o Marruecos. Algunos implicados además pagaban por certificados de defunción falsos y otros trámites que aceleraban las repatriaciones, según la investigación.
      El conseguidor

      Según se lee en un fragmento del sumario al que ha tenido acceso EL PAÍS, Rachid sería “el conseguidor” o “líder de la organización criminal” en la misión de conseguir adjudicarse los cadáveres —previa exhibición a sus familiares de datos, informaciones e incluso fotografías de los cuerpos—, y su posterior repatriación.

      Rachid estaba muy conectado con la comunidad musulmana y sería supuestamente el intermediario con consulados de los fallecidos, generalmente de Marruecos y Argelia. En el registro de su casa se encontraron 60.000 euros en efectivo “de origen desconocido”, sellos médicos a nombre de otro investigado por expedir un certificado de defunción presuntamente falsificado, licencias de enterramiento y dos coches de alta gama “con gran cantidad de billetes en su interior”.

      España carece de protocolos claros y homogéneos para facilitar que las familias puedan identificar a las víctimas de la inmigración irregular. Quien tiene medios e información sobre cómo proceder debería personarse en una comisaria o comandancia y denunciar la desaparición de su familiar. Para ello, si está en Marruecos o en Argelia, tendría que conseguir un visado para desplazarse a España o conseguir un apoderado que lo haga en su nombre. El proceso suele exigir pruebas de ADN y si, se complica, hasta un procurador y un abogado. Confirmar una muerte es, por lo general, una labor hercúlea que las familias no pueden asumir en la lejanía y sin hablar español.

      Ante las dificultades y la falta de canales adecuados, han ido apareciendo facilitadores que median entre las autoridades españolas y los parientes de los muertos. La mayoría lleva mucho tiempo haciéndolo de forma altruista, por convencimiento y sin cobrarlas, pero también han surgido aprovechadores que han hecho negocio con el dolor de cientos de familias que siguen sin saber adónde acudir.

      https://elpais.com/espana/2024-03-13/los-piratas-de-los-muertos-de-las-pateras-el-negocio-con-los-cuerpos-de-la-i

  • Tunisia, quei morti in mare lasciati a marcire nell’obitorio di #Sfax

    Scattate a fine aprile le foto mostrano mucchi di cadaveri a cui nessuno dà un nome né una sepoltura.

    A terra, sulle barelle, nelle body bag, nei sacchi. Corpi abbandonati su un pavimento di cui non si intuisce neanche più il colore, sporco com’è di sangue, fluidi, sabbia. Gettati via come cose, come immondizia, fino a riempire i corridoi, saturare le stanze, i depositi. Nell’obitorio di Sfax non c’è più spazio neanche per il rispetto della morte.

    https://i.imgur.com/V67bPeX.jpg

    (#paywall)

    https://www.repubblica.it/esteri/2023/06/10/news/tunisia_obitorio_corpi_naufraghi-403847398
    #Tunisie #décès #morts #mourir_aux_frontières #frontières #asile #migrations #réfugiés #morgue #cadavres #abandon #morts_aux_frontières

  • En Tunisie, les #cadavres de migrants s’accumulent à #Sfax

    En 2023, le pays est devenu le principal point de départ des migrants souhaitant traverser la Méditerranée, devant la Libye.

    Sur le quai du port de Sfax, deux corps d’enfants sans vie gisent sur le sol, recouverts d’une simple couverture. Leur mère, assise à côté, pleure ses filles, mortes noyées sous ses yeux quelques heures plus tôt au large des côtes de Tunisie. Elles tentaient de rejoindre l’Italie sur une embarcation de fortune, comme une quarantaine d’autres personnes.

    Rattrapé puis percuté par un semi-rigide de la garde nationale maritime, comme le relatent les survivants, le rafiot métallique s’est retourné, envoyant tous ses occupants à l’eau. Trente-six personnes ont été secourues par les autorités et deux corps repêchés, ceux de Macire et Saran-soumah, 10 et 12 ans, originaires de Guinée.

    La scène sur le quai a été filmée le 23 mars par l’un des rescapés et les images partagées sur les réseaux sociaux. A la fin de la vidéo, un camion rouge de la protection civile vient chercher les corps pour les emmener à la morgue de l’hôpital Habib-Bourguiba de Sfax. « C’est la dernière fois que j’ai vu mes enfants », se désole Mamadie Fofana, la mère des deux fillettes, trois semaines après les faits. Au centre hospitalier où elle s’est rendue avec des proches, on lui a dit de « passer par la garde nationale, se souvient-elle. Deux fois nous y sommes allés, mais ils nous ont renvoyés à la morgue… Ils nous font tourner comme ça. »

    Vague macabre

    Parce que ces décès ont lieu lors de tentatives de franchissement illégal des frontières du pays, les autorités tunisiennes sont tenues enquêter sur les embarcations qui ont fait naufrage. Les corps, qu’ils soient récupérés en mer par les gardes nationaux ou après leur échouage, doivent être autopsiés avant inhumation. Une procédure d’autant plus longue et complexe que les hôpitaux et les cimetières croulent sous les cadavres.

    En 2023, la Tunisie est devenue le principal point de départ des migrants souhaitant traverser la Méditerranée, devant la Libye. Entre janvier et mars, la marine nationale a intercepté 14 000 personnes, soit cinq fois plus qu’en 2022. Selon les Nations unies, le premier trimestre a aussi été le plus meurtrier depuis six ans. « L’augmentation des départs signifie une augmentation des naufrages et donc une augmentation du nombre de corps », résume Filippo Furri, dont les recherches portent sur les décès en contexte migratoire.

    Cette vague macabre touche de plein fouet l’#hôpital #Habib-Bourguiba de Sfax. « Durant la fête de l’Aïd, de nombreux corps ont été transférés au service de médecine légale, explique Faouzi Masmoudi porte-parole du tribunal de Sfax, cité par l’Agence France-Presse. Le 25 avril, nous avons reçu à la morgue près de 200 corps alors que l’établissement ne peut en accueillir que 40 à 50. » Anonymes pour la plupart.

    « L’#identification n’est pas obligatoire pour les autorités. Ce qui l’est, c’est de déterminer les causes de la mort », explique Filippo Furri. Faute d’information sur l’identité des migrants, un dossier est constitué pendant l’examen médico-légal comprenant des éléments sur le naufrage s’il y en a, les caractéristiques du cadavre, des photographies et un échantillon ADN. Puis un numéro est attribué « pour permettre aux familles d’identifier leurs proches a posteriori, si elles se manifestent », explique un activiste local. C’est ce processus, particulièrement long, qui explique en partie la congestion des morgues.
    Cimetières et chambres froides saturés

    A une dizaine de kilomètres au nord de Sfax, le cimetière municipal d’Essadi a récemment accueilli de nombreux migrants comme en témoignent les tombes anonymes marquées d’un simple numéro. « Il y en a dix qui ont été enterrés ici, explique une dame venue se recueillir sur la tombe de sa mère. Là-bas, il y a de nouvelles tombes qui ont été creusées au cas où. Les migrants sont enterrés comme les Tunisiens. » Sur ces dalles, faites de briques et de ciment, les mouches s’agglutinent. « Tu sens cette odeur ? C’est celle de la mort », s’attriste-t-elle.

    Car les cimetières, comme les chambres froides sont saturés. Les autorités de Sfax s’étaient engagées en 2022 à réserver aux migrants subsahariens, chrétiens pour beaucoup, des zones d’inhumations spéciales. « Grâce aux efforts combinés de la municipalité et des communes environnantes, nous avons pu augmenter le nombre de sépultures dans un plus grand nombre de cimetières », souligne Faouzi Masmoudi.

    Mais les infrastructures restent insuffisantes. « Cette pérennisation de la crise fait que le problème n’est plus seulement lié à la médecine légale », observe M. Furri. Le 20 avril, trente corps ont dû être enterrés en une seule journée. Contactés par Le Monde, le ministère de la santé, la direction régionale de la santé et les médecins de l’hôpital se refusent à tout commentaire.

    De son côté, Mamadie Fofana espère pouvoir un jour se recueillir sur les tombes de ses filles. « Dieu m’a donné mes enfants, Dieu les a repris. Tout ce que je veux aujourd’hui, c’est enterrer mes enfants, de savoir au moins où ils sont. C’est mon plus grand souhait. Sans ça, je ne m’en remettrai jamais. »

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/09/en-tunisie-les-cadavres-de-migrants-s-accumulent-a-sfax_6172663_3212.html
    #Tunisie #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #asile #migrations #réfugiés #morgue #cimetière #autopsie #naufrages #hôpital_Habib-Bourguiba #identification #Essadi #inhumation

    –—
    voir aussi :
    Le passeur d’âmes

    A #Sfax, #Père_Jonathan accompagne les migrants, qui ont perdu la vie en tentant de rejoindre l’Europe, jusqu’à leur dernière demeure. Dans le #cimetière_chrétien de la ville il offre un #enterrement digne aux voyageurs égarés.

    https://seenthis.net/messages/324152

    ping @_kg_

  • En #Tunisie, la mort d’une #fillette retrouvée échouée sur une #plage suscite l’#indifférence générale

    Le corps d’une enfant a été retrouvé sur une île de l’archipel des #Kerkennah, au large de #Sfax, en décembre dernier, dans la même position que le petit #Aylan_Kurdi en 2015. Mais contrairement à lui, sa #photo n’a pas fait le tour du monde ni engendré la moindre #réaction politique. Un #silence qui en dit long sur la #banalisation des #naufrages en mer.

    Son corps sans vie a été retrouvé échoué sur une plage, le 24 décembre dernier, vêtu d’un blouson rose bonbon et d’un collant. Âgée d’environ 3 ans, la fillette reposait sur le ventre, face contre terre. Les #îles_de_Kerkennah, au large de Sfax, en Tunisie, ont été les tristes témoins de l’ignominie qui se déroule en #Méditerranée chaque jour : les naufrages qui s’enchaînent à la pelle ; ceux que l’on connaît, parce qu’ils laissent des traces derrière eux, et ceux dont on n’a pas connaissance, qualifiés d’« invisibles », pour lesquels aucune embarcation ni dépouille n’est jamais retrouvée.

    Mais cette fois, il y a une photo. L’enfant a été découvert sur la plage de #Sidi_Founkhal au petit matin, par un habitant de Sfax, originaire des Kerkennah, qui a décidé d’immortaliser l’horreur produite par nos politiques migratoires.

    Retrouvé par Mediapart, Boulbeba Bougacha, âgé de 20 ans, raconte avoir voulu « changer d’air » en allant déjeuner avec ses proches sur la plage, aux alentours de 13 heures, le 24 décembre. « On l’a trouvée là, allongée sur le ventre. On a appelé les autorités, qui sont venues la récupérer. Ça a été un choc. On sait que beaucoup de gens meurent en mer, mais on n’est jamais préparé à voir une chose pareille. »

    Sur la même plage ce jour-là, la mer a expulsé de ses entrailles au moins trois autres corps adultes, tous subsahariens. Boulbeba s’est exprimé sur les ondes de la radio locale Diwan FM, le 26 décembre 2022. Mais, fait surprenant, ni l’information ni la photo n’ont été relayées en Tunisie ou ailleurs, hormis dans quelques rares publications sur les réseaux sociaux. On se souvient de la photo du petit Aylan Kurdi, un enfant kurde retrouvé lui aussi échoué sur une plage de Turquie en 2015, quasiment dans la même position, qui avait suscité l’émoi et l’indignation partout à travers le monde.

    Dans l’archipel de Kerkennah, où règnent les familles de pêcheurs, tout le monde ou presque a entendu parler de la fillette. Mais le choc des premières découvertes de naufragé·es en mer a laissé place, depuis plusieurs années, à une forme de #résilience. « On voit des #cadavres presque tous les jours », lâche Nasser*, qui vit de la pêche.

    Lorsque nous le rencontrons à Remla, capitale des îles Kerkennah, l’homme semble soulagé d’être enfin entendu. Au printemps dernier, il dit avoir trouvé un bébé, âgé d’à peine 2 ans. « La dernière fois, j’ai vu quatre ou cinq morts d’un coup. Quand on appelle la garde nationale, ils nous demandent si ce sont des Blancs ou des Noirs. Si ce sont des Noirs, ils ne se déplacent pas. »

    Des pêcheurs traumatisés

    Depuis les années 2000, l’archipel aux 15 000 âmes s’est transformé en lieu de départ pour les personnes souhaitant émigrer vers l’Europe, du fait de sa proximité avec l’île italienne de Lampedusa. Il attire ainsi les Tunisiens, mais aussi, depuis une dizaine d’années les Subsahariens, de plus en plus nombreux à passer par la Tunisie (et le Maghreb de manière générale) pour tenter de travailler et/ou de prendre la mer.

    « De par sa localisation, Sfax a attiré beaucoup de Subsahariens, d’abord parce que c’est la deuxième plus grande ville de Tunisie et qu’il y a un fort besoin de main-d’œuvre, ensuite parce qu’elle est proche de Kerkennah, où des réseaux de passage existaient déjà », analyse Hassan Boubakri, chercheur à l’université de Sousse et de Sfax.

    Jeudi 9 février, des militaires armés contrôlent la montée à bord du Loud, nom du ferry reliant Sfax à Kerkennah en une heure. Plusieurs hommes voyageant seuls sont mis à l’écart, contrôlés puis interrogés.

    « Les autorités surveillent beaucoup l’île désormais, poursuit le spécialiste des migrations. Les Noirs ne peuvent plus rallier Kerkennah et les Tunisiens doivent présenter un justificatif démontrant qu’ils vont travailler ou rendre visite à des proches pour s’y rendre. » Les pêcheurs qui acceptent de s’exprimer confirment tous l’information. Mais ils précisent que des départs par la mer continuent de s’organiser depuis l’archipel, sans doute par l’intermédiaire des Tunisiens y ayant leur « réseau ».

    Les départs se font aussi depuis Sfax, rendant la traversée plus longue et dangereuse pour les exilé·es. « Une journée comme ça, avec un vent du Nord plutôt fort, va nous ramener plusieurs cadavres sur l’île », assure Nasser, qui se dit traumatisé par la vue de visages défigurés ou de corps à moitié dévorés par les poissons et les oiseaux migrateurs, très présents sur l’île. « La dernière fois, j’étais tellement marqué par ce que j’avais vu que sur le trajet retour vers ma maison, j’ai dû m’arrêter sur le bas-côté pour reprendre mes esprits », poursuit-il, le regard vide et abîmé.

    Il y a aussi les squelettes, que les pêcheurs disent observer surtout sur l’île de #Roumedia, située au nord-est de l’archipel. « Il y a un corps qui est là-bas depuis l’Aïd-el-Séghir [la fête marquant la fin du ramadan – ndlr], donc depuis avril dernier. On l’a signalé mais personne n’est venu le récupérer », regrette l’un des amis de Nasser, également pêcheur.

    Un autre explique avoir culpabilisé après avoir laissé un corps dans l’eau lorsqu’il était au large : « Si je l’avais signalé à la garde nationale, elle m’aurait demandé ensuite de l’accompagner jusqu’au #cadavre. C’était trop loin et il y avait de grandes chances que je n’arrive pas à le retrouver », se justifie-t-il.

    Ce dernier se souvient également avoir trouvé, il y a quelques mois, une femme enceinte sur le bord d’une plage. « C’est très dur pour nous. On sort en mer et on ne sait pas sur quoi on va tomber », ajoute-t-il, expliquant avoir constaté une hausse des naufrages en 2022. Tous affirment que « l’#odeur » est insupportable.

