• #Recherche : les tours de #passe-passe d’#Emmanuel_Macron

    Le chef de l’Etat s’est targué d’un #bilan flatteur en matière d’investissement pour le monde de la recherche, en omettant des #indicateurs inquiétants et des promesses non tenues, tout en vantant une #concurrence délétère.

    Devant un parterre de plusieurs centaines de scientifiques, le 7 décembre, à l’Elysée, le président de la République, Emmanuel Macron, était à l’aise, volontaire, et « en compagnonnage » avec la communauté académique, comme il l’a confessé. Mais c’est moins en passionné de science qu’en magicien qu’il s’est en fait comporté, escamotant ce qui ne rentrait pas dans son cadre, multipliant les tours de passe-passe, sortant quelques lapins du chapeau, pour aboutir à transformer les flatteries adressées à son auditoire en cinglantes critiques. Au point de faire « oublier » un autre discours célèbre, celui de Nicolas Sarkozy en janvier 2009, qui avait lâché : « Un chercheur français publie de 30 % à 50 % en moins qu’un chercheur britannique. (…) Evidemment, si l’on ne veut pas voir cela, je vous remercie d’être venu, il y a de la lumière, c’est chauffé… »

    Premier tour de magie classique, celui de l’embellissement du bilan. Comme une baguette magique, son arrivée en 2017 aurait mis fin à des années de « #désinvestissement_massif ». Sauf que cela ne se voit pas dans le critère habituel de la part du PIB consacrée en recherche et développement (R&D), qui est restée stable depuis le début du premier quinquennat, à 2,2 %. Les estimations indiquent même une baisse à 2,18 % pour 2022.

    Cela ne se voit pas non plus dans la part des #publications nationales dans le total mondial, dont il a rappelé qu’elle a baissé, sans dire qu’elle continue de le faire malgré ses efforts. Même les annexes au projet de loi de finances pour 2024 prévoient que cela va continuer. Pire, côté bilan, compte tenu de l’inflation, la « magique » #loi_de_programmation_de_la_recherche de 2020 donne en fait des #moyens en baisse aux #laboratoires l’an prochain.

    Avec plus de « réussite », le président de la République a littéralement fait disparaître du paysage 7 milliards d’euros. Il s’agit de l’enveloppe, dont se prive volontairement l’Etat chaque année, pour soutenir la recherche et développement des entreprises – le #crédit_d’impôt_recherche – sans résultat macroéconomique. La part des dépenses de #R&D des #entreprises ne suit pas la progression du crédit d’impôt recherche. Mais il n’est toujours pas question d’interroger l’#efficacité du dispositif, absent de l’allocution, comme celle des mesures sur l’#innovation, le 11 décembre à Toulouse.

    Autre rituel classique des discours, faire oublier les précédents. Le chef de l’Etat l’a tenté à deux reprises sur des thèmes centraux de son argumentaire : l’#évaluation et la #simplification. Dans son allocution de 2023, il regrette qu’en France « on ne tire toujours pas assez conséquence des évaluations », quand en novembre 2019, pour les 80 ans du CNRS, il critiquait « un système mou sans conséquence ». Entre ces deux temps forts, il a nommé à la tête de l’agence chargée des évaluations son propre conseiller recherche, #Thierry_Coulhon, qui n’a donc pas réussi à « durcir » l’évaluation, mais a été nommé à la tête du comité exécutif de l’Institut polytechnique de Paris.

    Il y a quatre ans, Emmanuel Macron promettait également la « simplification », et obtenu… le contraire. Les choses ont empiré, au point qu’un rapport publié en novembre du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur enjoint au CNRS de lancer une « opération commando » pour régler des #problèmes_administratifs, qu’un médaillé d’argent, ulcéré, renvoie sa médaille, et que le conseil scientifique du #CNRS dénonce les « #entraves_administratives ».

    #Violence_symbolique

    L’#échec de la #promesse de simplifier pointe aussi lorsqu’on fait les comptes des « #annonces » concernant le « #pilotage » du système. Emmanuel Macron a prévu pas moins de cinq pilotes dans l’avion : lui-même, assisté d’un « #conseil_présidentiel_de_la_science » ; le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; le « ministère bis » qu’est le secrétariat général à l’investissement, qui distribue des milliards jusqu’en 2030 sur des thématiques pour la plupart décidées à l’Elysée ; auxquels s’ajoutent les organismes de recherche qui doivent se transformer en « #agences_de_programmes » et définir aussi des stratégies.

    Au passage, simplification oblige sans doute, le thème « climat, biodiversité et société durable » est confié au CNRS « en lien naturellement avec l’#Ifremer [Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer] pour les océans, avec l’#IRD [Institut de recherche pour le développement] pour le développement durable » ; enfin, dernier pilote, les #universités, qui localement géreront les personnels employés souvent par d’autres acteurs.

    Finalement, le principal escamotage du magicien élyséen consiste à avoir parlé pendant une heure de recherche, mais pas de celles et ceux qui la font. Ah si, il a beaucoup été question des « meilleurs », des « gens très bons », « des équipes d’excellence » . Les autres apprécieront. Le Président promet même de « laisser toute la #liberté_académique aux meilleurs », sous-entendant que ceux qui ne sont pas meilleurs n’auront pas cette liberté.

    Cette #invisibilisation et cette #privation_de_droits d’une bonne partie des personnels fonctionnaires sont d’une rare violence symbolique pour des gens qui, comme dans d’autres services publics, aspirent à bien faire leur métier et avoir les moyens de l’exercer. Ces derniers savent aussi, parfois dans leur chair, quels effets délétères peuvent avoir ces obsessions pour la #compétition permanente aux postes et aux moyens. Et accessoirement combien elle est source de la #complexité que le chef de l’Etat voudrait simplifier.

    La « #révolution », terme employé dans ce discours, serait évidemment moins d’accélérer dans cette direction que d’interroger ce système dont on attend encore les preuves de l’#efficacité, autrement que par les témoignages de ceux qui en bénéficient.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/21/recherche-les-tours-de-passe-passe-du-president-macron_6207095_3232.html
    #ESR #Macron #France #université #facs

  • « Guerres culturelles » : les #sciences_sociales sont prises pour cibles du #Brésil à la #Pologne

    En Amérique du Sud ou en Europe, les universitaires qui travaillent dans des champs attaqués par les conservateurs, comme les #études_de_genre, se retrouvent en première ligne. Parmi eux, la Brésilienne #Marcia_Tiburi, exilée en France, qui juge, malgré tout, nécessaire « de construire une #culture_du_dialogue avec les différences ».

    Comment parler à un fasciste ? C’est le titre, surprenant à première vue, qu’a donné l’universitaire brésilienne Marcia Tiburi à l’un de ses nombreux ouvrages. Un titre bien optimiste puisque de #dialogue, il n’en a pas été question : à partir de la publication de ce livre en 2015, elle a été la cible d’une campagne de #dénigrement et de #violences menée par l’#extrême_droite.

    Cette artiste, universitaire, féministe, engagée en politique avec le Parti des travailleurs (PT) – et qui avait dénoncé le coup d’État contre Dilma Roussef en 2016 – a même dû quitter son pays en 2018, juste avant l’arrivée au pouvoir du funeste Jair #Bolsonaro.

    C’est qu’elle s’était lancée, quelques semaines avant, dans la campagne pour le poste de gouverneure de Rio de Janeiro, « avec l’espoir que tout allait changer ». « J’ai conduit un véhicule blindé pendant la campagne, mais quand le PT a perdu, il n’y avait plus moyen de continuer dans le pays, car il n’y avait plus d’espoir. »

    Elle a été harcelée à l’université, a subi des #accusations calomnieuses. « En 2018, j’ai été victime d’une #embuscade_médiatique dans une station de radio où je donnais une interview. Un groupe fasciste appelé #MBL [#Mouvement_Brésil_libre], financé par des hommes d’affaires nationaux et internationaux, a envahi l’espace où je donnais une interview avec des téléphones connectés pour filmer ma réaction. Je suis partie, mais le lendemain, une campagne de #diffamation, avec de fausses nouvelles, des vidéos et affiches numériques a été lancée contre moi et se poursuit jusqu’à aujourd’hui », explique-t-elle.

    Elle vit désormais en France. Elle a été accueillie par l’université Paris VIII et a obtenu une bourse dans le cadre du programme #Pause (#Programme_national_d’accueil_en_urgence_des_scientifiques_en_exil), après un passage par les États-Unis dans une institution protégeant les écrivains persécutés.

    Le Brésil peut être vu comme un laboratoire de malheur, la vitrine des dégâts que la #politique_de_haine mise en œuvre aujourd’hui par l’extrême droite et relayée par la puissance des réseaux sociaux et des médias de masse peut causer à l’un des piliers de la démocratie, la #liberté_académique (lire ici son analyse publiée par l’Iris).

    De l’expérience de Marcia Tiburi, on retient aussi que dans ces « #guerres_culturelles », les universitaires se retrouvent en première ligne. En particulier ceux qui, comme elle, travaillent dans les sciences sociales et dans des champs pris pour cibles par les conservateurs, en particulier les études de genre.

    « Il s’agit d’une #offensive_néolibérale, juge-t-elle. Le cas du Brésil montre clairement que le #fascisme a été déployé comme une #technologie_politique au service du #néolibéralisme. Bolsonaro n’est qu’un épouvantail dans la #plantation_coloniale (malheureusement, mon pays a encore toutes les caractéristiques d’une #colonie), son but et son rôle sont de maintenir les gens hypnotisés et effrayés. »

    À des milliers de kilomètres du Brésil (où le gouvernement coupe dans les fonds destinés à la philosophie pour les réorienter vers les sciences dures jugées plus « utiles »), le continent européen n’est pas épargné. En #Pologne, en #Hongrie ou en #Italie, des chercheuses et des chercheurs sont victimes de cette offensive contre la liberté académique de la part de pouvoirs qui cherchent à imposer leur vision des sciences.

