person:jean-claude passeron

  • « La jeunesse populaire a été abandonnée à son sort » (Stéphane Beaud, Alternatives Economiques)
    https://www.alternatives-economiques.fr/stephane-beaud-jeunesse-populaire-a-ete-abandonnee-a-sort/00083363

    La profonde désindustrialisation et la très forte diminution des emplois non qualifiés condamnent quasiment à une sorte de mort sociale les jeunes non diplômés. Mais le lien essentiel se joue entre le marché du travail et l’école. […] L’école est devenue l’instance principale de légitimation et la clé d’entrée dans le monde social.
    […]
    Ce mouvement structurel de poursuite d’études lié à la transformation du marché du travail fait que les jeunes non diplômés ou peu diplômés sont des « jeunes sans avenir ». Ils le savent, et très tôt.
    […] le « grand partage », celui qui distingue, en fin de troisième, ceux qui vont poursuivre leurs études en seconde générale et ceux qui vont en lycée professionnel, voire en apprentissage. Et ce grand partage est à la fois social et symbolique. […] Il y a différentes solutions pour « s’en sortir ». Les jeunes femmes peuvent envisager de s’en sortir par une « carrière matrimoniale », en restant femme au foyer. Pour les jeunes garçons, c’est le statut d’intérimaire permanent, voire de chômeur. […] on oublie trop facilement qu’il y a toujours eu des classes populaires surnuméraires. Avant, pour ceux-là, il y avait l’armée ou les colonies. Ces débouchés qui faisaient qu’ils trouvaient malgré tout leur place dans la société.
    […]
    Le problème, c’est que l’on dise d’eux qu’ils sont irrécupérables […]. On les transforme en seules « classes dangereuses », sans aucune perspective de rebond. Le seul horizon qu’on semble leur donner, c’est la prison. C’est consternant et, il faut bien le dire, une régression historique.
    Aujourd’hui, dans toutes les institutions (scolaire, judiciaire, etc.), on constate un durcissement.
    […]
    Dans la jeunesse populaire, à part la minorité que Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron appelaient les « miraculés scolaires », la plupart des autres sont « à leur place » : ils subissent les lois implacables de la reproduction sociale et sont de plus en plus inemployés, voire considérés comme inemployables. On ne fait rien pour aller vers eux. De plus, les travailleurs sociaux vous le diront, on a « managérialisé » le travail social.
    […]
    La caractéristique de la situation actuelle, à mon sens, tient à ce que la lutte pour les places est plus que jamais cruciale, et donc que l’affrontement de classe est plus que jamais évident.
    […]
    Le système social en France est victime de ce culte de la précocité scolaire, de la priorité accordée à la formation initiale et de l’insuffisante attention accordée à la formation professionnelle. En France, il n’y a pas ou peu de vie après l’échec scolaire. Nous avons un système scolaire hyperhiérarchisé, avec nos classes prépas, nos écoles privées, notre filière S. Cette production de l’élite républicaine a un effet très coûteux en soi et des effets en cascade : que fait-on des autres ? C’est, à mes yeux, la grande question.

    #éducation #classes_populaires #échec_scolaire #tri_social #sélection #entre_soi #inégalités #orientation #diplôme

  • Pierre Bourdieu, cible et repère

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/11/pierre-bourdieu-cible-et-repere_5240483_3232.html

    Dans le débat public, le nom du chercheur, mort en janvier 2002, resurgit à chaque attaque contre la sociologie. C’est parce qu’il a marqué la discipline : les querelles autour de son œuvre sont à la mesure de son importance.

    A chaque attaque contre la sociologie, le nom de Pierre Bourdieu resurgit. En 2015, il était déjà dans la ligne de mire de l’essayiste Philippe Val, qui s’en prenait au « sociologisme » dans ­Malaise dans l’inculture (Grasset). Quand l’ancien premier ministre Manuel Valls déclare, quelques mois plus tard, qu’« aucune excuse sociale, sociologique et culturelle » ne doit être cherchée au terrorisme, c’est encore à lui qu’on pense.

    Et c’est toujours lui qui est au cœur d’une charge venue, cette fois, de l’intérieur de la discipline : dans Le Danger sociologique (PUF, 2017), qui a suscité un émoi médiatique, Gérald Bronner et Etienne Géhin accusent Bourdieu d’avoir contribué à propager la « théorie du déterminisme social », sans considération pour la liberté des acteurs sociaux.

    « Les progrès de la neurobiologie et des sciences cognitives ne permettent plus aux sociologues de tout ignorer des ressources d’un organe qui est le moyen de la pensée, de l’intelligence, de l’inventivité, du choix, et par là, d’un certain libre arbitre », écrivent-ils.
    Gérald Bronner, professeur à l’université Paris-Diderot, persiste et signe : « Tout n’est pas prédictible. Si un chercheur n’est jamais surpris par ses résultats, c’est quand même un problème ! » Dans la foulée, la revue Le Débat consacre notamment son numéro de novembre-décembre 2017 à « la sociologie au risque d’un dévoiement » ; la sociologue Nathalie Heinich, très virulente, y reproche au « courant bourdieusien » la reprise « de grilles de perception du monde directement importées du vocabulaire militant ».