    Une question, qu’ils prononcent du bout des lèvres, les taraude : les poissons qu’ils pêchent et qu’ils donnent à manger à leur famille se sont-ils nourris de ces cadavres dont personne ne se préoccupe, parce que « migrants » ?

    À #Mellita, dans le sud des Kerkennah, d’autres remontent régulièrement des corps dans les mailles de leur filet. Certains, comme Ali*, en trouvent coincés dans leur charfia traditionnel, un barrage visant à bloquer le poisson et à le rediriger vers un piège.

    Dans sa maisonnette, l’homme raconte comment il a ainsi trouvé le corps d’un homme d’une quarantaine d’années coincé sous l’eau. « J’ai appelé la garde nationale à 11 heures. J’ai attendu jusqu’à 15 heures mais personne n’est venu le récupérer. Le lendemain, j’ai retrouvé le corps au même endroit. » La garde nationale aurait invoqué un « manque de moyens ».

    Si dix-huit mille personnes ont réussi à traverser la Méditerranée depuis les côtes tunisiennes en 2022 pour rejoindre l’Italie, « au moins neuf mille migrants ont dû mourir en mer », présume un habitant des Kerkennah, qui préfère garder l’anonymat.

    Pour Hassan Boubakri, également président du Centre de Tunis pour la migration et l’asile (Cetuma), plusieurs signes viennent démontrer que l’on assiste à une #banalisation de la mort en Méditerranée, dans un contexte de multiplication des naufrages. « Il y a les #médias qui font régulièrement le décompte des morts, les pêcheurs qui ne sont plus surpris de sortir des corps de leur filet, les riverains de la mer qui souffrent d’assister à tout cela… »

    Et d’ajouter que cette banalisation se traduit aussi à travers les procédures de plus en plus standardisées pour la prise en charge des naufrages et des corps retrouvés. « Tous les acteurs impliqués, comme la garde nationale, l’appareil judiciaire, la médecine légale ou le Croissant-Rouge, sont devenus, même inconsciemment, parties prenantes de cette banalisation. Tout le monde s’accorde à dire que la Méditerranée est devenue un cimetière, alors que cela devrait susciter de la compassion. Mais on est passés de la #compassion à l’#indifférence, avec très peu de perspectives sur les solutions pouvant protéger les personnes menacées », décrypte-t-il.

    La difficile #identification des non-Tunisiens

    Face à ces drames, plusieurs acteurs s’activent, dans l’ombre, pour tenter de documenter les naufrages et permettre l’identification des victimes, comme la plateforme AlarmPhone. Pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), qui aide au rétablissement des liens familiaux et travaille en coopération avec le Croissant-Rouge tunisien, la recherche et l’identification des personnes disparues en mer sont indispensables.

    Si les autorités tunisiennes restent responsables pour le processus d’identification des personnes ayant perdu leur vie en mer, le CICR intervient en appui, sur la base d’une « demande de recherche », ouverte le plus souvent par un proche de disparu. Il vérifie alors les informations permettant de faire le lien avec la personne présumée disparue. Quelle est son identité ? Quels vêtements ou quels effets personnels avait-elle ? Quel signe distinctif peut permettre de l’identifier ?

    La démarche est plus simple s’agissant des ressortissants tunisiens, pour lesquels les autorités peuvent consulter le fichier des empreintes digitales et dont les familles, basées en Tunisie, se mobilisent pour les retrouver. Elle est moins évidente s’agissant des exilés non tunisiens, dont les proches restent dans le pays d’origine et n’ont pas toujours d’informations sur le projet ou le parcours migratoire de la personne disparue.

    Dans ce cas, le CICR s’autorise à prendre en compte les informations venues d’ami·es ou de connaissances ayant croisé la route d’une personne portée disparue. Mais parfois, le signalement ne vient jamais. « Certains ont peur de signaler une disparition aux ONG parce qu’ils ne font pas la différence avec les autorités. Ils ne veulent pas avoir des ennuis », commente Yaha, une Ivoirienne et entrepreneure installée à Sfax depuis six ans, qui consacre tout son temps libre à accompagner les proches de disparu·es en mer dans leurs recherches, notamment avec le Croissant-Rouge.

    À Sfax, où nous la retrouvons, Yaha rejoint deux jeunes Ivoiriens, inquiets pour un groupe de sept personnes qui ne donnent plus signe de vie. « Il y a cinq adultes et deux enfants, âgés de 2 ans et de 8 mois. Ils ont disparu depuis deux semaines. On sait qu’ils sont morts en mer. Maintenant, on veut savoir si leurs corps ont été retrouvés », souffle le premier, occupé à chercher leurs photos sur son téléphone. La fillette des Kerkennah ? Ils n’en savent rien. Le second commente : « Les gens ne préviennent pas quand ils partent. Il faut attendre qu’ils disparaissent pour qu’on le sache. »

    Tous deux iront, deux jours plus tard, dans les locaux de la garde nationale de Sfax, où ils pourront accéder au registre et aux photos des naufragé·es. Ils seront accompagnés d’un membre du Croissant-Rouge, dont la présence est censée rassurer vis-à-vis des autorités et aider sur le plan émotionnel, dans un moment particulièrement difficile.

    Identifier les personnes disparues n’est pas chose facile : durant le week-end des 28 et 29 janvier, soit la période correspondant à leur disparition, les acteurs associatifs comptent onze à douze tentatives de traversée, dont au moins trois naufrages.

    Une #morgue dépassée

    Pour l’heure, aucune demande de recherche n’a été enregistrée par le #CICR concernant la fillette des Kerkennah, que ce soit en Tunisie ou en Italie. Plusieurs acteurs locaux redoutent que ses parents soient décédés lors du naufrage. « On pense qu’il n’y a pas eu de survivants pour cette embarcation. Elle a été retrouvée à un moment où il y a eu beaucoup de naufrages. On sait juste qu’elle a la peau noire, comme les adultes retrouvés sur place le même jour », indique un membre du tissu associatif. Selon nos informations, son corps est resté un temps à la morgue de l’hôpital de Sfax, avant d’être inhumé.

    « Quand il y a un naufrage, c’est la #garde_nationale qui doit porter secours. S’il y a des personnes décédées, elle les ramène sur terre, où l’unité technique et scientifique prend des photos et des traces d’ADN. [Les corps] sont ensuite emmenés à la morgue, jusqu’à ce qu’ils soient réclamés ou qu’il y ait un ordre d’#enterrement provenant de la municipalité, pour ceux qui n’ont pas été identifiés », détaille la militante des droits humains. Problème, l’unité médico-légale de l’hôpital de Sfax, qui a une capacité de quarante places, est débordée.

    Sollicitées, leurs équipes n’ont pas souhaité s’exprimer. Mais dans un document que nous avons pu nous procurer, l’unité médico-légale fait état d’une « nette augmentation » des naufrages en mer ces dernières années, les exilé·es représentant désormais 50 % de l’activité des effectifs.

    On y apprend également que les personnes de peau noire représentent la majorité des #victimes et que les enfants, de même que les nourrissons, représentent 5 % des naufragés au large de Sfax sur le premier semestre en 2022. La plupart d’entre eux n’avaient aucun document d’identité.

    L’unité souffre de conditions de travail « difficiles », dues à un manque criant de moyens. À plusieurs reprises, des cadavres ont dû, par manque de place, être entreposés sur un brancard dans les couloirs de l’établissement. « Les migrations dépassent tout le monde, admet Wajdi Mohamed Aydi, adjoint au maire de Sfax chargé des migrations, qui évoque un manque de gouvernance à l’échelle nationale. Il y a des tentatives de traversée et des #accidents chaque semaine, voire chaque jour. On s’occupe de l’#enterrement des personnes non identifiées, en essayant de respecter au mieux leur dignité. » Lorsqu’il n’y a pas de nom, un numéro est inscrit sur la #pierre_tombale.

    Les Subsahariens confrontés à la #précarité et au #racisme

    L’élu pointe aussi un phénomène récent, celui de l’apparition d’embarcations en métal utilisées par les migrants pour la traversée (selon plusieurs sources, certains les fabriqueraient eux-mêmes, sous la houlette des réseaux de passage tunisiens).

    Une information que confirme la militante des droits humains déjà citée : « Ces nouvelles #embarcations en métal sont une catastrophe. Ils cherchent à en fabriquer un maximum de l’heure et ne les soudent pas bien. Les gens ont peu de chances de s’en sortir s’il y a un naufrage car les bateaux coulent plus vite et ils restent coincés à l’intérieur. »

    À six kilomètres au sud de Sfax, dans le quartier défavorisé de #Ben_Saïda, où vit une communauté importante de Subsahariens, Junior s’engouffre dans la maison inachevée qu’il occupe, dont les murs en briques sont restés nus. C’est ici que le jeune Guinéen (Guinée-Conakry), âgé de 16 ans, vit avec au moins soixante-dix autres jeunes, originaires de ce même pays, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Sénégal ou du Mali. Tous ont déjà tenté au moins une fois la traversée et attendent de pouvoir de nouveau tenter leur « chance ».

    Dans l’intérieur sombre de l’habitation, où des matelas et couvertures sont disposés à même le sol, des dizaines de gamins se bousculent, curieux de nous voir pénétrer leur univers. Une majorité de jeunes hommes, encore dans l’adolescence, dont le visage et les corps sont déjà usés par l’exil. « On a été interceptés par la garde nationale il y a deux semaines. Ils nous ont mis en difficulté exprès. Mon frère Mohamed est tombé à l’eau et s’est noyé », résume Junior, encore en état de choc. Il montre une vidéo de la garde nationale fonçant sur une embarcation refusant de s’arrêter en mer. Il montre aussi ses pieds blessés lors de l’interception et restés sans soins depuis.

    Les quelques femmes vivant là, seules ou avec leur enfant, disent être inquiètes pour un couple et son bébé, disparus depuis trois semaines. « On sait qu’ils voulaient traverser. On n’a plus de nouvelles, on pense qu’ils sont morts en mer. » Sur son smartphone, la bouille de l’enfant, dans les bras de sa mère souriante, apparaît.

    Malgré leur disparition en mer, elles veulent partir, elles aussi. « Mais j’ai très peur de l’eau, je ne sais pas nager », hésite l’une d’elles. Elle a quitté son pays pour fuir les violences conjugales. Elle expérimente désormais la violence des frontières.

    Junior n’a pas trouvé la force de contacter le Croissant-Rouge. « J’imagine que mon frère a été enterré. Je n’ai pas cherché à savoir car c’est trop lourd pour moi, ça me fait mal au cœur rien que d’y penser. » Les ados semblent avoir intégré le #risque de mourir en mer. Ils n’ont « pas d’autre choix », assurent-ils. « On ne peut pas rester dans notre pays et on ne peut pas rester ici. »

    Ils dénoncent le « racisme » auquel ils sont confrontés en Tunisie. « Des policiers ont volé mon portable l’autre jour. Au commissariat, ils n’ont pas voulu prendre ma plainte. Dans les épiceries, ils ne veulent pas nous vendre de riz parce qu’il y a une pénurie et qu’on n’est pas prioritaires. »

    Le membre du tissu associatif déjà cité explique : « Leurs #conditions_de_vie se sont durcies. Depuis quelque temps, un blocage a été mis en place à la Poste pour qu’ils ne puissent ni envoyer ni retirer de l’argent. » Il ajoute avoir observé, au cours des derniers mois, de nombreuses « #arrestations_arbitraires » de personnes en situation irrégulière.

    « C’est aussi ça qui pousse les gens à prendre la mer, affirme Yaha. S’ils restent ici sans papiers, c’est comme une prison à ciel ouvert. S’ils veulent rentrer chez eux, ils doivent payer une pénalité [d’un montant maximal de 3 000 dinars tunisiens, soit environ mille euros – ndlr]. Avec cet argent, certains préfèrent partir en Europe, où ils pourront offrir un avenir meilleur à leurs enfants. »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/190223/en-tunisie-la-mort-d-une-fillette-retrouvee-echouee-sur-une-plage-suscite-

    #migrations #asile #réfugiés #décès #mourir_en_mer #fille #enfant #enfance #enfants #photographie #racisme #pêcheurs #Alan_Kurdi

    ping @karine4 @_kg_

    • En Tunisie, « il faut dépasser la question des #traversées pour penser l’immigration africaine »

      Dans un contexte où le Parti nationaliste tunisien s’en prend violemment à la communauté subsaharienne et où les naufrages ne cessent de s’intensifier en mer, le géographe #Camille_Cassarini revient sur les évolutions de la présence africaine dans ce pays du Maghreb, dont les politiques migratoires n’échappent pas aux mécanismes que l’on peut observer en Europe.

      DixDix-huit mille personnes ont réussi à rejoindre l’Italie depuis les côtes tunisiennes en 2022. Un chiffre en constante augmentation ces dernières années, démontrant que la crise socio-économique, mais aussi démocratique, dans laquelle s’enfonce la Tunisie ne cesse de pousser des personnes sur les chemins de l’exil.

      À l’heure où les naufrages s’amplifient et où la découverte du corps d’une fillette, échoué sur une plage des îles Kerkennah le 24 décembre dernier, vient brutalement nous rappeler la violence des politiques de fermeture des frontières, Camille Cassarini, chercheur à l’Université de Gênes et chercheur associé au LPED/IRD, alerte sur la nécessité de reconnaître l’immigration africaine en Tunisie.

      Après avoir passé plusieurs années à Sfax pour réaliser sa thèse, ville où la communauté subsaharienne est particulièrement importante, le géographe constate qu’un certain nombre de personnes viennent d’abord pour étudier et travailler.

      « Les personnes subsahariennes sont structurellement irrégularisées par l’État tunisien et leur départ prend avant tout naissance dans ce contexte de vulnérabilité juridique », souligne ce spécialiste des mobilités africaines en Tunisie, estimant que la délivrance d’un titre de séjour et l’ouverture de leurs droits pourraient permettre à certains de se projeter en Tunisie. Il faut, dit-il, cesser de penser ces mobilités sous l’angle du transit vers l’Europe.

      Mediapart : Depuis quand observe-t-on la présence d’exilés subsahariens en Tunisie ?

      Camille Cassarini : Depuis les années 1980, avec principalement des étudiants au départ, issus de classes moyennes supérieures, venus se former dans des instituts publics tunisiens. Il y a un premier changement dans les années 1990, qui correspond au grand pari de Ben Ali sur l’enseignement privé, visant à attirer lesdites « classes moyennes émergentes » d’Afrique.

      C’est ainsi qu’on a vu arriver des Camerounais, Congolais, Sénégalais ou Ivoiriens. Au même moment, il y avait déjà des mobilités de travailleurs qui arrivaient en Tunisie puis tombaient en situation irrégulière, mais on n’en parlait pas du tout.

      Un second changement a eu lieu en 2003, avec l’arrivée de la Banque africaine de développement et de son personnel, qui, à la suite des événements en Côte d’Ivoire, a été déplacée à Tunis. En 2011 enfin, l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire a mis beaucoup d’Ivoiriens sur la route. On estime qu’il y avait alors quelques milliers d’Ivoiriens à Tunis, quelques centaines à Sfax. Ces chiffres ont connu une croissance très forte dans les années qui ont suivi. Je dirais qu’aujourd’hui, entre 30 000 et 50 000 personnes originaires d’Afrique subsaharienne vivent en Tunisie.

      Quel est leur profil ?

