• « Tirailleurs tiraillés ». Hommages musicaux et enjeux de mémoires.

    https://lhistgeobox.blogspot.com/2023/05/tirailleurs-tirailles-hommages-musicaux.html

    « Les logiques discriminatoires ancrées dans l’histoire de ces troupes conduisent à la cristallisation des pensions à partir de 1958. Alors même qu’ils avaient participé aux mêmes conflits que les soldats métropolitains, les anciens tirailleurs touchaient des sommes très inférieures à celles perçues par leurs homologues européens. Elles sont gelées aux taux versés lors de l’indépendance des pays dont sont originaires les tirailleurs, donc maintenues à un niveau ne tenant absolument pas compte de l’évolution du coût de la vie. En 2007, grâce aux mobilisations des associations d’anciens combattants, à l’implication de leurs descendants et à la sortie du film Indigènes de Rachid Bouchareb, la discrimination flagrante que constituait le gel des pensions trouve enfin une résolution avec une décristallisation partielle des pensions des anciens combattants africains. »

  • Comment la #France verrouille son #passé_colonial

    La polémique en France sur la notion de #crime_contre_l'humanité du temps de la #colonisation rappelle les vifs débats causés dans ce même pays il y a plus de dix ans par l’adoption de la loi du 23 février 2005 qui ne retenait que le « rôle positif de la présence française outre-mer ». L’« #affaire_Macron » met en exergue le profond malaise lié au passé colonial de la France, souligne la professeure de droit Sévane Garibian.

    Quoi que l’on pense des propos récents d’#Emmanuel_Macron sur la #colonisation_française, il est utile d’observer leurs effets en recourant à une temporalité plus longue, dépassant le court terme médiatico-politique. La #polémique née il y a quelques jours en France rappelle, en symétrie inversée, les vifs débats causés dans ce même pays il y a plus de dix ans par l’adoption de la loi du 23 février 2005 qui ne retenait que le « #rôle_positif de la présence française outre-mer ». La disposition litigieuse (finalement abrogée par décret en 2006), tout comme les rebondissements et double discours dans ladite « affaire Macron », auront eu pour mérite de mettre en acte le profond #malaise lié au passé colonial de la France.

    Ce trouble s’est régulièrement nourri de résistances dont nous trouvons de multiples traces dans le champ du #droit, grand absent des commentaires de ces derniers jours. Abordons donc cette polémique de biais : par ce qu’elle ne dit pas, par ce qu’elle occulte. Rappelons ainsi que la Cour de cassation française eut l’occasion de produire une jurisprudence relative aux #crimes commis en #Algérie (#affaires_Lakhdar-Toumi_et_Yacoub, 1988) ainsi qu’en #Indochine (#affaire_Boudarel, 1993). Une #jurisprudence méconnue, ou tombée dans l’oubli, qui soulevait pourtant directement la question de la qualification ou non de crime contre l’humanité pour ces actes.

    Les précédents

    Plusieurs historiens ont pu souligner dernièrement la distinction entre les usages juridiques, historiques et moraux du concept de crime contre l’humanité, tout en rappelant que ce dernier ne peut se trouver, aujourd’hui en France, au cœur de #poursuites_pénales visant les #crimes_coloniaux. Quelle est donc l’histoire du droit menant à un tel constat ? Afin de mieux comprendre ce dont il s’agit, il est possible d’ajouter deux distinctions à la première.

    D’abord, une distinction entre le problème de la #qualification de crime contre l’humanité (qui renvoie à la question complexe de la #définition de ce crime en #droit_français), et celui de l’#amnistie prévue, pour les crimes visés, par des lois de 1966 et 1968. Ces deux points fondent les justifications discutables du refus de poursuivre par la #Cour_de_cassation dans les affaires précitées ; mais seul le premier constituait déjà le réel enjeu. En l’état du droit, et contrairement à ce qu’affirmaient alors les juges de cassation, la qualification de crime contre l’humanité aurait en effet pu permettre, au-delà du symbole, de constater une #imprescriptibilité (inexistante en France pour les crimes de guerre) défiant l’amnistie.

    Plus tard, la Cour de cassation admettra d’ailleurs en creux le caractère « inamnistiable » des crimes contre l’humanité, non reconnus en l’espèce, dans l’affaire de la manifestation du 17 octobre 1961, en 2000, puis dans l’#affaire_Aussaresses en 2003 – toutes deux en relation avec les « évènements d’Algérie ». Entre les deux, elle confirmera dans l’#affaire_Ely_Ould_Dah (2002) la poursuite, en France, d’un officier de l’armée mauritanienne pour des faits de #torture et des actes de #barbarie amnistiés dans son propre pays : il semble manifestement plus aisé d’adopter une attitude claire et exigeante à l’encontre de lois d’amnistie étrangères.

    Volonté de verrouillage

    En outre, et c’est là que se niche la seconde distinction, une analyse plus poussée du raisonnement de la Cour dans les affaires Lakhdar-Toumi, Yacoub et Boudarel met en lumière une volonté des juges de verrouiller toute possibilité de traitement des crimes coloniaux. Il importe donc de distinguer ici les questions de droit et les politiques juridiques qui sont à l’œuvre. L’historienne Sylvie Thénault écrivait récemment que « toute #définition_juridique est le résultat d’une construction par des juristes et d’une évolution de la jurisprudence » (Le Monde du 16 février). Or il n’existait à l’époque des affaires précitées que des définitions jurisprudentielles, plus (#affaire_Barbie) ou moins (#affaire_Touvier) larges du crime contre l’humanité en France, lequel ne fera son apparition dans le Code pénal qu’en 1994.

    A y regarder de plus près, on comprend que les juges de cassation rejettent la qualification de crime contre l’humanité pour les crimes coloniaux à plusieurs reprises, en choisissant de s’appuyer exclusivement sur la #jurisprudence_Touvier. Celle-ci limite, à l’inverse de la #jurisprudence_Barbie, la définition du crime contre l’humanité aux crimes nazis commis « pour le compte d’un pays européen de l’Axe ». Si la jurisprudence Touvier permit en son temps d’esquiver habilement le problème de la #responsabilité de la France de Vichy, elle bloquera aussi, par ricochet, toute possibilité de répression des crimes perpétrés par des Français pour le compte de la France, jusqu’en 1994.

