person:jérémy bentham

  • Sois heureux et travaille : quand le bonheur devient une injonction de tous les instants - Idées - Télérama.fr
    https://www.telerama.fr/idees/sois-heureux-et-travaille-quand-le-bonheur-devient-une-injonction-de-tous-l

    Selon la sociologue israélienne Eva Illouz, professeure à l’Université hébraïque de Jérusalem et directrice d’études à l’EHESS, auteure avec Edgar Cabanas d’Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, la psychologie positive, née aux Etats-Unis à la fin des années 1990, qui promeut à tout-va l’épanouissement personnel et le bien-être, a fait des ravages. Le bonheur n’est plus une émotion, idéale source de vertu durant des siècles de philosophie, il est devenu une injonction de tous les instants, une norme sociale qui dicte sa loi et enferme l’individu dans un moule. « Le portrait-robot de la personne heureuse correspond point par point au portrait idéal du ­citoyen néolibéral »…

    L’une des caractéristiques de cette « happycratie », c’est d’étouffer toute revendication sociale ou politique…
    L’happycratie est cette injonction permanente au bonheur, considéré comme l’horizon suprême du moi, l’expression la plus haute de l’accomplissement personnel. Qu’elle soit portée par des psys, des coachs, des conférenciers, des manuels, des blogs, des applications pour téléphone ou des émissions télévisuelles, la pseudo-science du bonheur promet d’enseigner à tous l’art d’être heureux, l’art de voir les choses de façon positive. Cette idéologie, centrée sur l’individu, le considère logiquement comme responsable de ses succès et de ses échecs, source de ses biens et de ses maux : il n’y aurait donc jamais de problème structurel, politique ou social, mais seulement des déficiences psychologiques individuelles, pouvant être traitées et améliorées. Nous ne sommes pas loin de la vision néolibérale d’une Margaret Thatcher qui disait que la société n’existait pas, et qu’il n’y avait que des individus… La tyrannie du bonheur fait en effet peser sur le seul individu tout le poids de son destin social.

    A partir du moment où Martin Seligman, l’inventeur de la psychologie positive, professeur à l’Université de Pennsylvanie, a été élu en 1998 à la tête de l’APA (American Psychological ­Association), des multinationales comme Coca-Cola et des institutions comme l’armée ont commencé à financer ce nouveau champ de recher­che, qui optimisait à leurs yeux les chances d’avoir des salariés ou des soldats performants et obéissants. Car ce qu’exalte Martin Seligman, ce sont très étrangement les qualités psychiques nécessaires à l’organisation économique et au mode de travail des gran­des entreprises ; la capacité à être flexible, à passer d’un emploi à un autre ; l’aptitude à gérer cette incertitude sans anxiété et à voir toujours le bon côté des choses ; le fait de pouvoir non seulement accepter un probable licenciement mais de s’en réjouir.

    Comment cette science du bonheur est-elle devenue une industrie ?
    Appliquée à tous les domaines de la vie quotidienne, le travail, la sexualité, le couple, l’alimentation, le sommeil, etc., elle est gouvernée par une pure logique de marché. Avec elle, le marché des consommateurs potentiels de la psychologie n’a cessé de s’élargir. Au départ, la psychologie s’occupait des fous et des névrosés ; elle s’intéresse aujourd’hui à tous ceux qui se sentent bien, ou pas trop mal, et leur vend l’idée qu’ils pourraient maximiser leur bien-être, dans la lignée de la pensée libérale et utilitariste du philosophe anglais Jeremy Bentham (1748-1832). C’est le grand tournant opéré par Martin Seligman : changer le paradigme d’une psychologie centrée sur la pathologie par une psychologie centrée sur le bonheur. C’est comme si on allait chez le médecin pour qu’il nous parle exclusivement des organes qui fonctionnent bien dans notre corps… La psychologie ne cherche plus à remédier à la souffrance — elle la nie au contraire, comme on l’a vu. Elle cherche à maximiser les potentialités de l’individu.

