Perdre son temps : la nouvelle fracture numérique

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  • Un mythe increvable : la « révolution #numérique à l’école »

    Dans le Libé de lundi, interview croisée de Vincent Peillon et Michel Serres sur « la place de l’ordinateur à l’école ».
    http://www.liberation.fr/societe/2013/06/09/avec-le-numerique-le-prof-se-recentre-sur-le-coeur-du-metier_909521

    On ne peut constater qu’avec étonnement comment est reprise sans aucun recul la vieille idée selon laquelle #internet et le #multimédia chamboulerait nécessairement la relation pédagogique, l’élève devenant plus autonome, actif, et le prof devant se détacher du rôle de « celui qui sait » pour être davantage un « accompagnateur ».
    Ces idées étaient déjà présentes aux balbutiements d’internet, et quinze ans après on aurait pu penser qu’on aurait pris un peu de distance par rapport au mythe. Mais non. Quelques exemples.

    - 2013 :

    Cela change le rapport au savoir, le #professeur n’en étant plus le seul détenteur ?

    V.P. : Autrefois, en effet, le maître en était le dépositaire et sa mission était de transmettre des savoirs que l’élève ne pouvait acquérir autrement. Aujourd’hui, l’élève peut accéder à des #savoirs ailleurs.

    (...) Et que devient l’enseignant ?

    V.P. : Sa tâche première est d’aider à réfléchir les savoirs, à les construire. Venez voir un cours de géographie bien fait avec le numérique. Je peux superposer plusieurs cartes à différentes périodes, avec les évolutions géologiques et industrielles. Si je prends Narbonne en 1930 et en 1978, je peux voir comment la ville s’est industrialisée, où sont implantés les nouveaux bâtiments, comment les lieux ont évolué physiquement et humainement.

    - 1997 :

    « L’enseignant n’est plus celui qui sait tout mais celui qui permet d’accéder au savoir par toutes sortes de moyens (...) » ( "Planète multimédia, le guide", Hors-Séries Challenges , novembre-décembre 1997, p.130).
    « les profs ne seront plus la référence unique des élèves : ils les aideront à trier une masse énorme de #données » (Comment Internet change la france, dossier de L’Expansion, mars 1998 p.62)
    « Les nouvelles technologies peuvent sortir les professeurs se leur fonction traditionnelle qui était de dicter et de communiquer des informations aux élèves. Les professeurs vont vraiment éduquer, c’est-à-dire structurer l’apprentissage des étudiants pour qu’ils gèrent eux-mêmes leurs nouveaux acquis ». ( Ibid )

    Les nouvelles technologies devraient également permettre de faire évoluer l’acte d’enseigner « qui n’a pas varié au cours des millénaires », l’enseignant ne donnant plus des cours magistraux mais devenant « un coordinateur, un conseiller » (Propos de Claude Allègre, rapportés par une dépêche AFP du 24 août 1998)

    - 2013 :

    (Michel Serres) Dans l’enseignement traditionnel, l’élève qui écoute le professeur est en position passager. Face à l’ordinateur, il est en position conducteur. Et le corps ne trompe pas. En position active, l’entendement est actif. En position passive, il est passif. Les sciences cognitives le confirment : la lecture et l’écriture n’excitent pas les mêmes neurones dans le cerveau quand il s’agit d’une page ou d’un écran.

    - 1997 :

    « Le multimédia brise le schéma traditionnel de l’organisation de la #classe. Il exige un travail en atelier, impliquant un rôle actif de l’élève. Au-delà de la simple utilisation de la machine, il crée une véritable révolution, qui n’est pas sans rappeler les idées hier d’avant-garde du pédagogue français Célestin Freinet : travail en groupe, autonomie des enfants et progression individualisée des cours » ( L’Express , 4-12 décembre 1997, p. 88)

    Etonnant, non ?
    #ecole

    • Et ? Internet ne chamboulerait pas la position du prof ? Simplement parce qu’on le dit depuis le début ? Avez-vous donné un cours récemment ? :)

    • Non, je ne suis pas un pédagogue ;=) Mais il ne m’a pas semblé que la mutation prophétisée il y a 15 ans ait eu lieu ; que je sache, les élèves ne se sont pas transformés en aventuriers du savoir construisant leurs savoirs en toute autonomie face à leur ordinateur, avec l’appui ponctuels de profs-conseillers les aidant à trier l’info. Ca ne veut pas dire qu’Internet n’a rien changé ou ne sert à rien, bien entendu !
      Je m’interroge simplement sur les raisons qui font qu’on annonce, contre toute évidence, qu’une technologie va forcément tout chambouler, tout remettre en question - alors que le changement, si changement il y a, ne sera forcément que progressif et circonscrit.
      Peillon et Serres ont-il rencontré des élèves récemment ;=) ?

    • Pour ma part, je pense que le changement a commencé avec la machine à calculer. :) Fin des années 80, la question était « doit-on les autoriser lors des examens ». Il s’avère que peu à peu, même si ce n’est pas une révolution brutale, les technologies influencent la pédagogie. Aujourd’hui, les examens (Bac compris) sont moins accès sur la mémoire pure et plus sur l’analyse de documents à disposition, avec accès aux outils. Internet amplifie selon moi le fait qu’il faut apprendre à trouver son chemin et que l’enseignant est là pour être un guide. La difficulté est que la temporalité entre l’évolution des usages du numériques et la capacité d’adaptation du système éducatif n’est pas la même...
      Mais il semble qu’il y ait vraiment quelque chose de positif à exploiter ~ http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/actu/detail/article/les-etudiants-qui-twittent-ont-de-meilleures-notes-314 (par exemple). Je pense que tout le monde est d’accord là dessus.