    Le verrouillage est efficace. Et le #refoulement créé par cette configuration juridique, souvent ignorée, est à la mesure du trouble que suscitent encore aujourd’hui les faits historiques survenus dans le contexte de la #décolonisation. Plus généralement, l’ensemble illustre les multiples formes d’usages politiques de l’histoire, comme du droit.

    https://www.letemps.ch/opinions/france-verrouille-passe-colonial

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  • Les tirailleurs sénégalais au prisme de la chanson.
    https://lhistgeobox.blogspot.com/2023/05/le-tirailleur-senegalais-au-prisme-de.html

    "La chanson coloniale « Bou-dou-ba-da-bouh », composée en 1913 par Albert Valsien sur des paroles de Lucien Boyer, est interprétée au front par Félix Mayol devant des tirailleurs. Le morceau met en scène un soldat noir venu défiler à Paris. Beau garçon, il subjugue le cœur des femmes et s’éprend d’une jeune couturière. Reparti en Afrique avec son unité, le malheureux trouve la mort. Le morceau porte un regard très ambivalent sur le tirailleur. Le soldat est réduit à des caractéristiques physiques. "Grand gaillard à la peau noir / aux dents comme l’ivoire", il est "l’plus beau gars / de tout’ la Nouba". La mention de sa « flûte en acajou » n’est qu’un prétexte pour mieux évoquer la prétendue lubricité des soldats noirs. "

    Un billet également disponible en podcast :
    https://podcasters.spotify.com/pod/show/blottire/episodes/Les-tirailleurs-sngalais-au-prisme-de-la-chanson-e1vpq91

  • DÉCOLONISER, DECOLONIALISER. Présentation du PASSERELLE n°24

    Cet excellent numéro de la collection Passerelle2, « Décoloniser, Notions, enjeux et horizons politiques », présente la pensée de la décolonisation aujourd’hui. C’est une présentation claire et pédagogique des concepts et de la situation. Il permet de comprendre ce qui se joue avec les nouvelles manières de penser la phase actuelle de la décolonisation. Il permet de comprendre comment les notions de colonialité et de décolonialité sont nés de la convergence entre les manières de penser les deux vagues d’indépendances nationales, celle de l’Amérique Latine au 19ème siècle et celle de l’Asie et de l’Afrique au 20ème siècle.

    note sur : Passerelle n°24, Décoloniser, Notions, Enjeux et horizons politiques, mars 2023 ; Réalisation et coordination : Caroline Weill
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/05/09/decoloniser-decolonialiser-presentation-du-pas

    #colonisation

  • « L’Autre 8 Mai 1945 » dont les crimes doivent être reconnus par la France

    Le 8 mai 1945, en Algérie comme dans le reste du monde, on fête la défaite de l’Allemagne nazie. Dans plusieurs villes d’Algérie, des Algériens partisans de l’indépendance se joignent aux défilés. A Sétif, le jeune Saâl Bouzid, qui portait le drapeau algérien, est abattu par un policier et des Algériens fuyant la répression aveugle agressent à leur tour des Européens au hasard. La répression est massive et se prolonge dans tout le Nord-Constantinois.

    Des films et des livres éclairent cet événement qui a précipité la guerre d’indépendance, mais la République française n’a jamais reconnu officiellement sa responsabilité dans ce crime colonial qui a fait des dizaines de milliers de victimes.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/05/08/lautre-8-mai-1945-dont-les-crimes-doivent-etre

    #histoire #colonisation

  • Pour tenter de sauver la face, le préfet de Mayotte s’enfonce dans le mensonge

    À Mayotte, où le centre de rétention administrative de Pamandzi est en état de suroccupation chronique, les créations répétées, parfois pour quelques heures à peine, de locaux de rétention administrative (LRA) de « délestage » pour y enfermer des personnes en attente d’expulsion sont récurrentes. Avec l’opération Wuambushu, la machine s’est emballée : entre le 17 mars et le 19 avril le préfet a pris 44 arrêtés créant des LRA, pour des durées pouvant aller de 2 heures à 5 jours.

    Au mépris de la loi, aucun de ces arrêtés n’a été publié avant l’ouverture des locaux qu’ils créaient, 4 ont été publiés le jour de l’ouverture (qui correspondait aussi au jour de fermeture du local) et 40 ont été publiés postérieurement à leur fermeture, faisant des rétentions dans ces locaux autant de détentions arbitraires. Autant dire que le préfet a tout fait pour empêcher un contrôle juridictionnel.

    Constatant de plus que les conditions de rétention dans ces locaux n’offraient aucune des garanties prévues par les textes applicables, l’ADDE, la Cimade, le Gisti et le SAF ont saisi le tribunal administratif de Mayotte, le 21 avril, d’une requête en référé-liberté, lui demandant :

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/05/02/pour-tenter-de-sauver-la-face-le-prefet-de-may

    #international #mayotte #colonisation

  • Propagande pro-stérilisations à Mayotte, en pleine pénurie de pilules abortives : une politique française coloniale et misogyne !

    Régime d’exception néocolonial : promotion des stérilisations à Mayotte, dissuasion des femmes en métropole
    Dans la plupart des départements français, essayer d’obtenir une ligature des trompes est un parcours de la combattante. Mais pas à Mayotte, où l’Etat français martèle une très ancienne inversion perverse coloniale consistant à dire aux personnes racisées qu’elles seraient trop nombreuses et qu’elles en seraient coupables. Le directeur de l’ARS de Mayotte, Olivier Brahic (formé à l’École de guerre), a ainsi déclaré vouloir “proposer” une stérilisation par ligature des trompes aux femmes, à l’hôpital, dans les PMI et chez les sages-femmes. Dans les faits, être une femme mahoraise face au pouvoir médical – très majoritairement accaparé par des blancs venus de métropole – dans un espace durablement broyé par les politiques coloniales françaises, c’est déjà subir des contraintes écrasantes.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/30/propagande-pro-sterilisations-a-mayotte-en-ple

    #international #mayotte #féminisme #colonisation

  • « Pourquoi nous nous opposons à l’opération Wuambushu à Mayotte »

    [Tribune publiée par Libération] Une centaine de personnalités et d’organisations estiment que l’opération de police qui devrait reprendre à Mayotte témoigne d’un « durcissement autoritaire du gouvernement » qui se sert du département d’outre-mer comme d’un « laboratoire » pour sa prochaine loi immigration.

    Le 24 avril, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, Gérald Darmanin, et le gouvernement français ont décidé de lancer une violente opération contre les résidents de Mayotte provenant d’autres îles des Comores. Nommée « Wuambushu », celle-ci a été validée discrètement par Emmanuel Macron en conseil de défense au nom de la lutte contre la « délinquance » et « l’habitat informel ».

