CHRU de Tours : « On assiste à un démantèlement de l’hôpital public »

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  • CHRU de Tours : « On assiste à un démantèlement de l’hôpital public »

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    L’une est infirmière, l’autre est aide-soignante dans l’un des services du CHRU de Tours où des postes vont être supprimés. Elles sont toutes deux militantes au syndicat SUD Santé Sociaux 37, et sont mobilisées contre le nouveau plan de la direction de l’hôpital qui consiste à fermer des lits dans les spécialités d’ORL, d’Ophtalmologie, d’Orthopédie et de Gynécologie. Un plan qui affectera tant les usagers que les personnels, et dont on trouve la copie dans de nombreux autres hôpitaux en France.

    On assiste à un démantèlement de l’hôpital public depuis plusieurs années. Le service d’Orthopédie, qui devrait aussi être affecté en fin d’année, a déjà vu une partie de son activité arrêtée et transférée dans des cliniques privées du coin. L’activité du service de Gynécologie diminue d’année en année, et la direction prend prétexte de l’absence de quatre anesthésistes pour fermer cinq lits.

    Plutôt qu’assurer les remplacements, la direction préfère fermer des lits ?

    Voilà. Cela fait des années qu’on nous dit qu’il n’y a plus d’orthopédistes, d’anesthésistes, de gynécos... C’est comme cela qu’on ferme les maternités de proximité. Le plan de Marisol Touraine et du gouvernement, c’est de faire des économies, en supprimant des lits et donc du personnel, alors que les urgences n’ont pas assez de lits pour placer leurs patients.

    On préfèrerait que certains lits restent parfois vides, mais qu’ils soient disponibles en cas de besoin, avec le personnel nécessaire. Mais aujourd’hui, la seule logique est la rentabilité, et on doit fonctionner en flux tendu en permanence. Nous, on considère que cette logique ne peut fonctionner pour les soins.

    Aujourd’hui, par manque de personnel, vous avez du mal à réaliser les soins comme vous le souhaiteriez ?

    On n’est pas minutées, mais presque. S’assoir au bord d’un lit pour écouter un patient, ça veut dire qu’on va devoir accélérer le rythme pour le patient d’après. C’est pour ça qu’à la fin du service, quand on débauche, on n’est pas forcément bien. Parce qu’on fait passer le côté technique du soin avant tout, au détriment de l’écoute, de la prise en charge de la famille, etc., qu’on est obligées d’abréger. On doit faire du soin vite et pas bien.

    Une patiente opérée d’un cancer du sein doit partir le lendemain dès 11 heures du matin, même si elle aimerait être prise en charge deux ou trois jours, histoire qu’on la rassure, qu’on la dorlote. Les infirmières du bloc de gynéco-obstétrique sont actuellement mobilisées pour obtenir du personnel supplémentaire et permettre une meilleure prise en charge des femmes. Pour la pose d’un Port-a-Cath [1], qui est un acte très court, les infirmières du bloc souhaiteraient être deux : une qui s’occuperait de la patiente, pendant que l’autre assisterait le médecin. Mais selon la direction, une seule suffit. Cela pose la question de l’humanité des soins.

    #hôpital #cancer #austérité #santé

    • Je me trompe peut-être, j’ai une vision subjective du sujet mais je vous la livre.

      Il y a 30 ans encore, l’hôpital était une entreprise de proximité à vocation sociale. Les élus mettaient des amis, des proches, de la famille dans le petit personnel de la grande usine, les médecins régnaient par famille dans les hôpitaux petits et grands et la rentabilité n’était pas vraiment assurée.

      Puis l’hôpital s’est « rationalisé ». Des directeurs d’hôpitaux, diplômés de santé publique, sont venus faire les gestionnaires.

      Localement l’hôpital licencie et n’embauche plus, il maintient son personnel peu qualifié dans des CDD à répétition pendant dix ans ou 20 ans et les gens en CDI sont bloqués dans leur notation pour ne pas gréver le budget. Les personnels avaient choisi de travailler de jour ou de nuit, désormais ce ne sont plus eux qui choisissent : ils travaillent de jour, de nuit, comme l’hôpital veut. Les périodes de repos obligatoires ne sont pas respectées, les astreintes à domicile ne sont pas payées mais obligatoires et même pas défrayées du déplacement. Le personnel est promené d’un poste à l’autre sans formation, sans aide, sans encadrement.

      Les services techniques sont sous traités : blanchisserie, cuisine, maintenance. Avec pour conséquence des plomberies hors d’âge, des réseaux électriques défectueux mélangeant 110 et 120v (dans des CHU !). Tout est plus cher mais ce n’est plus du personnel payé, juste des services. Rationalisé.

      Pour les médecins il y a aménagement des postes : prendre le maximum d’étrangers sous payés dont les conditions de travail sont contractuellement hallucinantes (travail de jour enchaîné de nuit, sans repos). Les médecins en poste sont là aussi facilement déplacés d’un poste à un autre en fonction des besoins, sans plus de qualification. Comme il n’y a pas de temps médical suffisant, on embauche pas, on rationalise : le médecin fait 45h au lieu de 35 et il cumule les heures supplémentaires en « crédit retraite ». Sauf que les retraites approchent et il y a plein de médecins hospitaliers qui vont partir plus tôt à la retraite avec ce système alors que l’hôpital ne pourra pas les remplacer puisqu’officiellement, ils seront toujours là. Rationnel ? A très court terme…

      Mais je crois que le plus bel outil de la transformation de l’hôpital, c’est la T2A.

      Magnifique outil de cotation des prestations.

      Tout acte fait au patient est côté selon cette T2A et payé à l’hôpital en fonction. Ceux qui n’y sont pas ne sont pas payés.
      Résultat de cette logique, je caricature, M X est alcoolique : je peux soit essayer de le sevrer, mettre en oeuvre les psychologues, les assistants sociaux et tenter de lui faire reprendre sa vie, soit lui greffer un nouveau foie. La 2e solution est beaucoup plus rentable pour l’hôpital.

      Et puis il y a la logique cachée de la chose.

      Si vous passez vos journées à réfléchir à ce qu’il faut faire pour que votre service soit rentable pour que son budget soit assuré l’an prochain, vous êtes dans l’intérêt du CHU et du votre mais vous avez changé de logique de travail : votre intérêt n’est plus que le patient aille bien, mais que votre travail puisse perdurer.

      J’ai quitté l’hôpital il y a 17 ans, je ne le regrette pas car cette logique comptable est insupportable.

      (j’ajoute un lien complémentaire qui fait résonnance à ce que je disais sur la médecine d’autrefois en CHU : http://www.lemonde.fr/sante/article/2014/10/29/l-igas-livre-un-rapport-accablant-sur-le-chu-de-marseille_4514222_1651302.ht ).