The big journalism void : ’The real crisis is not technological, it’s geographic’ | Media

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  • The big journalism void : ’The real crisis is not technological, it’s geographic’
    https://www.theguardian.com/media/2017/jan/30/the-big-journalism-void-the-real-crisis-is-not-technological-its-geogra

    American media has long been distinctly local – but essential newspapers are facing a particular struggle as readers’ attention shifts to the national media

    L’article dépeint bien la question assez centrale au quotidien de l’info locale. Là c’est pour les US, mais l’enjeu est tout aussi crucial dans un pays au jacobinisme médiatique ultra-développé comme la France. Un point intéressant, c’est le lien pointé entre la déliquescence des journaux locaux et l’élection de Trump.

    Local and regional newspapers across the US have bled cash, staff and readers, and in the process lost much of their authority as watchdogs and influencers. In the wake of the most divisive presidential election in recent memory, and the midst of many hand-wringing treatises on the state of journalism, we’ve somehow overlooked what happened with local news, the place where most Americans used to get the bulk of their information. The scaffolding of American journalism, a basic bulwark in our apparently delicate system, is crumbling.

    In its place, we’ve been left with a vacuum that filled easily through the presidential campaign and into today with Donald Trump’s bombastic, often racist and sexist reality-TV-style rhetoric and antics.

    Dans l’affaire du Decodex, la question de l’info locale est balayée rapidement. Tous les médias régionaux sont AAA+, quand bien même de sérieuses alertes résonnent régulièrement sur leur fonctionnement, qu’on se contente de moquer sans voir le danger. Avec des effets assez flippants sur la corruption rendue ainsi possible sans parler de leur dépendance organique à la publicité institutionnelle (cf. le très bon article de Jacques-Olivier Teyssier de Montpellier Journal dans le livre collectif « Informer n’est pas un délit », pas trouvé en ligne). Dernier ex. anecdotique mais flippant à Lyon : https://rebellyon.info/Le-Progres-offre-une-page-de-pub-a-la-17442

    Le Decodex, c’est aussi l’expression d’une concentration dans les médias à Paris qui se fait depuis plusieurs années. La difficulté des quotidiens régionaux à maintenir localement un service d’information général en témoigne (cf. le groupe Ebra qui a forcé ses titres locaux à mutualiser à Paris la rédaction et l’édition de leurs pages nationales). C’est l’une des conséquences d’une prétendue compétition au niveau national voire mondial pour la survie des groupes de presse, avec ses effets de concentration et de « marque de presse » dont joue à fond (et pathétiquement) Le Monde.

    L’article précise bien qu’il ne s’agit pas de la perte d’un âge d’or, mais d’une évolution désastreuse à tout point de vue.

    Complaining about the local paper is nothing new; in fact it’s long been sport in most of America. And our press has not always been free and unfettered. In Montana, several of the largest newspapers were for decades in the first half of the 20th century owned by the same mining company that exploited the state’s workers and natural resources.

    Today, with overworked and stretched staff and vastly shrunken news holes, we have entered a new, sinister era. Papers are smaller and their content is more limited, less nuanced.

    Quelles solutions face à cela : l’auteur évoque dans un premier temps le mécénat.

    A bright spot in local journalism has sprung up in Montana thanks to Maury Povich. Yes, that Maury Povich. The talk-TV personality known best for revealing on-air paternity test results to fraught families has spent 20 summers and many Christmases with his wife, the journalist Connie Chung, and their family in Montana’s Flathead Valley.

    A decade ago, Povich opened the Flathead Beacon, a weekly newspaper that has won multiple awards and wide respect for its deep, nuanced coverage of local issues. This, said Povich, is his philanthropy. He saw a declining local newspaper in his corner of Montana and felt the citizens deserved better than sporadic coverage of local issues. The weekly now has a staff of 20 and a strong readership online and in print.

    Mais ça ne fait pas un modèle fiable. Reste le repli sur des sites d’infos locaux avec des petites équipes de journalistes :

    Independent digital press, the kind already emerging in Montana, could keep the local press alive.

    Mais sans exemple de réussite pour le coup, puisque cela passe essentiellement soit par le paywall (tous ceux qui ont testé ont fermé), soit par la publicité (et hop, l’institution repointe le bout de son nez).

    C’est révélateur d’un impensé : l’impossibilité d’organiser financièrement un média local critique du pouvoir et indépendant, capable de publier davantage que quelques articles par mois dans le meilleur des cas (même s’ils sont super). On peut se raccrocher à l’hypothèse d’un financement public, toujours repoussée, ou encore à l’organisation d’événements, mais il serait peut-être plus efficace de penser maintenant des médias locaux militants, bénévoles.