    Au programme, 400 expulsions quotidiennes pour un total de 24 000 expulsions sur deux mois, destruction de 10% de l’habitat informel de l’île par jour. L’État cherche ainsi à jeter à la rue et à expulser des milliers de personnes. Pour l’occasion, 510 policiers supplémentaires ont été envoyés en renfort, avec parmi eux des policiers de la CRS 8 ou de l’ERIS pour appuyer le RAID et le GIGN déjà sur place.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/29/pourquoi-nous-nous-opposons-a-loperation-wuamb

    #international #mayotte #colonisation

  • Les femmes à l’avant-garde de la politique : le travail d’organisation des femmes sahraouies

    El-Ejla Chejh Alla (Ayla Chejh) parle dans son article des actions de l’Union Nationale des Femmes Sahraouies et de leurs luttes en temps de guerre

    L’Union Nationale des Femmes Sahraouies [Unión Nacional de Mujeres Saharauis – UNMS] est composée de femmes vivant dans des camps de réfugiés situés dans l’ouest de l’Algérie, de femmes qui se trouvent sur le territoire sahraoui – des terres à l’origine sahraouies aujourd’hui occupées par l’armée marocaine – et de femmes de la diaspora. La raison pour laquelle les femmes sahraouies se trouvent dans tous ces endroits différents est l’occupation marocaine de notre territoire.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/26/les-femmes-a-lavant-garde-de-la-politique-le-t

    #international #sahraoui #féminisme #colonisation

  • LA LDH DÉPOSE PLAINTE CONTRE UN ÉLU DE LA RÉPUBLIQUE QUI APPELLE AU MEURTRE DES JEUNES COMORIENS À MAYOTTE
    Communiqué LDH
    Invité le lundi 24 avril sur la chaîne Mayotte La 1ère, le vice-président du conseil départemental de Mayotte, Salime Mdere, a qualifié de « délinquants », « voyous » et « terroristes » les jeunes comoriens en ajoutant « Il faut peut-être en tuer ». Ces déclarations font suite au visionnage d’un reportage sur des affrontements entre des jeunes et les forces de l’ordre à Mayotte, dans le cadre de l’opération militaro-policière Wuambushu, vivement critiquée par la LDH, qui prévoit le délogement et l’expulsion massive d’étrangers supposés être sans-papiers.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/23/communique-intersyndical-mayotte-contre-loperation-wuambushu-et-pour-un-reel-acces-aux-droits/#comment-56715

    #international #mayotte #colonisation

  • « A Mayotte, les Comoriens ne sont pas des étrangers »
    L’ethnologue Sophie Blanchy rappelle les liens intimes entre Mayotte et les Comores au moment où Paris lance une vaste opération d’expulsion de migrants clandestins.
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/25/a-mayotte-les-comoriens-ne-sont-pas-des-etrangers_6170923_3212.html
    https://wordpress.com/comments/all/entreleslignesentrelesmots.wordpress.com
    #international #mayotte #colonisation

  • La justice met un premier coup d’arrêt à l’opération Wuambushu

    Marquant le coup d’envoi de la sinistre chasse à l’homme lancée par le gouvernement à Mayotte, les toutes premières démolitions d’habitations devaient débuter le 25 avril dès 6 heures du matin à Koungou, au lieu-dit Majicavo Koropa Talus II. La juge des référés du tribunal judiciaire de Mamoudzou y a mis un coup d’arrêt. Le 24 avril, elle a « ordonné au préfet de Mayotte de cesser toute opération d’évacuation et de démolition des habitats ».
    Douchant les ardeurs préfectorales et ministérielles, la décision constate que ces démolitions constituent une « voie de fait », autrement dit « une exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision portant atteinte au droit de propriété ». En l’occurrence, le préfet entendait faire détruire, sans distinction, tout un ensemble d’habitations indissociables les unes des autres en raison de leur fragilité structurelle qui en fait une sorte de mikado, alors même que le tribunal administratif avait déjà suspendu son arrêté de démolition pour 17 d’entre elles, dont la destruction par ricochet était donc nécessairement irrégulière.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/23/communique-intersyndical-mayotte-contre-loperation-wuambushu-et-pour-un-reel-acces-aux-droits/#comment-56714

    #international #mayotte #colonisation

  • France-Comores. « Wuambushu », opération coup-de-poing et bras d’honneur
    En mettant en œuvre une opération militaro-policière de grande ampleur à Mayotte visant à détruire des bidonvilles et à expulser des milliers de Comoriens, le gouvernement français suscite inquiétude et colère à Moroni. Mais le président Azali Assoumani, qui est devenu l’allié de Paris ces dernières années en dépit du contentieux territorial, semble vouloir éviter la confrontation.

    https://afriquexxi.info/France-Comores-Wuambushu-operation-coup-de-poing-et-bras-d-honneur
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/23/communique-intersyndical-mayotte-contre-loperation-wuambushu-et-pour-un-reel-acces-aux-droits/#comment-56684

    #international #comores #mayotte #colonisation

  • Mayotte : Arrêtez WUAMBUSHU !

    L’opération de destruction massive, sans relogement et en l’absence de jugement d’expulsion, de plusieurs milliers d’habitations, par le biais de l’article 197 de la loi ELAN, est d’une ampleur inédite en France depuis un siècle.
    Le gouvernement prévoit aussi d’expulser de Mayotte de très nombreux migrantEs ComorienEs, qu’il aura préalablement jeté à la rue, brisant des familles et les jetant dans la grande misère.
    Or la carence des services publics et l’insuffisance des moyens financiers publics mobilisés pour aider le département à sortir de la grande pauvreté sont criants. La délinquance qui justifie cette opération de force est le résultat de cette grande négligence et du mépris de l’État à l’égard de la pauvreté endémique de l’ile.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/23/communique-intersyndical-mayotte-contre-loperation-wuambushu-et-pour-un-reel-acces-aux-droits/#comment-56682

    #mayotte #colonisation

  • Communiqué intersyndical : Mayotte – contre l’opération Wuambushu et pour un réel accès aux droits

    Nos organisations syndicales CGT, FSU et l’Union syndicale Solidaires s’inquiètent fortement de l’opération Wuambushu, organisée par Gérald Darmanin et validée par Emmanuel Macron, prévue à Mayotte à partir du 21 avril

    Cette opération prévoit de détruire massivement des habitats précaires et de multiplier les arrestations et les expulsions quotidiennes jusqu’à plusieurs centaines de personnes migrantes issues des îles voisines. Les destructions visent 5 000 personnes dans 1 000 « bangas », soit 10% des habitats en tôles dans lesquels vit la moitié de la population de Mayotte. Nous craignons, à l’instar de nombreuses organisations internationales et nationales (CNCDH, UNICEF, LDH notamment) la multiplication des violences et des atteintes aux droits.

