Gabriel Attal veut « appuyer sur l’accélérateur avec des mesures fortes »

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  • La charge de la ministre de l’éducation contre le public passe mal | Mediapart

    Interrogée sur son choix de l’établissement privé catholique Stanislas pour ses enfants, Amélie Oudéa-Castéra [6,5 millions d’euros de patrimoine déclaré] a invoqué le « paquet d’heures non remplacées » dans le public et son souci de « l’exigence ». Les syndicats enseignants et plusieurs politiques s’indignent.
    Mathilde Goanec


    Elle a d’abord tenté de décrédibiliser la question, la renvoyant à une « attaque personnelle ». Avant de répondre, pour ne pas « esquiver » le sujet. Pourquoi Amélie Oudéa-Castéra, la toute nouvelle ministre de l’éducation nationale, du sport, de la jeunesse et des jeux olympiques et paralympiques, a choisi de scolariser ses trois enfants au sein de l’établissement privé catholique Stanislas, l’un des plus huppés du pays, mais aussi critiqué pour fermer les yeux sur des pratiques ultra-réactionnaires, comme le révélait cette enquête de Mediapart ?
    « Notre aîné a commencé, comme sa maman, à l’école publique », a expliqué la ministre, à l’occasion d’un déplacement en compagnie de Gabriel Attal dans un collège des Yvelines. L’enfant serait passé dans le privé, en raison de la « frustration » de la famille Oudéa-Castéra devant le « paquet d’heures qui n’étaient pas sérieusement remplacées » dans l’école du secteur. « À un moment on en a eu marre, et comme des milliers de familles, on est allé chercher une solution différente », a poursuivi la ministre.
    Le groupe scolaire Stanislas, visé aujourd’hui par une inspection administrative, dont le ministère refuse toujours de dévoiler la teneur — ce qui place de facto la ministre dans une situation délicate –, s’est imposé pour le reste de sa progéniture comme un choix de « proximité ». Depuis, complète Amélie Oudéa-Castéra, « nous nous assurons que nos enfants soient correctement formés avec de l’exigence dans la maîtrise des savoirs fondamentaux, et qu’ils soient heureux, qu’ils soient épanouis, qu’ils se sentent bien et en confiance ».

    Les réactions à cette déclaration ne se sont pas fait attendre. Sur les réseaux sociaux, plusieurs enseignant·es ont dit leur colère, certains parlant de « honte » et de « crachat » au visage. La sociologue de l’éducation Annabelle Allouch fait même ce constat, sur le réseau X (ex-Twitter) : « Une ministre qui indique à quel point le contournement de carte scolaire, “comme des milliers de familles” lui paraît normal, sans ajouter que c’est son rôle de remédier à cela, à ma connaissance, c’est inédit. »
    Pour Sophie Vénétitay, secrétaire nationale du syndicat SNES-FSU, il s’agit tout bonnement d’une « sortie de route ». « Elle admet en creux les limites de la politique éducative d’Emmanuel Macron, et sous-entend que la solution, c’est le privé. Elle le fait comme parent d’élève peut-être, mais Amélie Oudéa-Castéra est désormais ministre de l’éducation nationale. »
    Guislaine David, secrétaire du SNUIPP, syndicat du premier degré, estime également qu’il semble « compliqué » de discuter avec une ministre qui ne défend pas l’école publique, « voire même lui marche dessus ». Elle moque l’argument de la proximité : « À Paris, il y a une école toutes les deux rues, et je doute fort du non-remplacement dans cet arrondissement le plus huppé de Paris. »
    Sa collègue, Catherine Nave-Behkti, secrétaire du SGEN-CFDT, n’a pas davantage goûté cette déclaration de sa ministre, regrettant qu’elle « jette le soupçon » sur les collègues absents et tous leurs efforts pour « arranger les choses », ce qui « aggrave leurs conditions de travail depuis des années ». Catherine Nave-Behkti souligne : « Amélie Oudéa-Castéra ne se positionne pas comme ministre, mais comme mère d’élève, dressant un portrait idyllique de Stanislas et en creux un tableau désastreux de l’école publique… »

