• Education sexuelle : « Les parents ne sont pas informés » (Libération)
    http://www.liberation.fr/societe/2014/01/30/education-sexuelle-il-n-y-a-pas-d-informations-qui-sont-donnees-aux-paren

    Il ne faut pas oublier que l’attention portée à l’enfant, de manière générale, est assez récente dans l’histoire de l’humanité. Avant la fin du XIXe, les enfants n’avaient pas de droits, ils n’étaient pas considérés. A partir du moment où on a commencé à s’intéresser à eux, on a d’abord considéré que c’était des adultes miniatures, puis on s’est rendu compte que non. Freud, au début du XXe, est le premier à dire que l’enfant a une sexualité qui lui est propre. Mais la sexualité infantile n’est pas celle d’un adulte.

    L’éducation sexuelle a aussi été très influencée par son époque. En pleine révolution industrielle, les progrès étaient multiples, notamment sur les conditions de vie grâce aux progrès médicaux. Cette dimension hygiéniste va se ressentir fortement tout au long du XXe siècle. Au niveau de la sexualité infantile, le milieu médical suivit par le milieu scolaire, va se focaliser sur la question de la lutte contre la masturbation, vue comme une manifestation du malin et comme un signe d’impureté. Ensuite l’attention sera portée aux questions liées à la contraception. Plus tard, dans les années 80, on lutte contre les maladies sexuellement transmissibles.

    […]

    De fait, à partir du moment où l’école s’est démocratisée et s’est vraiment ouverte à tous, on a évolué d’un droit vers un devoir à l’éducation. Les parents ont commencé à avoir des attentes et des exigences. Il est apparu une tension permanente entre parents, professeurs et institution scolaire, comme s’ils étaient en rivalité l’un l’autre, alors qu’ils devraient être complémentaires.

    En ce moment, c’est la question du genre, mais il y a six mois c’était le rythme scolaire. On n’est pas jamais dans le débat constructif, mais toujours dans le défensif, et les enfants en sont toujours les premières victimes.

    […]

    Le curseur doit être la question du respect de soi-même, de son corps et des autres. […]
    La difficulté, c’est qu’il n’y a pas d’informations données aux parents. A aucun moment en début d’année, on les prévient, on les informe pour leur dire, « comment on va en parler ». Du coup, certains parents sont réticents. Communiquer plus permettrait d’éviter certaines rumeurs et de dédramatiser le sujet.
    Dans le programme de bio, on apprend la différence physiologique entre les filles et les garçons, de manière évolutive de la primaire au lycée. Mais, pour certains parents, cela est tabou […].

    On reste dans un apprentissage juridique, techniciste. Pour la prévention des grossesses précoces, par exemple, à part dire, « il faut pas », « c’est mal », on ne fait pas grand-chose. Et on sait bien que, pour certains enfants, plus on leur dit « il faut pas », plus c’est tentant de transgresser l’interdit. Le constat est le même des limites des actions de prévention quand elles s’inscrivent sur le seul registre répressif (prévention drogue, alcoolisme, suicide, jeux dangereux, harcèlement, etc.).

    Malheureusement, l’éducation nationale est trop souvent sur ce registre répressif et n’a pas la culture d’une « co-construction » des savoirs où chacun - élève, parents, enseignants - serait respecté dans ses connaissances et dans ses attentes. L’enseignement et le fonctionnement de l’institution scolaire restent très « verticaux » comme lorsque l’instruction était réservée à une élite, dans l’injonction et la répression. La société a évolué et ce mode de fonctionnement ne correspond plus à une scolarisation de masse et à la société actuelle. Or, pour un enfant, grandir s’appuie en partie sur le fait de s’opposer. Mais il a aussi besoin d’adultes en qui il ait confiance et qui aient confiance en lui et en ses compétences. Si, dans toutes les actions de prévention, l’éducation nationale, comme les parents, reste sur un discours désubjectivant, c’est-à-dire qui ne prend pas en compte réellement l’enfant, ses connaissances et ses besoins, il ne peut y avoir « transmission » et plaisir d’apprendre, mais terreur, contrainte et souffrance.

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