    Or la situation à Mayotte, département français d’environ 300 000 habitants est déjà catastrophique : 80% des habitant-es vivent sous le seuil de pauvreté et de nombreuses mesures d’exception sont la règle :

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/23/communique-intersyndical-mayotte-contre-lopera

    #international #colonisation #mayotte

  • Comores, Mayotte…
    Alain Ruscio : Comores, Mayotte, néo-colonialisme français : petit cours d’histoire
    La liberté d’aller et venir entravée pour les habitant⋅es de Mayotte
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/12/09/comores-mayotte-neo-colonialisme-francais-peti
    Alain Naze : Mayotte et la pandémie, ou l’increvable logique du « bouc émissaire »
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2020/05/22/mayotte-et-la-pandemie-ou-lincrevable-logique-
    Saïd Bouamama : L’œuvre négative du colonialisme français à Mayotte : Un îlot de pauvreté dans un océan de misère
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/03/26/loeuvre-negative-du-colonialisme-francais-a-mayotte-un-
    Alain Naze : Mayotte : le laboratoire d’un état d’exception permanent
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2017/04/17/mayotte-le-laboratoire-dun-etat-dexception-permanent
    Crise à Mayotte, le retour de boomerang d’une politique depuis longtemps inacceptable
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2016/05/24/crise-a-mayotte-le-retour-de-boomerang-dune-politique-d
    Pierre Caminade : Comores-Mayotte : une histoire néocoloniale
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2016/05/18/au-mepris-du-droit-international-letat-francais
    Jacques Chastaing : Mayotte : Grève générale, silence colonial et blindés pour la répression
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2016/04/12/mayotte-greve-generale-silence-colonial-et-blindes-pour
    Mayotte : Territoire d’exception ou colonie française ?
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2014/03/11/mayotte-territoire-dexception-ou-colonie-francaise

    #international #colonisation #comores #mayotte

  • Autodétermination pour Kanaky ! Peuple kanak en danger : NON au dégel du corps électoral !

    Ce mardi 11 avril 2023 débutent à Paris des rencontres bilatérales entre l’État et des représentants indépendantistes de Kanaky-Nouvelle Calédonie. Au programme des discussions le dégel du corps électoral et la question de l’autodétermination du peuple kanak.

    Un an et demi après un troisième référendum volé au peuple Kanak, l’État colonial souhaite s’attaquer frontalement à un point très sensible et pour lequel les indépendantistes ont toujours été unanimes. En effet dès mars dernier, c’est avec mépris lors de sa visite à Nouméa que Darmanin affirmait que les élections provinciales de mai 2024 se réaliseront avec une modification du corps électoral, et ce avant même toute discussion avec les représentants indépendantistes.

    Le corps électoral est un enjeu crucial des accords de Nouméa signés en 1998. Face à la colonisation de peuplement, le peuple Kanak qui lutte pour son autodétermination devenait de plus en plus en minorité sur ses propres terres. Les indépendantistes kanak ont réussi à faire intégrer dans les Accords de Nouméa le gel du corps électoral. Il ne faut pas oublier non plus que ce sont les Kanak qui avaient ouvert le corps électoral aux victimes de l’Histoire, entre autres les descendants du bagne. Malgré le gel du corps électoral, les Kanak restent minoritaires.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/17/autodetermination-pour-kanaky-peuple-kanak-en-

    #colonisation #kanaky

  • Israël : l’extrême droite, produit du sionisme et de l’oppression des Palestiniens

    https://mensuel.lutte-ouvriere.org//2023/04/02/israel-lextreme-droite-produit-du-sionisme-et-de-loppression (Lutte de classe, 30 mars 2023)

    Après trois mois de contestation et de manifestations hebdomadaires, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a reporté l’examen de son projet de réforme du système judiciaire au mois de mai, après les vacances parlementaires de la Pâque juive. La contestation de plus en plus massive avait fini par provoquer des fissures au sein de son propre parti, le #Likoud. #Netanyahou avait été contraint de limoger son ministre de la Défense après que celui-ci eut lui-même réclamé une «  pause  ».

    Face à l’ampleur de la mobilisation, Netanyahou a donc préféré reculer, prenant le risque de perdre le soutien des organisations ultranationalistes et religieuses d’extrême droite avec lesquelles il gouverne et dont il a besoin pour conserver une majorité à la Knesset, le Parlement israélien. Le principal d’entre eux, le parti Sionisme religieux, passé de 4 à 10 % des voix aux élections législatives de novembre 2022, est devenu la troisième force politique. Son dirigeant, #Bezalel_Smotrich, partisan du développement de la #colonisation juive en #Cisjordanie, et vivant lui-même dans une colonie, est devenu ministre des Finances. Il occupe aussi un ministère créé spécialement pour lui, au sein de celui de la Défense, afin de lui permettre d’appuyer la création de colonies juives en Cisjordanie. Partisan de l’annexion de la Cisjordanie dans un Grand Israël, il a déclaré, lors d’un déplacement à Paris, que pour lui «  les Palestiniens n’existent pas, parce que le #peuple_palestinien n’existe pas  ». Il ne cache pas son racisme, soutenant la ségrégation des femmes arabes et juives dans les maternités des hôpitaux et il se qualifie lui-même de «  fasciste homophobe  » (...)

    Le #sionisme, un programme colonial

    Naissance d’#Israël et expulsion des #Palestiniens en 1948

    Quand le mouvement travailliste était hégémonique

    Le poids croissant de l’#extrême_droite religieuse

    Les #accords_d’Oslo et le prétendu «  #processus_de_paix  »

    Netanyahou de plus en plus otage de l’extrême droite

    «  Défendre la démocratie  »… sans dénoncer l’#oppression des Palestiniens  !

    Il n’y aura pas de solution sans lutter contre l’#impérialisme

  • L’Église catholique répudie la « doctrine de la découverte » | Le pape François au Canada | Radio-Canada.ca
    https://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones/1967343/eglise-catholique-repudie-doctrine-decouverte-vatican-autochtones

    Le Vatican aura bien pris son temps, mais finalement, plus de 500 ans plus tard, il rejette la « doctrine de la découverte », une demande fréquemment soumise par les Autochtones du Canada à l’Église catholique.

    Cette doctrine du 15e siècle décrétée un an après l’arrivée de Colomb dans le " Nouveau Monde " était consacrée par "les bulles papales", des documents importants du pape qui sont scellés. Les Européens s’en sont servis, notamment avec le concept de terra nullius (terres vacantes), pour justifier la saisie de territoires qui appartenaient à des peuples autochtones. Ils partaient du postulat que les terres de ce qu’on allait appeler plus tard l’Amérique n’appartenaient à personne.

    Ces prises de position du Vatican ont permis le pillage des terres autochtones et des richesses du nord au sud du continent américain, justifiant le tout par des préceptes dits religieux.

    #colonisation #christianisme

  • #Shepenaset plonge la #Suisse dans un vif débat

    Les #biens_culturels forgent l’#identité des peuples. Le #vol de ces biens est donc un sujet qui agite la société, surtout dans les pays qui possédaient autrefois des colonies. Mais la Suisse aussi abrite des trésors culturels qui posent problème. Le débat est vif, comme le montre le cas d’une #momie à Saint-Gall.