    À #Vérone, petite ville italienne célèbre pour la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette, #Massimo_Prearo, qui travaille sur la #sociologie politique du genre et de la #sexualité, s’est retrouvé dans une tempête médiatique et politique pour avoir voulu organiser en 2018 une journée d’études intitulée « Demandeurs d’asile, orientation sexuelle et identité de genre ».

    La Ligue du Nord de Matteo Salvini venait d’accéder au pouvoir dans un gouvernement de coalition avec le Mouvement Cinq Étoiles. « Il y a eu une réaction très forte de la droite et de l’extrême droite qui s’opposaient à ce que ce sujet soit abordé à l’université, nous accusant d’utiliser des arguments idéologiques et non universitaires, et de vouloir imposer la dictature des études de genre et des questions #LGBT », explique Massimo Prearo.

    Plus inquiétant encore, à l’époque, le président de l’université avait cédé à cette pression en décidant de suspendre le colloque, au motif qu’il existait des risques pour les participants. Finalement, la mobilisation, qui s’est traduite par des manifestations et une pétition internationale, a payé : le président est revenu sur sa décision.

    Depuis 2013, les études de genre sont en Italie dans le viseur du camp conservateur. Si cette année-là est un tournant, c’est que trois projets de loi présentés par le gouvernement de centre-gauche sont alors débattus au Parlement : un légalisant le mariage entre personnes de même sexe, un contre l’homophobie et un dernier ouvrant la voie au financement des études de genre à l’école.

    Tous trois déclenchent d’intenses débats dans la société italienne, qui mettent au premier plan les chercheurs dont ces sujets sont la spécialité.

    « En raison de la traduction politique du travail que nous effectuions depuis des années, nous avons été accusés par ceux qui s’opposaient à ces projets de loi de les avoir promus. Nous avons également été accusés de profiter de l’argent public pour promouvoir des lois qui divisent la société », témoigne Massimo Prearo.

    Bref, les concepts circulent, mais lorsqu’ils quittent l’espace académique pour la sphère publique, les chercheurs sont pris à partie et finissent par trinquer. On leur reproche de manquer d’#objectivité ou de verser dans l’#idéologie – l’idéologie étant le discours de l’autre lorsqu’il s’agit de le disqualifier. Avant les études de genre, ce sont les #études_féministes qui avaient dû subir ce type d’attaques dans les années 1990, explique Massimo Prearo.

    « Pas d’autre moyen que de construire une culture du dialogue avec les différences »

    Plus au nord, en Pologne, les études de genre ou les droits des LGBT+ sont également ciblés par le gouvernement du parti Droit et justice (PiS), qui cherche non seulement à imposer sa vision de l’histoire mais aussi, plus largement, à dicter ses vues sur les sciences sociales, au nom d’un #intégrisme_catholique. Comme l’explique un universitaire polonais qui a requis l’anonymat de peur des représailles, la chose s’est faite en deux temps : le pouvoir polonais a commencé par fusionner le ministère de l’éducation et celui des sciences et de l’enseignement supérieur.

    Puis, sous l’égide de ce super-ministère, un nouveau système d’évaluation scientifique des universitaires a été mis en place, reposant sur un système à points. Dans la liste des publications auxquelles seraient attribués des points, ont subitement surgi « plus de 70 nouvelles revues catholiques qui ne répondent pas aux normes des #revues universitaires » et auxquelles sont accordés « plus de points que de nombreuses autres revues réellement universitaires ». « Puisque nous vivons et travaillons dans le système “publier ou périr”, et que nous sommes évalués sur la base des points obtenus par les publications, la conclusion est évidente. Sur la base de cette évaluation, nous pouvons/ne pouvons pas être licenciés ou nous pouvons/ne pouvons pas être promus au rang de docteur ou de professeur. »

    Un « #agenda_catholique_fondamentaliste » est donc à l’ordre du jour, sous la houlette du super-ministre Przemysław #Czarnek. « Il a initié les changements dans les programmes et les livres scolaires, en effaçant les figures et les événements historiques qui ne correspondent pas à la “politique historique” promue par le ministère de la justice (c’est-à-dire en effaçant ou en diminuant le rôle de #Lech_Walesa dans le processus de rupture du système communiste en Pologne) », explique ce chercheur.

    Par ailleurs, les « #créationnistes », qui croient que leur Dieu est à l’origine de l’univers, ont porte ouverte et l’#éducation_sexuelle est interdite dans les écoles. Pour couronner le tout, à l’université, une nouvelle discipline scientifique a été introduite : la #science_de_la_famille !

    Pour ce chercheur polonais, l’objectif est tout simplement de « détruire ou de discréditer l’#élite_universitaire, les #intellectuels, qui représentent le groupe d’opposition le plus dangereux ».

    Alors que faire ? Dans son ouvrage de 2015 (Comment parler avec un fasciste ?, paru aux éditions Record en portugais, trois ans plus tard, en espagnol chez Akal, et qui paraîtra en anglais cet été), extrêmement stimulant pour ceux qui tentent de se débarrasser du spleen qui nous assaille, Marcia Tiburi plaide pour une #politique_de_l’amour face aux campagnes de #haine, relayées par les #réseaux_sociaux.

    Prenant pour cible le fascisme qui revient, recyclé par un néolibéralisme aux abois, elle espère l’avènement d’un dialogue véritable, à l’opposé des débats de confrontation qui ont essaimé sur les écrans de médias hystérisés ; un dialogue véritable qui nous permette d’écouter l’autre, car, dit-elle, « le dialogue est une aventure dans l’inconnu ».

    « De la possibilité de perforer le blindage fasciste au moyen du dialogue dépend notre survie comme citoyen », explique-t-elle. Il est aussi beaucoup question, dans son ouvrage, des réseaux sociaux et des médias tels que Fox News qui se nourrissent du ressentiment et en ont fait un fonds de commerce.

    Alors, quelle n’a pas été sa stupeur lorsque Marcia Tiburi a vu dans son pays d’accueil les attaques menées contre l’université par des ministres français, celui de l’éducation nationale Jean-Michel #Blanquer et celle des universités Frédérique #Vidal. « J’ai vraiment #peur, dit-elle, parce que la France, où je suis accueillie et envers laquelle j’éprouve la plus profonde gratitude et le plus grand respect pour le monde universitaire, ne peut pas être victime de ce genre de #mystification et de #populisme. J’ai perçu [les attaques de Blanquer et Vidal] comme un manque total de #respect, une #violence_symbolique et un #abus_épistémologique contre les professeurs et toute la communauté académique. »

    Pour #Eric_Fassin, professeur à l’université Paris VIII au département de science politique et à celui des études de genre, même s’il faut se garder de généraliser en rapprochant des situations qui présentent des niveaux de gravité différents, « il n’y a plus d’un coté les pays où l’on est protégé et d’un autre côté ceux où l’on serait exposé ». Pointant « l’#anti-intellectualisme des régimes néolibéraux », il estime qu’« on n’est plus sûr de qui est à l’abri et pour combien de temps ». « C’est relativement nouveau », souligne-t-il, en jugeant indispensable « une #internationalisation_de_la_solidarité ».

    Depuis 2015, Marcia Tiburi a écrit trois autres essais sur le Brésil, dont Ridicule politique (2017) et Le Délire du pouvoir (2019). On l’interroge sur l’ironie de son titre Comment parler avec un fasciste ?, au vu de sa situation actuelle. « L’échec nous appartient à tous, répond-elle. Mais je ne vois pas d’autre moyen que de construire une culture du dialogue avec les différences. C’est la façon de soutenir les droits fondamentaux. »

    Dans un laboratoire, on mène toutes sortes d’expériences. Certaines réussissent, d’autres non. Dans celui du Brésil, il faut espérer que Jair Bolsonaro échoue. Et que Marcia Tiburi réussisse.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/130321/guerres-culturelles-les-sciences-sociales-sont-prises-pour-cibles-du-bresi
    #université #solidarité

    ping @isskein @karine4

  • « Thomas B. professeur harcèle et agresse vos élèves » : une figure de la gauche intellectuelle mise en cause à l’#Université_de_Paris

    Une dizaine d’élèves ont contacté « Le Monde » pour accuser #Thomas_Branthôme, maître de conférences en histoire du droit. Provisoirement suspendu, il dément toute forme de harcèlement ou d’#abus.

    Le collage en lettres majuscules à la peinture noire, typique des collectifs féministes, s’est étalé le 21 novembre sur les fenêtres des anciens locaux de l’Ecole nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae) à Malakoff (Hauts-de-Seine), en face du campus de droit de l’Université de Paris : « Thomas B. professeur harcèle et agresse vos élèves », suivi d’un « Harceler ≠ enseigner » (« harceler n’est pas enseigner »). Derrière ce prénom et cette initiale, Thomas Branthôme, maître de conférences en histoire du droit qui enseigne dans cette université depuis 2014.


