• #Colonia_per_maschi. Italiani in Africa Orientale: una storia di genere

    Quella degli italiani che combatterono o lavorarono nelle colonie africane del fascismo è una storia poco e mal conosciuta. Questo libro intende fornire un contributo di conoscenza sui comportamenti e i sentimenti di quanti, militari o civili, furono coinvolti nella colonizzazione dell’Etiopia (1935-41). Attraverso lo studio di memorie e diari inediti, ma anche della propaganda e della letteratura coloniale coeva, il volume indaga sul significato del colonialismo per gli italiani in termini di identità maschile, sia sul piano dell’esperienza vissuta che su quello dell’immaginario e della rappresentazione, pubblica e privata. Partendo dall’ipotesi della conquista coloniale come «terapia» per arginare la «degenerazione» del maschio e, in questa chiave, dal mito dell’Africa come luogo di frontiera e «paradiso dei sensi», il saggio intreccia l’analisi dei modelli maschili e delle politiche coloniali del fascismo con la ricostruzione delle esperienze quotidiane e delle percezioni di sé degli italiani. In particolare, sulla scia di molti studi coloniali stranieri focalizzati sulle variabili di genere e razza, l’analisi si sofferma sulla sfera dei complessi e multiformi contatti con gli uomini e le donne della società locale. Ne emerge un quadro articolato e contraddittorio, un complesso di relazioni tra colonizzatori e colonizzati sicuramente caratterizzato da gerarchie e razzismo, ma anche da rapporti amicali, erotici e omoerotici, paternalistici e, talora, paterni.
    Come scrive Luisa Passerini nella prefazione, questo libro è un «contributo originale [...] a un tema di grande rilevanza, che permette di comprendere meglio sia la complessità del passato recente della nazione sia le difficoltà di fare i conti con il suo retaggio coloniale».

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    • La conquête de l’Éthiopie et le rêve d’une #sexualité sur ordonnance (1), par Marie-Anne Matard-Bonucci.

      PARTIE 1

      Le 9 mai 1936, à Rome, dans un discours retransmis par des milliers de haut-parleurs dans toute l’Italie, Mussolini annonce la conquête de l’Éthiopie. Du Palais de Venise où il est acclamé par une foule en liesse, le Duce prétend donner au monde une leçon de civilisation, célébrant le combat de l’Italie contre « l’arbitraire cruel », « l’esclavage millénaire » et la victoire de la justice sur la barbarie. La veille, dans un climat analogue, le Duce s’est adressé aux organisations féminines du régime, et a remercié les femmes d’avoir soutenu l’héroïsme de leurs frères, fils et maris en résistant aux sanctions décrétées par la Société des Nations1. Quelques mois plus tôt pour la journée de la « Foi », des cohortes de femmes avaient offert leur alliance, le don de l’anneau nuptial symbolisant l’engagement de toute la nation dans l’aventure coloniale.

      Cette communion des genres sur l’autel de l’impérialisme fasciste ne doit pas masquer que la guerre d’Éthiopie fut un pic d’exaltation de la virilité par un régime qui l’avait élevée à des sommets jamais atteints2. « Rappelez-vous que la passion des colonies est la plus masculine, la plus fière et la plus puissante qu’un Italien puisse nourrir ; aimez-les plus encore pour les sacrifices qu’elles nous ont coûtés et qu’elles nous coûteront que pour les richesses qu’elles pourront nous apporter. Préparez-vous à mesurer dans les colonies votre force de dominateur et votre pouvoir de condottiere » exhortait le maréchal Rodolfo Graziani, devenu vice-Roi d’Éthiopie en juin 19363. Guerre coloniale et fasciste, le conflit éthiopien fut pensé comme un temps fort dans la stratégie destinée à créer un « homme nouveau fasciste »4. Soldats et colons étaient invités par le Duce, le maréchal Graziani et les élites fascistes à se comporter en peuple dominateur et impitoyable. Tous les moyens furent bons pour écraser un adversaire aussi mal équipé que déterminé : emploi de gaz asphyxiants, bombardements, massacres de civils, anéantissement des élites5. L’Éthiopie fut le théâtre d’une violence extrême. Soldats et hiérarques expérimentèrent l’hubris guerrière, comme aux meilleurs temps du squadrisme, l’infériorité présumée des indigènes autorisant une cruauté particulière. Dans son journal, l’intellectuel et hiérarque fasciste Giuseppe Bottai déplorait des épisodes de barbarie dont s’étaient principalement rendus coupables des officiers et dirigeants : « Le mouton des classes moyennes devient un petit lion, confondant l’héroïsme et la cruauté »6. Starace, le secrétaire national du parti fasciste, n’avait pas hésité à donner l’exemple, se livrant à des exercices de tir sur des prisonniers tandis que des soldats prenaient la pose près de cadavres ou brandissaint des restes humains comme des trophées.