    Elle est couchée dans la somptueuse salle baroque de la bibliothèque de l’abbaye de #Saint-Gall, l’une des plus anciennes bibliothèques historiques du monde : il s’agit de la momie égyptienne de Shepenaset, fille d’un prêtre du VIIe siècle avant J.-C., croit-on aujourd’hui savoir, décédée à un peu plus de 30 ans. Saint-Gall et le cercueil de verre où elle est exposée sont-ils une dernière demeure convenable pour Shepenaset voire, comme l’écrit même la bibliothèque, « le plus beau mausolée qu’on puisse imaginer » ? La question suscite actuellement un vif débat. Lorsque le metteur en scène saint-gallois #Milo_Rau reçoit le prix culturel de sa ville, en novembre 2022, il informe les Saint-Gallois qu’il dépensera les 30 000 francs du prix pour faire rapatrier la momie en #Égypte. Il organise une « action artistique » afin de sensibiliser le public à la cause, promenant une fausse momie à travers la ville et vilipendant l’exhibition de la vraie « source de gêne morale permanente ». Dans une « #déclaration_de_Saint-Gall », rédigée avec le concours d’un comité, il dénonce « un #pillage, un manque de respect ou du moins de scrupules », indigne selon lui d’une métropole culturelle comme Saint-Gall.

    Autrefois enterrée à Louxor

    Que s’est-il passé ? Shepenaset était autrefois enterrée en Égypte, sans doute dans la nécropole située non loin de #Louxor. A-t-elle été « arrachée à son tombeau par des pilleurs », comme l’écrit le comité ? D’après les responsables de la bibliothèque de l’abbaye, ce faits ne peuvent pas être prouvés. Dans un commentaire sur la « déclaration de Saint-Gall », ils notent qu’il n’est pas correct de parler d’un pillage de l’Égypte au XVIIIe siècle et soulignent que, depuis la campagne d’Égypte de Napoléon en 1798, les scientifiques français, anglais et, plus tard, allemands, ont prêté beaucoup d’attention au #patrimoine_culturel de l’Égypte ancienne, contrairement aux Égyptiens eux-mêmes, qui ont témoigné peu de considération pour ce #patrimoine qui est le leur. La bibliothèque illustre cette affirmation par l’exemple du vice-roi égyptien Méhémet Ali, qui, en 1830, avait traité l’une des pyramides de Gizeh aujourd’hui mondialement connues, de « pauvre montagne », et qui voulait construire des canaux en Égypte avec ses « gravats ». La destruction de la pyramide fut alors empêchée par le consul français à Alexandrie, indique le commentaire.

    Une question de #dignité

    Shepenaset est arrivée à Saint-Gall il y a près de 200 ans. C’est un homme d’affaires allemand, #Philipp_Roux, qui en aurait fait l’acquisition à Alexandrie avec deux cercueils en bois, et qui l’aurait envoyée à l’un de ses amis, l’homme politique #Karl_Müller-Friedberg, père fondateur du canton de Saint-Gall. Müller-Friedberg a-t-il reçu la momie en cadeau ou l’a-t-il payée à son tour, la question n’a pas été définitivement tranchée. À son arrivée à Saint-Gall, relatent des savants de l’époque conviés pour l’occasion, Shepenaset fut démaillotée jusqu’aux épaules et, à l’issue d’une cérémonie festive, chaque invité reçut un morceau de tissu de la momie en souvenir. Est-ce là le manque de respect que Milo Rau dénonce ? Il y a peu, l’ethnologue allemande Wiebke Ahrndt relatait qu’au XIXe siècle, les démonstrations de démaillotage de momies n’étaient pas rares et ce, non seulement en Europe, mais aussi en Égypte. On ne refait pas le passé, notait-elle. Autrice d’un guide pour la prise en charge des dépouilles humaines dans les musées et les collections, Wiebke Ahrndt est d’avis qu’on peut exposer des momies tant que cela est fait avec dignité et que le pays d’origine n’est pas contre. Les musées égyptiens exhibent eux aussi des momies ; jusqu’en 1983, souligne l’ethnologue, leur exportation était même légale. Les responsables de la bibliothèque insistent de leur côté sur le fait que Shepenaset n’est pas jetée en pâture aux curieux. Ils affirment que sa présentation est conforme aux pratiques muséales usuelles. Même les photos mises à la disposition des médias montrent la momie à distance, le visage de profil.

    Ces explications sont-elles suffisantes pour conserver Shepenaset à Saint-Gall ? Le conseil catholique du canton de Saint-Gall, un organe de droit ecclésiastique à qui appartiennent tous les objets de la bibliothèque de l’abbaye, semble réagir à la critique de Milo Rau et réviser sa position. Trois semaines après l’« action artistique », la direction du conseil a décidé d’« examiner sérieusement » un possible retour de Shepenaset dans son pays d’origine, et ce en collaboration avec les autorités égyptiennes compétentes.

    Des trésors culturels de la période nazie

    Des débats sur la recherche de l’origine de biens artistiques et culturels étrangers, ou « #recherche_de_provenance », la Suisse en connaît, surtout dans le contexte de l’or et de l’art volés pendant la Deuxième Guerre mondiale. En 2002, un groupe d’experts dirigés par Jean-François Bergier a soumis au Conseil fédéral un rapport détaillé montrant que le secteur économique suisse avait étroitement collaboré avec le régime national-socialiste. Des œuvres d’art vendues pendant la période nazie en Allemagne (1933-1945) se sont retrouvées dans des collections publiques et privées. Aujourd’hui, on estime qu’il est nécessaire de savoir s’il s’agit d’art confisqué par les nazis. Cet engagement moral, le Kunstmuseum de Berne – qui a accepté en 2014 l’héritage du collectionneur d’art #Cornelius_Gurlitt, contenant des œuvres de cette période – l’a rendu visible dans son exposition.

    Le #cas_Gurlitt a représenté un tournant. Dans son sillage, le Conseil fédéral a décidé d’accorder chaque année 500 000 francs aux musées suisses pour la recherche de la provenance des oeuvres. Une somme qui ne permet pas d’aller très loin, souligne Joachim Sieber, président de l’Association suisse de recherche en provenance (ARP), mais qui constitue tout de même un début.

    L’époque coloniale dans le viseur des politiques

    Les biens culturels acquis à l’époque coloniale sont un autre « gros morceau » auquel la recherche suisse en provenance doit à présent s’attaquer. Cela peut sembler paradoxal, puisque la Suisse n’a jamais possédé de colonies. Cependant, pour Joachim Sieber, il est évident que « la Suisse a fait et fait partie de l’entreprise (post)coloniale européenne ». Et c’est précisément parce qu’elle n’était pas une puissance coloniale, affirme-t-il, que la Suisse et les entreprises suisses ont pu, après l’effondrement des empires coloniaux ou après 1945, se présenter aux nations nouvellement formées comme une partenaire au-dessus de tout soupçon face aux anciennes colonies. En effet, même dans la politique, les mentalités évoluent. En témoignent, d’après le président de l’ARP, les innombrables débats, motions et interpellations au Parlement fédéral, « même si cela secoue l’identité de la Suisse en tant que pays neutre et remet en question l’image de la nation égalitaire, solidaire et humanitaire qu’elle se fait d’elle-même ».