      On retrouve toujours une très large majorité de personnes ivoiriennes, ce qui est en soi une particularité, voire un paradoxe, car la Côte d’Ivoire n’était pas un pays d’émigration, contrairement à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. On observe surtout la présence de travailleurs, issus de deux principaux groupes socio-ethniques en Côte d’Ivoire (les Akan et Baoulé, ainsi que les Bété, proches de Laurent Gbagbo), qui, avant, ne migraient absolument pas hors de la Côte d’Ivoire et sont issus de couches sociales assez favorisées.

      Dans quelles conditions de vie évoluent-ils ?

      Jusqu’au Covid-19, tous ces groupes vivaient d’emplois relativement précaires ; pas seulement d’emplois journaliers, payés 25 dinars par jour, mais aussi de petites activités commerciales à la valise (le fait de ramener des produits du pays d’origine pour les revendre en Tunisie).

      Cette population arrivait par avion sans visa et vivait en situation irrégulière (puisque une fois passés les trois mois de séjour autorisés, ils n’ont plus de droit au séjour), dans des logements collectifs, parfois individuels et dans des conditions relativement précaires ; mais des conditions qui, au regard de leur précédente situation en Côte d’Ivoire, n’étaient pas forcément si mauvaises.

      Leur salaire leur permettait d’opérer des renvois de fonds et de soutenir leur famille. Notamment au regard du taux de change qui existait entre le dinar tunisien et l’euro, et donc le franc CFA. À partir de 2018, l’État tunisien a développé une autre politique monétaire, faisant doper les exportations et baisser la valeur du dinar. Les cordons de la bourse ont alors été de plus en plus serrés.

      Quel impact le Covid-19 a-t-il pu avoir sur les migrations de Subsahariens vers et via la Tunisie ?

      Étant donné que ces personnes vivaient majoritairement d’emplois journaliers, sur un marché du travail informel, elles ont été les premières à perdre leur emploi. Elles ont vécu une très forte précarité, notamment parce qu’elles n’avaient ni sécurité sociale, ni parachute, ni aucune structure familiale pouvant leur venir en aide. Et on a vu des choses apparaître pour la toute première fois durant cette période, comme la mendicité et le sans-abrisme. Sur le plan des arrivées, il y a eu une forte baisse des arrivées, mais cela a repris dès que le trafic aérien s’est rouvert.

      Selon les ONG, la présence des Subsahariens a fortement augmenté en 2022. Comment l’expliquez-vous ?

      Les arrivées ont augmenté, oui, mais difficile de dire dans quelle mesure. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a plus seulement que des Ivoiriens. Il y a d’autres nationalités qui ont investi cette route migratoire comme les lieux d’installation ouverts par ces mobilités. Des personnes originaires du Cameroun et de Guinée-Conakry, qui pratiquent les routes migratoires entre Afrique de l’Ouest et Afrique du Nord depuis longtemps.

      Alors qu’on les trouvait beaucoup en Libye, en Algérie ou au Maroc, les mobilités ivoiriennes ont ouvert cette route à travers la Tunisie, notamment jusqu’à Sfax. Aussi, sans doute, parce que des routes s’ouvrent et se ferment en permanence, et que les populations cherchent de nouveaux itinéraires. Chaque groupe en migration a sa propre histoire migratoire.

      Ces populations, différentes les unes des autres, cherchent-elles toutes à tenter la traversée pour l’Europe ?

      Mes travaux montrent que les Ivoiriens sont venus en Tunisie pour travailler et s’installer. Ces mobilités s’apparentent donc de plus en plus à une immigration, avec des gens qui restent plusieurs années, fondent une famille et occupent des emplois et une position sociale en Tunisie. On est face à un début d’immigration qui est appelée à rester.

      Concernant les Guinéens et Camerounais (et je le dis avec beaucoup de prudence car je n’ai pas mené d’enquête sur le sujet), on sait que ce sont des groupes connus pour rechercher une traversée vers l’Europe. On sait aussi que ce sont des groupes surreprésentés dans les demandes d’asile en Europe. C’est une donnée sur laquelle on peut s’appuyer pour faire l’hypothèse qu’ils ne sont pas forcément en Tunisie pour y rester, contrairement aux Ivoiriens. Mais il faudrait y consacrer des travaux.

      L’arrivée de nouvelles nationalités a-t-elle changé la donne pour les réseaux de passage ?

      Oui. Ces nouvelles nationalités ramènent avec elles leur expérience de la route et de la traversée. Certaines personnes sont restées très longtemps en Libye et ont acquis de bonnes connaissances dans la fabrication de bateaux. En arrivant à Sfax, qui est une ville littorale avec toute une économie de la mer, elles se sont mises à fabriquer des bateaux ou à acheter des moteurs. C’est le cas des Guinéens et des Gambiens. Aujourd’hui, on voit de nouveaux types d’embarcation en métal.

      Cela étant dit, aucune économie du passage ne se fait sans l’aval, le soutien et la protection de réseaux de passage tunisiens vers l’Europe. Les personnes en situation de domination quotidienne, sans capital social ni économique, n’ont pas les moyens de mettre en place de tels réseaux. Les Tunisiens cherchent un public, certains Subsahariens leur donnent accès à ce public-là, et ensuite, c’est de la négociation et du business. S’il y a une économie du passage des Subsahariens vers l’Europe, c’est avant tout parce qu’il y a une économie du passage des Tunisiens vers l’Europe.

      Avec l’arrivée de ces nouvelles nationalités, l’économie du passage s’est diversifiée. On a une plus grande offre du passage, pour une demande qui n’est pas nécessairement plus importante qu’avant. La conséquence de cela, c’est que les prix ont baissé. Lorsqu’il fallait payer auparavant 5 000 dinars, 1 000 ou 1 500 dinars suffisent désormais pour partir.

      Avez-vous le sentiment que le nombre de naufrages a augmenté ?

      Les organisations de la société civile disent que cela augmente. Mais depuis le début de mon travail en Tunisie, donc en 2017, j’ai toujours entendu parler des naufrages et des morts qui en découlent. L’ennui, c’est qu’on a beaucoup de mal à décompter ces naufrages, on ne sait pas exactement qui meurt, puisqu’on compte beaucoup de disparus en mer.

      En Tunisie, on sent que cette question des disparitions prend de plus en plus d’importance, d’abord chez les familles de Tunisiens disparus qui se mobilisent, mais aussi chez les familles et proches de Subsahariens, parce qu’elles sont installées en Tunisie. C’est plus compliqué en revanche pour les autres, lorsqu’ils sont en transit et n’ont pas forcément de proches en Tunisie. C’est le travail des organisations telles que la Croix-Rouge internationale que de les aider à retrouver un proche disparu.

      Ceux qui survivent à ces naufrages restent confrontés à de forts traumas et ne sont pas du tout pris en charge ensuite. Cela fait partie de toute cette architecture frontalière, qui consiste à marquer les gens dans leur mémoire, leur corps, leur histoire.

      Qu’est-ce qui pousse les gens à tenter la traversée au risque de perdre la vie en mer ?

      Je crois qu’il faut déconstruire les logiques qui amènent les gens à partir, notamment parce que j’ai connu des personnes qui avaient construit une vie en Tunisie (comme les Camerounais) et qui sont parties malgré tout pour l’Europe. Les traversées sont aussi le produit de la fermeture des frontières qui s’opère en Afrique et, sans nier l’influence des États européens dans ce domaine, il ne faut pas non plus sous-estimer la capacité des États maghrébins et africains à développer leurs propres agendas stratégiques vis-à-vis de la migration.

      En Tunisie, les personnes subsahariennes sont structurellement irrégularisées par l’État tunisien et leur départ prend avant tout naissance dans ce contexte de vulnérabilité juridique : c’est parce qu’on empêche les circulations entre pays africains que ces personnes sont amenées à partir. Soit elles dépensent l’argent économisé dans le paiement de pénalités pour rentrer dans leur pays, soit elles paient une traversée vers l’Europe, le tout sous l’effet conjugué de la baisse du dinar, du renforcement de l’appareil policier tunisien et d’un climat de peur.

      Il faut donc poser la question fondamentale du droit au séjour pour les personnes subsahariennes en Tunisie. On ne parle pas de la nationalité, mais de l’obtention d’un titre de séjour qui leur ouvre des droits. Il faut dépasser la question des traversées pour penser l’immigration africaine en Tunisie.

      La Tunisie nie-t-elle l’existence de cette immigration ?

      Jusqu’ici, il n’y avait jamais eu de débat politique ou de véritable positionnement des acteurs politiques vis-à-vis de l’immigration africaine en Tunisie. Depuis quelque temps, le Parti politique nationaliste tunisien a lancé des campagnes xénophobes et racistes de lutte contre la présence africaine en Tunisie, reprenant les mêmes discours que les partis xénophobes en Europe, autour de la théorie du « grand remplacement ». Pour la première fois, un parti fonde sa rhétorique sur la présence africaine en Tunisie. Ce n’est pas anodin, parce que le pays avait toujours nié cette présence.

      Paradoxalement, cela montre que l’immigration africaine devient un sujet politique. On ne la regarde plus seulement comme une sorte d’extériorité, on la pense au regard de la société tunisienne, de manière très violente certes, mais cela fait naître de nouveaux débats. On voit d’ailleurs des acteurs de la société civile qui, en réaction à cette campagne, appellent à la régularisation. Finalement, on a une politisation latente et progressive de la question des mobilités africaines. On est bien face à une immigration.

      https://www.mediapart.fr/journal/international/190223/en-tunisie-il-faut-depasser-la-question-des-traversees-pour-penser-l-immig

  • Williams Lake : 93 tombes non marquées potentielles près de l’ancien pensionnat François Macone - Philippe Moulier
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1857015/williams-lake-premiere-nation-commence-recherche-pensionnat-enfant

    La Première Nation de Williams Lake, en Colombie-Britannique, a annoncé que les résultats d’une première phase d’enquête et de recherches ont permis d’identifier 93 tombes non marquées potentielles près du site de l’ancien pensionnat pour Autochtones de la région.


    Le pensionnat pour Autochtones St Joseph’s Mission a été fondé en 1886 par des missionnaires catholiques. Il a fermé ses portes en 1981 avant d’être démoli il y a 26 ans. Photo : Ressources des pensionnats autochtones et de la réconciliation

    Les responsables de la Première Nation ont rendu publics les résultats préliminaires lors d’une conférence de presse mardi.

    Les premières recherches se sont concentrées sur un périmètre de 14 hectares. En tout, elles doivent examiner 470 hectares du pensionnat St. Joseph’s Mission, qui comprennent différents bâtiments et structures.

    Un cimetière
    Le site sur lequel se trouvent les 93 tombes non marquées potentielles héberge un cimetière. Cependant, selon Whitney Spearing, qui dirige l’équipe d’enquête, les résultats préliminaires indiquent que 50 de ces restes humains potentiels ne sont pas associés au cimetière.

    Le pensionnat St. Joseph’s Mission, ouvert de 1891 à 1981, est à quelques kilomètres de Williams Lake. Il a été démoli depuis, mais a laissé un héritage douloureux pour les survivants et leurs familles.

    “Nous avons entendu des histoires de torture, de viol et d’agression sexuelle systémiques”, a déclaré Willie Sellars, le chef de la Première Nation de Williams Lake, en faisant référence aux nombreux témoignages de personnes ayant été envoyées au pensionnat lorsqu’elles étaient jeunes.

    « Ce voyage a conduit notre équipe d’enquête dans les recoins les plus sombres du comportement humain. »
    Une citation de Willie Sellars, chef de la Première Nation de Williams Lake


    Des chaussures d’enfants sont placées sur les marches du Musée des beaux-arts de Vancouver en souvenir des enfants autochtones victimes des pensionnats.
    Photo : Radio-Canada / Ben Nelms / CBC

    L’horreur des pensionnats
    Selon Willie Sellars, l’équipe a entendu des récits de disparitions, de meurtres, de torture, de sévices, de viols et de famine. Des enfants ont été attachés à des planches et fouettés, battus pour avoir parlé leur langue. Des nouveau-nés ont été jetés dans l’incinérateur de l’école.

    Willie Sellars a déploré que ces histoires aient été “intentionnellement occultées” par la destruction des dossiers et les dissimulations des gouvernements, des autorités religieuses et de la police.

    Le chef autochtone a aussi relaté l’histoire de deux enfants âgés de 8 ans, qui ont essayé de fuir le pensionnat, et dont l’un est mort de froid. Il a aussi évoqué une correspondance de 1920, qui indique que neuf enfants ont tenté de mettre fin à leurs jours en ingurgitant du poison, dont un est mort.

    « Il ne peut y avoir de réconciliation avant qu’il n’y ait la vérité. »
    Une citation de Willie Sellars, chef de la Première Nation de Williams Lake

    Il a souligné le courage des aînés qui ont tenté par le passé de dénoncer ces actes, auxquels “personne n’a cru ou dont personne n’a voulu entendre parler. Nous devons nous assurer que le Canada est au courant de ces atrocités ”, a-t-il ajouté.

    Un travail « long et minutieux »
    Pendant 90 ans, le pensionnat a été dirigé par différents ordres religieux, mais toujours sous l’autorité de l’Église catholique. Depuis, l’archidiocèse de Vancouver a collaboré aux recherches pour établir la vérité.

    Les Premières Nations ont mis en place des mesures d’accompagnement en santé mentale pour leurs membres, mêlant “techniques traditionnelles et médecine moderne”, a expliqué Willie Sellars.

    D’après Whitney Spearing, le travail qui reste à accomplir sera “long et minutieux”, en raison de l’étende de la zone de recherche, mais aussi du manque de données, notamment pour la période de 1941 à 1980.

    Cependant, l’annonce de milliers de documents transmis par Ottawa aux communautés autochtones permettra peut-être d’avancer plus rapidement dans le processus d’identification des tombes anonymes.

    Les recherches ont utilisé la technologie de radar, qui a permis de découvrir des centaines de dépouilles près d’anciens pensionnats à travers le Canada.


    Il est estimé que plus de 150 000 enfants ont fréquenté les pensionnats autochtones du Canada depuis les années 1830. Photo : Bibliothèque et Archives Canada

    Les experts soulignent que, comme les résultats annoncés mardi sont “préliminaires”, les travaux de détections aérienne et terrestre par radar à pénétration de sol et magnétométrie devront être poursuivis.

    Les responsables des recherches précisent toutefois que la technologie de détection n’est pas totalement fiable et qu’il faudra procéder à des fouilles pour “obtenir des certitudes”. Ils en appellent au soutien des gouvernements fédéral et provincial pour poursuivre ce travail de “vérité”.

    Au lancement des fouilles à Williams Lake, en août dernier, une petite partie du site de 4,5 kilomètres carrés a été classée comme prioritaire, après des recherches approfondies sur l’histoire du terrain.

    Les violences physiques, psychologiques et sexuelles dont ont été victimes les élèves de l’établissement ont été documentées par la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

    On estime que plus de 150 000 enfants ont fréquenté les pensionnats pour Autochtones du Canada entre les années 1830 et la fermeture du dernier établissement, en 1997.