    Une dizaine d’élèves du même campus ont également contacté Le Monde pour mettre en cause l’enseignant. D’autres nous ont été signalées par une association féministe du campus et le collectif de colleuses L’Amazone. Des jeunes femmes de Sciences Po Paris et de l’université d’Evry nous ont aussi confié leur récit. Toutes font état de pratiques qu’elles ont ressenties comme du harcèlement sexuel, voire, dans au moins un cas, comme une agression sexuelle. Plusieurs ont alerté les autorités universitaires, qui sont en train d’instruire le dossier en vue d’une procédure disciplinaire. Aucune n’a saisi la justice pour l’heure. L’enseignant, de son côté, dément toute forme de harcèlement ou d’abus.
    « De plus en plus vulgaire »

    A 38 ans, Thomas Branthôme est un spécialiste de l’histoire de la République, un intellectuel reconnu, régulièrement invité lors des universités d’été de La France insoumise, de la Gauche républicaine et socialiste – le parti de l’ancien membre du Parti socialiste Emmanuel Maurel. On le retrouve également dans la mouvance du média en ligne Le vent se lève et au comité scientifique du think tank Institut Rousseau. Dans toutes les universités où il a donné des cours, M. Branthôme connaît un vrai engouement de la part des jeunes, qui se pressent à ses cours.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/12/09/harcelement-sexuel-une-figure-montante-de-la-gauche-intellectuelle-mise-en-c
    #France #harcèlement_sexuel #université #facs #grands_hommes #ESR

    #paywall

    –—

    Ajouté à la métaliste dédiée à harcèlement sexuel dans les universités :
    https://seenthis.net/messages/863594

    • Les garçons innocents et l’obsédé coupable

      Les propos orduriers et les comportements graves et inadmissibles à l’égard d’étudiantes de Thomas Branthôme, MCF en histoire du droit, ont été très récemment exposés par Sylvia Zappi dans Le Monde. Ils ont suscité beaucoup de réactions. Ce qui nous inquiète, c’est à quel point les réactions se focalisent sur son #vocabulaire et ses #expressions_grossières, plus que sur son #comportement lui-même, et les conditions qui lui ont permis de se conduire ainsi dans la plus totale #impunité durant des années, entre l’#Université_d’Evry, #Science_Po et désormais Université de Paris.

      Nous craignons que ne se mette en branle un mécanisme analogue à celui que décrit si bien Valérie Rey-Robert dans son ouvrage sur la #culture_du_viol , et qui relève de la mythologie du viol que des théoriciennes et chercheuses déconstruisent depuis les années 19703 : plus on décrit le violeur comme violent, grossier, brutal, plus les hommes « normaux » se sentent dédouanés dans leurs petites manœuvres et petites pressions, leurs chantages feutrés pour extorquer des rapports sexuels—le #violeur, c’est toujours l’autre, celui qui menace d’un couteau dans une ruelle obscure ! Plus on nous décrit « l’enseignant-chercheur queutard » comme agressant verbalement des étudiantes avec des propos crus, plus les enseignants-chercheurs « ordinaires », juste modérément sexistes, avec des propos policés, s’autorisent à penser qu’eux, c’est différent : eux draguent leurs étudiantes, mais dans le respect…

      Nous comprenons pleinement la stratégie des étudiantes et de la journaliste qui rapporte leurs témoignages : ces mots crus, orduriers, sont ce qui fait réagir l’opinion, qui serait sinon prompte à normaliser le comportement de Branthôme, ou à insister sur le fait qu’après tout, les étudiantes sont majeures et en mesure de consentir à une relation entre adultes… Faisant fi de la déontologie professionnelle et du fait que non, jamais, la relation entre enseignant et étudiante, même à l’université, n’est une relation entre égaux. Elle se construit nécessairement dans une relation d’#autorité et de #domination car même si on n’est plus directement dans une relation où l’un note le travail de l’autre, on peut toujours se trouver dans une relation où l’un peut nuire à l’autre : en refusant une lettre de recommandation, en le critiquant auprès de collègues ou de partenaires professionnels, bref, en limitant par différents gestes ses opportunités académiques et professionnelles…

      Des Branthôme mais policés, amicaux, souriants, l’université en compte des dizaines sinon des milliers. Ils ne sont pas seulement ceux qui découragent et finalement expulsent de l’enseignement supérieur des milliers de jeunes femmes qui se sentent humiliées, ou auxquelles on a fait comprendre que leur seule place et leur seul rôle dans cet univers théoriquement dédié au savoir et à sa transmission était d’illuminer et de décorer, d’assurer le « repos du guerrier », et non de participer comme actrice pleine et entière de la production et aux avancées de la connaissance. Tous ces Branthôme au petit pied, en train de s’exonérer à qui mieux mieux en ce moment parce qu’eux, ils ne réclament pas de but en blanc des fellations aux étudiantes, infligent pourtant de la #violence_symbolique sans vouloir (se) l’admettre.

      Nous en avons eu un exemple aussi concret que sordide avec la tribune de #Camille_Zimmerman qui explicite en septembre 2020 pourquoi elle arrête sa thèse commencée à l’université de Lorraine : sous le titre d’« #emprise », elle décrit un processus de #prédation, qui commence pour elle en fin de licence, qui entame la confiance en elle à mesure qu’elle gravit les échelons diplômants, son malaise, son inquiétude quand elle observe que le processus est répété — et la rupture qui est moins consécutive au suicide de sa camarade doctorante que dans la prise de conscience que l’institution ne lui procurerait aucune protection — celle de l’existence d’une #mise_au_silence, d’une « #omerta ». Il faut penser que ce comportement n’est restreint ni à l’Université de Lorraine, ni à l’Université de Paris. Bien au contraire, l’étude des décisions disciplinaires d’appel au CNESER — qu’Academia publie régulièrement — manifeste combien étudiant∙es et femmes ne sont pas des sujets à part entière des universités.

      Un article a aidé l’une d’entre nous à mettre des mots sur des pensées confuses : « She Wanted to Do Her Research. He Wanted to Talk ‘Feelings” » (https://www.nytimes.com/2016/03/06/opinion/sunday/she-wanted-to-do-her-research-he-wanted-to-talk-feelings.html), texte de #Hope_Jahren paru dans le New York Times en 2016. Cette biologiste explique très clairement la façon dont nombre de ses jeunes collègues féminines sont confrontées à des #avances non pas sexuelles, mais « sentimentales » de la part de collègues masculins — ce que résume bien son titre « Elle voulait faire sa recherche, lui voulait parler de ses ‘sentiments’ ». Jahren montre très bien comment ces avances, même présentées en mots choisis, avec des #compliments délicats, des aveux d’une irrésistible attraction… Contribuent au #malaise des femmes dans cet univers de la recherche, et les font fuir. Sans doute les collègues qui ont ce genre de comportement ne pensent-ils pas qu’ils constituent du harcèlement sexuel, et pourtant : les effets sont les mêmes.

      Il semble donc important d’insister sur le fait que, quand bien même Thomas Branthôme aurait choisi un registre de langue châtié pour faire ses avances, c’est bien son comportement qui pose problème : il est celui d’un grand nombre de collègues qui ne comprennent pas qu’on ne peut en toute #déontologie_professionnelle entretenir de #relation_intime avec des étudiant∙es qui, même si on ne les a pas en cours, peuvent être à la merci du #pouvoir dont disposent inévitablement les enseignant∙es-chercheur∙ses, en termes de réseau professionnel, d’influence… En science biologique, en droit, comme dans tous les autres champs disciplinaires.

      Plus on met en avant les paroles « monstrueuses » de TB, inadmissibles dans la bouche d’un enseignant-chercheur, plus on conforte l’idée du « monstre » obsédé sexuel, de la brebis galeuse, et plus on occulte, donc, le caractère systémique, institutionnalisé et normalisé de #relations_asymétriques dont les étudiantes paient chèrement le prix, en #dépression, en #suicide, en abandon de leurs études ou de leurs recherches.

      Combien de sections disciplinaires, à l’avenir, statueront sur le fait que « ce n’est pas si grave » par rapport à l’affaire Branthôme, parce que les propos graveleux sont absents d’une attitude volontairement séductrice pourtant tout aussi répréhensible ? Et encore, seulement si les victimes ont le courage de se faire connaître et de se plaindre, si elles sont suffisamment soutenues dans cette démarche par des collectifs féministes comme le Clasches qui font un travail extraordinaire.

      https://academia.hypotheses.org/29429

      ping @_kg_

  • Je suis prof. Seize brèves réflexions contre la terreur et l’obscurantisme, en #hommage à #Samuel_Paty

    Les lignes qui suivent ont été inspirées par la nouvelle atroce de la mise à mort de mon collègue, Samuel Paty, et par la difficile semaine qui s’en est suivie. En hommage à un #enseignant qui croyait en l’#éducation, en la #raison_humaine et en la #liberté_d’expression, elles proposent une quinzaine de réflexions appelant, malgré l’émotion, à penser le présent, et en débattre, avec raison. Ces réflexions ne prétendent évidemment pas incarner la pensée de Samuel Paty, mais elles sont écrites pour lui, au sens où l’effort de pensée, de discernement, de nuances, de raison, a été fait en pensant à lui, et pour lui rendre hommage. Continuer de penser librement, d’exprimer, d’échanger les arguments, me parait le meilleur des hommages.

    1. Il y a d’abord eu, en apprenant la nouvelle, l’#horreur, la #tristesse, la #peur, devant le #crime commis, et des pensées pour les proches de Samuel Paty, ses collègues, ses élèves, toutes les communautés scolaires de France et, au-delà, toute la communauté des humains bouleversés par ce crime. Puis s’y est mêlée une #rage causée par tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, et avant même d’en savoir plus sur les tenants et aboutissants qui avaient mené au pire, se sont empressés de dégainer des kits théoriques tendant à minimiser l’#atrocité du crime ou à dissoudre toute la #responsabilité de l’assassin (ou possiblement des assassins) dans des entités excessivement extensibles (que ce soit « l’#islamisation » ou « l’#islamophobie ») – sans compter ceux qui instrumentalisent l’horreur pour des agendas qu’on connait trop bien : rétablissement de la peine de mort, chasse aux immigré.e.s, chasse aux musulman.e.s.