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/shepenaset-plonge-la-suisse-dans-un-vif-debat
    #restitution #colonisation #colonialisme #Egypte

    ping @reka @cede

  • Un long reportage illustré (à lire sur le site du Monde pour accéder à toutes les photos) qui rend bien compte des spécificités de la justice (post-)coloniale, jusqu’à nos jours, en Polynésie française. L’auteur minore cependant les violences, a minima symboliques, liées à l’entrée en vigueur d’un système juridique importé.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/17/en-polynesie-des-magistrats-nomades-apportent-un-peu-de-republique-au-bout-d

    En Polynésie, des magistrats nomades apportent un peu de République au bout du monde
    Par Franck Johannès, 17 mars 2023 à 05h30, mis à jour à 10h42

    Dans l’archipel, seules trois des cent dix-huit îles disposent de tribunaux. Pour les autres, des « juges forains » passent tous les deux ou trois ans pour trancher les litiges ou prononcer les divorces. Sur place, l’attente est forte, le choc culturel aussi.

    Ils sont déjà tous là, parfois depuis des heures. Des femmes avec une couronne de fleurs sur le chapeau et un éventail à la main, des hommes en bermuda, taillés comme des rugbymen des Fidji mais un peu intimidés, des vieux qui devisent à voix basse, à patienter dans la moiteur de la grande salle de la mairie. Ils ont lu depuis des jours l’affichette placardée à l’entrée, en français et en tahitien : « Avis à la population : la justice foraine informe qu’une mission est programmée sur l’île de Rurutu les mercredi 22, jeudi 23 et vendredi 24 février. » L’attente est forte : la dernière fois que la justice a débarqué sur l’île, c’était en 2021, et il faudra attendre de nouveau deux ans pour la revoir.

    Le juge forain qui descend de l’avion, c’est lui : Gérard Joly, 62 ans, les traits un peu tirés après s’être levé à 4 heures du matin à Tahiti, pour les trois journées d’audience, de douze heures chacune, prévues dans cette île perdue au milieu du Pacifique. Suivi par Christophe Lai Kui Hun, son fidèle greffier, qui traîne une pile de dossiers et une imprimante dans une glacière, et par Teana Gooding, l’interprète, qui rit encore plus souvent qu’elle ne parle.

    Un juge forain n’est pas un juge qui fait la foire ; c’est un juge nomade qui tient audience dans une île qui n’a pas de tribunal. C’est-à-dire, en Polynésie, toutes les 118 îles, sauf trois, dont Tahiti – le mot « forain » désigne à l’origine celui qui exerce son activité dans les marchés et les foires, et ce magistrat du bout du monde apporte avec lui un peu de la République, non sans difficulté. Gérard Joly, qui a été juge des enfants en métropole pendant dix-huit ans, a été affecté en Polynésie en septembre 2006, préside le tribunal du travail (les prud’hommes) à Papeete, et est aussi chargé de la justice foraine depuis sept ans.

    Rurutu est son dernier voyage. La tâche est passionnante mais épuisante. Il s’agit d’organiser des tournées pour desservir des archipels noyés dans une surface grande comme l’Europe, soit par des vols réguliers lorsqu’ils existent, comme à Rurutu, à un peu moins de 600 kilomètres de Tahiti ; soit par un vol privé avec les services administratifs de la Polynésie française ; soit encore par catamaran, sur un océan souvent houleux, pour aborder quatre ou cinq îles d’un coup en une semaine. Les îles Tuamotu, qui voyaient auparavant un juge tous les dix ans, peuvent espérer désormais faire trancher leurs litiges tous les trois à cinq ans. Aller jusqu’au tribunal de Papeete est, pour les habitants de ces îles, financièrement hors de question.

    « Vous avez tous le même nom ? »

    Des litiges, il y en a de plus en plus, et un juge forain unique, à l’évidence, ne suffit pas : il y avait, dans les archipels des Australes, des Tuamotu et des Gambier, 28 affaires foncières à juger en 2012, contre 101 en 2022, avec un stock de 261 cas encore à traiter. On comptait 65 dossiers aux affaires familiales en 2012, et 182 dix ans plus tard, sans compter les commissions rogatoires d’un juge de Papeete à exécuter, et les 123 affaires de délinquance à examiner sur place. Le juge forain est ainsi juge foncier, juge pénal, juge des affaires familiales, il prononce ici un divorce, là une adoption, voire un changement de sexe, et il a intérêt à avoir un solide greffier pour tenir les procédures – c’est le cas.

    Gérard Joly passe désormais le témoin à Laetitia Ellul, fine spécialiste du droit foncier. « Je suis le juge forain, les gens pensent que je m’appelle Forain ! s’amuse le magistrat. Et quand je dis que c’est maintenant Laetitia le juge forain, on me dit : “Ah bon ? Vous avez tous le même nom ?” » Dans le doute, tout le monde l’appelle Gérard.

    Le problème majeur, à Rurutu, ce sont les « affaires de terre », la propriété foncière. Cette île des Australes a en effet été un peu oubliée par la France. Le petit royaume est tombé sous protectorat français en 1889, avant d’être annexé en 1900. « Les lois françaises sont trop compliquées pour vous, vous ne pourriez pas les comprendre, avait paternellement assuré le gouverneur lors de l’annexion. Gardez vos lois et restez les chefs de vos îles. » Ainsi, pour l’administration coloniale, il ne s’est rien passé à Rurutu avant 1946, où la loi française s’est appliquée lorsque la Polynésie est devenue un territoire d’outre-mer.

    Sur l’île, on produit alors un café renommé, un peu de coprah, les femmes tissent la fibre de pandan pour en faire une vannerie réputée, les hommes pêchent et cultivent le taro, un tubercule qui tient à la fois de la pomme de terre et du navet. Sans se douter un instant qu’ils sont sur des terres qui ne leur appartiennent pas, faute du moindre titre de propriété. Arrive alors, au début des années 1950, Eric de Bisschop, un navigateur français, ancien consul pétainiste à Honolulu, mais qui a eu la bonne fortune d’épouser la fille d’un chef influent à Rurutu. La France le charge d’établir le cadastre de l’île, tâche immense dont il s’est fort bien acquitté jusqu’en 1953 (avant de périr sottement en mer, en 1958).