    #peuples_autochtones #histoire #disparitions #cimetiéres #enfants #pensionnat #pensionnats #école #cadavres #vol #viols #église_catholique #religieuses #religieux #peuples_premiers #nations_premières #premières_nations #autochtones #colonialisme #extermination #génocide #tuberculose

  • « Y a-t-il une vie avant la mort ? » Les Refroidis - L’insomniaque
    http://www.insomniaqueediteur.com/publications/les-refroidis

    « Y a-t-il une vie avant la mort ? » C’est la question que pose, en seize dessins cocasses et percutants, le grand caricaturiste Jossot dans ce fascicule un tantinet macabre. Et force est de constater que la réponse n’allait déjà pas de soi dans la société fraîchement capitaliste de la « Belle Époque », qui n’était belle que pour les nantis.
    Parue en 1904 dans l’hebdomadaire satirique L’Assiette au Beurre, cette variante moderne et facétieuse de la danse macabre confronte le lecteur à son propre néant et brocarde l’inanité de la simple survie, aussi piètre que dérisoire. Ennemi déclaré de ce qu’est devenue la société européenne, #Jossot, alors au sommet de son art et de sa renommée, dote ses squelet­tes grotesques de gestes et de l’usage de la parole pour mieux railler l’étroitesse d’esprit et le conformisme docile des pseudo-vivants.
    Ce petit chef-d’œuvre d’humour noir et de #poésie absurde n’a certes rien perdu de sa pertinence, à présent que la liberté ressemble de plus en plus à un fantôme et que la joie de vivre est devenue un délit.

  • #Canada Les recherches ne révèlent aucun reste humain sur le site de l’ancien Hôpital Camsell D’après les informations de Stephen David Cook
    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1834031/hopital-camsell-edmonton-autochtones-arret-fouilles

    Des fouilles pour trouver des restes humains sur le site de l’ancien Hôpital Camsell, à Edmonton, ont pris fin vendredi après que des équipes n’en ont découvert aucun.

    L’établissement avait accueilli des patients autochtones du nord de l’Alberta et des Territoires du Nord-Ouest pendant des dizaines d’années, notamment pour traiter des cas de tuberculose. Le site situé au coin de la 128e Rue et de la 144e Avenue est prévu d’accueillir des propriétés résidentielles.

    L’été dernier, un radar à pénétration de sol avait permis de creuser dans 13 endroits, mais les recherches ont été infructueuses. Jeudi et vendredi, 21 anomalies ont fait l’objet de trous dans la terre, mais seuls des débris ont été remontés à la surface.

    D’autres recherches ne sont pas prévues sur le site.

    Selon le chef de la Première Nation Papaschase, Calvin Bruneau, des préoccupations persistent étant donné que tant de personnes ont déclaré que des gens avaient été enterrés à cet endroit : “Que leur est-il arrivé ? Ont-ils été retirés et enterrés autre part ? ”

    Il dit avoir entendu des témoignages au fil des ans de projets de développement qui ne prenaient pas en compte que des restes humains pouvaient exister à certains endroits.

    “L’ennui, c’est que personne ne veut parler, affirme le chef Bruneau, qu’il s’agit d’anciens employés, d’anciens promoteurs ou de constructeurs [ …] Tout est passé sous silence. ”

    Les recherches sur le site de l’ancien Hôpital Camsell ont été financées par le promoteur immobilier. L’architecte, Gene Dub, dit avoir fait ce geste après avoir été bouleversé par la découverte au printemps des restes de 215 enfants enterrés sur le site d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops, en Colombie-Britannique.

    #peuples_autochtones #histoire #disparitions #fosse_commune #enfants #pensionnat #école #cadavres #vol #viols #peuples_premiers #nations_premières #premières_nations #autochtones #colonialisme #extermination #génocide #tuberculose

  • Tombes découvertes au Canada : l’Église catholique versera 30 millions de dollars aux autochtones
    https://www.ouest-france.fr/monde/canada/tombes-decouvertes-au-canada-l-eglise-catholique-versera-30-millions-de

    Après des excuses formelles prononcées la semaine passée, l’Église catholique a annoncé, lundi, le versement de 30 millions de dollars aux survivants des pensionnats des peuples autochtones. Ces derniers mois, plus d’un millier de tombes ont été découvertes près d’anciennes institutions religieuses du pays.


    Des personnes s’embrassent devant un mémorial de fortune érigé, au niveau de l’ancien pensionnat indien de Kamloops, en hommage aux 215 enfants dont les restes ont été découverts enterrés près de cet établissements situé en Colombie-Britannique. | COLE BURSTON / AFP

    Les évêques catholiques du Canada se sont engagés lundi à verser 30 millions de dollars canadiens pour soutenir les initiatives en faveur des survivants des pensionnats pour autochtones après avoir présenté des « excuses formelles » la semaine dernière.

    Ces fonds seront débloqués sur cinq années pour « remédier à la souffrance causée par les pensionnats au Canada », expliquent les évêques dans un communiqué publié lundi 27 septembre.

    Il s’agira de « soutenir des programmes et des projets dédiés à l’amélioration de la vie » des survivants des pensionnats et de leur communauté, a déclaré Mgr Raymond Poisson, président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC).

    Vendredi dernier, les évêques avaient exprimé leur « profond remords » et présenté « leurs excuses sans équivoque » aux peuples autochtones après la découverte ces derniers mois de plus d’un millier de tombes près d’anciens pensionnats dirigés par l’église catholique.

    « Traumatisme historique »
    Une nouvelle fois, les évêques reconnaissent dans le communiqué publié lundi l’existence d’un « traumatisme historique et toujours présent, causé par le système des pensionnats ».

    Dans le pays, très marqué par ces révélations, de nombreuses voix s’étaient élevées pendant l’été pour demander des excuses de l’Eglise et même du pape en personne.

    Au total, plus d’un millier de tombes anonymes près d’anciens pensionnats catholiques pour autochtones ont été retrouvées cet été, remettant en lumière une page sombre de l’histoire canadienne et sa politique d’assimilation forcée des Premières Nations.

    Quelque 150 000 enfants amérindiens, métis, et inuits ont été enrôlés de force dans 139 pensionnats à travers le pays, où ils ont été coupés de leurs familles, de leur langue et de leur culture.

    #Canada #peuples_autochtones #histoire #disparitions #fosse_commune #enfants #pensionnat #école #cadavres #vol #viols #peuples_premiers #nations_premières #premières_nations #autochtones #colonialisme #extermination #génocide

    • Toujours plus ignoble l’église catholique

      Les survivants des pensionnats des peuples autochtones devront donc faire approuver leur #projet par ceux qui :
      – Les ont volé.
      – Tué, entre autres par contamination de maladies.
      – Violé leurs enfants.
      – Tué leurs enfants dans d’immondes soit disant pensionnats.

      Et il ne faudra pas qu’ils oublient de dire merci.

  • Canada : découverte macabre dans un ancien établissement pour enfants autochtones
    https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210530-canada-d%C3%A9couverte-macabre-dans-un-ancien-%C3%A9tablissement-pour-e

    Les restes d’au moins 215 enfants seraient enterrés sur le terrain de cette école où des élèves de plusieurs nations autochtones dormaient et étudiaient entre 1890 et 1963. Des experts tentent maintenant d’identifier et de rapatrier ce qu’il reste des corps.

    Les chefs autochtones de Colombie-Britannique tentent de mettre sur pied un plan pour pouvoir rendre les restes de corps à leur famille, plusieurs décennies après leur disparition. Des historiens fouillent d’ailleurs les archives laissées par la congrégation religieuse qui gérait le pensionnat pour trouver trace des décès et des enterrements d’écoliers.

    Quatre mille enfants disparus

    Cela fait 20 ans que la communauté autochtone, où se trouve cette école, s’emploie à vérifier ce que racontent les survivants qui l’ont fréquentée. Plusieurs témoignaient des décès de leurs camarades suite à des privations, à des mauvais traitements, dans parler des épidémies. L’utilisation d’un radar a permis de détecter la présence de dépouilles dans ce pensionnat que fréquentaient environ 500 enfants autochtones chaque année.

    De tels établissements existaient aux quatre coins du Canada. Ils visaient à éduquer les jeunes selon la culture dominante, en les détournant de celle de leurs parents. Au fil du temps, plus de 4 000 enfants auraient disparu, sans que bien souvent leurs familles ne soient prévenues, ni qu’elles puissent se recueillir sur leurs tombes.

  • Numéro 387 : Disparu en #Méditerranée

    En 2015, près de mille migrants disparaissent dans un naufrage en Méditerranée. Depuis, une équipe de chercheurs tente de retrouver leur identité. Un documentaire pudique et fort aux confins de l’indicible.

    C’est la tragédie la plus meurtrière en Méditerranée depuis la Seconde Guerre mondiale. Le 18 avril 2015, un bateau fantôme convoyant entre 800 et 1100 migrants coule au large des côtes libyennes. Très peu d’entre eux survivent. Qui étaient les disparus, d’où venaient-ils ? Comment leur redonner une identité et honorer leur mémoire ? Très vite, le gouvernement italien de Matteo Renzi prend la décision inédite de renflouer l’épave pour identifier les victimes. À Milan, l’anthropologue légiste Cristina Cattaneo travaille sur les 528 corps retrouvés et mène la plus vaste opération d’identification jamais entreprise en Méditerranée. En Afrique, José Pablo Baraybar, pour le CICR (Comité international de la Croix-Rouge), rencontre les familles des disparus pour obtenir le plus d’informations ante mortem possibles, et recueillir leur ADN qui permettra à Cristina Cattaneo de croiser les résultats. En Sicile, la chercheuse Georgia Mirto arpente les cimetières à la recherche des tombes des disparus...

    https://www.youtube.com/watch?v=c9Qy5dIZJuI

    #mourir_en_mer #identification #morts #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #migrations #asile #réfugiés #naufrage #identification #épave #Cristina_Cattaneo #restes #médecine_légale #justice #droits_humains #Giorgia_Mirto #cimetières #cimetière #Sicile #Italie #pacte_migratoire #pacte_de_Marrakech #cadavres #traçabilité #enterrement #coopération_internationale #celleux_qui_restent #celles_qui_restent #ceux_qui_restent #dignité #survivants #mer_Méditerranée #vidéo

    –-

    Ils utilisent hélas les statistiques des morts de l’OIM au lieu d’utiliser celles de United :

    « L’OIM rapporte que la route de l’immigration la plus meurtrière au monde est la route de la Méditerranée centrale (...) L’agence explique que malgré la baisse du nombre de morts, la proportion de décès, rapportée aux tentatives de traversée, a augmenté en 2019 par rapport aux années précédentes. Signe peut-être que les embarcations qui partent sont plus précaires et que les personnes et les passeurs prennent plus de risques. » Ils donnent ensuite le chiffre d’un 1/100, ratio morts/départs.
    –-> embarcations plus précaires et plus de prise de risque ne sont pas une fatalité mais une conséquence des politiques migratoires restrictives et meurtrières de l’UE et ses Etats membres.

  • #Covid-19 : la #patinoire de #Grenoble pourrait être réquisitionnée pour accueillir des #cercueils

    C’est une #hypothèse envisagée par la préfecture en cas de hausse massive du nombre de décès liés à l’#épidémie.

    La rumeur s’intensifiait ces derniers jours selon laquelle les Pompes Funèbres Intercommunales (PFI) seraient littéralement saturées par le nombre de décès liés au Covid-19, au point que la patinoire Pôle Sud de Grenoble serait déjà le théâtre morbide et glacial d’un alignement de cercueils.

    Pour l’instant, bien qu’à flux tendu face à une situation inédite, les PFI ont pu s’organiser pour continuer d’assurer leur mission au sein du centre funéraire mais la préfecture de l’Isère envisage effectivement la possible réquisition de plusieurs endroits de l’agglomération, tels que la patinoire, qui pourraient permettre d’accueillir des cercueils dans la dignité et le respect qui sont dus aux défunts, tout en assurant leur conservation avant leur inhumation ou leur crémation.

    « Nous travaillons avec tous les acteurs concernés pour pouvoir anticiper toutes les situations », a indiqué Denis Bruel, directeur de cabinet du préfet. « Si la crise sanitaire devait s’intensifier et provoquer une augmentation massive du nombre de décès à laquelle les pompes funèbres générales ou les pompes funèbres intercommunales (PFI) ne pourraient pas faire face, nous pourrions effectivement envisager ce type de réquisition. Mais ce n’est encore qu’une hypothèse à laquelle nous espérons ne pas avoir recours. Quoi qu‘il en soit, si une décision devait être prise dans ce sens, nous communiquerions immédiatement et les familles en deuil seraient évidemment les premières informées ».

    https://www.ledauphine.com/sante/2020/11/05/covid-19-la-patinoire-de-grenoble-pourrait-etre-requisitionnee-pour-accu
    #requisition #cadavres #coronavirus

  • ’A generation has died’: Italian province struggles to bury its #coronavirus dead

    Coffins pile up and corpses are sealed off in homes as Bergamo’s funeral firms are overwhelmed.

    Coffins awaiting burial are lining up in churches and the corpses of those who died at home are being kept in sealed-off rooms for days as funeral services struggle to cope in Bergamo, the Italian province hardest hit by the coronavirus pandemic.

    As of Wednesday, Covid-19 had killed 2,978 across Italy, all buried or cremated without ceremony. Those who die in hospital do so alone, with their belongings left in bags beside coffins before being collected by funeral workers.

    In Bergamo, a province of 1.2 million people in the Lombardy region, where 1,959 of the total deaths in the country have taken place, 4,305 people had contracted the virus by Wednesday. The death toll across the province is unclear, but the situation has become so intense that on Wednesday night the army was brought in to move 65 coffins from the cemetery in Bergamo town and take them to Modena and Bologna in Emilia-Romagna.

    CFB, the area’s largest funeral director, has carried out almost 600 burials or cremations since 1 March.

    “In a normal month we would do about 120,” said Antonio Ricciardi, the president of CFB. “A generation has died in just over two weeks. We’ve never seen anything like this and it just makes you cry.”

    There are about 80 funeral companies across Bergamo, each receiving dozens of calls an hour. A shortage of coffins as providers struggle to keep up with demand and funeral workers becoming infected with the virus are also hampering preparations.

    Hospitals have adopted more stringent rules regarding the handling of the dead, who need to be placed in a coffin straight away without being clothed due to the risk of infection posed by their bodies. “Families can’t see their loved ones or give them a proper funeral. This is a big problem on a psychological level,” said Ricciardi. “But also because many of our staff are ill, we don’t have as many people to transport and prepare the bodies.”

    For those who die at home, the bureaucratic process is lengthier as deaths need to be certified by two doctors. The second is a specialist who would ordinarily have to certify the death no later than 30 hours after a person has passed away.

    “So you have to wait for both doctors to come and at this time, many of them are also ill,” added Ricciardi.

    Stella, a teacher in Bergamo, shared the story of one of the deceased with the Guardian. “Yesterday, an 88-year-old man died,” she said. “He’d had a fever for a few days. There was no way to call an ambulance because the line was always busy. He died alone in his room. The ambulance arrived an hour later. Obviously, nothing could be done. And since no coffins were available in Bergamo, they left him on the bed and sealed his room to keep his relatives from entering until a coffin could be found.”

    Adding to the torment is the fact that relatives cannot visit their loved ones in hospital, or give them proper funerals.

    “Usually you would be able to dress them and they would stay one night in the family home. None of this is happening,” said Alessandro, whose 74-year-old uncle died in Codogno, the Lombardy town where the outbreak began. “You can’t even see them to say goodbye, this is the most devastating part.”

    The harrowing impact of the virus on Bergamo can be gleaned from the obituary section of the local newspaper L’Eco di Bergamo. On Friday, reader Giovanni Locatelli shared online footage comparing the newspaper’s obituary section on 9 February, when listings took up just one page, to a copy dated 13 March, when 10 pages were needed to commemorate the dead. On Sunday, Il Messaggero posted a video of coffins lined up in a church.