    2. Il y a ensuite eu une peur, ou des peurs, en voyant repartir tellement vite, et à la puissance dix, une forme de réaction gouvernementale qui a de longue date fait les preuves de son #inefficacité (contre la #violence_terroriste) et de sa #nocivité (pour l’état du vivre-ensemble et des droits humains) : au lieu d’augmenter comme il faut les moyens policiers pour enquêter plus et mieux qu’on ne le fait déjà, pour surveiller, remonter des filières bien ciblées et les démanteler, mais aussi assurer en temps réel la protection des personnes qui la demandent, au moment où elles la demandent, on fait du spectacle avec des boucs émissaires.

    Une sourde appréhension s’est donc mêlée à la peine, face au déferlement d’injures, de menaces et d’attaques islamophobes, anti-immigrés et anti-tchétchènes qui a tout de suite commencé, mais aussi face à l’éventualité d’autres attentats qui pourraient advenir dans le futur, sur la prévention desquels, c’est le moins que je puisse dire, toutes les énergies gouvernementales ne me semblent pas concentrées.

    3. Puis, au fil des lectures, une #gêne s’est installée, concernant ce que, sur les #réseaux_sociaux, je pouvais lire, « dans mon camp » cette fois-ci – c’est-à-dire principalement chez des gens dont je partage plus ou moins une certaine conception du combat antiraciste. Ce qui tout d’abord m’a gêné fut le fait d’énoncer tout de suite des analyses explicatives alors qu’au fond on ne savait à peu près rien sur le détail des faits : quel comportement avait eu précisément Samuel Paty, en montrant quels dessins, quelles interactions avaient eu lieu après-coup avec les élèves, avec les parents, qui avait protesté et en quels termes, sous quelles forme, qui avait envenimé le contentieux et comment s’était produit l’embrasement des réseaux sociaux, et enfin quel était le profil de l’assassin, quel était son vécu russe, tchétchène, français – son vécu dans toutes ses dimensions (familiale, socio-économique, scolaire, médicale), sa sociabilité et ses accointances (ou absences d’accointances) religieuses, politiques, délinquantes, terroristes ?

    J’étais gêné par exemple par le fait que soit souvent validée a priori, dès les premières heures qui suivirent le crime, l’hypothèse que Samuel Paty avait « déconné », alors qu’on n’était même pas certain par exemple que c’était le dessin dégoutant du prophète cul nu (j’y reviendrai) qui avait été montré en classe (puisqu’on lisait aussi que le professeur avait déposé plainte « pour diffamation » suite aux accusations proférées contre lui), et qu’on ne savait rien des conditions et de la manière dont il avait agencé son cours.

    4. Par ailleurs, dans l’hypothèse (qui a fini par se confirmer) que c’était bien ce dessin, effectivement problématique (j’y reviendrai), qui avait servi de déclencheur ou de prétexte pour la campagne contre Samuel Paty, autre chose me gênait. D’abord cet oubli : montrer un #dessin, aussi problématique soit-il, obscène, grossier, de mauvais goût, ou même raciste, peut très bien s’intégrer dans une #démarche_pédagogique, particulièrement en cours d’histoire – après tout, nous montrons bien des #caricatures anti-juives ignobles quand nous étudions la montée de l’antisémitisme, me confiait un collègue historien, et cela ne constitue évidemment pas en soi une pure et simple perpétuation de l’#offense_raciste. Les deux cas sont différents par bien des aspects, mais dans tous les cas tout se joue dans la manière dont les documents sont présentés et ensuite collectivement commentés, analysés, critiqués. Or, sur ladite manière, en l’occurrence, nous sommes restés longtemps sans savoir ce qui exactement s’était passé, et ce que nous avons fini par appendre est que Samuel Paty n’avait pas eu d’intention maligne : il s’agissait vraiment de discuter de la liberté d’expression, autour d’un cas particulièrement litigieux.

    5. En outre, s’il s’est avéré ensuite, dans les récits qui ont pu être reconstitués (notamment dans Libération), que Samuel Paty n’avait fait aucun usage malveillant de ces caricatures, et que les parents d’élèves qui s’étaient au départ inquiétés l’avaient assez rapidement et facilement compris après discussion, s’il s’est avéré aussi qu’au-delà de cet épisode particulier, Samuel Paty était un professeur très impliqué et apprécié, chaleureux, blagueur, il est dommageable que d’emblée, il n’ait pas été martelé ceci, aussi bien par les inconditionnels de l’ « esprit Charlie » que par les personnes légitimement choquées par certaines des caricatures : que même dans le cas contraire, même si le professeur avait « déconné », que ce soit un peu ou beaucoup, que même s’il avait manqué de précautions pédagogiques, que même s’il avait intentionnellement cherché à blesser, bref : que même s’il avait été un « mauvais prof », hautain, fumiste, ou même raciste, rien, absolument rien ne justifiait ce qui a été commis.

    Je me doute bien que, dans la plupart des réactions à chaud, cela allait sans dire, mais je pense que, dans le monde où l’on vit, et où se passent ces horreurs, tout désormais en la matière (je veux dire : en matière de mise à distance de l’hyper-violence) doit être dit, partout, même ce qui va sans dire.

    En d’autres termes, même si l’on juge nécessaire de rappeler, à l’occasion de ce crime et des discussions qu’il relance, qu’il est bon que tout ne soit pas permis en matière de liberté d’expression, cela n’est selon moi tenable que si l’on y adjoint un autre rappel : qu’il est bon aussi que tout ne soit pas permis dans la manière de limiter la liberté d’expression, dans la manière de réagir aux discours offensants, et plus précisément que doit être absolument proscrit le recours à la #violence_physique, a fortiori au #meurtre. Nous sommes malheureusement en un temps, je le répète, où cela ne va plus sans dire.

    6. La remarque qui précède est, me semble-t-il, le grand non-dit qui manque le plus dans tout le débat public tel qu’il se polarise depuis des années entre les « Charlie », inconditionnels de « la liberté d’expression », et les « pas Charlie », soucieux de poser des « #limites » à la « #liberté_d’offenser » : ni la liberté d’expression ni sa nécessaire #limitation ne doivent en fait être posées comme l’impératif catégorique et fondamental. Les deux sont plaidables, mais dans un #espace_de_parole soumis à une autre loi fondamentale, sur laquelle tout le monde pourrait et devrait se mettre d’accord au préalable, et qui est le refus absolu de la violence physique.

    Moyennant quoi, dès lors que cette loi fondamentale est respectée, et expressément rappelée, la liberté d’expression, à laquelle Samuel Paty était si attaché, peut et doit impliquer aussi le droit de dire qu’on juge certaines caricatures de Charlie Hebdo odieuses :

    – celles par exemple qui amalgament le prophète des musulmans (et donc – par une inévitable association d’idées – l’ensemble des fidèles qui le vénèrent) à un terroriste, en le figurant par exemple surarmé, le nez crochu, le regard exorbité, la mine patibulaire, ou coiffé d’un turban en forme de bombe ;

    – celle également qui blesse gratuitement les croyants (et les croyants lambda, tolérants, non-violents, tout autant voire davantage que des « djihadistes » avides de prétextes à faire couler le sang), en représentant leur prophète cul nul, testicules à l’air, une étoile musulmane à la place de l’anus ;

    – celle qui animalise une syndicaliste musulmane voilée en l’affublant d’un faciès de singe ;

    – celle qui annonce « une roumaine » (la joueuse Simona Halep), gagnante de Roland-Garros, et la représente en rom au physique disgracieux, brandissant la coupe et criant « ferraille ! ferraille ! » ;

    – celle qui nous demande d’imaginer « le petit Aylan », enfant de migrants kurdes retrouvé mort en méditerranée, « s’il avait survécu », et nous le montre devenu « tripoteur de fesses en Allemagne » (suite à une série de viols commis à Francfort) ;

    – celle qui représente les esclaves sexuelles de Boko Haram, voilées et enceintes, en train de gueuler après leurs « allocs » ;

    – celle qui fantasme une invasion ou une « islamisation » en forme de « grand remplacement », par exemple en nous montrant un musulman barbu dont la barbe démesurée envahit toute la page de Une, malgré un minuscule Macron luttant « contre le séparatisme », armé de ciseaux, mais ne parvenant qu’à en couper que quelques poils ;

    – celle qui alimente le même fantasme d’invasion en figurant un Macron, déclarant que le port du foulard par des femmes musulmanes « ne le regarde pas » en tant que président, tandis que le reste de la page n’est occupé que par des femmes voilées, avec une légende digne d’un tract d’extrême droite : « La République islamique en marche ».

    Sur chacun de ces dessins, publiés en Une pour la plupart, je pourrais argumenter en détail, pour expliquer en quoi je les juge odieux, et souvent racistes. Bien d’autres exemples pourraient d’ailleurs être évoqués, comme une couverture publiée à l’occasion d’un attentat meurtrier commis à Bruxelles en mars 2016 et revendiqué par Daesh (ayant entraîné la mort de 32 personnes et fait 340 blessés), et figurant de manière pour le moins choquante le chanteur Stromae, orphelin du génocide rwandais, en train de chanter « Papaoutai » tandis que voltigent autour de lui des morceaux de jambes et de bras déchiquetés ou d’oeil exorbité. La liste n’est pas exhaustive, d’autres unes pourraient être évoquées – celles notamment qui nous invitent à rigoler (on est tenté de dire ricaner) sur le sort des femmes violées, des enfants abusés, ou des peuples qui meurent de faim.