    Les surprises du cadastre

    Bisschop, improvisé géomètre, a fait noter, après de longues palabres, les noms et les ascendants des occupants des terres, de leurs voisins, de témoins, dans chaque parcelle, et a établi des « procès-verbaux de bornage », aujourd’hui précieux puisque ce sont les seules pièces officielles sur lesquelles s’appuyer. Le cadastre existe donc, mais toujours pas les titres de propriété, et les habitants de Rurutu ont découvert avec surprise que le champ de taro qu’ils cultivaient depuis trois générations ne leur appartenait pas : toutes les terres sont, par défaut, la propriété de l’Etat, et aujourd’hui de la Polynésie française. Il s’agit désormais de les redistribuer. Ce n’est pas une mince affaire.

    Une loi du territoire, qui court jusqu’en 2025, autorise cette redistribution : l’habitant de Rurutu qui s’estime propriétaire fait une déclaration auprès de la direction des affaires foncières, à Papeete, en justifiant, grâce aux fameux procès-verbaux de bornage, que sa famille y vit depuis des générations – Gérard Joly n’est pas pour rien dans la mise en œuvre, au fil des années, de cette jurisprudence. On vérifie sur place : si c’est bien le cas, la terre est au requérant ; si la propriété est contestée, l’affaire est renvoyée devant le tribunal, qui tranche l’imbroglio du supposé ayant droit. Pour pimenter la chose, les terres sont en indivision, et il faut ensuite départager les dizaines de lointains cousins qui ont un ancêtre commun mentionné sur le procès-verbal de bornage…

    Les affaires de terre mobilisent ainsi l’essentiel de la justice foraine. La nouvelle présidente, Laetitia Ellul, ouvre l’audience, et explique qu’elle remplace Gérard, lequel papote avec de vieilles connaissances. Elle siège, en civil, à côté du greffier, derrière une table recouverte d’une grande nappe rouge et or dans la salle de la mairie, où des ventilateurs s’efforcent de faire croire qu’ils apportent un peu de fraîcheur. Ambiance bon enfant, un peu surprenante : la juge tutoie les demandeurs. « Oui, c’est étrange vu de Paris, explique Gérard Joly, mais en tahitien le “vous” n’existe pas. Lorsqu’on vouvoie quelqu’un, il se demande à qui d’autre on s’adresse. Et le vouvoiement est vécu comme une distance affichée par les popa’a, les Blancs. On s’y fait, finalement. »

    L’ancien maire de Rurutu, Taratiera Tepa, revendique trois parcelles. Il a fait venir ses témoins, qui décrivent minutieusement les terrains et ce qui pousse dessus, assurent qu’il n’y a que la famille de l’ancien maire qui l’occupe. La présidente Ellul, procès-verbal de bornage dans une main, cadastre dans l’autre, instruit le dossier, fait noter les déclarations. Elle ira le lendemain sur place, grimper dans la montagne et patauger dans les ruisseaux, pour faire un PV de constat, évaluer l’âge des bananiers ou des avocatiers qu’on dit avoir été plantés par un ancêtre – car « la propriété se prouve par tout moyen », énonce le code civil. Chaque partie devrait ensuite résumer ses arguments par écrit, et le tribunal foncier de Papeete, où elle siège, tranchera. « Moi, je me débrouille tout seul, sans avocat, dit Taratiera Tepa, mais c’est long et compliqué, et ça coûte cher, il faut aller à Papeete. L’administration devrait prendre en charge les frais, ce n’est pas normal que ce soit la population qui supporte ça pour récupérer sa terre. »

    Justiciables intimidés

    Les dossiers se succèdent et se ressemblent, sous l’œil imperturbable de Pito, le policier municipal, un géant qui assure le service d’ordre et est aussi chauffeur et pourvoyeur de café. « Est-ce qu’on doit évacuer ma tante handicapée qui vit là depuis trente ans ? », s’indigne un demandeur. Laetitia Ellul le rassure : « Je ne pense pas que le haut-commissaire fasse intervenir la police pour chasser madame. On est en pleine phase d’instruction, chacun doit dire ce qu’il pense, et après je conclurai le dossier. » Teana, l’interprète, traduit le plus simplement possible le jargon juridique ; c’est difficile, d’autant que le rurutu n’est pas tout à fait du tahitien. « Ici, ils n’ont pas les “f” et les “h”, explique la jeune femme, et souvent cela ressemble à du vieux tahitien. » Christophe, le greffier polynésien, intervient souvent pour expliquer un point obscur ou rappeler que « l’audience, c’est le moment privilégié pour parler avec le juge » – il est souvent plus facile de ne pas s’adresser directement au magistrat, même si Laetitia déploie des trésors de patience et de pédagogie.

    Le choc culturel est tout de même violent. « La langue de la République est le français », dit la Constitution, mais personne sur l’île ne pense sérieusement que Rurutu soit la France, même si ses habitants en ont la nationalité. Et la culture locale est de tradition orale, alors que la procédure française multiplie les écrits, les requêtes, les conclusions. Le code civil polynésien a certes été profondément aménagé, mais « il s’agit d’une justice étrangère, a relevé Natacha Gagné, ethnologue à l’université Laval de Québec, qui a enquêté sur place : c’est celle des farani [les Français], c’est-à-dire la justice du colonisateur », qui engendre « des rapports fortement asymétriques » intimidant nécessairement les justiciables, et « sources de malaise ».

    C’est encore plus vrai pour la justice pénale, parfaitement conforme au droit de la métropole – et la mairie ressemble cette fois à un tribunal. Gérard Joly prend l’audience, en robe, pour la journée, avec deux assesseurs. Deux avocats commis d’office sont venus de Papeete avec une envoyée impromptue du parquet général, qui remplace l’habituelle magistrate, rompue, elle, aux coutumes des îles. On juge Edwin R., trésorier de l’Eglise protestante locale, qui a subtilisé 10 millions de francs Pacifique (CFP, soit 84 000 euros) en dix-neuf ans. L’Eglise ne s’est pas portée partie civile et fait son possible « pour qu’on ne mette pas son nez dans ses affaires », constate le juge. L’affaire est confuse, et le prévenu, qui assure qu’il rembourse 10 000 CFP par mois, est bien incapable de le prouver, son avocat n’ayant même pas pensé à lui demander des traces de chèques ou de virements. Le ministère public réclame une peine de six mois avec sursis : il prend un an avec sursis et 150 000 CFP d’amende.

    Dans la seconde affaire, Tibere M. a agressé sexuellement l’infirmière venue soigner sa vieille maman, et la soignante a porté plainte. Le parquet réclame son incarcération à Tahiti – il n’y a pas de prison à Rurutu – et de six à huit mois ferme ; il est finalement condamné à deux ans avec sursis et obligation de soins – obligation assez formelle, même si un psychologue passe de temps à autre sur l’île. En juge unique pour des affaires moins lourdes, le président Joly examine quatorze autres dossiers : bagarres, violences intrafamiliales pour la plupart, conduite en état d’ivresse, problèmes tumultueux de voisinage… Il distribue des mois de prison avec sursis, de petites amendes et, autant que possible, des travaux d’intérêt général – sur l’île, le choix des peines est nécessairement limité.