    “We have asked for support from funeral companies nationally as deaths have risen exponentially,” said Pietro Bonaldi, the director of Lia, a business association in Bergamo. “We have reached capacity. And unfortunately, in recent days a lot of funeral workers have become sick with the virus and so can’t work.”

    Elsewhere in Italy, there have been cases of funeral companies refusing to take bodies, for example in Naples, where the body of Teresa Franzese, 47, was kept at home for almost two days before it was collected.

    All religious ceremonies, including funerals, masses and weddings, are banned amid the lockdown. However, two priests, one near Venice and another in the southern Campania region, were charged for officiating a funeral.

    https://www.theguardian.com/world/2020/mar/19/generation-has-died-italian-province-struggles-bury-coronavirus-dead?CM
    #Italie #morts #Bergamo #Bergame #armée #cadavres #funérailles #cimetières #covid-19 #décès

  • #387. #Numéro_387 disparu en Méditerranée

    C’est l’histoire d’un médecin grec qui collectionne des pendentifs et des bracelets. C’est l’histoire d’une Italienne qui se bat depuis 15 ans pour « faire parler les corps ». C’est l’histoire de celles et ceux qui veillent les migrants oubliés. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations, 5083 personnes ont trouvé la mort en 2016 en tentant de rejoindre l’Europe par la mer. 5 083 noms, dont la grande majorité se diluent dans les eaux si bleues de la Méditerranée. Que deviennent ces #morts ? Qui les nomme ? Comment font les mères, les frères, pour tenter de retrouver leurs disparus ? Numero 387 nous emmène dans cette quête de l’#identité.


    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/52256_1
    #film #documentaire #film_documentaire #asile #migrations #réfugiés #Méditerranée #identification #cadavres #corps #décès #naufrage #18_avril_2015 #Cristina_Cattaneo #mourir_en_mer #morts_en_mer #dignité #décès #justice #respect #José_Pablo_Baraybar #CICR #enterrement #cimetière #Abraham_Tesfai #Giorgia_Mirto

  • #Espagne : les migrants inconnus des cimetières du détroit de #Gibraltar

    Selon le décompte de plusieurs ONG andalouses, entre 6 700 et 8 000 personnes sont mortes en tentant la traversée de la mer Méditerranée entre le Maroc et l’Espagne, ces trois dernières décennies. Des tombes mais aussi des plaques à la mémoire de ces migrants morts en mer parsèment les cimetières qui bordent le détroit de Gibraltar.

    De Tarifa, on aperçoit facilement les côtes marocaines. En ce mois de juin, le vent souffle avec sa force et sa régularité habituelle. Les voiles aux couleurs vives des kitesurf flottent dans un ciel d’un bleu intense.

    La petite ville située tout au bout de la péninsule ibérique a des allures de station balnéaire. Mais ses habitués savent-ils que le vieux fort à l’entrée du port est un centre de détention pour les migrants entrés de façon irrégulière sur le territoire espagnol ? Qui sait que c’est sur la plage de Los Lances, à la pointe de la péninsule, qu’en novembre 1988 le premier corps d’un migrant marocain a été rejeté par la mer ?

    Une visite au petit cimetière sur les hauteurs de la ville offre un autre regard sur Tarifa. Les sépultures sont simples, blanches, fleuries et se logent dans des niches, comme bien souvent en Andalousie. Un seau d’eau à la main, des habitants viennent enlever le sable et la poussière qui s’accumulent sur les tombes de leurs proches.

    En regardant vers les niches en hauteur, on découvre les tombes d’hommes et de femmes qui ont perdu la vie en traversant le détroit dans la clandestinité. « Immigrant du Maroc, 7 mars 2001 » : quatre plaques funéraires portent cette inscription. Un peu plus loin, deux autres portent la même mention mais sont datées de 2009. Enfin, une simple plaque déposée dans une niche porte une inscription encore plus administrative : « cadavre non identifié. 3ème chambre du tribunal d’Algésiras. Décision provisoire 47/2017 ».

    En 2018, selon l’APDHA, 1064 personnes ont perdu la vie en tentant la courte mais périlleuse traversée vers l’Europe. La plupart de ces victimes sont rapidement identifiées, car, lorsque se produit un naufrage, les survivants connaissent souvent l’identité de ceux qui n’ont pas réussi à gagner le rivage. Mais il y a aussi les anonymes, ceux dont les corps sont alors enterrés sans noms, en Espagne.

    En continuant la visite du cimetière de Tarifa, d’autres stèles attirent l’attention. Celles-ci portent des noms aux consonances peu espagnoles : Esther Adawale, Nigéria, 24 février 2003. Hope Ibrahim, Nigéria, 19 avril 2005. Yacouba Koné, Côte d’Ivoire, 17 avril 2013. Dans ces tombes reposent des migrants qui ont été identifiés par la police judiciaire espagnole mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas été rapatriés vers leurs pays d’origine.

    José Maria Perez, un membre actif de la paroisse locale, raconte que ces tombes reçoivent les visites périodiques de « chrétiens et de musulmans » et que « de l’autre côté du détroit, on connaît l’existence de ces sépultures ».

    Miguel Delgado, en charge de l’aide aux migrants à l’archevêché de Cadix (dont dépend la commune de Tarifa), organise, lui, chaque 1er Novembre une cérémonie œcuménique à la mémoire des immigrants morts dans les eaux du détroit.

    Fidèle au message de l’église catholique sur le sujet des migrations, il réclame « un passage sûr pour ceux qui veulent émigrer en Europe et dont l’Europe a besoin ». Pour sensibiliser ses paroissiens et l’opinion publique, chaque deuxième mercredi du mois, dans plusieurs villes de part et d’autres du détroit (Cadix, Barbate, Tarifa, Algésiras, Ceuta, Tanger, Tétouan, Melila etc…) son association organise des « rondes du silence » qui réunissent des personnes de tous horizons derrière un seul mot d’ordre « solidarité avec les immigrants ».

    Chaque année, pour la journée internationale des migrants, il se rend sur la plage de Tarifa pour une prière publique qui réunit militants, habitants et parfois quelques surfeurs.

    A 25 kilomètres de Tarifa, dans le port de Barbate, l’apparition de corps de migrants sans vie sur les rivages n’est pas non plus inédite. Dans le cimetière, les mêmes tombes blanches nichées sur les murs révèlent les histoires des disparus du détroit.

    Là aussi, des emplacements sont marqués par un simple numéro ou une mention « inconnu », ainsi qu’une date. Les plus anciennes de ces tombes de migrants anonymes datent de 2002, les plus récentes de 2019. Là encore, des corps non identifiés. Et une plaque à la mémoire « des victimes du détroit ».

    Mais dans une des allées, une tombe se distingue des autres. Celle de Samuel Kabamba, un enfant originaire de la RD Congo âgé de 5 ans. Son histoire a provoqué une grande émotion dans cette région du sud de l’Espagne et bien au delà.

    Fin janvier 2017, son corps a été retrouvé sans vie sur une plage proche du petit port de pêche andalou. Celui de sa mère, Véronique, est rejeté par la mer 15 jours plus tard sur les côtes algériennes.

    La découverte du corps du petit garçon a provoqué l’indignation des associations de défense des migrants et de Gabriel Delgado qui a organisé une veillée funèbre le 1er février sur la plage où il s’était échoué. Une centaine de personne sont venues prier et lancer des fleurs à la mer. L’affaire s’est médiatisée faisant écho à celle du petit Alan Kurdi, cet enfant syrien retrouvé noyé sur une plage de Turquie en septembre 2015.

    Début mars, les autorités espagnoles ont autorisé le père du petit garçon à se rendre en Espagne. Un test d’ADN a confirmé que le petit Samuel était bien son fils. Le père de famille a organisé l’enterrement de son fils à Barbate, le 10 mars.

    Ce jour-là, l’église était pleine à craquer. Les habitants de Barbate sont venus en nombre, le petit Samuel repose désormais parmi eux. Chaque jour, des femmes fleurissent sa tombe « car ses proches sont loin, il faut bien que quelqu’un s’occupe de lui » confie une vieille dame.


    https://www.infomigrants.net/fr/post/18435/espagne-les-migrants-inconnus-des-cimetieres-du-detroit-de-gibraltar
    #cimetière #morts #décès #migrations #réfugiés #asile #cadavres #identification #mourir_en_mer

  • La #Tunisie, nouveau cimetière des migrants morts en mer

    Après le naufrage du 1er juillet au large des côtes libyennes qui a fait au moins 90 morts, les autorités tunisiennes sont de nouveau débordées. Cimetières saturés, centres d’accueil débordés, absence de droit d’asile… Le gouvernement dénonce aussi l’inaction des pays européens.
    #Médenine (Tunisie), envoyée spéciale.– Quatre-vingt-dix corps repêchés. C’est le bilan définitif, fait par le gouvernorat de Médenine au sud de la Tunisie, du naufrage il y a plus de deux semaines d’un bateau transportant des migrants maliens, ivoiriens, ghanéens, égyptiens et gambiens. Parmi eux, des hommes mais aussi des femmes enceintes et des enfants, selon les témoignages des survivants.
    Pour les autorités tunisiennes, le drame n’est ni le premier ni le dernier. Une semaine après ce naufrage, la marine tunisienne est intervenue pour sauver les migrants d’un autre bateau, au large de Sfax. Depuis 2011, plus de 1 000 migrants ont été enterrés à Zarzis, selon le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).

    Mais ce naufrage est aussi celui de trop, renvoyant à la fois à la responsabilité des pays européens et à la frilosité du gouvernement tunisien. Manque de moyens, débats sur les enterrements des victimes, surcharge des centres d’accueil pour les survivants… La Tunisie a de plus en plus de mal à faire face à l’afflux de réfugiés sur son sol.

    Après une polémique entre les municipalités du sud de la Tunisie – plusieurs villes ont refusé toute prise en charge –, c’est la mairie de Zarzis qui a fini par procéder cette semaine à la mise en terre des cadavres dont personne ne voulait.

    La loi tunisienne prévoit que seule la commune est habilitée à procéder à des enterrements. « Nous avons des cas de migrants morts, ramenés par les eaux à cause des courants marins, depuis les années 1990, explique le maire adjoint de Zarzis, Faouzi Khenissi. Jusque-là, nous les enterrions dans les cimetières tunisiens. Mais le nombre était très inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. »

    En 2003, un cimetière dédié aux migrants a finalement été créé. Mais il est aujourd’hui saturé : près de 900 corps y ont été enterrés, dont 18 samedi 13 juillet. « Nous avons enterré 56 autres corps dans le nouveau cimetière donné par le Croissant-Rouge à la commune », poursuit le maire adjoint.

    D’après lui, la situation devient difficile à gérer pour la commune qui n’a pas les moyens. Fatigués et surchargés, les officiels de Zarzis parlent ouvertement du sujet et se préparent déjà à la suite en cas d’un nouveau naufrage.

    « On nous a reproché dans les médias d’utiliser des camions-poubelles pour transporter les corps… Figurez-vous que nous n’avons rien d’autre ! Nous les avons nettoyés. Ce qui nous aiderait, c’est d’avoir plus de matériel, ainsi qu’une unité avec un médecin légiste à Zarzis au lieu de faire 300 kilomètres aller-retour pour transporter les corps depuis Gabès », se défend encore Faouzi Khenissi.

    Quant à l’accueil des trois survivants, il s’est fait dans des centres qui seraient déjà à leur pleine capacité, selon les représentants de l’OIM (Organisation mondiale pour les migrations) et du HCR (Haut-Commissariat pour les réfugiés).

    Le gouverneur de Médenine ainsi que le chef du gouvernement Youssef Chahed avaient déjà tiré la sonnette d’alarme, quelques jours avant le naufrage, sur les difficultés pour le Sud tunisien de gérer des flux en constante augmentation, aussi bien par voie terrestre que par voie maritime.

    « Le nombre d’arrivées de migrants et de demandeurs d’asile a beaucoup augmenté depuis fin 2018, déclare France Lau, représentante du HCR en Tunisie. Même si les autorités tunisiennes sont prévoyantes par rapport à un afflux possible de personnes en provenance de Libye – on nous a demandé à ce titre de mettre en place des mécanismes de réponse d’urgence en cas d’arrivées massives comme en 2011 –, elles sont tout à fait légitimes à alerter des problèmes qu’elles peuvent avoir pour gérer ces nouveaux arrivants. »

    « Les politiques italiennes qui conduisent à fermer les ports aux migrants et l’appui européen aux milices libyennes qui ramènent et enferment les migrants en Libye dans des conditions épouvantables, font que la Tunisie devient de plus en plus la seule échappatoire pour beaucoup d’entre eux, mais pas forcément l’endroit où ils souhaitent rester », déclare Valentina Zagaria, auteure d’une thèse en anthropologie sur les migrations dans le Sud-Est tunisien.

    En dehors du manque de moyens, c’est aussi un choix politique des autorités. Le chef du gouvernement tunisien l’a dit plusieurs fois très clairement : il ne souhaite pas que la Tunisie devienne une « plateforme d’accueil » pour les candidats à l’exil vers l’Europe. Le pays n’a d’ailleurs pas de loi sur l’asile – seul le HCR est habilité à octroyer le statut de réfugié en Tunisie dans le cadre de son mandat.

    Rien que la mise en place de six centres (répartis entre le HCR et l’OIM) a pris beaucoup de temps dans le gouvernorat. À part celui du HCR mis sur pied dès 2013 après le démantèlement du campement de Choucha, dressé en 2011 pour faire face à l’afflux de personnes fuyant la Libye, l’installation des cinq autres centres a fait l’objet de longues négociations avec les populations et les autorités régionales, et de plusieurs relocalisations.

    « C’est difficile au quotidien, car il y a du racisme, des rumeurs propagées sur des maladies apportées par les migrants. Il faut gérer à la fois les préjugés et la protection de ces communautés qui arrivent en Tunisie et qui sont dans des situations vulnérables », déclare Khaled Sadaani, coordinateur sud du Conseil tunisien pour les réfugiés, une ONG créée en 2016 pour répondre à un manque, celui de l’absence d’association arabe pour les réfugiés.

    Dans le centre de Médenine pour réfugiés, supervisé par le HCR, les 170 places disponibles sont occupées. Les nationalités sont multiples, aussi bien d’Afrique de l’Ouest que d’Afrique de l’Est, avec une grande majorité d’Érythréens. Un étage est dédié à la trentaine de mineurs non accompagnés (entre 15 et 18 ans), un autre aux femmes et aux enfants, un autre encore aux hommes.

    Chacun cohabite pacifiquement, mais beaucoup ne voient pas la Tunisie comme une destination finale, alors que les possibilités de réinstallation dans un pays tiers sont extrêmement limitées. « Il n’y a pas de travail ici, on nous propose 20 dinars la journée (6 euros) pour travailler dans les chantiers, je ne vois pas comment subvenir aux besoins de ma famille avec ça », déclare Fayçal, un demandeur d’asile soudanais de 24 ans.

    Les routes migratoires qu’il a prises pour arriver jusqu’en Tunisie sont labyrinthiques. Du Soudan du Sud à l’Égypte, en passant par le désert du Niger et la ville d’Agadez, lieu de passage entre l’Afrique noire et l’Afrique du Nord, et la Libye où il a été plusieurs fois emprisonné.

    « Cela fait deux ans que je bouge sans arrêt pour trouver du travail. Une fois, l’Égypte m’a expulsé vers le Soudan et j’ai dû refaire tout le trajet… À chaque fois un membre de ma famille m’aide, car je suis le seul qui peut nourrir mes frères et ma mère. Ils sont actuellement dans un camp pour les personnes déplacées par la guerre. Je suis fatigué », ajoute-t-il.

