« Internet a toujours été inégalitaire »

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  • Jen Schradie : « Internet a toujours été inégalitaire »
    https://usbeketrica.com/article/interview-jen-schradie-internet-inegalitaire (pas lu, j’archive, #hacktivisme #militer #internet)

    pour développer et poursuivre :

    « On n’imagine pas au départ combien de temps ça peut prendre de s’occuper d’une page Facebook. » Quand elle tire le bilan de son action lors du mouvement des « gilets jaunes », à l’espace Niemeyer le 19 avril dernier, Mme Priscillia Ludosky parle comme une cadre syndicale. « C’est toute une administration que l’on doit mettre en place. (…) Ça devient un métier, une deuxième vie. » Coadministratrice des deux plus grands groupes #Facebook de « #gilets_jaunes », dont La France en colère !!! (288 000 membres fin octobre 2019), celle qui lança la pétition contre la hausse du prix du carburant qui servit de détonateur au mouvement fut propulsée en quelques jours au cœur de l’économie de l’attention. « Le mouvement a été sans conteste aidé par le nouvel algorithme Facebook, qui survalorise les contenus de groupes au détriment des contenus postés par des pages (et donc par les médias) », relevait très tôt Vincent Glad (Libération, 30 novembre 2018). Conclusion du journaliste : « Les admins de groupe Facebook (…) sont les nouveaux corps intermédiaires, prospérant sur les ruines des syndicats, des associations ou des partis politiques. » Pour rebooter la démocratie, suffirait-il de changer d’algorithme ? Un tel jugement rappelle l’emphase de l’année 2011 : « Si vous voulez une société libre, donnez-lui accès à Internet », s’emportait alors l’Égyptien Wael Ghonim, administrateur de la page Facebook à l’initiative du premier rassemblement de la place Tahrir, au début de la séquence qui précipitera la chute du président Hosni Moubarak.

    Depuis, l’eau a coulé sous les ponts (et sur les places occupées). Mme Ludosky se fait plus nuancée que ses prédécesseurs : le réseau social lui paraît bien favoriser la discussion politique — « avec tous, tous ceux qui n’ont pas de diplômes » —, jusqu’à obtenir l’attention du pouvoir, voire l’obliger à réagir ; mais elle concède qu’il faudra « forcément à un moment pouvoir sortir de la plate-forme ».

    Dans la somme tout juste traduite en français qu’elle consacre à la « sphère publique connectée », depuis le mouvement zapatiste, au milieu des années 1990, jusqu’à l’élection de M. Donald Trump, la sociologue turque Zeynep Tufekci décrit l’effet ambivalent des technologies sur la dynamique des luttes contemporaines. « Autrefois, les mouvements renforçaient d’abord leurs capacités sur une longue période avant de pouvoir organiser de grandes manifestations, résume-t-elle. Aujourd’hui, les mouvements sont d’abord organisés presque exclusivement en ligne, puis n’entament généralement le dur travail nécessaire à leur pérennisation qu’après leur premier grand moment sous les feux des projecteurs. »

    https://www.monde-diplomatique.fr/mav/168/HENNETON/61029