    « Difficultés du dialogue »

    Les prévenus parlent peu, et le tribunal a le plus grand mal à obtenir des réponses, mais ils ne mentent guère, ou très rarement, et avouent parfois, en passant, d’autres infractions que celle pour laquelle on les juge. Gérard Joly, plus bonhomme que jamais, s’adresse à eux très simplement, presque amicalement, pour casser un peu la solennité du tribunal. Mais, résume Natacha Gagné, « les silences et les difficultés du dialogue soulignent l’énorme contradiction entre le statut de l’audience comme moyen d’expression et d’écoute, et la réalité du rapport à l’Etat dans la pratique ».

    Pourtant, on l’aime bien, le juge forain, dans les îles. « Gérard, il me manque déjà, déclare en souriant Teana, l’interprète. Il met les gens à l’aise, il plaisante beaucoup, il est là tout le temps, toujours prêt pour un conseil et pour rendre service. » Le juge saute le repas de midi et reste dans la mairie. On vient lui demander comment adopter, comment divorcer, quels papiers il faut, et il n’hésite jamais à proposer une « requête verbale », que permet le code. Un couple débarque sans rendez-vous et veut divorcer par consentement mutuel : il dicte la requête au greffier, la requête est faite sans avocat, sans huissier, sans notaire, et sera prononcée à Papeete après avis du parquet, en quelques semaines.

    Une femme hésite un instant avant d’aller le voir ; c’est un raerae, une personne trans. Ce n’est pas rare en Polynésie, où la tolérance est grande sur la transidentité, même si ce n’est pas toujours simple pour autant. Elle suit un traitement depuis longtemps déjà, et veut changer d’état civil. Le juge prend la requête, un jeu de photos d’elle en robe qu’elle a apporté, pour convaincre le parquet, à Papeete, qui doit donner son avis. L’affaire ne devrait pas poser de difficulté.

    La juge Ellul, pendant ce temps, reçoit Heiroa, 37 ans, un grand gaillard parachutiste de Tarbes, venu rendre visite à son Omer, son père adoptif de Rurutu. C’est son papa fa’a’mu (quelque chose comme « pour nourrir », en français), une vieille coutume polynésienne, qui permet à des parents de confier leur enfant à des parents nourriciers, plus ou moins proches, en conservant des liens avec lui. Omer a obtenu de la justice française en 1988 une délégation d’autorité parentale, et veut désormais adopter le petit, qui est nettement plus grand que lui. « Je voulais qu’il porte mon nom, dit Omer, ravi, une fleur de tiaré derrière l’oreille. Et puis, pour la succession, c’est bien. J’aurais pu faire un testament, mais qui peut toujours être contesté. » Heiroa grommelle qu’un testament aurait bien suffi, mais il devient héritier à la fois de sa famille biologique et de sa famille d’adoption : bonne affaire, d’autant qu’Omer a « pas mal de terres ». Heiroa est majeur, Omer n’a pas d’autres enfants, l’adoption est une formalité. Le papa est parti avec son nouveau fils, un sourire radieux, de la lumière dans les yeux, et le sourire ému de la juge.

    A la nuit tombée, les deux magistrats sirotent une bière dans la pension qui les héberge, en faisant le point sur les dossiers. « C’est crevant, on n’arrête pas, mais on se sent utile, dit avec le sourire Laetitia Ellul. On se dit qu’on a vraiment aidé les gens, et que ça valait le coup. » Le lendemain, à l’aéroport, des plaignants leur déposent in extremis les pièces qu’ils n’ont pu fournir la veille. Parce que les magistrats du bout du monde ne reviendront pas avant deux ans.❞

    #Polynésie #justice #colonisation #post-colonialisme #cadastre #droit #magistrature

  • Introduction : Guide du Rouen colonial et des communes proches

    Les noms des rues, des places, des boulevards, des quais, des écoles, des collèges et des lycées, les statues, les monuments, notre environnement quotidien, sont les marques accumulées d’une histoire qui nous est contée. Cette histoire, ces marques ne sont pas neutres. Elles honorent, elles célèbrent, elles rendent hommage, elles mettent en avant les vainqueurs, ceux qui ont réussi, bien plus souvent les dominants que les résistantes et les résistants, que celles et ceux qui ont combattu les injustices, les inégalités et les différentes formes d’oppression.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/03/02/introduction-guide-du-rouen-colonial-et-des-co

    #colonisation #rouen

  • Un drapeau planté dans le sable : les femmes sahraouies construisent la souveraineté

    Une vidéo montre la vie quotidienne et les histoires de femmes vivant dans un camp de réfugiés sahraouis en Algérie

    Le 18 février, des femmes du monde entier manifestent en solidarité avec les femmes sahraouies. Le peuple du Sahara occidental se bat pour l’autodétermination depuis près d’un demi-siècle. Les femmes font partie de cette lutte permanente et infatigable. En 1975, elles ont fait face à l’occupation violente de leur territoire par le Maroc et, depuis lors, elles construisent avec leur travail quotidien les conditions de possibilité de vie et de lutte dans chacune des régions qu’elles habitent.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/02/21/un-drapeau-plante-dans-le-sable-les-femmes-sah

    #international #sahraoui #colonisation

  • Kanaky Dawany !

    Très cher(e)s lecteurs(trices) de La Voix de Kanaky,

    Pour tous, quelque soit notre lieu de vie dans les tribus, dans les quartiers, les villages, le monde, que ce début d’année s’amorce dans un mouvement imprégné d’esprit de force et de courage, l’équipe de La Voix de Kanaky vous adresse ses meilleurs vœux :

    que la santé, l’amour, la bienveillance, l’indulgence, la sagesse, l’écoute et la sérénité soient nos alliés ;

    que l’esprit de responsabilité résonne en nous face aux comportements abusifs qui nous détruisent à petit feu comme l’alcool, la malbouffe, l’isolement de nos vieux, les violences faites aux femmes, la maltraitance de nos enfants, l’exclusion de nos frères. Utilisons nos forces et nos énergies de façon positive et bienveillante ;

    que nous soyons de bons exemples en adoptant une attitude responsable et irréprochable dans tous les espaces où nous sommes présents ;

    que notre parole soit impeccable et nos discours constructifs ;

    que l’esprit de création et d’initiative germe et fleurisse sur tout notre pays pour nous animer de confiance et de solidarité, et ainsi consolider les attaches et renforcer les liens.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/02/14/kanaky-dawany

    #international #kanaky #colonisation