Comment la France va militariser sa doctrine dans l’espace

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  • Comment la France va militariser sa doctrine dans l’espace
    https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/25/la-france-militarise-sa-politique-spatiale_5493327_3210.html

    Des armes nouvelles en orbite, un commandement unifié, un contrôle direct des militaires sur les satellites : la « stratégie spatiale de défense » détaillée par la ministre des armées, Florence Parly, jeudi 25 juillet, à Lyon, inscrit la France de façon décomplexée dans la nouvelle conflictualité qui se déploie dans l’espace. « Nous protégerons mieux nos satellites, y compris de manière active », avait déclaré le président Emmanuel Macron, le 13 juillet, en validant la nouvelle doctrine nationale.

    Oh la belle langue de béton (armé évidemment)

    La France dit agir dans le cadre du traité de l’espace de 1967, qui proscrit les armes de destruction massive. Il est qualifié de « totem » par l’entourage de la ministre. « Mais le traité n’exclut ni la légitime défense, ni la militarisation qui consiste à utiliser des satellites militaires, ni l’arsenalisation qui veut dire placer des armes en orbite », ajoute cette source. « L’actualisation de la doctrine française consiste en une arsenalisation. »

    Système de riposte

    « Unifié, verticalisé, lisible », le nouveau commandement militaire de l’espace sera créé le 1er septembre, à Toulouse, dans le giron de l’armée de l’air. La nouvelle doctrine expose un système de riposte à triple détente en cas d’attaque, assez flou pour être dissuasif :

    D’abord, « face à un geste inamical, la France se réserve le droit de prendre des mesures de rétorsion ».
    Au deuxième niveau, « en réponse à un fait illicite, elle peut prendre des contre-mesures dans l’unique objectif d’y mettre un terme », de façon « strictement nécessaire et proportionnée ».
    Enfin, « en cas d’agression armée dans l’espace, la France peut faire usage de son droit à la légitime défense ». Sous-entendu aller jusqu’à la destruction d’installations spatiales ou terrestres adverses.

    Le défi actuel est d’identifier les agressions menées « sous le seuil » de déclenchement d’un conflit, à l’instar de ce qui se passe dans le cyberespace. A la question de savoir comment Paris réagira demain à des actes tels que l’espionnage du satellite franco-italien Athena-Fidus par un engin russe, révélé par Mme Parly en 2018, le ministère répond : « Cela est classifié. » Il précise cependant que ses satellites de télécommunications militaires Syracuse seront bien dotés rapidement de caméras, « et demain de moyens d’autodéfense, comme des lasers de puissance pour éblouir, ou des mitrailleuses à même de casser les panneaux solaires d’un satellite à l’approche ». Un langage martial et dissuasif inédit.

    « Opérateurs de confiance »

    Cette stratégie contient une rupture politique. Les armées veulent acquérir « une autonomie pour mener des opérations spatiales militaires » sur leurs satellites, ce qui implique que « le ministère doit devenir opérateur spatial », annonce Mme Parly. Les armées sélectionneront par ailleurs des « opérateurs de confiance » parmi les acteurs privés du new space, qui lancent des milliers de satellites et se positionnent dans le traitement des données.

    La loi nationale sur les opérations spatiales de 2008, qui établit un régime d’autorisation préalable par l’autorité civile – le CNES – va être modifiée « dans les mois qui viennent ». « Avec le CNES ce sera toujours un travail d’équipe, mais le jour où nous aurons besoin de manœuvrer, il faut que ce soient les militaires qui agissent », justifie le ministère. En cas d’alerte, les délais actuels d’instruction et de décision sont trop longs, une dizaine d’heures pour prendre des mesures réactives, ont souligné, début 2019, les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille dans un rapport complet sur le sujet. « Une équipe de militaires sera bientôt auprès du CNES pour se former à la manœuvre des satellites », indique le ministère.

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