    Lui qui avait une échoppe à Djouba, dans le Soudan du Sud, il s’est retrouvé du jour au lendemain à se débrouiller avec des camarades de cellule pour éviter qu’un gardien de prison libyen ne les viole.

    « Quand on s’est de nouveau échappés de prison, le geôlier avait peur que l’on révèle ses préférences sexuelles… Aussi, il nous a aidés en nous donnant 50 dinars libyens (24 euros) et en nous montrant la route vers la frontière tunisienne. Il nous a dit : “Marchez tout droit, vous allez finir par y arriver” », ajoute Fayçal.
    Terre d’accueil et terre de deuil

    Comme beaucoup d’autres migrants, Fayçal est en attente de sa demande d’asile en Tunisie. La moitié des migrants sur place à Zarzis choisissent de demander l’asile, d’autres ne préfèrent pas, de peur de devoir rester dans le pays.

    « Il leur est difficile d’accepter le fait que la réinstallation est une option limitée à un nombre faible de réfugiés au regard des besoins globaux, et qui obéit à des critères bien déterminés », témoigne France Lau.

    Sur place, des associations tunisiennes tentent de lancer des micro-projets, et d’aider à la mise en place de contrats de travail pour ceux qui souhaitent travailler pendant cette période transitoire. « Beaucoup arrivent à trouver des emplois en CDD dans le secteur du tourisme à Djerba, avance Yahia Rebai, administrateur associé sur place pour le HCR. Cela reste provisoire mais il y a depuis des années une forte collaboration avec les associations locales et même les délégués à la protection de l’enfance pour soutenir et protéger les mineurs. »

    Il n’empêche : le foyer du HCR et, plus loin, celui coordonné par l’OIM, sont en bordure de la ville, à l’écart des habitants. Beaucoup de migrants racontent ne pas s’aventurer trop loin si ce n’est pour le travail ou acheter à manger. Seuls quelques-uns commencent à être installés dans des appartements en zone urbaine.

    Pour l’instant, il est bien difficile de parler d’une politique globale d’intégration dans la société tunisienne. Alors qu’à Tunis et Sousse, la centrale syndicale UGTT a mis en place depuis 2018 des espaces pour migrants afin d’informer les travailleurs subsahariens sur leurs droits et de régulariser leur situation, la reconnaissance politique des migrants en Tunisie peine à se faire.

    « Reconnaître les droits des vivants comme des morts qui sont sur le territoire tunisien, c’est envoyer un signal d’acceptation aux autorités européennes. Les Tunisiens veulent éviter cela, ils ne veulent pas être forcés de s’impliquer plus dans la gestion des frontières européennes. Pour le moment donc, ceux qui arrivent à s’échapper de la Libye restent dans une situation de flou », constate la chercheuse Valentina Zagaria.
    Du côté de la délégation de l’Union européenne, présente en Tunisie, les programmes visent plutôt au soutien pour lutter contre l’immigration clandestine et aider au retour volontaire. Et les déclarations sont bien prudentes.

    « Dans un monde interdépendant, les responsabilités sont aussi partagées et interdépendantes. Ce qui se passe au Soudan a une incidence sur la Tunisie et sur l’Europe et vice versa. L’UE suit la situation de près et comprend l’inquiétude des autorités tunisiennes. À la demande de la Tunisie, elle étudiera tout éventuel soutien », répond par mail Sophie Vanhaeverbeke, cheffe de la coopération.

    En attendant, la Tunisie, à la fois terre d’accueil et terre de deuil, regarde avec appréhension le conflit en Libye. Depuis le début de l’année 2019, plus de 1 000 personnes sont arrivées de Libye, mais leur nombre pourrait être de 25 000 si le conflit empire, selon les chiffres de planification du HCR et de l’OIM.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/220719/la-tunisie-nouveau-cimetiere-des-migrants-morts-en-mer?onglet=full
    #asile #migrations #réfugiés #mourir_en_mer #naufrage #Zarzis #cadavres #cimetière #enterrement #morts #décès #corps

    Sur le cimetière de Zarzis, voir :
    https://seenthis.net/tag/zarzis
    ping @_kg_

  • Espagne-Maroc : « Les migrants morts en mer ne parlent pas, moi je suis leur voix »

    « Croque-mort » de son état, l’Espagnol #Martin_Zamorra se démène depuis des années pour identifier les corps de migrants morts en traversant le détroit de Gibraltar en mer Méditerranée. Il souhaite rapatrier leurs dépouilles vers leur pays d’origine. Portrait.

    On devine que sa vie n’a pas été tout a fait rectiligne. Martin #Zamorra est un homme à la fois affable et singulier. Du bord de l’autoroute A7 qui relie Algésiras à Malaga, dans le sud de l’Espagne, il dirige une petite entreprise de #pompes_funèbres - qui a connu des jours meilleurs.

    Fumeur compulsif (mais il vient d’arrêter), Martin Zamora n’est ni un anonyme ni un discret dans ce coin d’Andalousie puisque ses aventures ont inspiré un film de fiction, « Retour à Hansala » sorti en 2008. Le scénario : un croque mort espagnol peu scrupuleux rapatrie au pays le corps d’un migrant en compagnie de sa sœur, une jeune femme marocaine. Un voyage qui transforme pour toujours les deux personnages…

    L’affaire qui l’occupe principalement en cette matinée de juin, c’est celle des victimes d’un naufrage qui s’est produit en novembre 2018, à Barbate, non loin du détroit de Gibraltar. Vingt-six personnes s’étaient alors noyées à proximité du port andalou. La plupart des victimes étaient marocaines.

    Dans les semaines qui ont suivi, la police judiciaire espagnole est parvenue à identifier 21 victimes qui furent rapatriées. Mais cinq autres n’ont pas quitté l’Espagne, la médecine légale n’étant pas parvenue à mettre un nom sur ces corps sans vie. Ces dépouilles sans identité sont devenues l’affaire de Martin Zamorra.

    Face à des autorités espagnoles impuissantes, il actionne ses contacts au Maroc. Grâce à une méthode bien rôdée, il parvient à identifier les victimes en quelques heures.

    « Tout d’abord, j’ai besoin d’une photo. Puis j’ai besoin de déterminer de quel pays vient la victime. Ensuite, je diffuse l’information, principalement parmi les contacts que j’ai accumulés pendant des années. Ensuite, généralement, on m’appelle. Parfois, cela prend du temps et la justice ordonne l’inhumation d’un corps anonyme. Et c’est à moi que revient la procédure d’exhumation du corps, quand une famille s’est manifesté et que l’on a pu identifier formellement le corps ».

    Mais la plupart du temps, l’identification d’un corps ne prend que quelques heures : les survivants d’un naufrage communiquent à leurs proches les noms des disparus. La nouvelle se répand à la vitesse des échanges sur Whatsapp.
    Parfois encore, Martin Zamorra envoie des photos à ses contacts, et des familles qui reconnaissent les visages sans vie de leurs enfants.

    Les lourdeurs bureaucratiques empêchent un rapatriement rapide des corps

    Reste que pour la justice espagnole, reconnaître un corps n’autorise pas son transfert au Maroc. La justice réclame qu’un lien de parenté soit établi et donc qu’un prélèvement d’ADN soit effectué sur les personnes qui réclament les corps des défunts.

    Sept mois après le drame, les policiers espagnols ne se sont toujours pas rendus au Maroc pour récolter un peu de salive ou quelques cheveux d’une mère, d’un père ou d’un frère.

    Malgré la forte coopération policière entre les deux pays, la bureaucratie des deux côtés du détroit ralentit le processus, peste Martin Zamorra. « Je voudrais que l’on m’explique qui va réclamer le corps d’un noyé et payer pour son rapatriement si il ne s’agit pas d’un membre de sa famille ou l’un de ses proches ! »

    Pour lui, l’impasse bureaucratique s’explique aussi par des conflits politiques. Il doit y avoir des querelles internes entre juges, ce qui rend l’affaire « encore plus lamentable » estime-t-il. « Moi, je ne suis personne, mais c’est à moi que l’on envoie des photos, déplore-t-il. J’en reçois toute la journée sur mon téléphone. Tout le monde a mon numéro : les policiers ou des membres des ONG... » Martin Zamorra voudrait que les choses aillent plus vite.

    Pour se faire comprendre, le croque-mort fait défiler sous nos yeux des dizaines de conversations Whatsapp. On aperçoit alors sur l’écran du smartphone (qui ne semble jamais s’arrêter de sonner) des visages de morts et de vivants, des photocopies de papiers d’identité.

    Effectue-t-il un travail de détective ? À cette question qu’il entend souvent, Martin Zamorra soupire. Il hausse les épaules et répond que son seul domaine, « c’est la thanatologie, je ne suis un expert que dans le domaine funéraire ».

    Quand on lui demande comment il fait payer ses précieux services, il reste flou. Il n’évoque pas de compassion particulière. Mais derrière des airs de misanthrope, ses yeux et sa voix trahissent une grande émotion quand il explique son travail.

    Albert Bitoden Yaka, un travailleur social d’Algésiras venu du Cameroun il y a une vingtaine d’année connaît Martin Zamorra et sa drôle de quête. « Il veut aider les migrants, il fait beaucoup pour eux. Pourquoi et comment… ? Il y a certainement une part de mystère mais c’est comme si il avait une dette morale. Il a une grande sensibilité, il vit avec la douleur des gens ».

    Une ONG s’est créée il y a peu : le Centre International Pour l’Identification des Migrants Disparus (CIPIMD). L’organisation estime que 769 personnes sont mortes - ou portées disparues - pour la seule année 2018, en tentant d’atteindre les côtes espagnoles. Elle réclame des autorités espagnoles un peu plus de coopération mais elle sait qu’il y aura toujours Martin Zamorra pour tenter de résoudre les affaires les plus compliquées.

    #identification #corps #cadavres #asile #migrations #réfugiés #mourir_en_mer #Méditerranée #Maroc #Espagne

  • A défaut d’un système d’#identification centralisé concernant les migrants irréguliers décédés en mer. Des #morts_sous_X par centaines

    Comment des milliers de migrants morts échoués sur les côtés marocains sont-ils identifiés ? Comment les autorités marocaines parviennent-elles à connaître leurs noms et leur identité et permettent-elles à leurs familles de faire leur deuil ? « Le taux d’identification demeure faible voire limité et ce sujet ne semble pas se poser avec acuité pour les autorités locales », a indiqué Younous Arbaoui, responsable plaidoyer & coordination au sein de la Plateforme nationale protection migrants (PNPM) lors d’une conférence de presse organisée mercredi dernier pour présenter le rapport de la PNPM intitulé « Identification des personnes migrantes décédées aux frontières maritimes marocaines ». D’après lui, les autorités marocaines ne disposent d’aucun système centralisé ni de démarches procédurales permettant d’identifier les corps des migrants qui voyagent le plus souvent sans documents d’identité.
    L’intervenant a également précisé que l’identification des corps se fait grâce à des témoignages (déclarations des migrants qui ont vécu avec le défunt, des représentants communautaires ou associations) ou à des témoins (reconnaissance faciale par un membre de la famille ou un ami). Pourtant, il a précisé que le taux d’identification demeure très faible comme en atteste le cas de la ville de Tanger où ce taux ne dépasse pas, en moyenne, 2% selon des chiffres émanant des responsables de la morgue de la ville, ce qui veut dire que 98% des personnes repêchées par les autorités de Tanger sont non-identifiées et restent anonymes. A Nador, le taux est également très faible. En fait, sur les 81 corps repêchés au cours de l’été 2017, seulement 15 personnes ont été identifiées soit uniquement 18,5 %. Idem à Tétouan où la majorité des morts n’a pas été identifiée formellement.
    Concernant l’identification par témoin, l’intervenant a révélé que, souvent, les personnes qui ont survécu au naufrage sont rapidement séparées des morts par les autorités qui les considèrent comme des « migrants irréguliers » qui n’intéressent que les seules autorités nationales chargées du contrôle des frontières et ces personnes sont même souvent soit déplacées de force vers les villes du Sud du Maroc ou bien détenues/expulsées sans les impliquer ou leur donner l’occasion de contribuer à l’identification de leurs compagnons de voyage.
    En ce qui concerne l’usage des indices matériels trouvés sur les corps des victimes, la manière dont ils sont analysés et archivés n’est pas claire. Idem pour l’autopsie où l’expertise, les ressources ou encore le savoir-faire qui font défaut.
    Pour les méthodes basées sur l’analyse des empreintes et l’ADN (méthodes formelles), le défi est souvent de trouver des échantillons de référence. Ceci d’autant plus que les migrants ne sont pas tous enregistrés auprès des autorités marocaines avant leur mort. En fait, un nombre important de migrants n’est pas connu par les autorités car ils entrent clandestinement au Maroc et se dirigent vers Tanger ou Nador.
    Cependant, l’intervenant a affirmé que les migrants sénégalais font exception puisque la majorité des morts est identifiée grâce à l’implication du consulat sénégalais à travers ses agents installés dans différentes provinces du Maroc.
    L’autre problème, et non le moindre, réside dans la décomposition des corps des migrants décédés. C’est souvent le cas lorsque les dépouilles restent longtemps en mer et/ou conservées dans les réfrigérateurs de la morgue. A ce propos, Elouafa Jamal, de clinque El Hijra- Rabat, a indiqué que les autorités marocaines peinent à trouver des espaces et des facilités pour conserver les corps. Les témoignages collectés montrent que la capacité des morgues dans les trois villes concernées (Tanger, Tétouan et Nador) est limitée. Dans ce sens, il a noté qu’à Nador, la morgue est souvent obligée de conserver plus de dépouilles dans des espaces destinés initialement à en accueillir moins et qu’il arrive même que des corps soient conservés dans des chambres dont la température est inadéquate. Pire, quand un corps n’est pas identifié dans les deux mois, le procureur du Roi à Nador donne l’ordre de l’enterrer, ce qui permet de décharger la morgue. A Tétouan, la morgue est parfois obligée de mettre deux corps dans un espace destiné à un seul dans l’attente de la mise en fonction de la nouvelle morgue qui souffre d’un manque de personnel. A Tanger, la capacité de la morgue est limitée car l’identification prend du temps et si la dépouille n’est pas identifiée à l’issue de deux mois, elle doit être enterrée.
    Comment le PNPM envisage-t-il de résoudre ce problème ? Quelle réponse institutionnelle, réglementaire et juridique faut-il y apporter ? Qui sera chargé de gérer ce dossier face à la multiplication des intervenants (ministères de la Santé, de l’Intérieur et de la Justice, communes, Gendarmerie Royale,…) ? Qui doit payer les frais générés par l’opération d’identification (L’ UE, le Maroc, les pays d’origine des migrants, les familles, …) ? « L’enjeux est de taille et sincèrement, nous n’avons pas de réponse claire. D’ailleurs, notre ambition, via ce rapport, est d’ouvrir le débat sur ce sujet et d’impliquer l’opinion publique nationale et les autorités », nous a expliqué Younous Arbaoui. Mais en attendant que ce débat national soit initié, la Plateforme nationale protection migrants recommande l’implication des survivants des naufrages dans la procédure d’identification et le renforcement de la collaboration avec les consulats étrangers.
    Il est également question d’élargir la recherche des empreintes digitales en consultant tous les systèmes d’enregistrement d’empreintes disponibles au niveau national et en impliquant le système d’enregistrement du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sans oublier de collaborer avec les autorités des pays d’origine.
    La PNPM demande de cesser d’arrêter les membres de la famille des défunts qui se présenteraient aux autorités dans l’objectif de leur permettre de prélever des échantillons de référence ADN, et ce même s’ils sont en situation irrégulière ; ou bien de mandater une autre institution (qui n’a pas le mandat d’arrêter les migrants irréguliers) pour opérer les prélèvements d’ADN.
    Le ministère de la Santé a été aussi sollicité afin de pouvoir utiliser les échantillons prélevés dans les établissements de soins dans le cadre d’examens médicaux ou du sang stocké dans les banques dédiées. Le département de la Santé est également appelé à adapter la capacité d’accueil des morgues des villes frontalières au phénomène des morts en mer. Enfin, le PNPM estime qu’il est nécessaire de mener une enquête interne sur le manque d’intérêt des agents chargés de l’identification, sur l’usage des indices matériels trouvés sur les corps des victimes et sur la façon dont ces indices sont analysés et archivés.


    https://www.libe.ma/A-defaut-d-un-systeme-d-identification-centralise-concernant-les-migrants-irreg
    #mer #Mer_Méditerranée #cadavres #décès #mourir_en_mer #morts #asile #migrations #réfugiés #Maroc #Tétouan #taux_d'identification #Tanger #Nador #ADN

    • Les autorités marocaines appelées à identifier les migrants décédés aux frontières maritimes

      Aucune donnée ne permet, aujourd’hui, de connaître le nombre exact de migrants décédés ni la manière avec laquelle ils sont traités en tant que “morts”.