    Mais pourquoi ce chercheur agite-t-il autant le débat public seize ans après sa mort ? Comment expliquer que l’évocation de son seul patronyme continue d’échauffer les esprits dans la sphère publique ? Ou autre façon de poser la question : y a-t-il un Pierre Bourdieu médiatique, qui sentirait encore le soufre, et un Pierre Bourdieu académique, devenu un auteur classique ?

    Crispations hexagonales

    Il est vrai que brandir son nom revient à raviver des crispations hexagonales. Comme le rappelle Marc Joly, chercheur associé au CNRS, membre du Laboratoire Printemps et auteur d’un essai à paraître sur le sociologue :

    « Il fait partie des quatre grands noms de la sociologie française des années 1970, avec Michel Crozier, Raymond Boudon et Alain Touraine. Tous se sont retrouvés susceptibles d’être jugés par Raymond Aron. Mais celui qui est reconnu, c’est Bourdieu. »

    En effet, dès les années 1960, les travaux sur l’Algérie de ce normalien, fils de postier, attirent l’attention de la sommité, qui en fait son assistant. Bourdieu est âgé d’à peine plus de 30 ans quand il se voit confier le poste de secrétaire du Centre de sociologie européenne.

    Il rêve de réveiller une discipline qui a perdu de son crédit et d’y réinjecter une ambition scientifique. En tant qu’agrégé de philosophie et ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il a toute légitimité pour le faire. Dans Le Métier de sociologue (Mouton/Bordas, 1968), Bourdieu fixe, avec Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron, les principes élémentaires de la discipline. Son champ d’influence s’étend très vite : déjà directeur d’une collection aux Editions de Minuit, il fonde une revue, Actes de la recherche en sciences sociales, qui existe toujours, crée le Centre de sociologie de l’éducation et de la culture, et dirige, enfin, le Centre de sociologie européenne, qui fusionnera avec le Centre de recherches politiques de la Sorbonne.

    En 1982, il obtient la chaire de sociologie au Collège de France, qu’il occupera vingt ans. « Bourdieu a marqué l’espace académique », résume le sociologue Stéphane Dufoix, professeur de sociologie à l’université Paris-Nanterre. « Une des caractéristiques de la postérité de Bourdieu, c’est qu’il est le seul à avoir réussi à faire école parmi les sociologues français de sa génération. Rares sont, par exemple, les chercheurs en sciences sociales qui se réclament exclusivement de l’influence de Raymond Boudon », ajoute Philippe Coulangeon, directeur de recherche au CNRS.

    Aujourd’hui, ses héritiers sont actifs, à l’image de Frédéric Lebaron, professeur de sociologie à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, Gisèle Sapiro ou Louis Pinto, tous deux directeurs de recherche au CNRS. Mais l’influence du maître va bien au-delà du cercle de ses disciples : « A quelques exceptions près, les grands noms de la sociologie française encore en activité sont tous d’anciens proches ou d’anciens collaborateurs de Bourdieu : Jean-Claude Passeron, Luc Boltanski, Nathalie Heinich, Jean-Louis Fabiani, Bernard Lahire… », ajoute Stéphane Dufoix.

    Les tensions que suscite une recherche sont évidemment proportionnelles à son influence. Bourdieu a touché à tous les domaines : la justice, la littérature, les médias, la religion, l’école… Pour décrire le monde social, il a inventé des outils efficaces : le terme « habitus », par exemple, permet de rendre compte du processus qui conduit les gens à incorporer des manières d’agir et de penser propres au contexte dans lequel ils grandissent et vivent, donc à leur milieu social, au pays dans lequel ils sont nés, à leur genre, leur rang dans la fratrie ou à leur carrière professionnelle. La notion de « champ », qui vient en complément, désigne les contextes différenciés – artistique, politique ou encore économique – dans lesquels se forme et s’exprime l’habitus. La fréquentation précoce d’un champ permet, enfin, d’accumuler des « capitaux », et en particulier du « capital culturel », lequel renvoie au niveau de connaissance d’un individu, à ses diplômes comme à ses goûts littéraires ou musicaux.

    « Beaucoup ont critiqué Bourdieu parce que c’est lui qui dominait scientifiquement et qui continue de le faire. Et, d’une certaine manière, c’est normal : dans une discipline, on se bat pour essayer de trouver les failles et de faire avancer les problèmes », souligne Bernard Lahire, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon et membre du Centre Max-Weber. Lui-même admet volontiers avoir voulu « tuer le père » : « On me l’a souvent dit et ça ne me gêne pas. La science n’est que dépassement permanent de l’acquis. On passe notre temps à critiquer nos maîtres. Mais la question est de savoir si le meurtre est parfait. Je veux être reconnu comme un tueur professionnel ! », ­blague-t-il. « La plupart des sociologues qui ont été formés par Bourdieu ont voulu tuer le père pour tenter de fabriquer quelque chose de singulier », confirme Stéphane Dufoix.

