Bonjour M Albert,
Je rejoins Stéphane dans les mercis qu’il vous adresse : c’est rare que vos collègues corrigent, que reste-il de vraiment répondre aux critiques qu’on leur adresse.
Pour reprendre cette discussion là où elle s’est arrêté, je souhaite souligner que la critique ici est en direction de l’ignorance crasse dont fait preuve une partie non négligeable de la profession et — apparemment — de votre rédaction. Vous semblez prendre ces critiques comme une attaque personnelle, or il n’en est rien. Vous comprendrez aisément que, pour toute personne avec une culture générale des enjeux du numérique, sortir des énormités telles qu’on les a lues dans votre article ou dans un article des Echos hier par ex. est tout bonnement risible.
En ce sens, c’est assez ahurissant de lire des choses du genre "beh puisque tout le monde dans les médias raconte des bêtises, pourquoi on m’embête moi spécialement pour l’avoir fait" (je parle de votre argument : "D’ailleurs, les journaux un peu partout à travers la planète, y compris les plus sérieux, ont expliqué le phénomène de la même façon."). D’une part, c’est faux, d’autre part vous discrédite parce que vous faites là appel à un argument rhétologique fallacieux (logical fallacy en anglais) que l’on appelle argument d’autorité anonyme.
Ensuite, excusez-moi, mais votre job est d’informer et clarifier sur différents enjeux. Et quand je dis ça, je pense bien à "clarify, don’t dumb down". J’ai écrit suffisamment de contenus de vulgarisation, Stéphane le fait également et très bien : oui, c’est difficile, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se cacher derrière la médiocrité et dire "Je veux bien accepter qu’il s’agisse de ma part d’une excessive simplification" ou encore "j’ai 4500 signes pour écrire un article sur la question de l’immuabilité de la blockchain, donc un maximum des deux ou trois phrases pour expliquer la façon dont le problème du cyber-casse a été résolu. Il faut simplifier." Une "excessive simplification" s’apparente à de la désinformation. Si vous ne savez pas défendre votre pitch et qualifier la faisabilité du travail à faire, alors changez d’angle. La qualité de l’information ne doit pas en souffir !
Passons maintenant au contenu et les messages qu’il passe :
– vous répondez ci-dessus : "Mais le fait est que ces changements de règles reviennent à largement vider le compte du hackeur. Cela revient à annuler des événements passés." Eh bien, non. Ce n’est pas ainsi que le contrat autonome initial a été écrit, ce n’est pas ce qui s’est passé. Du coup, c’est quoi votre argument au juste ?
– vous écrivez : "Sur la traduction : « fourche », c’est plutôt pas mal comme traduction de « fork », non ?" Si, c’est bien si vous rédigez un article sur les dernières nouveautés culinaires. Vous vous plaignez de ne pas trouver des experts (j’y reviens plus bas) mais quand un expert vous explique comment utiliser le terme anglais correctement en français, vous n’acceptez pas le conseil. Alors faudrait savoir...
Dans votre point 2), vous faites quelque chose de très dangereux et de fort décevant : vous utilisez (de nouveau) un argument rhétologique fallacieux. Il s’agit de charge de la preuve. C’est très facile de s’y prendre les pieds : donc, vous n’avez pas prouvé ce que vous avancez, donc vous demandez à Stéphane de vous prouver que vous avez tort. Je parle de ce passage : "Vos reproches ne répondent pas à la question fondamentale soulevée par cet article [...] C’est le cœur du sujet de l’article, auquel vous ne répondez pas. J’ai fait des erreurs factuelles, dont acte, mais le cœur du sujet reste valable." Dont acte, on vous a indiqué où aller chercher les infos... mais prudence parce que votre recours à ces outils rhétoriques est vraiment rapide.
3) Vous écrivez : "Et dans la presse quotidienne, il faut une « accroche d’actualité » pour parler d’un sujet, ce que me donnait le nouveau brevet déposé par Accenture." Avez-vous suivi la réception de cette annonce ? Avez-vous constaté la risée et l’hilarité délirante que cette annonce a provoqué ? Le brevet d’Accenture est équivalent à une annonce du genre "on comprend rien et on veut que ça se sache". Alors, oui, il y aurait beaucoup de choses à dire sur cette demande de brevet. Mais fallait-il lier le hack de The DAO avec une telle ineptie corporate ? Parce que pour les lecteurs non-avertis, c’est rapide de voir un lien de causalité — ou un soupçon d’un tel lien — vu la manière dont est ficellé votre histoire. Et ça, c’est purement et simplement de l’intox.
"Comment est-ce que j’explique ce débat technique en 4500 signes à une communauté de lecteurs qui n’a dans sa grande majorité jamais entendu parler de blockchain ?" En travaillant le sujet d’une manière faisable et en faisant un contenu correct. C’est difficile, mais pas impossible et — je répète — il faut savoir, quand on écrit sous telles contraintes, que certains sujets ne peuvent juste pas être traités dans les formats imposés. Pour votre information, des forks il y en a eu ailleurs.
"Vous me reprochez mon ton sensationnaliste. C’est un mauvais procès. Pour vous donner une idée du problème, sachez que j’ai aussi reçu un courrier de lecteur après cet article qui me dit en substance que c’est trop compliqué" Eh oui, désolée, mais là, le souci vient de vous, très cher Monsieur. Quand on ne comprend pas quelque chose et on essaie d’en faire une réflexion complète, on fait du gloubiboulga comme c’est le cas là. J’ai suivi l’attaque de The DAO de très près (un peu de l’intérieur) et en lisant votre article, je n’étais pas sûre d’avoir vécu la chose que vous décrivez. Alors, peut-on éviter les rhétoriques fallacieuses (vous venez de faire votre 3e argument fallacieux, je ne vous en félicite pas) et revenir à une approche rationnelle et méthodologique de l’écriture ?
"Fondamentalement, deux logiques s’opposent ici." Eh non, encore perdu. On ne vous demande pas d’être plus expert que les experts, mais de vous attaquer à ce que vous pourrez aborder sans casse. Là, les yeux ont été plus gros que le ventre. Vous n’êtes pas le seul, rassurez-vous, vos confrères et consoeurs font pareil et c’est surtout ce qui nous hérisse.
"Ca pose une question qui revient régulièrement dans le monde de la presse : les journalistes peinent énormément à avoir des interlocuteurs qui expliquent des points techniques, puis on leur reproche leurs simplifications quand ils écrivent. En ce sens, je suis content qu’un dialogue soit désormais établi." Alors, là, je vous avoué, plein de gens qui ont lu ces quelques phrases ont rigolé. Sérieusement. Il y a une communauté très forte à Paris et en France de gens qui comprennent la partie technique de la chose. Il y a également des gens qui ont suivi cette histoire de (très) près. Vous cacher derrière ce genre d’excuses à deux balles ne vous fait pas honneur, désolée.
Et pour vous prouver ce que je viens juste de dire, je vous invite à la prochaine conférence sur la blockchain et bitcoin (cherchez #MCONF sur twitter ou cliquer sur ce lien : ▻http://bit.ly/2deM5o6
Contactez-moi sur Twitter (@MaliciaRogue) pour que je vous réserve votre place. Et là, vous aurez des experts (dont Stéphane) à ne plus savoir qu’en faire et qui vous éviteront des embarassements futurs ;)