      Ils ne sont pas des anonymes. Ils ont un nom, une famille, une histoire, des droits. Le réseau de plaidoyer “Plateforme nationale de protection des migrants” (PNPM) veut attirer l’attention sur l’identification de migrants décédés aux frontières maritimes marocaines. Aucune donnée ne permet, aujourd’hui, de connaître avec exactitude le nombre de ces décès ni la manière avec laquelle ils sont traités en tant que “morts”. C’est le constat que dresse cette plateforme en ouvrant, ce mercredi à Rabat, le débat sur ce sujet qu’elle estime absent de la scène marocaine. “Il s’agit d’un engagement pris par les Etats dans le cadre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et le droit international qui les contraint à respecter les morts”, déclare le responsable du plaidoyer et coordinateur de la PNPM, Younous Arbaoui, en présentant ce rapport.

      Ce respect dû aux morts commence par leur “donner vie”. Le processus n’a rien de facile, car le taux d’identification formelle des ces migrants décédés, pour le moment, “est très faible”. A Tanger, il est de 2%, selon la morgue, relève ce rapport, constatant, ainsi que 98% des personnes repêchées par les autorités de la ville sont restées des anonymes. Dans la ville de Nador, cette fois-ci, sur 81 morts, au cours de l’été 2017, 15 seulement ont pu être identifiés, soit 18,5%, ajoute la même source. Quant à Tétouan, la plateforme n’a pas réussi à établir une estimation, précisant que la morgue de la ville l’avait informée que la majorité des morts n’est pas identifiée formellement. Toutefois, la PNPM relève une exception auprès des services consulaires sénégalais qui lui ont affirmé, de leur côté, qu’à travers leurs agents installés dans différentes provinces du Maroc, la majorité des personnes décédées d’origine sénégalaise est identifiée.

      Le fait que la plupart de ces migrants décédés ne soit pas identifiée n’est pas sans conséquences. La PNPM explique que leurs familles ne peuvent en faire le deuil, ni prendre les mesures légales que le décès d’un membre implique notamment au niveau de l’héritage, des assurances, du remariage ou encore du pouvoir parental. Une situation qui montre à quel point l’identification formelle doit se faire en tant qu’urgence sociale.

      “Une identification faciale peut se faire par témoins, mais ce n’est pas suffisant pour reconnaître formellement une personne”, signale Younes Arbaoui. Et pour cause, l’identification par témoin n’apporte pas toujours les indices nécessaires mais peut, néanmoins, servir de “valeur ajoutée”, pour augmenter les chances d’identification formelle. Sur ce point, la PNPM regrette que les survivants des naufrages ne soient pas impliqués dans l’identification. Considérés comme des “clandestins”, ces derniers sont séparés des morts et remis aux autorités nationales chargées des frontières, pour être, ensuite, expulsés ou détenus. Tandis que les morts relèvent de la responsabilité des autorités locales, souligne ce rapport.
      Des recommandations

      “Le ministère de l’Intérieur devrait essayer d’impliquer les survivants dans ce processus. C’est notre première recommandation !”, souligne Arbaoui, ajoutant que plusieurs indices matériels peuvent également servir dans ce processus. Ces indices concernent le passeport ou les papiers d’identité retrouvés sur le corps de la victime. “Il faut archiver ces indices pour mener de nouvelles tentatives d’identification. Tout ce que porte la victime doit être conservé. Pour cela, nous recommandons au Maroc de collaborer avec le comité de la Croix rouge en cas de manque d’expertise”, propose le président de la Clinique juridique Hijra, Jamal El Ouafa.

      À ces indices matériels s’ajoutent d’autres, scientifiques, servant à l’identification, notamment les empreintes. “C’est un grand défi ! Souvent, les empreintes sont putréfiées par l’eau. Alors, il faut retrouver les empreintes de la victime enregistrées avant sa mort, sauf que ces migrants ne se font pas enregistrer par les autorités”, constate le coordinateur de la plateforme. Pour relever ce “grand défi”, la PNPM recommande aux autorités marocaines d’élargir leurs recherches à toutes les bases de données disponibles au-delà de la gendarmerie et de la police et d’impliquer également le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Ce dernier procède, en effet, à l’enregistrement des demandeurs d’asile et peut aider, selon la PNPM, à identifier certaines victimes. Et à ces efforts, la plateforme recommande de joindre les autorités des pays d’origine pour faciliter l’identification.

      Tout aussi formelle que les empreintes, l’analyse ADN est également recommandée par la plateforme estimant, toutefois, que la difficulté de trouver l’échantillon référence pose là aussi une sérieuse difficulté. “D’après les témoignages recueillis, la seule possibilité est de faire appel à la famille de la victime. Mais, parfois, cette dernière ne réside pas au Maroc, sinon, elle est réticente à se présenter aux autorités”, fait remarquer Arbaoui. Et de préciser qu’”à Tanger, la PNPM a appris que certains membres de familles se sont faits arrêter alors qu’ils se présentaient pour un prélèvement ADN”.

      La plateforme appelle ainsi les autorités à ne pas interpeller les familles concernées “même si ses membres sont clandestins” et recommande aux ministères de l’Intérieur et de la Santé de travailler en collaboration pour établir une base de données commune. “Il est préférable de faire appel à des institutions qui n’ont pas pour mandat d’arrêter le migrant irrégulier, comme les morgues, afin d’effectuer ces prélèvements”, propose-t-elle.

      Autre problème que le Maroc est appelé à résoudre concerne les morgues. A Tanger, indique Jamal El Ouafa, “au bout de 2 mois, le corps d’un migrant anonyme est enterré et si l’identification est accomplie, l’enterrement doit se faire dans les plus brefs délais”. Le ministère de la Santé devrait adapter la capacité de ses morgues se trouvant dans les zones frontalières à ce phénomène, estime-t-il.

      Par ailleurs, la PNPM nourrit un doute quant à la volonté des fonctionnaires locaux de procéder à l’identification de ces morts. Dans son rapport, elle suppose que les agents de l’autorité ne font pas assez, par conviction, peut-être, que cette mission relève de “l’impossible”. “La victime est considérée comme ‘juste’ un migrant”, souligne le coordinateur de la plateforme, appelant le ministère de l’Intérieur à mener des enquêtes internes pour s’en assurer. “Il faut s’assurer si ce n’est pas l’attitude des fonctionnaires locaux envers les migrants, liée à leur origine ou à la manière dont ils sont décrits par les politiciens et parfois les médias comme ‘un groupe’ qui est à l’origine du faible taux d’identification”.

      https://www.huffpostmaghreb.com/entry/les-autorites-marocaines-appelees-a-identifier-les-migrants-decedes

  • Antigone au pays du Cèdre

    #Wadad_Halwani

    Présidente du Comité des familles de personnes disparues ou kidnappées

    Porte-parole des familles des disparus de la #guerre_civile, cette femme libanaise est parvenue au vote d’une loi décisive grâce à son acharnement, trente six ans après le début de son combat. Aujourd’hui, son fils Ghassan numérise les #archives de cet engagement.

    Autour d’une table d’un blanc immaculé, des mères, des épouses et des sœurs de disparus de la guerre civile libanaise brandissent le portrait jauni de leur bien-aimé, des dizaines de journalistes ajustent leur caméra et jouent des coudes, des députés et des dirigeants d’ONG s’installent sur les rares chaises encore inoccupées, leurs discussions recouvertes par un chant sur les 17 000 disparus estimés du conflit ayant duré de 1975 à 1990, émis par une enceinte crachotante. Soudain, le silence tombe sous les cerisiers du jardin Khalil Gibran, au cœur de Beyrouth : une femme menue aux yeux pétillants, coiffée d’un foulard jaune marqué du slogan « Notre #droit_de_savoir », pose la feuille de son discours devant les micros placés sur la table.

    En cette journée d’automne, pour la première fois en trente-six ans d’une lutte acharnée pour obtenir la vérité sur le sort des disparus, la voix de Wadad Halwani n’est pas rendue inaudible par le tumulte de l’impunité : elle fait écho à l’adoption, le 13 novembre 2018, de la #loi sur les #victimes de #disparition_forcée. Le texte prévoit la mise en place d’une commission indépendante chargée d’enquêter sur le sort des disparus, d’exhumer les corps des fosses communes et d’identifier les dépouilles grâce à une banque de données #ADN.

    Son timbre n’a pas la couleur du triomphalisme mais la mesure sobre des efforts réalisés pour parvenir à ce moment historique. « Aujourd’hui, je suis parmi vous, et cela me ramène à notre première rencontre le 17 novembre 1982 sur la corniche Mazraa. Vous aviez répondu à mon appel lancé à la radio après l’enlèvement de mon mari. Nous étions des centaines de femmes. Nous ne nous connaissions pas : c’est notre tragédie commune qui nous réunissait », dit-elle à l’adresse des membres du comité des familles de disparus et de kidnappés qu’elle a fondé en 1982.

    Le 24 septembre 1982, son mari Adnan était enlevé devant ses yeux et ceux de leurs fils Ziad et Ghassan, âgés de 6 et 3 ans. Deux hommes l’avaient emmené, soi-disant pour l’interroger sur un accident de la route : « Il y en a pour cinq minutes », assurèrent-ils. Adnan n’est jamais revenu. « Tu n’es ni resté ni parti », scande le chant en l’honneur des disparus qui s’élève du jardin Khalil Gibran, lieu symbolique où ces familles au deuil gelé protestent depuis le 11 avril 2005.

    À l’écart de la foule rassemblée, #Ghassan_Halwani, aujourd’hui âgé de 39 ans et père d’une fillette, tend l’oreille. Personne ne sait mieux que lui déceler les émotions voilées derrière le discours solennel de sa mère. « Nous n’avons pas laissé la porte d’un responsable entraver notre route, nous nous sommes confrontés aux dirigeants de la guerre qui misaient sur le renouveau par leurs destructions », clame-t-elle.

    Et son fils de se remémorer : « Un soir, j’étais dans la cuisine et j’ai entendu ma mère partir d’un grand rire. Je l’ai vue plongée dans la lecture d’un vieil article évoquant l’une de leurs manifestations. Ce jour-là, elles s’étaient rendues devant la demeure du premier ministre de l’époque, mais il s’était éclipsé par la porte de derrière ! »

    Coupures de journaux, communiqués de presse, reportages vidéo et photographies, Wadad archive depuis 1982 tous les documents liés au combat qui l’anime. « Des visages de disparus habitaient notre maison. Cela suscitait ma curiosité d’enfant, les âges, les coupes de cheveux ; je savais que c’était mêlé à un drame, sans en connaître toutes les dimensions », poursuit le fils cadet. Pendant les bombardements israéliens de juillet 2006, ils doivent déménager en urgence, sans pouvoir tout emporter. Pour Ghassan, c’est la prise de conscience : « Impossible de jeter ces visages ! Je comprends soudain qu’un canapé peut brûler, mais que perdre les archives de Wadad, c’est une perte absolue. »

    En 2015, il commence un travail minutieux de restauration et de numérisation des milliers de documents conservés par sa mère afin de les publier sur un site Internet en juin 2019, avec l’aide de bénévoles. Rania, la plus assidue, souligne : « Nous n’avons pas d’histoire officielle sur la guerre au Liban. Dans notre pays, les manuels d’histoire cessent en 1943. Wadad et Ghassan ont décidé de transformer ces archives familiales en trésor national », dit-elle. Plus de trois décennies après le début de sa quête de vérité et malgré les innombrables entraves rencontrées, Wadad Hal­wa­ni garde espoir : « Nous pardonnons le passé en échange d’un sursaut moral que nous devons réaliser ensemble », dit-elle, appelant quiconque détient des informations sur les disparus à les divulguer à la future commission d’enquête.

    https://www.la-croix.com/JournalV2/Antigone-pays-Cedre-2019-01-21-1100996760
    #Liban #fosses_communes #disparus #disparitions #cadavres #identification

  • Réfugiés morts sur la route des Balkans

    En 2015, en Macédoine, un train a renversé plus de quatorze réfugiés. Parmi eux, #Mahdi_Mohebi, un jeune afghan âgé de 19 ans, qui a survécu à la catastrophe. Depuis l’accident, Mahdi n’a plus aucune nouvelle de son jeune frère Alireza. À Brême, il poursuit tant bien que mal son existence, dans une incertitude angoissante...

    D’autres familles qui ont perdu des proches dans ce drame sont en quête de réponses. Mais elles se heurtent au silence des autorités macédoniennes, peu enclines à collaborer. Leur dernier espoir : retourner sur la route des Balkans, afin de mener leur propre enquête.

    https://www.arte.tv/fr/videos/078229-004-A/arte-regards
    #migrations #asile #réfugiés #route_des_balkans #Balkans #Macédoine #accident #morts #mourir_dans_la_forteresse_européenne #cadavres #identification #attente #Croix-Rouge #mourir_sur_la_route_des_balkans

    –-> Dans le documentaire on dit que la tragédie du #23_avril_2015 a fait 14 morts.

    • Izbjeglice umiru na balkanskoj ruti

      Balkanska ruta se od 2016. godine smatra zatvorenom. Ali izbjeglice i dalje umiru pokušavajući da pređu granice - kao što je slučaj sa Ihsanudinom Gull Muhammadom.

      hsanudin Gull Muhammad stradao je u maju 2018. Njegovo tijelo su našli u rijeci Korani. Ta rijeka predstavlja granicu između Bosne i Hercegovine i članice EU - Hrvatske. Rasim Ruždić živi u blizini Korane. On ima terensko vozilo sa prikolicom, tako da ga policija uvijek pita za pomoć kada treba da se transportuje nešto sa teško pristupačnog terena. Tako je bilo i ovaj put. “Okrenuo sam auto i stavio beživotno tijelo u prikolicu. Držao sam ga za ruke. Koža mu se već počela guliti, što znači da je već nekoliko dana bio u vodi”, kaže Rasim.