    #Psychologie #Néolibéralisme #Happycratie #Eva_Illouz

  • « Cette société est trop riche pour le capitalisme ! », par Ernst Lohoff et Norbert Trenkle - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme
    http://www.palim-psao.fr/2018/03/cette-societe-est-trop-riche-pour-le-capitalisme-par-ernst-lohoff-et-norb

    Deux positions apparemment inconciliables caractérisent la controverse politique autour de la bonne façon d’aborder la crise. Tandis que les uns, pour relancer la croissance économique, veulent encore et toujours ouvrir les vannes monétaires et appliquer de nouveaux programmes conjoncturels, les autres défendent une stricte orientation vers l’austérité. Les deux camps prétendent que, si on applique leur plan, la crise pourra se voir surmontée et le mode de production capitaliste pourra être restauré sur une base solide. On croirait assister une nouvelle fois au vieux débat d’orientation entre keynésiens et libéraux, ainsi qu’on l’a tant de fois vu au siècle passé. Mais là où le système de référence de cette controverse se brise, parce que la crise sape irrévocablement les fondements de la production de richesse capitaliste, elle dégénère en sinistre farce. Cependant, les protagonistes ne s’en rendent même pas compte, ou alors le refoulent-ils avec succès. Ils continuent à interpréter infatigablement la même pièce, tandis que la scène sous leurs pieds est toujours plus vermoulue. Le conflit entre leurs visions ne reste cependant pas sans conséquence, car même si aucun des deux plans n’est susceptible d’offrir une issue à la crise, ils impriment cependant leur caractère à la gestion de celle-ci, et, par là également, à ses répercussions concrètes sur la société.

    #critique_de_la_valeur #wertkritik #économie #dette #capitalisme #Allemagne

    • Si l’on s’obstine à lier ces potentiels de richesse à la forme de la richesse abstraite, une nouvelle escalade du procès de crise est inévitable, avec ses conséquences catastrophiques pour la société. Si l’on réussissait en revanche à les arracher à cette forme fétichiste, ils pourraient être mis au service de la satisfaction des besoins concrets de la société. Cela supposerait impérativement, à l’évidence, le dépassement de la production de marchandises et de l’économie monétaire. Car la production développée de marchandises est toujours déjà production capitaliste de marchandises, et à ce titre régie par la fin en soi de la valorisation. Une « production simple de marchandises » comme système social d’échange général, dans lequel l’argent ne serait qu’un moyen de paiement et d’échange et « servirait la société », n’existe que dans les pages d’introduction des manuels d’économie, ainsi que dans les fantasmes de l’entendement bourgeois commun. C’est la raison pour laquelle toutes les tentatives engagées pour « réformer » l’argent, en abolissant les intérêts, par exemple, sont non seulement régressives, en ce qu’elles célèbrent l’« économie de marché » et situent la source des maux du capitalisme dans la sphère financière, mais en outre vouées à l’échec dans la pratique. Des bons d’échanges régionaux peuvent fonctionner un temps comme monnaie parallèle, ou, lors d’une situation de crise extrême, comme ce fut le cas en Argentine en fin d’année 2001, endosser la fonction d’un argent de substitution, ce qui n’est pas sans rappeler le rôle des cigarettes sur le marché noir dans l’après-guerre ; mais dès qu’ils sortiront de cette niche, ils se transformeront en de l’argent tout à fait normal, qui n’est pas un moyen, mais une fin en soi de la production.

