Pour ceux qui douteraient que Charles Lister n’est rien d’autre qu’un agitateur néoconservateur, le gugusse vient de livrer un pamphlet halluciné dans lequel il se pique de géostratégie typique de l’ère Bush : A Plan for Winding Down the Syrian Civil War : Surge, Freeze, and Enforce
▻http://warontherocks.com/2016/09/a-plan-for-winding-down-the-syrian-civil-war
(1) Augmenter considérablement le soutien aux « rebelles » « mainstream ». Lister aimerait bien (sans trop y croire) qu’on leur livre des systèmes anti-aériens « moins portables » :
Providing less portable anti-aircraft systems appears a potentially viable option, but remains unlikely given the taboo they represent.
Ça tombe bien, comme l’expliquait récemment un spécialiste des armes illégales, les armes livrées aux « rebelles » syriens arrivent « de manière presque directe » chez ISIS :
►https://seenthis.net/messages/524137
Et, non, l’interdiction de livrer des systèmes anti-aériens à des groupes non-étatiques n’est pas un « tabou », mais un accord international.
▻https://seenthis.net/messages/243419
(2) Bombarder en cas de violation du cessez-le-feu :
Were Russia to resolutely veto an ISSG-led enforcement mechanism, the United States and allied “Friends of Syria” governments would necessarily then consider forming a “coalition of the willing” to enforce the very same agreement — an enforced cessation of hostilities — under the principle of humanitarian intervention. Although such a justification is situated within a blurry legal space, even the intensely legalistic President Obama declared himself as being in a position to unilaterally intervene in Syria without Congressional approval in the immediate aftermath of the August 2013 Sarin gas attack outside Damascus. Although the United States would likely end up being the lead military actor, such a joint initiative would also lend the effort more legitimacy and send a unified signal to Russia, Iran, and President Assad of the international community’s determination to stop the violence.
C’est vraiment le plus bel exemple de néoconservatisme : si les Russes « bloquent » à l’ONU, les États-Unis pourront bombarder de manière parfaitement unilatérale en ignorant le Conseil de sécurité, en se drapant dans une justification « humanitaire », on appellera ça une « coalition » et on décrètera que c’est « légitime ».
Évidemment, depuis des années, les « experts » qui utilisent leur image de scientifiques pour légitimer les bombardements américains ne peuvent pas s’empêcher de dire où et comment il faut bombarder intelligemment :
For the United States, pre-selected targets could include non-critical Syrian military infrastructure located far from populated areas, excluding Damascus or the coastal provinces of Tartus or Latakia and areas staffed by Russian personnel.
Ce qu’Edward Herman avait raillé, en 2012, sous l’expression « imperialist fine-tuning left » :
►https://zcomm.org/zmagazine/manufacturing-failed-states-by-edward-s-herman
(même si on ne fera pas à Lister l’affront de le considérer comme de gauche).
Une fois de plus, les types qui régulièrement trouvent que bombarder Al Qaida est une mauvaise idée (c’est encore rappelé dans ce texte), et que bombarder ISIS est contre-productif, et que tout ça aurait tendance à radicaliser les gens, est en train d’exiger qu’on bombarde des choses en Syrie à grands coups de missiles de croisière…
(3) Et enfin, l’expert analyse scientifiquement que, en cas d’intervention américaine massive, les Russes ne répondront pas par une « contre-escalade » tout aussi massive…
Since Russia’s intervention in Syria in September 2015, the threat of force has undoubtedly acquired an additional level of risk. However, the question remains: to what extent does Russia have any interest in counter-escalating against the United States and risking open conflict with a superior military actor? Skeptics of an assertive U.S. approach to Syria have frequently used this question as an automatic veto, but they themselves have never justified in any level of detail why they think Russia itself actually would seek a “World War III” scenario.
Admirable : l’existence même de ce texte de Lister et de ses exigences extraordinaires s’explique justement par l’affreuse surprise qu’a représenté l’intervention massive russe en Syrie. Voilà quelqu’un de particulièrement bien placé pour décréter où et quand s’arrête l’escalade russe…
On se rend ici compte que cette « analyse » repose sur l’idée que les Russes n’auraient pas d’intérêt particulier à l’escalade militaire en Syrie. En dehors de l’aspect purement humanitaire, notre géostratège n’essaie même pas d’exposer pour quelle raison les États-Unis auraient, eux, un quelconque intérêt à cette escalade.
(4) Geler les hostilités… Et hop, grâce aux missiles de croisière américains, il y aura une « cessation durable des hostilités » qui conduira à la perte d’influence des « discours extrémistes » et le régime Assad (qu’il ne s’agirait pas de « renverser militairement »…) serait contraint de négocier sérieusement et voilà le tour est joué…
Une chose absolument fabuleuse, c’est qu’absolument rien dans tout ceci ne requiert la moindre « expertise » scientifique sur le sujet. C’est un travail de légitimation purement politique.