      En dépit de discours affichant un humanisme à l’italienne, les autorités fascistes ne réprimèrent pas ces pratiques barbares des combattants, jugeant plus important de modifier les comportements sur un autre terrain : celui de la sexualité. Quelques mois après le début des hostilités, les relations des Italiens avec les femmes éthiopiennes devinrent, aux yeux des élites fascistes, une véritable « question » politique et une bataille prioritaire du régime.

      Les Éthiopiennes, obscurs objets de désir

      Préparée par plusieurs décennies d’idéologie nationaliste, la conquête de l’Éthiopie avait suscité de nombreuses attentes au sein de la population italienne. Au désir des plus démunis d’accéder à la propriété foncière s’ajoutaient des motivations plus complexes où se mêlaient confusément, comme dans d’autres contextes coloniaux, exotisme et érotisme. La beauté légendaire des femmes de la région n’était pas pour rien dans l’attrait de cet Eldorado, l’espoir de les posséder apparaissant aussi légitime que la prétention à s’emparer des terres.
      Photographies d’Éthiopiennes forcément dénudées, comme dans la plupart des représentations des femmes africaines jusqu’aux années Trente, romans populaires publicités et chansons avaient aussi contribué, avant et pendant la conquête, à répandre le stéréotype de créatures à la sensualité exacerbée, offertes au plaisir de l’homme blanc7. Dans l’Italie puritaine qui n’autorisait la nudité que dans l’art, les poitrines des Éthiopiennes nourrissaient tous les fantasmes. « Les Italiens avaient hâte de partir. L’Abyssinie, à leurs yeux, apparaissait comme une forêt de superbes mamelles à portée de main » se souvient Léo Longanesi8. Pendant la guerre, de nombreux dessins humoristiques véhiculés par la presse ou des cartes postales opposaient l’image d’un peuple d’hommes arriérés et sauvages et de femmes séduisantes et avenantes9. Dans un registre qui se voulait humoristique, le dessinateur Enrico De Seta, sur une carte intitulée « Bureau de poste », montrait un soldat devant un guichet postal. Il s’apprêtait à expédier un curieux colis : une femme abyssine empaquetée dans une couverture, dont dépassaient la tête et les pieds10 !

      En 1935, la chanson Faccetta Nera, (Petite frimousse noire) avait accompagné les troupes en campagne. Composée d’abord en dialecte romain, la chanson était devenue très populaire dans sa version italienne11. Les paroles étaient à l’image des sentiments complexes des colonisateurs à l’égard des femmes africaines : volonté de possession et de domination, promesse de libération et de civilisation, désir et fascination. « Facetta Nera, Belle abyssine, attends et espère, l’heure est prochaine. Quand nous serons près de toi nous te donnerons une autre loi et un autre roi. Notre loi est esclavage d’amour, notre slogan est liberté et devoir etc. »12.

