« D’une transformation qui est autre chose qu’une simple amélioration du bâti, de l’espace public ou des commerces, et relève à qui elle profite et qui elle dépossède. »
Tout système politique peut s’analyser au travers de son architecture
L’Élaboratoire tient à faire part à ses adhérents et sympathisants des récents échanges qui ont eu lieu avec la ville de Rennes vis à vis de l’avenir du collectif.
Alors que sur la plaine transformée en chantier boueux un premier immeuble s’élève peu à peu, la mairie et ses amis de Territoire (l’entreprise chargée de l’aménagement du nouveau quartier) semblent impatients de nous voir déménager du bâtiment du 17bis et du Terrain des Chaps. Au cours de l’automne, lors d’une visite éclair des élus de la DG culture et des cadres de Territoire, il nous a été signalé qu’il fallait quitter sous peu notre lieu d’habitation du Terrain des Chaps (situé en face du 17bis) pour rejoindre un nouveau terrain attenant au 48, boulevard villebois mareuil, mis à disposition par la mairie. Ce nouveau terrain ferait l’objet d’une convention tripartite entre l’Élaboratoire, la mairie et Territoire.
Il en serait de même pour le futur bâtiment qui viendrait remplacer celui du 17bis, réunissant plateau de théâtre, salles de danse et de musique et bureaux administratifs. Ce nouveau bâtiment se situe juste à côté, dans un immeuble plus vaste mais qui nécessite des travaux conséquents : pour l’heure, seuls les murs sont encore en état. Il faut y refaire l’électricité, les sanitaires, le sol, l’aménagement,...
Voilà d’ailleurs un an que l’on nous parle de déménager dans ce bâtiment. Pour l’instant, seuls ont été réalisées une étude sur l’amiante (dont les résultats ne nous ont pas été transmis) et le dégagement des gravats qui occupaient jusqu’ici le lieu. Le déménagement aura lieu au plus vite, selon Territoire, dès que les conventions auront été signées. Face à notre demande de ne pas avoir à quitter un bâtiment avant que le second ne soit prêt, pour assurer une continuité des ateliers et des répétitions, on nous répond qu’il faudra peut être ne rien avoir pendant quelques mois. Vu la précipitation de Territoire à lancer les travaux pour le futur bâtiment, on pourrait s’inquiéter quand à l’imprécision de la formule « quelques mois ».
Revenons au nouveau terrain. Il s’agit d’une réunion des parcelles des 42, 44 et 46 boulevard Villebois Mareuil. Le terrain mis en place par Territoire est instable, boueux, et pour l’instant impropre à l’habitat, notamment en période hivernale. A la mi janvier, nous recevons donc une convention. Celle ci concerne exclusivement le nouveau terrain. Dès les premières lignes, nous nous étonnons de voir que la mairie nous concède le terrain pour 5 ans, sans possibilité de renouvellement et sans promesses de relogement à l’issue des 5 ans. En plus de cela, nous sommes expulsables à n’importe quel moment avec un préavis de 3 mois.
La convention nous impose un certain nombre de règles, dont beaucoup sont très subjectives et à la seule appréciation de la mairie et de l’entreprise. Les terrains devraient être maintenus en ordre et bonne tenue, certes, mais qui juge de la « bonne tenue » et de « l’ordre » ? Parions que nous n’avons pas tous la même définition de l’ordre... Il nous est, entre autres, interdit d’entreposer sur le terrain des matières « dangereuses » ou des « encombrants », d’avoir des activités d’entretien ou de réparation de véhicules, de faire usage de barbecues ou de tout autre équipement à risque d’incendie. Par dessus tout, il nous est interdit d’organiser quelque évènement que ce soit sur ce terrain. Bien entendu, le non respect de ces règles peut entraîner l’expulsion du terrain, au bon vouloir des propriétaires.
Il nous semble important de rappeler à ceux qui voudraient nous faire signer un tel texte que l’Élaboratoire est un collectif d’artistans dont l’organisation d’évènements fait partie du quotidien, et que la plupart des membres du collectif vivent ou créent à partir d’objets de récup’, ce qui est considéré par les autorités comme des « encombrants ». Et que dire des jongleurs de feu, qui ont toujours un bidon de pétrole à proximité, ne serait-ce que pour s’exercer ? En outre, les habitants de l’Élaboratoire sont installés en camion ou en caravane. Comment imaginer d’interdire l’entretien et la réparation de véhicules ? Comment imaginer d’interdire l’usage de poêles à bois pour se chauffer ?
Concernant les travaux éventuels, ils sont tous à notre charge, y compris en cas de vétusté et de vice caché dont l’entreprise serait coupable. Pour tout travaux que nous souhaiterions réaliser, tout comme pour l’élagage des arbres, il nous faudrait demander l’autorisation à la mairie. Cela dit, à la fin de la Convention, tout aménagement fixé à demeure réalisé par nous mêmes durant ces 5 années sera la propriété de la mairie. Dans le cas où ils n’en veulent pas, ils peuvent nous demander de le retirer, à nos propres frais.
La convention prévoit en outre que tous les « frais » soient à notre charge, y compris d’un éventuel acte extrajudiciaire, et, si nous en venions à refuser de quitter le terrain soit après un préavis de 3 mois, soit au terme des 5 ans, nous devrions payer une amende de 100 euros par jour occupé « illégalement ».
La récente réception de cette convention ébranle quelque peu la confiance placée dans nos interlocuteurs. Certaines choses convenues par oral ne figurent nullement dans les 8 pages d’un texte qui nous paraît très défavorable. Pire, si les intentions de la mairie étaient de nous expulser par un stratagème, elle pourrait agir de la sorte et décider de nous expulser par un préavis de 3 mois à n’importe quel moment.
Le collectif réfléchit en ce moment à une réécriture complète d’une convention qui puisse assurer un avenir pérenne et serein de l’Élaboratoire dans le quartier. La perspective de perdre le théâtre du 17bis, ce lieu historique et grandiose, nous attriste. Il convient de rappeler que l’incertitude vis à vis de notre avenir pèse sur notre qualité de travail, d’accueil des artistes et artisans extérieurs et d’entretien des locaux.
En cette période globalement inquiétante pour les lieux et mouvements alternatifs, il nous semble important de défendre l’existence d’endroits où il est possible de vivre, de créer et de s’activer autrement. Il faut rester unis et déterminés. Nous encourageons nos sympathisants à rester attentifs, pour ne pas dire vigilants, face aux menaces qui continuent de peser sur l’Élaboratoire. A chaque adhérent, membre du collectif et/ou artistant profitant des locaux de s’investir encore davantage, dans sa propre discipline, mais surtout à travers les chantiers collectifs et la vie du lieu pour poursuivre la dynamique qui établit l’Élaboratoire comme un lieu incontournable du monde culturel rennais. Des chantiers collectifs nous attendent dès cette semaine, venez nombreux ! C’est non seulement l’évolution du collectif qui en dépend mais également sa survie sur le long terme.
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Association ElabOraTOire
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