    Dans ce sens-là, il faudrait peut-être considérer sérieusement les esquisses d’alternatives mises en place par des sites comme ceux du réseau Mutu (Rebellyon, La Rotative, Paris-luttes, etc.) ou encore les Bondy Blog, aussi imparfaites puissent-elles paraître (les radios ne sont souvent pas dédiées à l’info du coin, et les journaux mensuels trop peu réactifs).

    Mais pour cela, à l’heure des médias globaux (le Guardian, le NYT mais aussi Twitter, Facebook…), une réflexion sur l’importance de l’information locale s’impose (son rôle, dans quelle mesure elle permet à chacun et chacune d’agir, ou de remettre les pieds sur terre tout simplement…), au lieu de garder le nez sur le buzz à l’échelle nationale.

    • Merci Ari,

      La question de l’indépendance de la presse locale n’est pas nouvelle.

      Dans les années 70, on parlait de « contre-info » pour désigner ce que tu appelles de tes voeux, un journalisme militant et bénévole pour dénicher les dessous de la vie locale, comme pour rapporter à l’échelle de la vie locale les débats nationaux ou internationaux (un peu à l’image des groupes et associations qui localement portent des combats qui dépassent évidemment ce cadre).

      Pour y avoir participé, on s’est vite aperçu que le temps nous manquait, et qu’il fallait élargir la base des journalistes citoyens (à l’image de ce que fut l’APL avant la naissance du journal Libération). Mais qu’alors il fallait un solide encadrement : un journal, c’est avant tout sélectionner ce qui va être vu, ce qui est à la une... même s’il y a des centaines d’articles à l’intérieur. L’exemple du premier journal internet citoyen « Oh My News » en Corée du Sud est significatif : alors que des milliers de journalistes citoyens écrivaient, le choix de la une appartenait à l’équipe rédactionnelle... ce qui a permis de remonter les scandales du pouvoir - décidément une pratique bien coréenne, c’est pas chez nous que... - et in fine d’obtenir la première élection d’un gouvernement social-démocrate en Asie.

      Mais créer une infrastructure de gestion des journalistes citoyens demande de l’argent. D’expérience, je ne crois pas à la durée sans une telle infrastructure.

      Nous avons, avec notre petite équipe de contre-informateurs, créé un journal au début des années 80, dans la mouvance de ce qu’on appelait alors des « city magazines ». Avec de l’argent public (les excellents Contrats d’initiative locale de premier gouvernement Mitterrand). Mais ça ne suffisait pas, il fallait aussi de la pub (le matos à l’époque était beaucoup plus cher que maintenant ;-)

      Quand après notre faillite un imprimeur local, par ailleurs membre du Centre des Jeunes Dirigeants, est venu racheter le matériel, il nous a fait cet aveux terrible : « on s’est demandé si on pouvait vous aider à vivre en vous faisant de la pub... mais très vite on s’est rendu compte que vous n’étiez pas influençables, alors on a juste regardé ».

      Je ne crois pas que la baisse des coûts soit si importante avec l’internet que l’on ne se retrouve pas dans la même tenaille aujourd’hui. Car le coût principal est devenu la matière grise et le temps disponible à consacrer à cette activité.

      Or ce temps est une matière élastique : quand on croit à un futur qui va changer, on trouve du temps, c’est comme s’il s’en créait. Mais quand les espoir s’envole dans la fumée des lendemains qui déchantent, le temps glisse, on a tous mieux à faire, mieux à vivre, même s’il s’agit au fond de s’ennuyer devant Candy Crush, Pokemon Go ou Buzzfeed.

      C’est donc au fond une question de dynamique sociale qui recréera la presse utile à la démocratie. Désolé à ceux qui voudraient que le quatrième pouvoir devienne le premier, mais je ne crois pas (et je n’ai jamais vu) que cela puisse arriver. C’est le mouvement social qui bousculera les médias de connivence et qui impulsera une autre information.

      Regardons aux States, car sous l’individualisme autoritaire de Trump, il y a un vrai mouvement qui perce (grassroot, ce n’est pas pour rien, repartir à la racine et commencer seulement à pousser sous le glacis co-construit par les politiques et les médias depuis des années).

    • Merci Hervé et Aude :)

      @hlc : c’est vraiment super intéressant. J’ai tendance à me concentrer sur les expériences sur le net, d’une part, et plutôt à ce qu’il se passe en France. C’est intéressant d’élargir la focale. L’Amérique du Nord a été particulièrement féconde en terme d’alternatives (dans la presse classique par ex., mais aussi plus récemment avec Indymedia ou encore encore les enquêtes financées collectivement au Canada ou la Media-coop).

      Concernant les questions d’infrastructures, c’est un souci certainement trop souvent balayé par les sites d’infos alternatifs.

      Je cogite un peu sur le reste et je reviens dans quelques jours :)

      @aude_v : Médiacités s’est installé aussi à Lyon, plutôt avec des personnes valables d’ailleurs. On verra bien mais j’ai une impression de déjà-vu