    Mais la controverse actuelle lancée par Gérald Bronner est d’une autre nature. Il ne s’agit pas d’un dépassement ou d’une critique. L’élève de Raymond Boudon rejoue plutôt une bataille des idées née dans les années 1970. Pour aller vite, deux courants s’opposent alors : le déterminisme, qui veut que les individus soient façonnés par les structures sociales, et l’individualisme méthodologique, qui insiste sur la liberté des acteurs sociaux. C’est la fameuse querelle avec Raymond Boudon, qui s’est invitée dans les manuels scolaires.

    En 1973, ce dernier publie en réponse au courant déterministe L’Inégalité des chances (Fayard). Pour Boudon, la réussite des enfants est moins corrélée à leur origine sociale qu’aux attentes des parents vis-à-vis de l’école. L’ouvrage divise « structuralistes » et « individualistes », au prix de raccourcis de chaque côté. La querelle est-elle aujourd’hui dépassée ? « L’opposition déterminisme/liberté continue de sous-tendre le débat en sciences sociales sous des formes diverses. Ce sont cependant de fausses oppositions le plus souvent, explique Gisèle Sapiro. Ce n’est pas parce qu’on réfléchit au poids des structures sociales sur les individus qu’on est déterministe au sens strict. Le déterminisme causal ne s’applique pas aux sciences sociales, qui relèvent du domaine de la probabilité. Bourdieu parle de dispositions, et non de conditionnement au sens du béhaviorisme. » Il n’empêche : si elle est moins rigide qu’il n’y paraît, la théorie de Bourdieu reste assez tranchante. Elle ramène au rang de mythes de grands idéaux : « Ce qui rend ses concepts insupportables aux yeux de certains, c’est qu’ils remettent en cause la liberté, par exemple, ou la méritocratie », suggère Marc Joly.

    A la mort de Bourdieu, en 2002, Alain Touraine déclare, au passé : « Il était une référence positive ou négative indispensable. » Peut-être pressent-il alors que cette relation passionnée, mélange d’amour et de haine, va devoir évoluer. Et, en effet, débute à ce moment-là une période de latence. Le fantôme de Pierre Bourdieu plane sur les sciences sociales, mais plus grand-monde n’ose s’en revendiquer. L’auteur de La Misère du monde (Seuil, 1993) sent le soufre, probablement aussi en raison de la forme qu’a prise son engagement politique dans les dernières années de sa vie, et notamment à partir des grandes grèves de l’automne 1995 contre le « plan Juppé ». Ce que d’aucuns considèrent comme une entorse à l’exigence de « neutralité axiologique » héritée de Max Weber rejaillit soudain sur l’ensemble de son œuvre.

    Nouvelle génération de chercheurs

    En tout état de cause, « à la fin de la vie de Bourdieu, et peut-être encore plus après sa mort, être ouvertement bourdieusien était un handicap pour le recrutement, par exemple au CNRS. Quand j’ai soutenu ma thèse, en 2010, on ne pouvait toujours pas vraiment le citer sans risque. On parlait d’“espace” plutôt que de “champ”, de “ressource” plutôt que de “capital” », témoigne Wilfried Lignier, membre du Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP). En 2012, la publication aux éditions du Seuil d’un premier cours au Collège de France – Sur l’Etat – marque une nouvelle étape dans l’héritage.

    Et, dans la foulée du succès que celui-ci rencontre à l’étranger, les usages commencent à changer dans l’Hexagone. Désormais, mobiliser ses concepts, sans réinventions ni reformulations, est davantage possible. Une nouvelle génération de chercheurs, indifférente à l’ancienne guerre des chefs, pioche dans cette boîte à outils pour comprendre le métier d’agent immobilier, les relations entre enfants dans les cours de récréation, les choix d’école par les parents, la récupération des victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), les tensions dans le corps des officiers de l’armée de terre, l’entre-soi dans les clubs de loisirs privés…

    « Cette référence à Bourdieu est en train de devenir positive, voire incontournable dans certains domaines de recherche », avance M. Lignier. Au risque de perdre de son mordant ? De l’avis de Philippe Coulangeon, « le capital culturel, par exemple, est aujourd’hui une notion banalisée dans les sciences sociales, mais beaucoup d’auteurs l’utilisent pour désigner seulement les ressources culturelles, alors que Bourdieu, plus exigeant, l’utilisait en référence à la notion marxiste de capital. En voyageant dans le temps et dans l’espace, ces concepts finissent parfois par s’affadir ». L’œuvre est en tout cas un canon de la discipline.

    « Dès les années 1980, La Distinction [Minuit, 1979] a largement contribué à la reconnaissance académique de Bourdieu à l’étranger. Et depuis sa mort, tandis que des colloques lui étaient consacrés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Inde ou au Chili, il est devenu un classique », affirme Gisèle Sapiro. Entre 2003 et 2012, il grimpe dans les statistiques américaines, au point de devancer Emile Durkheim (1858-1917) : il devient le sociologue le plus cité aux Etats-Unis selon la revue European Journal of Sociology, qui souligne « un taux de croissance fortement positif ».