    Un « aveu » assez terrible
    Voulait-elle, se faisant, « soutenir la politique du Pacte lancée par Emmanuel Macron », interroge Élisabeth Allain-Moreno de l’UNSA-Éducation ? Le dispositif, lancé en septembre 2023, consiste à demander aux enseignant·es d’effectuer des heures supplémentaires, rémunérées, afin de venir à bout du problème récurrent du manque de postes et d’attractivité du métier. Le pacte a été vivement dénoncé par les syndicats et les associations de parents d’élèves.
    Grégoire Ensel, président de la FCPE (fédération de parents d’élèves), voit dans la toute première déclaration spontanée de la ministre, après la passation de pouvoir vendredi matin au ministère, un « aveu », assez terrible : « La ministre fait le constat que font des dizaines de milliers de parents, face aux 15 millions d’heures perdues chaque année pour les enfants, mais qui eux, par choix ou parce qu’ils ne l’ont pas, restent dans l’école publique et subissent la désorganisation de ce service public. »
    Un fil que reprend l’APGH, l’association des professeurs d’histoire et de géographie, celui d’une forme de déconnexion entre la nouvelle ministre et le quotidien des Français. « L’école de la République, Madame, c’est l’école publique. Elle ne vous convient pas en tant que mère d’élèves ? Changez-la pour tous, y compris ceux qui n’ont pas la chance de vivre une vie aussi privilégiée que la vôtre ! », a twitté l’association.
    Le personnel politique, à gauche, s’est montré encore plus cinglant. Bastien Lachaud, député insoumis dans le département de la Seine-Saint-Denis (qui a encore récemment fait l’objet d’une mobilisation spécifique des personnels de l’éducation tant la situation y est difficile), lâche ses coups sur le même réseau : « “S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche”, disait Marie-Antoinette. S’ils n’ont pas de prof, qu’ils mettent leurs enfants à Stanislas, disent les macronistes. »
    Olivier Faure, le patron du parti socialiste, moque une ministre, pour qui l’école publique ne serait « pas assez bien » mais qui n’hésite pas à scolariser ses enfants dans un établissement « dont les valeurs sont loin des valeurs républicaines ».

    Julien Bayou, chez les écologistes, décrit l’image assez surréaliste offerte par l’échange entre Mediapart et Amélie Oudéa-Castéra, sous le regard légèrement inquiet de Gabriel Attal : « La ministre explique que son enfant est dans le privé à cause des enseignants non remplacés dans le public… devant l’ancien ministre de l’éducation qui avait promis “une classe, un prof” ! »
    Si Gabriel Attal est passé finalement presque furtivement à la tête du ministère de l’éducation, il est en effet le premier ministre d’un président, Emmanuel Macron, au pouvoir depuis 2017. Les enfants d’Amélie Oudéa-Castéra pâtissent, au moins pour partie, de son bilan.
    La dernière partie de la réponse de la ministre passerait presque inaperçue, dans cette tempête. « Avant de stigmatiser les choix des parents d’élèves il est important de rappeler que la République travaille avec tout le monde du moment qu’on est au rendez-vous de cette exigence et de ces valeurs. » Sur la question des valeurs, un gros doute subsiste à propos de Stanislas, décrit par des élèves et anciens élèves comme un univers sexiste, homophobe et autoritaire.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/120124/la-charge-de-la-ministre-de-l-education-contre-le-public-passe-mal

    On ne compte plus les ministres scolarisés (Blanquer, Attal) ou ayant scolarisé leurs enfants (Ndiaye) dans les boites privées les plus sélectives. Une des profs d’Attal à l’école alsacienne vient d’expliquer que ce n’était pas logique de fournir aux moins bons élèves les « meilleurs » profs (passés par l’ENS ou et avec agrégation).

    #école