      Ihsanudin Gull Mohammad imao je na sebi sivu majicu, traperice, tene, jednu bosansku marku i 30 centi gotovine, gumu za kosu i perle za molitvu safirne boje. Kada je Rasim Ruždić položio njegovo tijelo u prikolicu, vidio je da je u Ihsanudinovoj lijevoj šaci ostao tespih - čvrsto stegnut.

      Udavio se u bijegu od hrvatske granične policije?

      Okolnosti pod kojima je Ihsanudin umro nemoguće je razjasniti. Zna se da je bio u grupi i da je pokušao da pređe bosansko-hrvatsku granicu. Ruždić pretpostavlja da je grupu zaustavila hrvatska granična policija:

      “Onda su pobjegli natrag u Bosnu, ali jadni mladić se najvjerovatnije izgubio i nije znao kako da se vrati. Ušao je u duboku vodu, vjerojatno nije znao plivati i utopio se.”

      Bosna i Hercegovina godinama nije bila na takozvanoj „Balkanskoj ruti". Putevi ka zapadnoj Evropi vodili su kroz druge, susjedne zemlje. Tokom 2017. godine u BiH je došlo manje od 800 ljudi, dok je 2018. godine registrovano čak 25.000 takozvanih ilegalnih migranata. Ljudi se pokušavaju domoći neke od članica EU. Neki uspijevaju, druge hvata i vraća hrvatska granična policija.

      Migranti i izbjeglice uvijek iznova izvještavaju da im hrvatska policija ne daje šansu da podnesu zahtjev za azil, da ih ilegalno šalje nazad preko “zelene granice” i da koristi silu. Hrvatska konsekventno odbacuje ove navode. Rasim Ruždić ne vjeruje hrvatskim vlastima i ima o tome jasno mišljenje:

      “Ako želite da spriječite ljude da pređu granicu, trebali biste da ih zaustavite, ali ne morate ih ubiti.”

      Ihsanudin Gull Mohammad sahranjen je na muslimanskom groblju u Bihaću, na sjeverozapadu Bosne. Prije toga je njegovo tijelo držano mjesec dana u mrtvačnici. Bosanske vlasti nisu bile sigurne šta da rade sa lešom. Na kraju je sahranu organizovala Zemira Godinjac, koja se dobrovoljno brine o izbjeglicama u Bihaću. “Svako ljudsko biće zaslužuje minimum dostojanstva na kraju ovozemaljskog života, i ja sam, kao čovjek, u to duboko uvjerena”, kaže ova Bosanka.

      Zemira Godinjac je najprije pokušala dobiti informacije o nastradalom mladiću. Od jednog Ihsanudinovog pratioca saznaje da je mladić bio oženjen i da je imao dvoje djece. Nakon toga pokreće akciju da njegovo tijelo bude prebačeno u rodni Afganistan.

      Zemira Godinjac traži Ihsanudinove članove porodice

      To je teško, jer nema kontakta sa njegovom porodicom i jer joj nedostaju informacije o njegovom mjestu porijekla. Ali Zemira Godinjac ne odustaje i nada se da će neko već početi da traži Ihsanudina. Dodaje i da je imao jednu osobenost: šest prstiju na lijevoj ruci. Zato će, kaže, na sigurno pohraniti Ihsanudinov plavi tespih I njegovu gumu za kosu. “Sigurno je želio više od ovoga ostaviti svojoj porodici, ali tako vam je to. Njegova sudbina je bila da pronađe smiraj u Bosni. Ovo je njegov tespih a sa ovim je vjerovatno vezao kosu. Ostaviću te stvari kod sebe da ih jednoga dana mogu dati njegovoj porodici.”

      https://www.dw.com/bs/izbjeglice-umiru-na-balkanskoj-ruti/a-48052681

    • Die Story im Ersten: Tote auf der Balkanroute

      2015 überrollt ein Zug in Mazedonien 14 Flüchtlinge. In Europa ist dieses Unglück nicht einmal eine Randnotiz. Recherchen vor Ort zeigen: Die Ermittlungen wurden schnell eingestellt, nicht alle Augenzeugen befragt. Wie der 19-jährige Afghane Mahdi Mohebi aus Bremen. Er hat das Unglück überlebt. Von seinem Bruder jedoch fehlt jede Spur: Hat der Zug seinen 14-jährigen Bruder verletzt, getötet? Wenn ja, was ist mit seinen sterblichen Überresten geschehen?

      Statt aufzuklären und zu helfen, schob die mazedonische Polizei Mahdi Mahebi sofort zurück nach Griechenland: ein klarer Verstoß gegen die Europäische Menschenrechtskonvention, wie die Kritiker sagen. Informationen und Hinweise zur Identifizierung der unbekannten Toten werden von den mazedonischen Behörden bis heute zurückgehalten. Kein Einzelfall, doch kaum jemand traut sich, die Verantwortlichen anzuklagen.
      Entlang der Balkanroute sind Tote Alltag

      Anders die Eltern des sechsjährigen Mädchens Madina Hussiny. Sie starb an der kroatisch-serbischen Grenze in Folge eines „Pushbacks“, einer polizeilichen Sofort-Abschiebung. Ihre Eltern klagen an, ihre Tochter hätte nicht sterben müssen, wenn es Rechtsstaatlichkeit an der kroatischen EU-Außengrenze gegeben hätte. Die Eltern erleben dann einen weiteren Schock. Denn statt den Fall aufzuklären, versucht die Regierung in Zagreb, genau das Gegenteil zu erreichen.

      Fast überall entlang der Balkanroute sind Tote Alltag: Menschen, die erfrieren, die vor Erschöpfung zusammenbrechen, die Opfer von Gewaltverbrechen werden. Genaue Zahlen gibt es nicht, nirgendwo in Europa eine Stelle, die Zahlen fortlaufend zusammenträgt und jeden Fall prüft.
      Behörden und Politik fühlen sich nicht zuständig

      In Deutschland leben mehrere Flüchtlingsfamilien, die ihre Angehörigen vermissen und annehmen müssen, dass sie auf der Balkanroute ums Leben gekommen sind. Es sind Familien, die 2015 über diesen beschwerlichen Weg nach Deutschland gekommen sind. Nach ihrer Ankunft wenden sie sich an die deutsche Polizei, berichten dem BAMF, dass es von ihren Verwandten auf der Balkanroute kein Lebenszeichen mehr gibt. Hilfe jedoch bekommen sie nicht.

      Weder Behörden noch Politik in Deutschland fühlen sich zuständig. Der Suchdienst des Deutschen Roten Kreuzes ist zwar bereit zu helfen, ist jedoch auf eine Kooperation der Behörden im In- und Ausland angewiesen. Die aber gibt es nur selten. Ist die Notlage von in Deutschland lebenden Flüchtlingsfamilien also einfach egal?
      Leidvolles Bangen um das Schicksal von Angehörigen

      Der Film belegt: Es wird so gut wie gar nicht hingeschaut, wenn Flüchtlinge in Deutschland sich seit Jahren mit der Ungewissheit um den Verbleib ihrer Familienmitglieder quälen. Einige halten das leidvolle Warten nicht mehr aus: Sie wollen zurück auf die Balkanroute, um ihre Kinder und Geschwister zu finden.

      „Die Story im Ersten“ hat sie auf ihrer Spurensuche begleitet und die Behörden vor Ort konfrontiert. Werden die Angehörigen Antworten auf ihre drängendste Frage finden: Was geschah mit ihren Familienmitgliedern?

      Der Film zeigt auf, welchen Stellenwert Rechtsstaatlichkeit und Menschenwürde einnehmen, wenn es um den Umgang mit toten Geflüchteten und ihren Angehörigen geht.


      https://www.daserste.de/information/reportage-dokumentation/dokus/sendung/tote-auf-der-balkanroute-100.html

  • What happens to the bodies of those who die in the Mediterranean?

    Researchers, police, coroners and an imam in Sicily work hard to identify dead refugees and give them a proper burial.

    On All Soul’s Day, around three kilometres from the port in the Sicilian city of Catania, the pauper’s grave at the Monumental Cemetery is unusually well-tended, with fresh flowers and beads wrapped around cross-shaped headstones.

    Many belong to refugees and migrants who died at sea while trying to reach Europe. Sicilian cemeteries currently host the remains of more than 2,000 of them.

    The Mediterranean route is fraught with danger. So far this year, more than 2,000 people have died while crossing the sea, according to the International Organization for Migration (IOM).

    Local authorities here recover on average only one in 10 bodies, which usually remains unidentified.

    “An overall indifference has led to a higher non-identification rate of most bodies,” says Giorgia Mirto, a Sicilian anthropologist and founder of Mediterranean Missing, a database project collecting names of the identified dead refugees and migrants. “They just become statistics instead of humans.”

    After spending her time in cemeteries across the island, Mirto has identified a trend.

    “Here, migrants become part of the community. I noticed average citizens bringing flowers and praying over their graves,” she says. “’[It is] part of a Catholic mindset that instils the idea of taking care of the dead, in place of those who can’t afford or aren’t able to pay a visit.”

    In August, local policeman Angelo Milazzo accompanied a Jamal Mekdad, a Syrian man and his two children who had travelled from Denmark, to the cemetery of Melilli, a port village in Syracuse, eastern Sicily.

    They were visiting the grave of their wife and mother, who died while attempting to cross the Mediterranean in 2014.

    “Remembering that day still brings me tears,” Milazzo says.

    He is part of a police unit trying to prevent undocumented migration and was present on the day the Syrian woman perished, that day he saw the bodies of 24 people.

    From that moment, his work went well beyond the duties of his job as he made it his mission to try and identify the dead - often outside his working hours - spending time in port towns, cemeteries and searching on Facebook.

    Most victims do not carry identification documents, such as passports, so the first step is collaborating with coroners who examine the bodies and provide forensic police with information about the refugees’ DNA, origin, height, weight and gender, as well as pictures of clothing and notes of distinctive features or objects they had.

    “These reports are sent to our police unit, as well as to migrant help centres hosting survivors of shipwrecks, who can help identifying some of the victims, as usually, they travel with family members,” Milazzo says.

    Some of the coroners in charge of examining bones and clothes were, like Milazzo, touched on a personal level by the tragedy.

    Antonella Argo, a coroner in Palermo, Sicily’s capital, examined the bodies of several drowned migrants.

    “The frustration in this job can be tough. I remember one time, during a major shipwreck in 2016, my team and I were in charge of helping provide information about 52 bodies. We only managed to identify 18,” Argo explains.

    “I think it’s a doctor’s duty, actually any human being’s duty, to give back dignity, importance and most of all an identity, to those who’ve represented something in someone else’s life. It’s called Mediterranean compassion, and we Sicilians know that well.”

    Milazzo, the policeman, began his work in identification in 2014, having received reports from Argo’s colleagues, by visiting several towns in the province.

    One of his first stops was La Zagara, a migrant centre in Melilli.

    With the help of an Arabic-speaking interpreter, he began talking to survivors, mostly Syrians, showing them pictures of clothing and giving them details.

    Many provided him with the information he was looking for, as they were also searching for the missing.

    A young Syrian woman, simply identified with the number 23, was on his list.

    At La Zagara, he showed a man who had lost his wife the woman’s pictures.

    “Angelo showed me a face close up from the autopsy. It was her, my Sireen,” says Jamal Mekdad, the Syrian refugee father, explaining he hadn’t recognised her at first.

    Now living and working as a photographer in Denmark with his two children, he says he’s grateful for those who helped identify his wife.

    “They do an important job of giving back dignity to the victims’ families, as well as the disappeared migrants themselves,” he said.

    It took Milazzo a year, two months and 10 days to file a complete report identifying all the victims from the 2014 shipwreck, allowing Italian authorities to issue official death certificates.

    He runs a Facebook page, posting details about the dead and exchanging messages with people searching for answers.

    “Facebook has been crucial in collecting information about the disappeared and to get in touch with relatives,” Milazzo says.

    “Death certificates are fundamental for the relatives to move on and think about the future, carry on their lives, be entitled to inheritance and get peace of mind.”
    ’They deserve to rest in peace’

    The 2014 case was, however, an exception.

    Most families remain in the dark about their relatives.

    But once an identity is settled, the search for a burial site begins.

    As most victims are Muslim, it falls on Abdelhafid Kheit, an imam in the community, to take care of the bodies.

    “When the refugee crisis began, I had the impulse to help, to do something not only as a spiritual leader but as a human being,” Kheit says, holding back tears.

    Overcrowding in cemeteries, however, is a challenge.

    “For years, I’ve asked Sicily’s president to buy a piece of land and open a cemetery of the sea deaths. So far, my request hasn’t been answered. But I don’t give up, and will continue my advocacy to reach this goal,” says Kheit.

    Mekdad remembers speaking on the phone in 2014 with Kheit, who he describes as a “gentle imam with a North African accent”.

    “I entrusted my wife’s soul to him for her funeral, as I wasn’t able to attend,” he says.

    Kheit supervises the various stages of burial: washing the deceased migrant’s body, wrapping it in a white shroud and leading the burial prayer.

    These experiences have been the most challenging of his career, he says.

    “On certain occasions, I was asked to do these rituals on bodies which were so decomposed that I almost refrained from doing my job,” he says, “but then I continued because they deserved to rest in peace.”


    https://www.aljazeera.com/indepth/features/bodies-die-mediterranean-181125235524960.html
    #Catania #Sicile #Italie #mourir_en_mer #cadavres #enterrement #cimetière #corps #migrations #asile #réfugiés #Méditerranée

  • Notes anthropologiques (XII)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-XII

    Mexico 2018. Les narcos

    Des morts, des morts, des morts innombrables, des morts décapités, des morts démembrés, des morts pendus, des morts tordus, des morts épinglés avec une étiquette à l’orthographe grossière autour du cou, des morts émasculés, des morts écorchés, des morts torturés, des morts après tortures, c’est la danse macabre des squelettes, la danse macabre des calaveras, au son lancinant de la flûte. Et le Mexique contemporain apprend à danser. Alors que le sifflement de la faux passe au-dessus de leur tête, les Mexicains apprennent la danse des banquiers ; ce n’est pas la danse des canards que l’on dansait dans les rades à marins, c’est la danse des dindons. Les premiers pas sont encore hésitants, mais bientôt ils danseront tous, sur un rythme de plus en plus élevé, de plus en plus échevelé, la danse des Maccabées.

    En fin de compte, le capitalisme se résume à cela : danser sur un rythme de plus en plus endiablé la danse des Maccabées. Il fait son nid sur des monceaux de cadavres (...)

    #Mexique #cartels #narcotrafic #marchandise #capitalisme #cadavres #anthropologie

    • Celui qui s’arrête à la marchandise est perdu. Celui qui s’arrête à l’apparence est perdu. Le client n’est roi que le temps d’une séduction, une fois pris, il n’est plus qu’un bouffon. Notre temps est celui du mépris, il faut dire que nous y sommes pour quelque chose ! S’accrocher à l’illusoire ! Ne plus chercher à vivre, avoir peur de mourir ! La drogue est la marchandise idéale, elle rend le client accroc, il a joué sa vie pour un mirage. Et nous en sommes tous là, nous jouons notre vie pour l’apparence d’un rêve, pour de l’esprit qui s’est matérialisé dans une chose et nous gardons l’illusion de nous en approcher alors même qu’il s’éloigne à tout jamais. Ainsi nous entrons dans le jeu du marchand, marchand d’illusions et marchand de vent. Alors il peut bien nous tenir dans le plus grand mépris, lui qui nous a soumis à sa pensée, à son point de vue sur le monde !