Bien plus qu’une biographie - Ahram Hebdo

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  • Egypte Bien plus qu’une biographie - Ahram Hebdo

    Dans Al-Mawlouda (la baptisée), la cinéaste Nadia Kamel retrace la biographie de sa mère, l’activiste Nayla Kamel (1931-2010). Un riche parcours que la mère raconte à sa fille. Une fresque de la vie politique et sociale de presque un siècle.

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    Le succès d’une biogra­phie repose principale­ment sur deux choses : la personnalité dont on relate l’histoire et l’écriture, ou l’art de raconter. Ce sont les deux éléments qui poussent le lecteur à « dévorer » acharnement les quelques 551 pages de la biogra­phie de Nayla Kamel. Pourtant, il n’est pas question d’une célébri­té, mais d’une personne connue dans les milieux de l’intelligent­sia et le mouvement d’activisme communiste des années 1950. Un « personnage » charmant, ensor­celant, dont il est difficile de ne pas tomber amoureux, d’en être passionné sans même la connaître, comme l’a remarqué l’écrivain Mahmoud Al-Wardani au bout de sa lecture. Quant à la narration, elle est assurée par des enregistrements sonores accordés à sa fille, la cinéaste Nadia Kamel, qui a commencé ce projet en 2001 et l’a poursuivi jusqu’à la mort de la mère. « Maman avait 70 ans et moi la quaran­taine », écrit Nadia dans l’intro­duction de l’épopée de sa mère. « Après sa mort, je me suis trouvée toute seule avec en mission l’écri­ture. Je devrais donc m’inspirer du secret de la nar­ration à partir de sa voix s’infiltrant dans mon être ».

    Mais qui est Nayla Kamel ? Baptisée Marie Eliae Rosenthal ? C’est dans ce titre, Al-Mawlouda (la baptisée), que résident tout le drame et la probléma­tique de sa personne : être née en Egypte d’un père égyptien juif, militer parmi la gauche égyptienne et payer cher le prix de son militantisme (en prison), sans se rendre compte — que très tardivement — de la réalité de son statut comme « étrangère » et « juive ». « Je ne connais pas d’autres nationalités », disait-elle à l’enquêteur qui voulait la déporter de l’Egypte lors de l’agression tripartite en 1956 (dans le cadre des politiques nationalistes et du panarabisme instauré par Nasser, les juifs d’Egypte furent suspec­tés d’être des sympathisants sionistes, notamment que la plupart de ces juifs avaient des origines euro­péennes).

    Nayla Kamel est née au Caire en 1931 d’un père juif égyptien, né lui aussi au Caire en 1909. Sa mère, elle, née dans l’un des villages italiens en 1902, a joint toute seule l’Egypte, et lorsqu’elle avait rencontré le père, ils sont tombés amoureux et ils ont insisté pour se marier malgré l’opposition de leurs familles (à cause des reli­gions différentes). La biographie dépasse le statut personnel de Nayla Kamel, qui est pourtant fondamen­tal, pour être un document historique important du rôle joué par des Egyptiens d’origines européennes au mouvement politique égyptien depuis le début du XXe siècle. Elle y relate ses premières sources d’influence lors de la Seconde Guerre mondiale et la haine du fascisme italien, puis sa découverte précoce, à l’âge de 15 ans, du mouvement communiste à travers les acti­vités du club italien. L’engagement studieux et le tra­vail politique organisé dans la clandestinité, puis la connaissance des détentions politiques à maintes reprises.

    Sa connaissance de l’écrivain et opposant, Saad Kamel, la vie politique et culturelle très mouvementée des années 1950, puis leur mariage et leur arrestation un mois plus tard après leur mariage pour passer 5 ans de prison avec travaux forcés. A travers ses différentes stations de sa vie relatées, on reconnaît des aspects de la vie sociopolitique de l’époque, et on fait la connais­sance de près, à travers la famille de son mari, du modèle d’une famille de la classe moyenne, prototype des années 1950-1960, classe qui s’est effondrée au cours des années. Jusqu’à arriver à l’histoire généalo­gique de sa propre famille, le statut de juive qui ne l’a jamais quittée et tous les malentendus qui s’en suivent et desquels elle a beaucoup souffert.