    En France, depuis une décennie, une abondante production bibliographique le prend pour objet afin de le discuter, de le présenter, le relire, le vulgariser : depuis le Pourquoi Bourdieu (Gallimard, 2007), de Nathalie Heinich, ont suivi trois publications intitulées Pierre Bourdieu, par Patrick Champagne (Milan, 2008), Edouard Louis (PUF, 2013) et Jean-Louis ­Fabiani (Seuil, 2016). Et deux autres ouvrages sont attendus rien que pour le mois de février : Foucault, Bourdieu et la question néolibérale, de Christian Laval (La Découverte), et Pour Bourdieu (CNRS), de Marc Joly.

    Les anciens conflits sont en voie de s’apaiser, les positions sont moins binaires, la discipline plus spécialisée et aussi plus éclatée. « En fait, la sociologie française actuelle est surtout dominée par une absence d’école. Il n’existe pas de paradigme dominant, pas de véritable conflit entre deux manières d’interroger le social », affirme Stéphane Dufoix. Dans ce climat dépassionné, la polémique récente ressemble donc plutôt à un ultime soubresaut. Volonté de se positionner dans un champ aujourd’hui éclaté pour créer la surprise ? Tentative pour se frayer un chemin vers le monde médiatique et intellectuel ? Les deux se mêlent, selon Arnaud Saint-Martin, chargé de recherche au CNRS, qui y voit une « stratégie d’intervention médiatique ainsi que, in fine, une recherche de pouvoir institutionnel dans la discipline ».

    Match déterminisme/liberté

    Pour Olivier Galland, directeur de recherche au CNRS, « Gérald Bronner veut redonner vie et visibilité dans la vie intellectuelle au courant de l’individualisme méthodologique, orphelin en France depuis la mort de Raymond Boudon [en 2013]. Ce courant n’a jamais été très puissant en France, beaucoup moins que dans la sociologie internationale. Même s’il va falloir d’abord juger sur pièces à partir des travaux de recherche qui seront produits, ce n’est pas une ambition médiocre ». Lui pense que la postérité n’a pas encore fait son œuvre et que le canon n’est pas fixé ad vitam aeternam : « C’est une question de cycle ou de mode. Attendons de voir si les concepts de Bourdieu résistent au temps… »

    Reste que le match déterminisme/liberté semble aujourd’hui quelque peu anachronique, à en croire les usages qui sont faits des concepts sociologiques par une génération qui ne se reconnaît pas dans les guerres de tranchées. « La sociologie telle qu’elle se pratique aujourd’hui est loin de ces traditions représentées par deux ou trois totems sur lesquels on serait censé gloser pour toujours », affirme Arnaud Saint-Martin. Le sociologue Marc Joly préfère regarder vers l’avenir : « On est dans un moment de transition où l’on solde des querelles anciennes pour pouvoir passer à autre chose. »

  • Pourquoi l’école française reproduit-elle les inégalités ? | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/134963/pourquoi-eleves-reussissent-pas-ecole

    La sociologie de l’école constate à quel point cette institution renforce les inégalités en fonction de l’origine sociale : reste à expliquer, concrètement, ce que les élèves « en échec » ne parviennent pas à faire.

    Les résultats des études Pisa sont accablants : la France est un des pays où l’écart entre les résultats des élèves issus de milieux socio-économiques favorisés et ceux des élèves issus de milieux défavorisés est le plus important. Autrement dit, la France possède un des systèmes scolaires les plus inégalitaires et les plus reproducteurs des inégalités sociales du monde développé.

    De fait, la question de la reproduction des inégalités occupe une place centrale dans la sociologie française de l’école, dans laquelle les travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron occupent une place centrale à partir des années 1960. Dans La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement (Minuit, 1970), ces deux sociologues font le constat d’une corrélation entre l’origine sociale d’une part et l’orientation scolaire d’autre part, et montrent que l’école joue un rôle de légitimation et de reproduction des inégalités sociales. Bourdieu et Passeron montrent que l’école, reproduisant le modèle culturel des catégories sociales favorisées, sanctionne ce qui est culturellement légitime et sélectionne ceux qui sont capables de se l’approprier.

    La sociologie de la reproduction s’intéresse ainsi particulièrement aux catégories du jugement scolaire et à la fonction de verdict social de ce dernier. Néanmoins, elle n’explique pas les mécanismes de l’échec en tant que tel : qu’est-ce donc que ces élèves qui échouent à l’école n’arrivent pas à faire ?