    On a le droit de détester cet #humour, on a le droit de considérer que certaines de ces caricatures incitent au #mépris ou à la #haine_raciste ou sexiste, entre autres griefs possibles, et on a le droit de le dire. On a le droit de l’écrire, on a le droit d’aller le dire en justice, et même en manifestation. Mais – cela allait sans dire, l’attentat de janvier 2015 oblige désormais à l’énoncer expressément – quel que soit tout le mal qu’on peut penser de ces dessins, de leur #brutalité, de leur #indélicatesse, de leur méchanceté gratuite envers des gens souvent démunis, de leur #racisme parfois, la #violence_symbolique qu’il exercent est sans commune mesure avec la violence physique extrême que constitue l’#homicide, et elle ne saurait donc lui apporter le moindre commencement de #justification.

    On a en somme le droit de dénoncer avec la plus grande vigueur la violence symbolique des caricatures quand on la juge illégitime et nocive, car elle peut l’être, à condition toutefois de dire désormais ce qui, je le répète, aurait dû continuer d’aller sans dire mais va beaucoup mieux, désormais, en le disant : qu’aucune violence symbolique ne justifie l’hyper-violence physique. Cela vaut pour les pires dessins de Charlie comme pour les pires répliques d’un Zemmour ou d’un Dieudonné, comme pour tout ce qui nous offense – du plutôt #douteux au parfaitement #abject.

    Que reste-t-il en effet de la liberté d’expression si l’on défend le #droit_à_la_caricature mais pas le droit à la #critique des caricatures ? Que devient le #débat_démocratique si toute critique radicale de #Charlie aujourd’hui, et qui sait de de Zemmour demain, de Macron après-demain, est d’office assimilée à une #incitation_à_la_violence, donc à de la complicité de terrorisme, donc proscrite ?

    Mais inversement, que devient cet espace démocratique si la dénonciation de l’intolérable et l’appel à le faire cesser ne sont pas précédés et tempérés par le rappel clair et explicite de l’interdit fondamental du meurtre ?

    7. Autre chose m’a gêné dans certaines analyses : l’interrogation sur les « #vrais_responsables », formulation qui laisse entendre que « derrière » un responsable « apparent » (l’assassin) il y aurait « les vrais responsables », qui seraient d’autres que lui. Or s’il me parait bien sûr nécessaire d’envisager dans toute sa force et toute sa complexité l’impact des #déterminismes_sociaux, il est problématique de dissoudre dans ces déterminismes toute la #responsabilité_individuelle de ce jeune de 18 ans – ce que la sociologie ne fait pas, contrairement à ce que prétendent certains polémistes, mais que certains discours peuvent parfois faire.

    Que chacun s’interroge toujours sur sa possible responsabilité est plutôt une bonne chose à mes yeux, si toutefois on ne pousse pas le zèle jusqu’à un « on est tous coupables » qui dissout toute #culpabilité réelle et arrange les affaires des principaux coupables. Ce qui m’a gêné est l’enchaînement de questions qui, en réponse à la question « qui a tué ? », met comme en concurrence, à égalité, d’une part celui qui a effectivement commis le crime, et d’autre part d’autres personnes ou groupes sociaux (la direction de l’école, la police, le père d’élève ayant lancé la campagne publique contre Samuel Paty sur Youtube, sa fille qui semble l’avoir induit en erreur sur le déroulement de ses cours) qui, quel que soit leur niveau de responsabilité, n’ont en aucun cas « tué » – la distinction peut paraitre simple, voire simpliste, mais me parait, pour ma part, cruciale à maintenir.

    8. Ce qui m’a gêné, aussi, et même écoeuré lorsque l’oubli était assumé, et que « le système » néolibéral et islamophobe devenait « le principal responsable », voire « l’ennemi qu’il nous faut combattre », au singulier, ce fut une absence, dans la liste des personnes ou des groupes sociaux pouvant, au-delà de l’individu #Abdoullakh_Abouyezidovitch, se partager une part de responsabilité. Ce qui me gêna fut l’oubli ou la minoration du rôle de l’entourage plus ou moins immédiat du tueur – qu’il s’agisse d’un groupe terroriste organisé ou d’un groupe plus informel de proches ou de moins proches (via les réseaux sociaux), sans oublier, bien entendu, l’acolyte de l’irresponsable « père en colère » : un certain #Abdelhakim_Sefrioui, entrepreneur de haine pourtant bien connu, démasqué et ostracisé de longue date dans les milieux militants, à commencer par les milieux pro-palestiniens et la militance anti-islamophobie.

    Je connais les travaux sociologiques qui critiquent à juste titre l’approche mainstream, focalisée exclusivement les techniques de propagande des organisations terroristes, et qui déplacent la focale sur l’étude des conditions sociales rendant audible et « efficace » lesdites techniques de #propagande. Mais justement, on ne peut prendre en compte ces conditions sociales sans observer aussi comment elles pèsent d’une façon singulière sur les individus, dont la responsabilité n’est pas évacuée. Et l’on ne peut pas écarter, notamment, la responsabilité des individus ou des groupes d’ « engraineurs », surtout si l’on pose la question en ces termes : « qui a tué ? ».

    9. Le temps du #choc, du #deuil et de l’#amertume « contre mon propre camp » fut cela dit parasité assez vite par un vacarme médiatique assourdissant, charriant son lot d’#infamie dans des proportions autrement plus terrifiantes. #Samuel_Gontier, fidèle « au poste », en a donné un aperçu glaçant :

    – des panels politiques dans lesquels « l’équilibre » invoqué par le présentateur (Pascal Praud) consiste en un trio droite, droite extrême et extrême droite (LREM, Les Républicains, Rassemblement national), et où les différentes familles de la gauche (Verts, PS, PCF, France insoumise, sans même parler de l’extrême gauche) sont tout simplement exclues ;

    – des « débats » où sont mis sérieusement à l’agenda l’interdiction du #voile dans tout l’espace public, l’expulsion de toutes les femmes portant le #foulard, la #déchéance_de_nationalité pour celles qui seraient françaises, la réouverture des « #bagnes » « dans îles Kerguelen », le rétablissement de la #peine_de_mort, et enfin la « #criminalisation » de toutes les idéologies musulmanes conservatrices, « pas seulement le #djihadisme mais aussi l’#islamisme » (un peu comme si, à la suite des attentats des Brigades Rouges, de la Fraction Armée Rouge ou d’Action Directe, on avait voulu criminaliser, donc interdire et dissoudre toute la gauche socialiste, communiste, écologiste ou radicale, sous prétexte qu’elle partageait avec les groupes terroristes « l’opposition au capitalisme ») ;

    – des « plateaux » sur lesquels un #Manuel_Valls peut appeler en toute conscience et en toute tranquillité, sans causer de scandale, à piétiner la Convention Européenne des Droits Humains : « S’il nous faut, dans un moment exceptionnel, s’éloigner du #droit_européen, faire évoluer notre #Constitution, il faut le faire. », « Je l’ai dit en 2015, nous sommes en #guerre. Si nous sommes en guerre, donc il faut agir, frapper. ».

    10. Puis, très vite, il y a eu cette offensive du ministre de l’Intérieur #Gérald_Darmanin contre le #CCIF (#Collectif_Contre_l’Islamophobie_en_France), dénuée de tout fondement du point de vue de la #lutte_anti-terroriste – puisque l’association n’a évidemment pris aucune part dans le crime du 17 octobre 2020, ni même dans la campagne publique (sur Youtube et Twitter) qui y a conduit.

    Cette dénonciation – proprement calomnieuse, donc – s’est autorisée en fait d’une montée en généralité, en abstraction et même en « nébulosité », et d’un grossier sophisme : le meurtre de Samuel Paty est une atteinte aux « #valeurs » et aux « institutions » de « la #République », que justement le CCIF « combat » aussi – moyennant quoi le CCIF a « quelque chose à voir » avec ce crime et il doit donc être dissous, CQFD. L’accusation n’en demeure pas moins fantaisiste autant qu’infamante, puisque le « combat » de l’association, loin de viser les principes et les institutions républicaines en tant que telles, vise tout au contraire leur manque d’effectivité : toute l’activité du CCIF (c’est vérifiable, sur le site de l’association aussi bien que dans les rapports des journalistes, au fil de l’actualité, depuis des années) consiste à combattre la #discrimination en raison de l’appartenance ou de la pratique réelle ou supposée d’une religion, donc à faire appliquer une loi de la république. Le CCIF réalise ce travail par les moyens les plus républicains qui soient, en rappelant l’état du Droit, en proposant des médiations ou en portant devant la #Justice, institution républicaine s’il en est, des cas d’atteinte au principe d’#égalité, principe républicain s’il en est.

    Ce travail fait donc du CCIF une institution précieuse (en tout cas dans une république démocratique) qu’on appelle un « #contre-pouvoir » : en d’autres termes, un ennemi de l’arbitraire d’État et non de la « République ». Son travail d’#alerte contribue même à sauver ladite République, d’elle-même pourrait-on dire, ou plutôt de ses serviteurs défaillants et de ses démons que sont le racisme et la discrimination.

