« Ne rougissez pas de vouloir la lune : il nous la faut », par Serge Halimi (Le Monde diplomatique)
►http://www.monde-diplomatique.fr/2011/07/HALIMI/20760
Economique mais aussi démocratique, la #crise européenne soulève quatre questions principales. Pourquoi des #politiques dont la banqueroute est assurée sont-elles néanmoins déployées dans trois pays (#Irlande, #Portugal, #Grèce) avec une férocité remarquée ? Les architectes de ces choix sont-ils des illuminés pour que chaque échec — prévisible — de leur médication les conduise à en décupler la dose ? Dans des #systèmes démocratiques, comment expliquer que les peuples victimes de telles ordonnances semblent n’avoir d’autre recours que de remplacer un gouvernement qui a failli par un autre idéologiquement jumeau et déterminé à pratiquer la même « thérapie de choc » ? Enfin, est-il possible de faire autrement ?
La réponse aux deux premières questions s’impose sitôt qu’on s’affranchit du verbiage publicitaire sur l’« intérêt général », les « valeurs partagées de l’#Europe », le « vivre ensemble ». Loin d’être folles, les politiques mises en œuvre sont rationnelles. Et, pour l’essentiel, elles atteignent leur objectif. Seulement, celui-ci n’est pas de mettre un terme à la crise économique et financière, mais d’en recueillir les fruits, incroyablement juteux. Une crise qui permet de supprimer des centaines de milliers de postes de fonctionnaires (en Grèce, neuf départs à la retraite sur dix ne seront pas remplacés), d’amputer leurs traitements et la durée de leurs congés payés, de brader des pans entiers de l’#économie au profit d’#intérêts privés, de remettre en cause le #droit du #travail, d’augmenter les #impôts indirects (les plus inégalitaires), de relever les tarifs des #services publics, de réduire le remboursement des soins de #santé, d’exaucer en somme le rêve d’une société de #marché — cette crise-là constitue la providence des libéraux. En temps ordinaire, la moindre des mesures prises les aurait contraints à un combat incertain et acharné ; ici, tout vient d’un coup. Pourquoi souhaiteraient-ils donc la sortie d’un tunnel qui ressemble pour eux à une autoroute vers la Terre promise ?