    #école #sociologie

  • La grenouille et le scorpion : fable épistémologique

    "Un scorpion demande à une grenouille de le transporter sur son dos d’un bord à l’autre d’une rivière. La grenouille refuse au motif qu’elle risquerait d’être piquée à mort pendant la traversée. Argumentant et anticipant les effets avec l’habileté d’un philosophe « utilitariste » pour mieux atteindre son but, le scorpion lui répond qu’il n’y trouverait pour son compte aucun « intérêt » puisqu’il serait aussitôt noyé. Mais lorsque, au milieu de la rivière, la grenouille qui s’est laissé persuader par cette plaidoirie utilitariste s’étonne en mourant de la piqûre irrationnelle du scorpion, celui-ci peut répondre en soupirant, mais toujours aussi rationnellement par rapport à sa vérité vécue du moment : « Je n’y peux rien, c’est dans ma nature... »

    Le scorpion suicidaire est le prototype du politique trompeur qui est trompé par sa propre habileté à improviser une plaidoirie à la fois logique et efficace. Il a réussi à persuader la grenouille et à la berner, mais il n’a pourtant pas eu une ­stratégie délibérée de mensonge, puisque le mensonge lui a été mortel. Dans ­l’histoire, il fait figure de virtuose du calcul utilitariste, floué par son propre ­raisonnement ; et il est tout autant le dindon de cette farce logique que la grenouille, victime, elle, de sa croyance naïve en une rationalité trompeuse. La rationalité de l’anticipation logique et le déterminisme biologique de l’instinct coexistent dans la fable, sans que le refus de la contradiction logique ait pu, à un moment ou à un autre de l’histoire, donner raison à l’un ou l’autre des deux acteurs. Tous deux ont fait assaut d’« anticipation rationnelle » comme disent les économistes, qui basent sur ce concept l’explication des décisions que des firmes prennent sur un « marché » en anticipant la stratégie prêtée à l’adversaire. Mais l’explication scientifique des actes du scorpion et de la grenouille doit se transformer à mesure que les causes de l’action de chacun changent en se succédant dans le temps. Dans un modèle, l’économiste fixe la logique du calcul en substituant le temps du modèle au temps historique ; dans une enquête, le sociologue explore le devenir des interactions, en faisant varier ses méthodes par la mesure ou l’observation de terrain, par la comparaison historique ou statistique, afin de rendre probable une explication qui soit en même temps une interprétation plausible.

    Le scorpion fait ici figure d’anti-Ulysse – si l’on pense à l’Ulysse d’Ulysse et les Sirènes, capable d’anticiper, en son calcul rationnel, les faiblesses à venir d’un autre Ulysse, celui qui devra être lié au mât du navire et avoir les oreilles bouchées de cire pour ne pas entendre le chant des Sirènes et ne pas succomber à ses propres pulsions. A la différence de l’homo œconomicus, l’homo sociologicus fait un usage de la rationalité presque toujours plus proche de celui du scorpion que de celui d’Ulysse. Là commence le partage méthodologique entre deux orientations les sciences sociales, celles du modèle et celles de l’enquête. On peut en effet interpréter de toutes sortes de manières la séquence d’interactions de l’historiette : on construit alors autant de théories explicatives de la catastrophe rationnelle survenue dans une interaction qui a pourtant échappé à des acteurs aspirant conjointement à un arbitrage rationnel de leurs décisions.

    Demandons à la théorie d’un sociologue quel diable d’animal est ce scorpion. Dans sa typologie, Max Weber distinguait quatre « types purs de l’action sociale » : (I) « l’action rationnelle par rapport à des fins » qui en calcule les meilleurs moyens ; (II) « l’action rationnelle par rapport à des valeurs » où le calcul se trouvelimitée par un « commandement » inconditionnel ; (III) « l’action traditionnelle » commandée sans calcul par l’autorité de qui s’est toujours fait ainsi ; et (IV) « l’action affective » qui incline à l’obéissance par l’influence qu’exerce le « charisme » d’un chef, d’un prophète, d’une institution ou d’un livre sacré sur ceux qui reconnaissent sa légitimité. Le scorpion de la fable est wertrational (IIème type). C’est un calculateur rationnel, mais aveugle au coût, pourtant rationnellement prévisible dans le cours d’une psychanalyse, que lui fera consentir son désir de piquer un vivant trop proche, lorsque la pulsion instinctive interviendra en dépit de tout calcul comme une irrésistible « obligation interne ». À la différence d’Ulysse il n’a pas su anticiper sa pulsion. L’inconditionnalité absolue des commandements instinctifs de l’espèce borne ici le calcul rationnel des moyens et des finsen empêchant toute supputation de leur valeur en fonction de leur coût.

    Consultons maintenant un autre sociologue, Pareto par exemple : le scorpion se laisse alors comprendre comme un politique machiavélien. Il est prêt à utiliser n’importe quel argument pour atteindre son objectif : persuader la grenouille de répondre à sa demande. Mais c’est un machiavélien imparfait, puisqu’il est incapable d’anticiper ou de contrôler ses propres réactions non-logiques comme il sait le faire pour manipuler les décisions d’une crédule grenouille. Reste un doute dans cette casuistique de la rationalité : si l’on se reporte aux classifications sociologiques de Pareto aussi précises que celles d’un entomologiste, le scorpion doit-il figurer dans la première ou la deuxième espèce du « quatrième genre de la deuxième classe » des actions sociales ? Selon le critère parétien qui divise en deux le quatrième genre des actions non-logiques – celui de l’erreur de calcul ou de l’absence d’information – il faut trouver des indices pour trancher la question de savoir « s’il aurait accepté, ou non, le résultat objectif de sa stratégie au cas où il l’aurait connu ».