    Il s’est rapidement avéré, du coup, que cette offensive sans rapport réel avec la lutte anti-terroriste s’inscrivait en fait dans un tout autre agenda, dont on avait connu les prémisses dès le début de mandat d’Emmanuel Macron, dans les injures violentes et les tentatives d’interdiction de Jean-Michel #Blanquer contre le syndicat #Sud_éducation_93, ou plus récemment dans l’acharnement haineux du député #Robin_Réda, censé diriger une audition parlementaire antiraciste, contre les associations de soutien aux immigrés, et notamment le #GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés). Cet agenda est ni plus ni moins que la mise hors-jeu des « corps intermédiaires » de la société civile, et en premier lieu des #contre-pouvoirs que sont les associations antiracistes et de défense des droits humains, ainsi que les #syndicats, en attendant le tour des partis politiques – confère, déjà, la brutalisation du débat politique, et notamment les attaques tout à fait inouïes, contraires pour le coup à la tradition républicaine, de #Gérald_Darmanin contre les écologistes (#Julien_Bayou, #Sandra_Regol et #Esther_Benbassa) puis contre la #France_insoumise et son supposé « #islamo-gauchisme qui a détruit la république », ces dernières semaines, avant donc le meurtre de Samuel Paty.

    Un agenda dans lequel figure aussi, on vient de l’apprendre, un combat judiciaire contre le site d’information #Mediapart.

    11. Il y a eu ensuite l’annonce de ces « actions coup de poing » contre des associations et des lieux de culte musulmans, dont le ministre de l’Intérieur lui-même a admis qu’elles n’avaient aucun lien avec l’enquête sur le meurtre de Samuel Paty, mais qu’elles servaient avant tout à « #adresser_un_message », afin que « la #sidération change de camp ». L’aveu est terrible : l’heure n’est pas à la défense d’un modèle (démocratique, libéral, fondé sur l’État de Droit et ouvert à la pluralité des opinions) contre un autre (obscurantiste, fascisant, fondé sur la terreur), mais à une #rivalité_mimétique. À la #terreur on répond par la terreur, sans même prétendre, comme le fit naguère un Charles Pasqua, qu’on va « terroriser les terroristes » : ceux que l’on va terroriser ne sont pas les terroristes, on le sait, on le dit, on s’en contrefout et on répond au meurtre par la #bêtise et la #brutalité, à l’#obscurantisme « religieux » par l’obscurantisme « civil », au #chaos de l’#hyper-violence par le chaos de l’#arbitraire d’État.

    12. On cible donc des #mosquées alors même qu’on apprend (notamment dans la remarquable enquête de Jean-Baptiste Naudet, dans L’Obs) que le tueur ne fréquentait aucune mosquée – ce qui était le cas, déjà, de bien d’autres tueurs lors des précédents attentats.

    On s’attaque au « #séparatisme » et au « #repli_communautaire » alors même qu’on apprend (dans la même enquête) que le tueur n’avait aucune attache ou sociabilité dans sa communauté – ce qui là encore a souvent été le cas dans le passé.

    On préconise des cours intensifs de #catéchisme_laïque dans les #écoles, des formations intensives sur la liberté d’expression, avec distribution de « caricatures » dans tous les lycées, alors que le tueur était déscolarisé depuis un moment et n’avait commencé à se « radicaliser » qu’en dehors de l’#école (et là encore se rejoue un schéma déjà connu : il se trouve qu’un des tueurs du Bataclan fut élève dans l’établissement où j’exerce, un élève dont tous les professeurs se souviennent comme d’un élève sans histoires, et dont la famille n’a pu observer des manifestations de « #radicalisation » qu’après son bac et son passage à l’université, une fois qu’il était entré dans la vie professionnelle).

    Et enfin, ultime protection : Gérald Darmanin songe à réorganiser les rayons des #supermarchés ! Il y aurait matière à rire s’il n’y avait pas péril en la demeure. On pourrait s’amuser d’une telle #absurdité, d’une telle incompétence, d’une telle disjonction entre la fin et les moyens, si l’enjeu n’était pas si grave. On pourrait sourire devant les gesticulations martiales d’un ministre qui avoue lui-même tirer « à côté » des véritables coupables et complices, lorsque par exemple il ordonne des opérations contre des #institutions_musulmanes « sans lien avec l’enquête ». On pourrait sourire s’il ne venait pas de se produire une attaque meurtrière atroce, qui advient après plusieurs autres, et s’il n’y avait pas lieu d’être sérieux, raisonnable, concentré sur quelques objectifs bien définis : mieux surveiller, repérer, voir venir, mieux prévenir, mieux intervenir dans l’urgence, mieux protéger. On pourrait se payer le luxe de se disperser et de discuter des #tenues_vestimentaires ou des #rayons_de_supermarché s’il n’y avait pas des vies humaines en jeu – certes pas la vie de nos dirigeants, surprotégés par une garde rapprochée, mais celles, notamment, des professeurs et des élèves.

    13. Cette #futilité, cette #frivolité, cette bêtise serait moins coupable s’il n’y avait pas aussi un gros soubassement de #violence_islamophobe. Cette bêtise serait innocente, elle ne porterait pas à conséquence si les mises en débat du #vêtement ou de l’#alimentation des diverses « communautés religieuses » n’étaient pas surdéterminées, depuis de longues années, par de très lourds et violents #stéréotypes racistes. On pourrait causer lingerie et régime alimentaire si les us et coutumes religieux n’étaient pas des #stigmates sur-exploités par les racistes de tout poil, si le refus du #porc ou de l’#alcool par exemple, ou bien le port d’un foulard, n’étaient pas depuis des années des motifs récurrents d’#injure, d’#agression, de discrimination dans les études ou dans l’emploi.

    Il y a donc une bêtise insondable dans cette mise en cause absolument hors-sujet des commerces ou des rayons d’ « #alimentation_communautaire » qui, dixit Darmanin, « flatteraient » les « plus bas instincts », alors que (confère toujours l’excellente enquête de Jean-Baptiste Naudet dans L’Obs) l’homme qui a tué Samuel Paty (comme l’ensemble des précédents auteurs d’attentats meurtriers) n’avait précisément pas d’ancrage dans une « communauté » – ni dans l’immigration tchétchène, ni dans une communauté religieuse localisée, puisqu’il ne fréquentait aucune mosquée.

    Et il y a dans cette bêtise une #méchanceté tout aussi insondable : un racisme sordide, à l’encontre des #musulmans bien sûr, mais pas seulement. Il y a aussi un mépris, une injure, un piétinement de la mémoire des morts #juifs – puisque parmi les victimes récentes des tueries terroristes, il y a précisément des clients d’un commerce communautaire, l’#Hyper_Cacher, choisis pour cible et tués précisément en tant que tels.

    Telle est la vérité, cruelle, qui vient d’emblée s’opposer aux élucubrations de Gérald Darmanin : en incriminant les modes de vie « communautaires », et plus précisément la fréquentation de lieux de culte ou de commerces « communautaires », le ministre stigmatise non pas les coupables de la violence terroriste (qui se caractérisent au contraire par la #solitude, l’#isolement, le surf sur #internet, l’absence d’#attaches_communautaires et de pratique religieuse assidue, l’absence en tout cas de fréquentation de #lieux_de_cultes) mais bien certaines de ses victimes (des fidèles attaqués sur leur lieu de culte, ou de courses).

    14. Puis, quelques jours à peine après l’effroyable attentat, sans aucune concertation sur le terrain, auprès de la profession concernée, est tombée par voie de presse (comme d’habitude) une stupéfiante nouvelle : l’ensemble des Conseils régionaux de France a décidé de faire distribuer un « #recueil_de_caricatures » (on ne sait pas lesquelles) dans tous les lycées. S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre, disait la chanson. Qu’ils aillent donc, ces élus, distribuer eux-mêmes leurs petites bibles républicaines, sur les marchés. Mais non : c’est notre sang à nous, petits profs de merde, méprisés, sous-payés, insultés depuis des années, qui doit couler, a-t-il été décidé en haut lieu. Et possiblement aussi celui de nos élèves.

    Car il faut se rendre à l’évidence : si cette information est confirmée, et si nous acceptons ce rôle de héros et martyrs d’un pouvoir qui joue aux petits soldats de plomb avec des profs et des élèves de chair et d’os, nous devenons officiellement la cible privilégiée des groupes terroristes. À un ennemi qui ne fonctionne, dans ses choix de cibles et dans sa communication politique, qu’au défi, au symbole et à l’invocation de l’honneur du Prophète, nos dirigeants répondent en toute #irresponsabilité par le #défi, le #symbole, et la remise en jeu de l’image du Prophète. À quoi doit-on s’attendre ? Y sommes-nous prêts ? Moi non.

    15. Comme si tout cela ne suffisait pas, voici enfin que le leader de l’opposition de gauche, celui dont on pouvait espérer, au vu de ses engagements récents, quelques mises en garde élémentaires mais salutaires contre les #amalgames et la #stigmatisation haineuse des musulmans, n’en finit pas de nous surprendre ou plutôt de nous consterner, de nous horrifier, puisqu’il s’oppose effectivement à la chasse aux musulmans, mais pour nous inviter aussitôt à une autre chasse : la #chasse_aux_Tchétchènes :

    « Moi, je pense qu’il y a un problème avec la #communauté_tchétchène en France ».

    Il suffit donc de deux crimes, commis tous les deux par une personne d’origine tchétchène, ces dernières années (l’attentat de l’Opéra en 2018, et celui de Conflans en 2020), plus une méga-rixe à Dijon cet été impliquant quelques dizaines de #Tchétchènes, pour que notre homme de gauche infère tranquillement un « #problème_tchétchène », impliquant toute une « communauté » de plusieurs dizaines de milliers de personnes vivant en France.