    • Il n’existe pas de plan directeur pour cette option. Elle ne peut être développée que par des mouvements sociaux d’émancipation, qui prendraient la forme d’une opposition à la gestion de la crise. Il sera déterminant, évidemment, de savoir comment cette opposition se définira, et quelles perspectives elle formulera. Malgré leurs efforts pour se présenter comme une option radicale, les mouvements de protestation actuels ne représentent pas grand-chose d’autre que l’aile bruyante du mainstream. Ce qui domine, c’est la personnification des origines de la crise, une célébration du « peuple » (les « 99 % »), comme si ce dernier se tenait à l’extérieur de la logique capitaliste, et une fixation sur la redistribution de la richesse monétaire. Mais seule serait radicale une critique, exprimée du point de vue de la richesse matérielle, de la prétendue « obligation de faire des économies ». Le véritable scandale n’est pas la concentration de moyens monétaires dans les mains de quelques-uns – aussi répugnante qu’elle soit par ailleurs –, mais le fait qu’une société qui a développé comme jamais auparavant des potentialités de richesse coure ainsi à sa perte, au lieu de les mettre au service de la satisfaction des besoins concrets. À l’argument selon lequel on « devrait » faire des économies il faut objecter que cet « impératif » se fonde uniquement sur la logique de la production de richesse abstraite. La contrainte suivant laquelle toute richesse matérielle devrait toujours passer par le chas de l’aiguille de la forme marchandise et de la valorisation du capital a toujours été insensée. Mais le fait de rester attaché à cette obligation, alors que le travail producteur de valeur est en fin de course, et qu’ainsi la base de la valorisation du capital se brise, aboutit à un programme de suppression massive des ressources sociales, et devient le moteur d’une gigantesque poussée de paupérisation. Tandis que la gestion de la crise poursuit la Fata Morgana d’un capitalisme sain, elle détruit progressivement les bases de la reproduction sociale.

      Face à cela, il faut rayer résolument d’un trait la question de la « viabilité financière ». La construction de logements, le fonctionnement des hôpitaux, la production de nourriture ou l’entretien du réseau ferré ne doivent pas dépendre de la question de savoir si le « pouvoir d’achat » nécessaire est disponible. Le critère à ce sujet ne peut être que la satisfaction des besoins concrets. C’est précisément là le foyer pour la formation de nouveaux mouvements sociaux d’émancipation contre la logique délirante de la gestion de la crise. Si des ressources doivent être supprimées, parce que « l’argent manque », on doit justement se les approprier, les transformer et les exploiter en consciente hostilité ouverte contre la logique fétichiste de la production moderne marchande. Le mythe libéral fondateur, selon lequel le mode de production capitaliste garantirait « le plus grand bonheur du plus grand nombre » (Jeremy Bentham), fut toujours cruellement ironique, quand on pense aux immenses sacrifices qu’il a exigés ; dans les circonstances de la crise fondamentale que nous connaissons, il confine au pur cynisme. Une vie bonne pour tous ne peut exister qu’au-delà de la forme de richesse abstraite. Il n’y a qu’une seule option face à la dévalorisation catastrophique du capital : la dévalorisation émancipatrice de la production sociale de richesse.

    • Voilà pourquoi les partis social-démocrates sont en voie de disparition. Un parti de gauche digne de ce nom est obligé de mettre en question le capitalisme et les structures sociales, juridiques et militaires mises en place pour le défendre. Sans cela il ne pourra évidemment pas tenir ses promesses.

      La tentative de co-gérer le systèm capitaliste afin de garder un minimum de justice sociale est vouée a l’échec. On assiste à ce résultat qui se propage en Europe en montant l’échelle de puissance économique. Suivant cette analyse on peut espérer encore une dizaine d’années de stabilité économique et sociale pour l’Allemagne.

      Le pouvoir est au courant de ce processus et ses défenseurs les plus intelligents et brutaux sont en train de modifier les armées et les autres institiutions afin de garantir leur survie dans les conflits à venir qui se passeront au sein de nos sociétés.

      Le conflit entre leurs visions ne reste cependant pas sans conséquence, car même si aucun des deux plans n’est susceptible d’offrir une issue à la crise, ils impriment cependant leur caractère à la gestion de celle-ci, et, par là également, à ses répercussions concrètes sur la société.

      Est-ce qu’il faut appeller au soulèvement populaire avant qu’il ne soit trop tard ? Je pense qu’au contraire il faut se concentrer sur la défense des acquis sociaux et de ce qu’on possède encore comme droits et structures démocratiques.

      Ce n’est pas une voie glorieuse et le succès de cette stratégie n’est pas garantie, mais elle a l’avantage de nous équipper avec les défenses les plus puissantes qu’on peut monter - à savoir l’amitié, la #solidarité et l’échange d’idées et de conseils aux niveau nationl et international.