    En consultant sa bibliothèque des grandes œuvres théoriques, le lecteur imaginera sans peine d’autres lectures que wébériennes ou parétiennes de la stratégie du scorpion. Un scorpion pascalien, marxien, durkheimien, mertonien, darwinien, schumpétérien, aronien, statisticien, économètre, théoricien des jeux, simonien, braudellien, bourdieusien, elstérien, freudien, lacanien, herméneute, veynien, foucaldien, interactionniste ou ethnométhodologue laisserait tout aussi facilement interpréter sa rationalité catastrophique dans le cadre d’une théorie scientifique des actions ou interactions sociales. Il suffit, à chaque fois, de faire intervenir dans l’interprétation des actes successifs du scorpion les concepts théoriques qui redéfinissent, dès que le rationalisme utilitariste est à court de raisons, la place et la forme du principe de rationalité dans l’explication de ses actes.

    On n’a que l’embarras du choix entre les explications : « chaînes d’imagination » aussi contraignantes que les « chaînes de nécessité » (chez Pascal) – « intérêt objectif de classe » et « idéologie » (chez Marx) – « contrainte sociale » et « anomie » (chez Durkheim) – « normativité » et « rôles sociaux » (chez Merton) – « sélection naturelle » et « variation » (chez Darwin) – « périodicité de cycles non-isochrones » (chez Schumpeter) – « désillusions du progrès » ou « frustration relative » chez Aron – « degrés de signification statistique » d’une corrélation, mesurés par la distance entre « fréquence théorique » et « fréquence observée » (dans le calcul des probabilités) – « maximum », « optimum » ou équation mathématique (chez les économètres) – « équilibres de Nash », « coordination des joueurs » et « rationalité sous contraintes » (chez les théoriciens des jeux) – « rationalité procédurale » versus « rationalité substantive » chez Simon – « pesanteur du quotidien » versus « jeux de l’échange » chez Braudel – « système de domination » et « intériorisation de la nécessité » (chez Bourdieu) – « autonomie des normes » par rapport aux calculs d’utilité (chez Elster) – « ambivalence » des sentiments et « rationalisation » (chez Freud) – « leurre du désir » et « structure langagière de l’inconscient » (chez Lacan) – intrication de la « temporalité » et du « récit » chez Ricœur – « intrigue » historique versus poids de la « quotidianité » (chez Veyne) – « diversité des scènes sociales » (chez Goffman) ou accoutability des comportements (chez Garfinkel).

    Il y a toujours pour un acteur mille bonnes raisons, « compréhensibles » à un interprète rationnel,de n’être pas rationnel, au sens de la définition de la rationalité qui peut entrer dans un modèle de calcul. Il est clair, en tout cas, qu’un modèle formel ne fournit aucun moyen d’entrer dans les raisons des acteurs, et encore moins d’articuler les « causes » des actions sur les « raisons » des acteurs : il a fallu aux économistes – toute syntaxe exigeant une sémantique – doter à la va-vite leurs calculateurs fantômes d’une « psychologie de convention », qui n’explique que les décisions d’acteurs « purs » dans une « théorie pure ». Dans les modèles de décision rationnelle, le décideur (individu ou firme) ne se contredit jamais, il cherche toujours à maximiser son intérêt ; il recherche toujours le maximum d’information, il calcule au plus juste ce que coûte un moyen par rapport à un autre, il compare le coût de l’obtention d’une information ou de l’établissement d’une transaction en le rapportant aux conséquences qui découleraient du choix d’en faire l’économie : nous voilà bien loin de l’histoire des sociétés et des drames singuliers qui s’y nouent.

    Mais attention ! La pluralité de leurs théories ne condamne pas les sciences sociales au scepticisme ; pas davantage à renoncer à la démarche scientifique. Si l’interprétation de l’historiette se prête indifféremment à toutes sortes d’herméneutiques, c’est précisément que l’interprète de l’action du scorpion ne dispose d’aucune autre données sur le contexte du « cas » que le récit d’une aventure unique. Aucune série d’indices ou de vestiges, pas de récits ou de sondages sur les rencontres entre scorpions et grenouilles : donc pas de possibilité de comparaison historique. Pas d’ethnographie ou d’écologie des fossés où cohabitent grenouilles et scorpions ; aucune cartographie de leurs trajets et habitats. Pas de corpus : donc pas de recours possible aux méthodes statistiques ; impossible de calculer la proportion des scorpions fossilisés au fonds des cours d’eau pour en comparer les variations à celles de la proportion des grenouilles qui y vivent ; encore moins, dispose-t-on de protocoles d’observation ou de tests expérimentaux conduits sur des échantillons raisonnés ou représentatifs de scorpions ou de grenouilles. L’historien de cette rencontre sans lendemain entre une grenouille tombée du ciel et un scorpion miraculeux se trouve placé devant une histoire sans passé ni concomitants.