      L’imaginaire des romanciers ou chansonniers n’était pas sans rapport avec une certaine réalité des rapports hommes femmes en Éthiopie. Tandis qu’en Italie les interdits pesant sur la sexualité des femmes étaient encore très forts, l’Éthiopie offrait aux femmes, surtout aux Amharas, une liberté plus grande, les relations hors mariage n’étant pas frappées d’opprobre comme dans les sociétés catholiques européennes. Non seulement le concubinage était une pratique qui n’était pas réprouvée par l’entourage – le mariage dämòs permettait aux femmes une forme d’union contractuelle temporaire- mais il pouvait s’inscrire, comme l’ont révélé des travaux récents, du point de vue des Éthiopiennes, dans le cadre d’une stratégie d’élévation sociale, voire d’émancipation13. La pratique du madamismo était répandue, en Somalie et en Érythrée, y compris parmi les fonctionnaires et militaires de haut grade14. En Érythrée, le fonctionnaire Alberto Pollera, pour convaincu qu’il fût des bienfaits de la colonisation, et en dépit de ses responsabilités, n’en avaient pas moins six enfants de deux femmes érythréennes15. Comme l’écrit Giulia Barrera : « The madamato was a set of relationships grounded in the material basis of colonialism and shaped by colonial discourse but it was lived out by concrete individuals : by men who participated in very different ways in the colonial enterprise and by women who were note merely passive victims »16.

      Pour les 300 000 pionniers et soldats présents après la conquête, certains subirent, effectivement, le « doux esclavage » mentionné par la chanson. Même quand la fascination n’était pas au rendez-vous, le concubinage s’imposait presque par défaut, représentant « la véritable institution des rapports sexuels sous le colonialisme »17. En dépit de la propagande visant à les attirer, bien peu de femmes de métropole avaient accepté de s’installer sur place, craignant l’insécurité ou des conditions de vie précaire. Peu après la conquête, un navire de 2000 épouses et fiancées fut appareillé à destination de l’Empire18. En 1938, 10 000 Italiennes avaient accepté de participer à l’aventure coloniale, dont la moitié dans la capitale de l’Empire. Le régime avait également cherché à installer des prostituées blanches recrutées dans la péninsule mais, là encore, l’offre était restée largement inférieure à la demande19. Les hommes continuaient de fréquenter assidûment les sciarmute, les prostituées indigènes, que les autorités s’efforçaient contrôler. Parmi les 1500 femmes autorisées à faire le commerce du sexe à Addis Abeba, et contrôlées lors de visites médicales, les autorités distinguaient trois catégories, identifiables à la couleur d’un petit drapeau affiché sur leur tucul, l’habitation traditionnelle : jaune pour les officiers, verte pour les soldats et travailleurs, noir pour les troupes coloniales. Cette prostitution encadrée et hiérarchisée ne couvrait pas davantage les besoins et certains responsables militaires s’indignaient des longues files d’attente devant les bordels indigènes. Restaient enfin les prostituées occasionnelles ou clandestines, présentes sur l’ensemble du territoire.

      Entre l’exploitation sexuelle des indigènes et la chasteté existait toute une gradation de comportements. Le concubinage fut l’un d’entre-eux qui présentait, avant d’être placé hors la loi, de nombreux avantages pour les colons. Avant la conquête de l’Éthiopie, dans les colonies italiennes d’Afrique noire, Somalie et Érythrée, il était fréquent que des fonctionnaires de l’administration coloniale ou des militaires vivent avec des femmes africaines. Les compagnes des Italiens étaient nommées les madame et le concubinage le madamismo. Ces unions donnaient souvent lieu à la naissance d’enfants métis qui eurent la possibilité, à partir de 1933, en vertu de la « Loi organique pour l’Érythrée et la Somalie » d’obtenir la nationalité italienne20. En Érythrée, en 1935, on comptait 1000 métis sur une population de 3500 Italiens21. Pour les colons, la mise en ménage avec des Éthiopiennes, résultait de motivations diverses, parfois concomitantes, qui n’excluaient pas le sentiment amoureux : disposer d’une compagne pour partager le quotidien et les tâches ménagères, disposer d’une partenaire sexuelle stable et plus sûre que des prostituées. Le journaliste Indro Montanelli, enrôlé comme volontaire en Éthiopie à l’âge de 23 ans, fut nommé à la tête d’un bataillon d’indigènes Érythréens. Il dit avoir « acheté » à son père pour 500 lires, une jeune fille de douze ans. Pratique répréhensible en métropole mais diffusée dans les colonies, celle-ci était justifiée en ces termes : « mais à douze ans [en Afrique] les jeunes filles sont déjà des femmes ». À son départ, il revendit la jeune fille « petit animal docile » à un officier de haut rang, lequel disposait déjà d’un « petit harem »22 Selon son témoignage, la jeune fille était musulmane.