      A défaut de disposer d’une boule de cristal fonctionnelle on est obligé de simplement continuer le combat et de résister le mieux possible aux manoeuvres de terre brulée des impérialistes.

      #crise #résistance #poitique #syndicalisme

  • Inventaire de l’enfermement
    https://www.prison-insider.com/regards/artistiques/laure-tixier-map-with-a-view-fr
    Map with a view est une série d’aquarelles noires aux motifs abstraits dont on ne tarde pas à découvrir qu’il s’agit d’une collection de plans d’architecture de prisons.

    Cet inventaire des géométries de l’enfermement, des espaces de l’orthopédie sociale dont parlait Michel Foucault, est composé d’une trentaine de prisons d’origines géographiques et historiques diverses. Certaines ont disparu (la prison pour enfants de la Petite Roquette à Paris est devenue un square, celle de Millbank à Londres a fait place à la Tate Britain...), d’autres ont été réaffectées (en mémoriaux et prison- musée comme Robben Island en Afrique du Sud et Indian Cellular Jail en Indes, en musées comme le Panoptico à Bogota devenu le Musée National de Colombie, en universités comme celle de Saint-Paul et Saint-Jean à Lyon, en hôtels de luxe...), les autres sont toujours en fonction.

    Quelques années après avoir travaillé à partir des prisons imaginaires de Piranèse (Dolci Carceri), Laure Tixier revient sur l’architecture carcérale. Découvrant pour se repérer lors d’un déplacement dans le quatorzième arrondissement, une zone floutée correspondant à la prison de la Santé sur le plan Paris dans Google Earth, elle a voulu redonner « vue » et « corps » à ce trou noir au milieu de la ville.

    Commence alors une expédition sur Google Earth, de ville en ville, de pays en pays, en quête de prisons : floutées ou non (peu le sont finalement), leur géométrie est repérable qu’elles soient ruptures au sein des villes, clairières au milieu de la forêt, oasis en plein désert, ou îles.
    À partir de la recherche géographique se tisse le fil historique. La géométrie de l’enfermement a voyagé : ramenée de Russie par Jeremy Bentham, elle a germé à Londres, fleuri en Amérique avant d’être ramenée en France par Alexis de Tocqueville, l’Europe l’a implantée et multipliée dans ses colonies en Asie et en Afrique où elle était inconnue et aujourd’hui surpeuplée.


    Map with a view – 2014
    http://www.lauretixier.com/mapwithaview

  • Charlie Stross, The panopticon singularity
    http://www.antipope.org/charlie/old/rant/panopticon-essay.html

    The 18th century utopian philosopher Jeremy Bentham’s #panopticon was a #prison; a circle of cells with windows facing inwards, towards a tower, wherein jailers could look out and inspect the prisoners at any time, unseen by their subjects.

    Though originally proposed as a humane experiment in #penal reform in 1785, Bentham’s idea has eerie resonances today. One of the risks of the #technologies that may give rise to a #singularity is that they may also permit the construction of a Panopticon society — a #police #state characterised by #omniscient #surveillance and mechanical law enforcement.

    • Today’s camera networks are hard-wired and static. But cameras and wireless technology are already converging in the shape of smartphones. Soon, surveillance cameras will take on much of the monitoring tasks that today require Police control centres: using gait analysis and face recognition to pick up suspects, handing off surveillance between cameras as suspects move around, using other cameras as wireless routers to avoid network congestion and dead zones. The ability to tap into home webcams, private security cameras, and Neighbourhood Watch schemes will extend coverage out of public spaces and into the private realm. Many British cities already require retail establishments to install CCTV: the Regulation of Investigatory Powers Act (2001) gives the Police the right to demand access to electronic data — including camera feeds. Ultimately the panopticon society needs cameras to be as common as street lights.

      (Looking on the bright side: London Transport is experimenting with smart cameras that can identify potential suicides on underground train platforms by their movement patterns, which differ from those of commuters. So p2p surveillance cameras will help the trains run on time ...)