Il y a 25 ans s’ouvraient les camps de l’infamie

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    JUSTICE D’ABORD, LE PARDON C’EST UNE AUTRE QUESTION
     
    Par : Nourredine BELMOUHOUB
     
     « Face aux volontés de dédouaner les vrais coupables sans juger et sans questionner ses persistances, nous devons d’abord refuser pour nous-mêmes d’être esclaves de l’histoire qu’ils nous racontent. Sans justice pleine et entière la barbarie dictatoriale est un tourbillon incontrôlable sans conclusion, et souvent nous nous battrons contre un phénomène bien plus fort que nous, bien plus vieux. Cette barbarie qui nous éclabousse vient de loin, renforcée par le néo-colonialisme, le négationnisme et plein d’autres choses encore, comme par exemple, la haute trahison » Disqualifions d’abord la question hypothétique de savoir ce qui se serait passé si le F.I.S avait eu le pouvoir –qu’il a d’ailleurs démocratiquement gagné-. Ici il s’agit d’Histoire, de faits, ou de s’attarder sur des hypothèses comme les philosophes de comptoir aiment à le faire, c’est tenter en vain de se cacher derrière son petit doigt. Le silence répréhensible entretenu autour de l’arbitraire question des déportés de février 1992 vers les camps de la honte, cache mal aujourd’hui une double barbarie, celle des faits et celle de leur justification, ou plutôt leur déni où victimes et descendants de victimes, se voient refuser une reconnaissance pleine et la justice, raison pourquoi j’ai décidé de secouer l’Histoire un 18 Mars 2009, en mettant sur pied le Comité de Défense des Internés des Camps du Sud, pour dénoncer des faits occultés et le relativisme moral qui autorisa les gouvernants à ne pas se troubler d’une politique délibérée d’anéantissement physique et mental de plus de 24 000 citoyens d’entre les meilleurs fils de cette Algérie trahie.
    Je n’ignorais pas que même le droit d’appeler par son nom, la déportation d’êtres humains la plus haïssable que l’histoire de l’humanité ait connue, pouvait m’être contesté, parce que les auteurs de ces actes horribles, privilégièrent l’emploi d’euphémisme comme internement, et que nous étions obligés de nous en tenir là toutefois, nous demeurons nombreux à attester de deux choses, la première est la violence inouïe que nous avons arbitrairement et inhumainement de la part des exécutants des basses besognes, la seconde est l’évidence génocidaire, ce qui explique le tri et l’hiérarchisation des victimes par les rédacteurs de la charte « dite » pour la paix et la réconciliation, et le déni d’humanité des droits les plus élémentaires à travers un chapelet d’inventivité sadique que constituent les articles 45 et 46 de la dite « Farce ». 
     
     C’est toujours grâce à un certaine « classe intellectuelle corrompue » que les régimes d’exception, officiels ou non, construisent inéluctablement les barrières empathiques qui rendent l’abomination possible. La saga barbare de la néo colonisation portée par une idéologie d’individus au passé déshonorant, en dit long aujourd’hui encore sur la façon dont elle irrigue toute l’Histoire de la nation. En y regardant de plus prés et à la lecture des articles mentionnés plus haut, on comprend qu’il s’agit de justifier les abus des auteurs du coup d’état de 1992, par leur « génie » et par leur supposé caractère inéluctable dans la marche de la « réconciliation ».
     
     Les putschistes s’auto justifieraient de la sorte, audacieuse et insultante tactique de défaussement moral. Leur barbarie intrinsèque ne les dispense pas d’assumer la responsabilité de leurs actes. L’arrière-plan « sauvegardiste » ne dispense pas les bourreaux de leur responsabilité à l’égard des victimes. Les crimes contre l’humanité comme les génocides, au regard du droit pénal international sont imprescriptibles. Ce sont des êtres humains qui ont fait usage des fusils et des chaînes, ils se sont autoproclamés représentants de la nation, ils en ont profité, symboliquement et matériellement, ils sont donc intégralement coupables. Peu importe, et ceci reste valable aujourd’hui, les discours que servent les bourreaux pour expliquer, justifier, minorer leurs actes. 
     
    La domination se juge au préjudice, psychique et matériel, tel qu’il est vécu par les victimes. Le comble des comble est qu’aujourd’hui encore, ce « relativisme moral » ayant brisé des milliers de vies humaines en proclamant, que c’était là une action salvatrice, Il permet encore à certains, d’essayer de faire passer cette histoire à la postérité, comme une entreprise de sauvegarde. Ignorant par aveuglement que la cruauté de notre déplacement vers les camps de la mort, met à nu les artifices philosophiques et moraux d’une fable d’une décennie. Elle expose l’aveuglement pitoyable d’éradicateurs qui de surcroît eurent le culot (et l’ont encore) de qualifier de dangereux les victimes qu’ils déplacèrent, et livrèrent à la radioactivité nucléaire, chimique et bactériologique. Une sauvegarde, permet-elle à ses concepteurs l(ouverture de camps de la mort ?
     
     Quoiqu’on pense, je ne souhaite pas, par humanité aux plus enragés d’entre ceux qui nous ont déporté, de passer une seule journée, là ou ils nous ont inhumainement interné. Et c’est cette empathie défaillante, ayant fait de nous des êtres inférieurs sacrifiables, qui a permis à des nazillons sans scrupules, l’installation d’horribles régimes d’exception. Le facteur déterminant des passivités ou des collaborations actives plus tard ne fut pas l’ignorance des camps, c’est-à-dire l’ignorance du sort réservé aux victimes déportées. Puisqu’au fond cet hypocrite « alibi » sous-entend que ce que nous avons enduré été acceptable. Une bonne partie de la population, massivement entraînée à l’empathie sélective et aux hiérarchisations par l’histoire coloniale ne s’est globalement pas senti interpellée plus que ça, par la montée de la répression et les premières lois d’exception, simplement parce qu’ils étaient accoutumés aux politiques d’exception et à la déshumanisation de l’autre, il a fallut que suivent les disparitions forcées, et les éliminations extrajudiciaires, pour que les gens ressentent que nul n’était à l’abri de l’injustice et de l’arbitraire.
     
     Hélas les silences avaient déjà permis beaucoup de dégâts. Dans tous les cas, le but de l’occultation de notre déportation est de disculper moralement les auteurs du coup d’état de 1992, de réfuter toute revendication de justice et de rendre coupable de leurs propres maux, les victimes, tant pour ce qui est du passé, que pour ce qui est de leur marginalisation actuelle. C’est en parfaite adéquation avec l’attitude d’un Etat qui est plus néocolonialiste que le colonialisme lui-même, raison pourquoi même après l’accalmie, malgré l’évidence de l’horreur concentrationnaire et génocidaire, l’Algérie ne souhaite toujours pas effectuer son examen de conscience global.
     
     * Defenseur des droits de l’homme et Porte-parole des Internés des camps du Sud