Dans mes rêves
Je suis parfois
Un héros de science-fiction !
Est-ce l’influence
De l’ Amoxiciline
Ou celle de Tarkovski ?
C’est mon dernier matin de vacances
Je me refais du café
Et je choisis bien mon disque
Je mets dans une petite coupelle
Les six derniers cachets d’ Amoxiciline
Telle une offrande, un sacrifice
►http://www.desordre.net/musique/peacock_vignette.mp3
Gary Peacock
Keith Jarrett
Jack DeJohnette
Les temps forts
Des cent premiers jours
De Macron à l’Elysée
Le gouvernement américain
Veut identifier plus d’un million
De visiteurs d’un site anti-Trump
►http://www.desordre.net/musique/monk.mp3
Tiens, je prends la radio
Tiens, Olivier Assayas qui pérore
Tiens, je mets un disque (Monk)
Un jour
Je saurais faire
Une sauce tomates !
Comme chaque après-midi
Chaque sieste, je reviens bredouille
De ma pêche aux anguilles, trop rapides
Je connais les mains
Qui me soignent
Depuis quarante-six ans
C’est assez vertigineux
D’être soigné par son plus ancien ami
Deux garnements de six ans, bien plus tard
Les mains de Pierre ont soigné
Le gratin du rugby français
Et des centaines de bébés
En posant ses mains dans mon cou
Pierre écoute le récit de ma colonne vertébrale :
« Tu as marché trop longtemps penché en avant »
Naturellement
Pas moyen de payer la consultation
Troc, contre Une Fuite en Égypte dédicacée
Contre des exemplaires d’Une Fuite en Égypte
J’ai échangé deux pots de miel, deux truites, deux disques,
Un livre et, donc, une consultation d’ostéopathie
Pendant que Pierre soulage les séquelles
De mon lumbago, elle m’envoie
Un message, pas sûr d’être guéri
En chemin vers la pharmacie
Je croise l’ancienne institutrice de Zoé
À son enfant : « c’est le papa de Zoé ! »
C’est cela, je suis à la fois le papa de Zoé
Le plus vieil ami de Pierre
Et qui suis-je pour elle ? Je me le demande
Demain matin
Je serai de nouveau
Un collègue
Mais aussi
Le beau-père de Clément
Et le client fidèle du BDP
De nouveau, aussi
L’usager de la piscine municipale
Et l’abonné d’une salle de cinéma
En attendant
Je vais aller
Me faire ma soupe
Petite pêche blanche plate francilienne
Tu n’as pas le goût de tes cousines cévenoles
Mais tu me les rappelles, c’est déjà ça
Parfois j’attends
Devant l’écran
Et rien ne vient
L’Enfance d’Ivan
D’Andreï Tarkovski
Vue pour la dernière fois en 88 ?
Seul souvenir précis
Que j’avais de ce film depuis presque trente ans
La scène dans la forêt de bouleaux
Souvenirs vagues, en revanche
Les scènes de rêve d’Ivan
Et quelles !
Si un jour je devais faire un film de fiction (on peut rêver)
Ce serait d’après les Anguilles les mains mouillées
Un film qui serait une suite de rêves
Il n’est pas raisonnable
Ni envisageable que
Demain matin je retourne en open space
Des vacances qui auront été
Une suite de derniers instants
De derniers instants réussis
La dernière journée en Arles avec Sarah
La dernière soirée avec B. sur les bords du Rhône
Un dernier film au Keaton