      Avant que le racisme ne devînt doctrine officielle du fascisme, les points de vue sur les unions mixtes étaient partagés. Lidio Cipriani s’alarmait du métissage alors que les démographes Corrado Gini ou Domenico Simonelli y voyait une opportunité de régénération des populations européennes et, pour le second, un facteur de peuplement pour les colonies23. Dans la presse coloniale, les unions mixtes n’étaient pas encore dénoncées24. En février 1936, dans l’Illustrazione coloniale, Lorenzo Ratto opposait l’attitude raciste des colonisateurs britanniques à la tradition « romaine » de fraternisation avec les populations vaincues. Réprouvant le métissage avec les « nègres », il admettait les unions mixtes avec les Éthiopiennes, racialement supérieures : « les plus belles filles de race sémitico-éthiopiennes, facilement sélectionnables sur les plateaux éthiopiens pourront être choisies par les pionniers du Génie militaire rural pour faire partie de nos colonies en tant qu’épouses légitimes (…) »25.

      Texte paru in D. Herzog, Brutality and desire. War and Sexuality in Europe’s Twentieth Century, Palgrave Macmillan, 2008.

      Pour aller plus loin :

      La guerre d’Éthiopie, un inconscient italien, par Olivier Favier. Sur le mausolée au maréchal Graziani à Affile (août 2012), la naissance d’une littérature italophone et postcoloniale et le documentaire de Luca Guadagnino, Inconscio italiano (2011). Voir aussi : L’Italie et ses crimes : un mausolée pour Graziani, par Olivier Favier.
      Mémoire littéraire, mémoire historique, entretien croisé avec Aldo Zargani et Marie-Anne Matard-Bonucci, par Olivier Favier.
      Le fascisme, Auschwitz et Berlusconi, par Marie-Anne Matard Bonucci, Le Monde, 11 février 2013. Marie-Anne Matard-Bonucci est professeure d’histoire contemporaine à Paris VIII, Institut Universitaire de France. Elle est également l’auteure de L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Puf, 2012.