    « Ils sont arrivés en France car le gouvernement français, qui était très hostile à Vladimir Poutine, les accueillait à bras ouverts », nous explique Jean-Luc #Mélenchon. « À bras ouverts », donc, comme dans un discours de Le Pen – le père ou la fille. Et l’on a bien entendu : le motif de l’#asile est une inexplicable « hostilité » de la France contre le pauvre Poutine – et certainement pas une persécution sanglante commise par ledit Poutine, se déclarant prêt à aller « buter » lesdits Tchétchènes « jusque dans les chiottes ».

    « Il y a sans doute de très bonnes personnes dans cette communauté » finit-il par concéder à son intervieweur interloqué. On a bien lu, là encore : « sans doute ». Ce n’est donc même pas sûr. Et « de très bonnes personnes », ce qui veut dire en bon français : quelques-unes, pas des masses.

    « Mais c’est notre #devoir_national de s’en assurer », s’empresse-t-il d’ajouter – donc même le « sans doute » n’aura pas fait long feu. Et pour finir en apothéose :

    « Il faut reprendre un par un tous les dossiers des Tchétchènes présents en France et tous ceux qui ont une activité sur les réseaux sociaux, comme c’était le cas de l’assassin ou d’autres qui ont des activités dans l’#islamisme_politique (...), doivent être capturés et expulsés ».

    Là encore, on a bien lu : « tous les dossiers des Tchétchènes présents en France », « un par un » ! Quant aux suspects, ils ne seront pas « interpellés », ni « arrêtés », mais « capturés » : le vocabulaire est celui de la #chasse, du #safari. Voici donc où nous emmène le chef du principal parti d’opposition de gauche.

    16. Enfin, quand on écrira l’histoire de ces temps obscurs, il faudra aussi raconter cela : comment, à l’heure où la nation était invitée à s’unir dans le deuil, dans la défense d’un modèle démocratique, dans le refus de la violence, une violente campagne de presse et de tweet fut menée pour que soient purement et simplement virés et remplacés les responsables de l’#Observatoire_de_la_laïcité, #Nicolas_Cadène et #Jean-Louis_Bianco, pourtant restés toujours fidèles à l’esprit et à la lettre des lois laïques, et que les deux hommes furent à cette fin accusés d’avoir « désarmé » la République et de s’être « mis au service » des « ennemis » de ladite #laïcité et de ladite république – en somme d’être les complices d’un tueur de prof, puisque c’est de cet ennemi-là qu’il était question.

    Il faudra raconter que des universitaires absolument irréprochables sur ces questions, comme #Mame_Fatou_Niang et #Éric_Fassin, furent mis en cause violemment par des tweeters, l’une en recevant d’abjectes vidéos de décapitation, l’autre en recevant des #menaces de subir la même chose, avec dans les deux cas l’accusation d’être responsables de la mort de Samuel Paty.

    Il faudra se souvenir qu’un intellectuel renommé, invité sur tous les plateaux, proféra tranquillement, là encore sans être recadré par les animateurs, le même type d’accusations à l’encontre de la journaliste et chroniqueuse #Rokhaya_Diallo : en critiquant #Charlie_Hebdo, elle aurait « poussé à armer les bras des tueurs », et « entrainé » la mort des douze de Charlie hebdo.

    Il faudra se souvenir qu’au sommet de l’État, enfin, en ces temps de deuil, de concorde nationale et de combat contre l’obscurantisme, le ministre de l’Éducation nationale lui-même attisa ce genre de mauvaise querelle et de #mauvais_procès – c’est un euphémisme – en déclarant notamment ceci :

    « Ce qu’on appelle l’#islamo-gauchisme fait des ravages, il fait des ravages à l’#université. Il fait des ravages quand l’#UNEF cède à ce type de chose, il fait des ravages quand dans les rangs de la France Insoumise, vous avez des gens qui sont de ce courant-là et s’affichent comme tels. Ces gens-là favorisent une idéologie qui ensuite, de loin en loin, mène au pire. »

    Il faudra raconter ce que ces sophismes et ces purs et simples mensonges ont construit ou tenté de construire : un « #consensus_national » fondé sur une rage aveugle plutôt que sur un deuil partagé et un « plus jamais ça » sincère et réfléchi. Un « consensus » singulièrement diviseur en vérité, excluant de manière radicale et brutale tous les contre-pouvoirs humanistes et progressistes qui pourraient tempérer la violence de l’arbitraire d’État, et apporter leur contribution à l’élaboration d’une riposte anti-terroriste pertinente et efficace : le mouvement antiraciste, l’opposition de gauche, la #sociologie_critique... Et incluant en revanche, sans le moindre état d’âme, une droite républicaine radicalisée comme jamais, ainsi que l’#extrême_droite lepéniste.

    Je ne sais comment conclure, sinon en redisant mon accablement, ma tristesse, mon désarroi, ma peur – pourquoi le cacher ? – et mon sentiment d’#impuissance face à une #brutalisation en marche. La brutalisation de la #vie_politique s’était certes enclenchée bien avant ce crime atroce – l’évolution du #maintien_de l’ordre pendant tous les derniers mouvements sociaux en témoigne, et les noms de Lallement et de Benalla en sont deux bons emblèmes. Mais cet attentat, comme les précédents, nous fait évidemment franchir un cap dans l’#horreur. Quant à la réponse à cette horreur, elle s’annonce désastreuse et, loin d’opposer efficacement la force à la force (ce qui peut se faire mais suppose le discernement), elle rajoute de la violence aveugle à de la violence aveugle – tout en nous exposant et en nous fragilisant comme jamais. Naïvement, avec sans doute un peu de cet idéalisme qui animait Samuel Paty, j’en appelle au #sursaut_collectif, et à la #raison.

    Pour reprendre un mot d’ordre apparu suite à ce crime atroce, #je_suis_prof. Je suis prof au sens où je me sens solidaire de Samuel Paty, où sa mort me bouleverse et me terrifie, mais je suis prof aussi parce que c’est tout simplement le métier que j’exerce. Je suis prof et je crois donc en la raison, en l’#éducation, en la #discussion. Depuis vingt-cinq ans, j’enseigne avec passion la philosophie et je m’efforce de transmettre le goût de la pensée, de la liberté de penser, de l’échange d’arguments, du débat contradictoire. Je suis prof et je m’efforce de transmettre ces belles valeurs complémentaires que sont la #tolérance, la #capacité_d’indignation face à l’intolérable, et la #non-violence dans l’#indignation et le combat pour ses idées.

    Je suis prof et depuis vingt-cinq ans je m’efforce de promouvoir le #respect et l’#égalité_de_traitement, contre tous les racismes, tous les sexismes, toutes les homophobies, tous les systèmes inégalitaires. Et je refuse d’aller mourir au front pour une croisade faussement « républicaine », menée par un ministre de l’Intérieur qui a commencé sa carrière politique, entre 2004 et 2008, dans le girons de l’extrême droite monarchiste (auprès de #Christian_Vanneste et de #Politique_magazine, l’organe de l’#Action_française). Je suis prof et je refuse de sacrifier tout ce en quoi je crois pour la carrière d’un ministre qui en 2012, encore, militait avec acharnement, aux côtés de « La manif pour tous », pour que les homosexuels n’aient pas les mêmes droits que les autres – sans parler de son rapport aux femmes, pour le moins problématique, et de ce que notre grand républicain appelle, en un délicat euphémisme, sa « vie de jeune homme ».

    Je suis prof et j’enseigne la laïcité, la vraie, celle qui s’est incarnée dans de belles lois en 1881, 1882, 1886 et 1905, et qui n’est rien d’autre qu’une machine à produire plus de #liberté, d’#égalité et de #fraternité. Mais ce n’est pas cette laïcité, loin s’en faut, qui se donne à voir ces jours-ci, moins que jamais, quand bien même le mot est répété à l’infini. C’est au contraire une politique liberticide, discriminatoire donc inégalitaire, suspicieuse ou haineuse plutôt que fraternelle, que je vois se mettre en place, sans même l’excuse de l’efficacité face au terrorisme.

    Je suis prof, et cette #vraie_laïcité, ce goût de la pensée et de la #parole_libre, je souhaite continuer de les promouvoir. Et je souhaite pour cela rester en vie. Et je souhaite pour cela rester libre, maître de mes #choix_pédagogiques, dans des conditions matérielles qui permettent de travailler. Et je refuse donc de devenir l’otage d’un costume de héros ou de martyr taillé pour moi par des aventuriers sans jugeote, sans cœur et sans principes – ces faux amis qui ne savent qu’encenser des profs morts et mépriser les profs vivants.

    https://lmsi.net/Je-suis-prof

    #Pierre_Tevanian

    –—

    –-> déjà signalé sur seenthis :
    https://seenthis.net/messages/882390
    https://seenthis.net/messages/882583
    ... mais je voulais mettre le texte complet.

  • « On ne naît pas soumise, on le devient » : comment les femmes renoncent à leur liberté

    https://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20181121.OBS5776/on-ne-nait-pas-soumise-on-le-devient-comment-les-femmes-renoncen

    Les femmes sont-elles toutes soumises ? D’Anastasia Steele, dans « Cinquante nuances de Grey », à l’amoureuse qui repasse les vêtements de son conjoint, en passant par celle qui s’affame pour rentrer dans du 36, elles sont nombreuses à se plier délibérément aux volontés des hommes, ou du moins à celles du patriarcat. Même « les plus indépendantes et les plus féministes » d’entre elles. C’est la thèse soutenue par Manon Garcia, docteure en philosophie et enseignante à l’université de Chicago, aux Etats-Unis.