    Dans une tâche analogue – tenir et améliorer des raisonnements explicatifs – les sciences historiques ne sont pas aussi démunies. Elles disposent d’une panoplie de méthodes et de schèmes de raisonnement permettant de composer ces méthodes pour traiter leurs données d’observation et les interpréter dans une argumentation explicative : « variations concomitantes », « simulation » des effets dans un modèle, « tests de signification » pour chiffrer la probabilité d’une interaction entre variables, algorithmes de calcul fournis par les statistiques « descriptive » ou « analytique », échantillonnage et enquête de terrain. Mais aussi comparaison historique de faits « analogues » ou « contrastés » prélevés dans des contextes proches ou éloignés, critique interne et externe de documents écrits ou oraux, « analyse structurale » des textes ou analyse « pragmatique » des situations de parole, mise en série de vestiges, essais de langages conceptuels différents pour comparer leur force probatoire dans l’explication et l’interprétation etc. Toutes ces méthodes organisent des « styles d’argumentation » fort différents, qui fondent à leur tour des styles d’interprétation, jamais complètement traduisibles l’un dans l’autre, par lesquels des théories différentes construisent différemment leurs faits. Une explication économique ne réfute pas une explication sociologique, et vice-versa ; ni une interprétation psychanalytique une interprétation anthropologique. Ce qui caractérise le statut épistémologique des sciences sociales c’est que leurs raisonnements ne peuvent transmettre la vérité d’une proposition à la suivante comme dans une chaîne déductive. Mais ces sciences ont en commun une autre manière de prouver : faire converger des preuves de forme logique différente dans un argumentaire d’ensemble, leurs arguments dans un langage de l’interprétation, leurs interprétations dans une théorie plausible.

    Tout comme les interprétations multiples de la stratégie d’un scorpion qui, pour traverser une rivière, a trouvé malgré lui le moyen de se suicider en toute rationalité avec la complicité d’une grenouille qui s’est laissé assassiner pour avoir trop fait confiance à la validité universelle des calculs d’utilité, les théories interprétatives des sciences sociales restent inévitablement multiples et concurrentes. Leurs données d’observation ne permettent jamais, en effet, de les départager ni par une démonstration logico-mathématique qui opérerait comme dans un pur système formel, ni par un raisonnement expérimental qui pourrait être mené de bout en bout « toutes choses égales par ailleurs ». Pourtant, selon les « cas » considérés, leurs mesures ou leurs estimations quantitatives, leurs descriptions ou leurs argumentations, leurs généralisations théoriques ou leurs présomptions explicatives ne sont pas équivalentes. Les théories fondées sur l’enquête historique sont inégalement probantes, leurs intelligibilités sont inégalement robustes selon la pertinence des matériaux empiriques qu’elles ont rassemblés et selon le style de preuve qui soude dans un argumentaire leurs méthodes de traitement des données.

    Les sciences historiques sont des sciences où faire preuve n’est jamais une simple question de tout ou rien, comme dans un jeu à somme nulle où une proposition démontrée ne peut gagner sa vérité que pour autant que la proposition contradictoire y perd toute la sienne par l’efficace de cette même démonstration. C’est une question de plus ou de moins dans « l’allongement du questionnaire ». Les réponses au questionnaire que le chercheur administre à un objet historique sont d’autant mieux descriptives qu’elles sont plus détaillées. Mais elles ne deviennent plus véridiques que si les questions auxquelles elles répondent sont devenues en même temps plus pertinentes pour le sens du questionnement. L’amélioration des explications ne peut, ni théoriquement ni empiriquement, être ici séparée de la valeur des interprétations qu’elles apportent. La « densification de la description », son caractère plus ou moins « fouillé », est condition nécessaire mais non suffisante de l’amélioration de la preuve, puisque la force de celle-ci ne peut elle-même être évaluée qu’en fonction de l’adéquation de l’argumentaire au cas singulier. Dans le langage épistémologique qu’employait Max Weber, l’« adéquation causale » d’une assertion historique n’est pas séparable de son « adéquation quant au sens » : cette caractéristique, valable dans toutes les sciences historiques, qui sont à la fois des sciences de l’enquête et des sciences de l’interprétation, explique les possibilités de renouvellement indéfini de la recherche historique. Que l’analyse historique soit interminable ne prouve rien contre sa scientificité, pas plus que le caractère « interminable » d’une analyse de l’inconscient ne fait de la psychanalyse une science de chimère :

