Désapprendre le langage de la pensée « Woke 

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    Cela est dû, en partie, à l’histoire particulière du radicalisme universitaire du 20e siècle. Les victoires remportées par des militants étudiants activistes à partir des années 1970 – en créant des départements et de nouveaux programmes d’études grâce auxquels la pensée radicale pouvait être étudiée et enseignée – ont été une victoire à la Pyrrhus, secrétant sa propre défaite. Conçus comme des têtes de pont dans une guerre plus large contre la société capitaliste, les départements radicaux sont devenus des sépulcres pour la pensée radicale : des lieux où les idées libertaires pouvaient être mises en quarantaine, sans avoir à convaincre quiconque à l’extérieur d’y accorder foi.

    N’étant pas incités à rendre leurs idées lisibles au-delà de leur clergé, les universitaires radicaux se sont délectés de leur impénétrabilité et de leur nouveauté. Pendant ce temps, les campus ont cessé d’être les lieux d’une lutte morale universelle ; l’étudiant n’était plus considéré comme une source de sagesse sur les problèmes de la société, un protagoniste de la lutte morale de l’époque. Au lieu de cela, il est devenu une figure de mécontentement myope, irréaliste et sans fondement, n’ayant aucun intérêt dans la société qu’il espérait remodeler.

    Bien sûr, de nombreuses bonnes idées, théories du changement et histoires d’oppression et de lutte ont été générées sur les campus. La diffusion plus large de ces histoires a été une marque salutaire de notre époque. Je suis moi-même un bénéficiaire d’une éducation radicale. Mais j’ai dû désapprendre de nombreuses façons de parler que j’avais cultivées en tant qu’étudiant radical afin d’être plus convaincant et efficace en dehors des campus. L’obligation de parler aux non-radicaux, aux non-convertis, est l’obligation de tous les radicaux, et c’est une compétence qui n’est pas seulement sous-évaluée mais peut-être entravée par une éducation universitaire de gauche. Apprendre, en participant à la lutte collective, comment sonne le langage du socialisme, du féminisme et de la justice raciale, comment le parler de manière compréhensible à des publics différents, et comment les autres expriment leurs expériences d’exploitation, d’oppression et d’exclusion – telle est notre tâche. C’est très différent d’apprendre à parler du socialisme dans une communauté d’étudiants diplômés et de professeurs.

    • En Amérique du Nord [et au moins tendaciellement dans nos contrées,ndc] , par contre, le sens commun dominant est essentiellement anti-solidarité : c’est la notion que l’on doit prendre soin de ses propres intérêts et de ceux des siens ; et que les autres – en particulier les Autres étrangers ou peu familiers – sont une menace naturelle pour l’accomplissement individuel. Ce sont les idées qui semblent instinctivement vraies pour de nombreux Nord-Américains : elles leur semblent réalistes et sensées. Et donc, la pensée « woke », telle que je l’ai définie de manière intuitive, est hostile à la logique de base du travail d’organisation de gauche. La solidarité exige une invitation, une offre chaleureuse et amicale de collaborer à une proposition risquée. Elle ne fonctionne pas comme un appel moralisateur à s’identifier à un ensemble existant de valeurs évidentes. En tant que gauchistes, nous devons faire cette offre – l’offre d’une interdépendance en échange d’une libération partagée – encore et encore, dans différents endroits, à différentes personnes, de différentes manières et espérer que cela commence à avoir du sens. C’est là tout le jeu.