    #féminisme #émancipation #aliénation - pour alimenter le débat.

    • L’éditrice d’une grande maison universitaire aux Etats-Unis m’a assurée recevoir une trentaine d’emails d’hommes par jour. Tous lui jurent qu’ils sont des génies et qu’il faut qu’elle se presse de les publier. Elle n’a jamais reçu pareil courrier signé de la main d’une femme. Les quelques rares qui osent lui écrire prennent des précautions énormes. Et elles ont bien raison de le faire ! Si une universitaire écrivait une lettre aussi arrogante, non seulement elle ne serait jamais publiée, mais elle se verrait en plus traiter de folle prétentieuse et autoritaire. Quand on est une femme, mieux vaut parfois ne pas trop se mettre en avant, sous peine d’être disqualifiée d’office. La soumission devient alors une position stratégique.

      Ca me fait pensé aussi à « la beauté » qui au féminin est l’aptitude à porter les marques de la soumission ; petite taille, jeunesse, ignorance, faiblesse physique, maigreur, pâleur... cf le blog antisexisme : L’impuissance comme idéal de beauté des femmes
      https://antisexisme.net/category/limpuissance-comme-ideal-de-beaute

    • Pour comprendre le mécanisme de la domination, j’ai commencé par Max Weber et sa typologie des trois dominations : charismatique, traditionnelle et rationnelle-légale. La domination n’est pas le pouvoir (qui repose sur la force), elle repose entièrement sur « l’acquiescement », sur l’intériorisation par l’individu d’une autorité symbolique considérée comme naturelle ou légitime.
      https://journals.openedition.org/lectures/16412
      https://www.cairn.info/revue-sociologie-2014-3-page-307.htm
      #soumission #domination_légitime #domination_masculine #acquiescement #violence_symbolique #Max_Weber

    • bon, je trouve ce texte un peu naïf avec la fin du tout irait mieux si. C’est comme s’il oubliait la part historique et l’aspect politique de l’inégalité systémique mise en place. J’avoue que je suis pas très intéressée aux réflexions féministes qui se centrent sur les individus, ni à bisounourser les hommes, ou à lire qu’il faut pouvoir autant emmener les garçons à la danse que les filles au foot surtout si il faut se taper toujours en toile de fond la fameuse ambiguïté des femmes.

  • Observatory of Symbolic Violence. Exploratory Mission Colombia

    Symbolic Violence is at the same time a root cause of conflict and an impact of it. It can lead to discrimina- tion and exclusion and to the use of physical violence. Understanding, monitoring, reducing and preventing symbolic violence is there- fore a key issue for sustain- able peace building. PRO- TECTION, ADVOCACY and CAPACITY BUILD- ING are our main aims.
    n Colombia, all spaceshave been affected by dif-ferent forms of violenceduring decades of conflict.Our observatory will betargeting in particular ruralareas, affected by displace-ment of population, pres-ence of fighting groups,forced changes of lifestylesand an overall stigmatisa-tion of different popula-tions.

    http://architecture.brookes.ac.uk/research/cendep/media/report-colombia-en.pdf
    #Colombie #violence_symbolique #violence #fragmentation_de_l'espace #Brigitte_Piquard #conflit #guerre

  • Les racines de l’horreur dans le berceau, janvier 2002, Alice Miller
    http://www.alice-miller.com/articles_fr.php?nid=3

    Il y a, en tout dictateur, massacreur ou #terroriste, aussi terrible soit-il et sans aucune exception, un #enfant qui fut autrefois gravement humilié, et qui, pour survivre, a dû totalement nier ses sentiments de complète #impuissance. Mais ce déni radical de la souffrance endurée a entraîné un vide intérieur, et, chez beaucoup de ces êtres, un arrêt du développement de la capacité innée de #compassion. Détruire des vies humaines, y compris la leur, réduite à l’état de vide, ne leur pose aucun problème.

    #psychanalyse #familialisme mais il n’est pas interdit pour s’intéresser au #pulsionnel de modifier le prisme. Je pense en particulier non seulement aux frères pois chiches ou à Koulibaly mais à Hasna Aïtboulhacen
    http://seenthis.net/messages/431196
    #Violence_sociale #violence_symbolique #hogra

  • Pouvoir et violence symboliques chez Bourdieu

    « Le pouvoir symbolique est un pouvoir qui est en mesure de se faire reconnaître, d’obtenir la reconnaissance ; c’est-à-dire un pouvoir (économique, politique, culturel ou autre) qui a le pouvoir de se faire méconnaître dans sa vérité de pouvoir, de violence et d’arbitraire. L’efficacité propre de ce pouvoir s’exerce non dans l’ordre de la force physique, mais dans l’ordre du sens de la connaissance... »

    « Autrement dit, la violence symbolique peut faire beaucoup mieux que la violence politico-policière, sous certaines conditions et à un certain prix (c’est une des grandes faiblesses de la tradition marxiste de ne pas avoir fait de place à ces violences douces qui sont agissantes, même dans le domaine économique). »

    http://www.youtube.com/watch?v=l3CuRw4ADb4

  • Mozart, nouvelle arme anti-squat
    http://lemonde.fr/mobilite/article/2013/05/31/mozart-nouvelle-arme-anti-squat_3420838_1653095.html

    La SNCF y explique avoir testé la musique classique dans certaines gares "pour rétablir l’ordre" et dissuader "ces groupes de personnes [qui] utilisent les gares comme des lieux de squat" . "Figurez-vous que ça marche ! Soumettre ces personnes à des airs auxquels elles ne sont pas habituées a le mérite de les faire fuir" , se félicite un responsable.

    #contrôle_social #espace_public

    • oui et l’idée que Mozart ferait fuire les indésirables est assez curieuse.
      Comme je discute ici avec @Jean_no sur le rôle sociale de l’art, http://seenthis.net/messages/143795#message143923

      ici avec la musique, on a aussi l’idée que la musique classique serait agréable a certaines catégories sociales et pas à d’autres.

      Il y aussi un paradoxe chez ces proprio, qui se servent de la musique qu’ils aiment (Mozart ici, hier Bethoven) pour torturer des gens ou les faire fuire, comme si leur musique chérie était un genre d’arme.

    • A mettre en perspective avec les technique de torture utiliser par les USA a Abu Grahib et Guantanamo, à base de hard rock diffuser en boucle et à fond les ballons dans les cellules des présumés talibans.

    • On peut effectivement imaginer ce genre de torture sans le hard-rock : Céline Dion en boucle, Mireille Mathieu ("je suis une femme amoureuse" par Mireille Mathieu, c’était une technique utilisée pour m’envoyer jouer dehors quand j’étais gosse. Imagine que tu puisses pas sortir, O_o !!), One Direction ou Justin Bieber, ...

      erk... Non, pas Justin Bieber, non ...

    • oui tu fait bien de préciser @intempestive , le volume sonore et la diffusion en boucle alterner de phases de privations sensoriels font clairement partie du dispositif de torture. Mais j’avais lu que le choix du genre musicale (musique occidentale rock ET sataniste) était sensé briser un peu plus l’esprit des prisonniers et en se sens c’est la même idée que ce truc de mozart dans les gares.

      Sinon pour la musique c’est assez facile de voire les enjeux d’appartenance sociale qui s’y rattachent. A l’adolescence souvent on ne rigole pas avec le genre musical de sa bande (gothiques, vs rappeurs, vs techno, vs pop...)

    • Je vous conseille la lecture de « la distinction » de Pierre #Bourdieu paru aux éditions de Minuit sur la construction sociale du jugement et notamment des goûts culturels
      http://www.ina.fr/video/I12012180
      La critique du livre :
      http://www.alternatives-economiques.fr/la-distinction--critique-sociale-du-jugement-pierre-bourdie

      Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Le principal enjeu de la sociologie de la culture est évidemment de montrer que l’adage populaire est faux et trompeur. Faux parce que les goûts ne sont pas inexplicables, strictement individuels ou liés au caractère ou à la personnalité, mais au contraire produits par l’éducation, les rapports de domination, les stratégies de classement. Trompeur parce que l’influence de la position sociale sur le goût est d’autant plus grande qu’elle passe inaperçue, l’individu étant d’autant plus manipulé par celle-ci qu’il se croit libre de ses croyances, de ses choix et de ses opinions. Dans une tradition française qui remonte à Maurice Halbwachs et à Paul-Henri Chombart de Lauwe, Pierre Bourdieu s’emploie donc à démonter les ressorts du goût en matière de loisirs, d’art ou d’alimentation. Il s’appuie pour cela sur la notion d’habitus : un ensemble de pratiques, de règles et de contraintes issues de notre expérience, de notre milieu social, et liées à ce que notre entourage attend de nous. Et il étend son analyse aux comportements politiques.

      #Distinction #Violence_Symbolique #Habitus #Sociologie #Critique_du_Goût #Musique

    • En tout cas, ce qui est sûr, c’est que n’importe quelle musique non sollicitée, à fond dans une station de transports en communs, rend dingue et n’est supportable que le temps d’attente du prochain bus, de la prochaine rame. Et ce, sans convoquer ni Bourdieu, ni Mozart, ni Mireille Mathieu. Et que c’est effectivement utilisé dans certaines stations, dont celle à côté de chez moi, pour faire dégager jeunes et sans-abris qui stationneraient trop longtemps aux arrêts et dans les couloirs.