    « Il y a des sciences auxquelles il a été donné de rester éternellement jeunes. C’est le cas de toutes les disciplines historiques, de toutes celles que le flux éternellement mouvant de la culture alimente sans cesse en nouvelles problématiques. Au cœur de leur tâche sont inscrits en même temps le caractère provisoire de toutes les constructions idéal-typiques et la nécessité inéluctable d’en construire de toujours nouvelles. »

    Fort heureusement pour « l’intérêt » scientifique des recherches menées dans les sciences sociales, l’histoire des sociétés humaines n’offre pas aux chercheurs des données aussi raréfiées que l’historiette romanesque du scorpion, diplômé en économie à Princeton, brillant avocat de l’anticipation rationnelle, mais incapable de l’intuition non-logique – ou d’un rien de psychanalyse – qui lui aurait permis de suspecter la duplicité de ses règles de décision pour anticiper un peu plus « raisonnablement » les risques de son talent de calculateur."

    Jean-Claude Passeron

    https://ress.revues.org/655

  • Comment Pierre Bourdieu a donné du champ à la #sociologie | AlterEco+ Alterecoplus
    http://www.alterecoplus.fr/en-direct-de-la-recherche/comment-pierre-bourdieu-a-donne-du-champ-a-la-sociologie-201511101815-0
    http://www.alterecoplus.fr/sites/default/files/public/styles/for_social_networks/public/field/image/pierre_bourdieu.jpg?itok=pKRkOaEY

    Mais c’est en 1964 qu’il se fait réellement connaître en publiant avec Jean-Claude Passeron Les Héritiers. Statistiques et données qualitatives à l’appui, ils mettent à bas l’idéologie méritocratique au fondement de l’école républicaine en montrant que la plus grande réussite des étudiants d’origine bourgeoise doit davantage à une plus grande proximité culturelle avec les attentes de l’école qu’à leurs efforts ou de supposés dons naturels. Une thèse qu’ils systématisent six ans plus tard dans La Reproduction, qui dénonce un système éducatif qui vient non seulement perpétuer mais aussi légitimer les inégalités sociales initiales en exerçant de ce fait une « violence symbolique » sur les perdants de la compétition scolaire qui, faute d’en voir les biais, pensent ne devoir leur sort qu’à eux-mêmes.

  • #Pierre_Bourdieu et #Jean-Claude_Passeron auteurs d’un livre ( les héritiers ) qui a fait date dans l’histoire de la sociologie s’entretiennent sur le sens et l’objet de la sociologie
    https://www.youtube.com/watch?v=3PISYZCFP58


    http://www.scienceshumaines.com/les-heritiers_fr_12988.html

    #Les_Héritiers a fait l’effet d’un véritable pavé dans la mare, en dévoilant les #mécanismes d’un fait #empirique que tout le monde constatait plus ou moins secrètement : à l’#école, les bons #élèves se recrutaient dans les milieux aisés et #cultivés (l’un allant souvent avec l’autre), alors que les enfants d’ouvriers attestaient de parcours scolaires médiocres. À l’#université ne se retrouvaient plus guère alors que les enfants de la #bourgeoisie. Pour les auteurs, c’est aux facteurs culturels, davantage qu’économiques, qu’il fallait imputer ce constat. Les enfants de cadres et de professions libérales bénéficient d’un capital culturel (conversations, #bibliothèques, fréquentation des #musées, voyages...) fourni par l’environnement familial dans lequel la culture est acquise « comme par osmose ». Or l’école légitime précisément ce type de culture qui « présuppose implicitement un corps de savoirs, savoir-faire et surtout de savoir-dire qui constitue le #patrimoine des #classes cultivées ». Pour les enfants de milieux #populaires, par contre, l’acquisition de la culture scolaire nécessite une véritable #acculturation, les apprentissages sont vécus comme des artifices, éloignés de toute #réalité concrète. Ce que les #enseignants considèrent alors comme une absence de dons de leur part n’est souvent que le résultat d’une #socialisation différente. D’où la violence symbolique d’une #institution (l’école) qui, au final, redouble les #inégalités sociales en pérennisant une véritable aristocratie scolaire (qui peut ainsi s’autoreproduire ; le thème sera développé en 1970 par les mêmes auteurs dans La #Reproduction), et en participant aussi à la fabrication de l’échec scolaire.

    #Sociologie #Sciences-sociales #Objet #Réalité #langage #Epistémologie #Positivisme #Communication #Sociologue #Capital_culturel #Ordre_social #Habitus #Livre #Vidéo

  • L’école rongée par l’esprit de calcul | Allan Popelard
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/05/POPELARD/47690

    Dans les années 1960, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron avaient mis en évidence les mécanismes par lesquels l’école participait à la reproduction des inégalités sociales . L’ouvrage La Nouvelle Ecole capitaliste, des chercheurs Christian Laval, Francis Vergne, Pierre Clément et Guy Dreux , se (...) / #France, #Royaume-Uni, #Enfance, Éducation, Fonction publique, #Inégalités, #Jeunes, #Mutation, Service public, #Privatisation, #Néolibéralisme - 2012/05

    #Éducation #Fonction_publique #Service_public #2012/05