      « Éloge des femmes italiennes » discours prononcé le 8 mai 1936, in B. Mussolini, Édition définitive des œuvres de B. Mussolini, ed. Flammarion, vol. XI, 1938, p. 69-71. [↩]
      Voir G. L. Mosse, L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Pocket, Agora, p. 179-203. B., Spackman, Fascist Virilities : Rhetoric, Ideology, and Social Fantasy in Italy, University of Minnesota Press, 1996. [↩]
      Cité par F. Le Houérou, L’épopée des soldats de Mussolini en Abyssinie. 1936-1938. Les ensablés, L’Harmattan, 1994, p. 50. [↩]
      M.-A. Matard-Bonucci, P. Milza, L’Homme nouveau entre dictature et totalitarisme, Fayard, 2004. [↩]
      A. Sbacchi, Legacy of Bitterness. Ethiopia end fascist Italy, 1935-1941, The Read Sea Press, 1997. Voir en particulier le chapitre 3, “Poison gas and atrocities in the Italo-Ethiopian War, 1935-1936”, p. 55-85. A. Del Boca (dir.) , I gas di Mussolini. Il fascismo e la guerra d’Etiopia, Roma, Editori riuniti, 1996. G. Rochat, « L’attentato a Graziani e la repressione italiana in Etiopia 1936-1937 », in Italia contemporanea, 1975, n. 118, pp. 3-38. Plus généralement, voir l’œuvre considérable d’A. Del Boca, de R. Pankhurst. Voir aussi A. Mockler, Haile Selassie’s war : The Italian Ethiopian campaign, 1936-41, Oxford University Press, 1984, rééd. Grafton Books, 1987. [↩]
      G. Bottai, Diario 1935-1944, Ed . Bur, 2001, p. 102, note du 16 mai 1936. [↩]
      Sur la littérature coloniale : G. Tomasello, La letteratura coloniale italiana dalle avanguardie al fascismo, Palerme, Sellerio, 1984. R. Bonavita, « Lo sguardo dall’alto. Le forme della razzizzazione nei romanzi coloniali nella narrativa esotica », in La menzogna della razza. Documenti e immagini del razzismo e dell’antisemitismo fascista, Grafis, Bologne, 1994, p. 53-62. [↩]
      Cité par A. Petacco, Faccetta nera, Mondadori, ed. 2008, p. 191. [↩]
      Voir les vignettes reproduites dans le catalogue La Menzogna della Razza, p. 156-157. Sur l’iconographie coloniale : A. Mignemi., Immagine coordinata per un impero, GEF, 1984, Novara. G. Campassi, M.-Teresa Sega, « Uomo bianco, donna nera. L’immagine della donna nella fotografia coloniale » in Rivista di storia e teoria della fotografia, vol. 4, n° 5, 1983, p. 54-62. [↩]
      L. Goglia, « Le cartoline illustrate italiane della guerra etiopica 1935-1936 : il negro nemico selvaggio e il trionfo della civiltà di Rome » dans le catalogue de l’exposition La menzogna della Razza, cit. p. 27-40. L’image décrite est située dans le catalogue, à la p. 175. [↩]
      S. Pivato, Bella ciao. Canto e politica nella storia d’Italia, GLF, Editori Laterza, Bari-Laterza, 2007, p. 161-162. [↩]
      Le texte de la chanson est publié par A. Petacco, op. cit., p. 189-190. [↩]
      Après avoir été ignorée dans leur dimension raciste et sexiste, les relations hommes-femmes ont été analysées en privilégiant la clef de lecture de l’oppression coloniale puis du genre. Voir G. Campassi, « Il madamato in Africa orientale : relazioni tra italiani e indigene come forma di agressione coloniale » in Miscellanea di storia delle esplorazioni, Genova, 1987, p. 219-260. Giulia Barrera, dans une étude pionnière, se place du point de vue des femmes érythréennes livrant une vision plus complexe des rapports de genre dans ce contexte : G. Barrera, Dangerous Liaisons, Colonial Concubinage in Eritrea, 1890-1941, PAS Working Paper, Program of african Studies, Northwestern University, Evanston Illinois, USA, 1996. [↩]
      Carlo Rossetti « Razze e religioni nei territori dell’Impero », L’impero (A.O.I). Studi e documenti raccolti e ordinati da T. Sillani, Rome, La Rassegna italiana, XVI, p. 76. L’auteur était le chef du Bureau des études du Ministère de l’Afrique italienne. [↩]
      B. Sorgoni, Etnografia e colonialismo. L’Eritrea e l’Etiopia di Alberto Pollera 1873-1939, Torino, Bollato Boringhieri, 2001. [↩]
      G. Barrera, Ibid., p. 6. [↩]
      Voir A. Gauthier, “Femmes et colonialisme” in M. Ferro (dir.), Le livre noir du colonialisme. XVIe-XXIe siècle : de l’extermination à la repentance, Poche, Pluriel, Hachette, 2006, p. 759-811. La citation est à la p. 802. Voir également A.-L. Stoler, Carnal Knowledge and Imperial Power : Race and the Intimate in Colonial Rule, Berkeley : University of California press, 2002. [↩]
      Article de Carlo Rossetti, Capo dell’Ufficio studi del Ministero dell’Africa italiana, « Razze e religioni eni territori dell’Impero », in L’impero (A.O.I). Studi e documenti raccolti e ordinati da T. Sillani, La Rassegna italiana, XVI, p. 76. [↩]
      Sur la prostitution, A. Del Boca, La caduta cit. p. 244-245. Pankhurst, R. « The history of prostitution in Ethiopia », Journal of Ethiopian Studies, 12, n° 2, p. 159-178. [↩]
      À condition, disait le texte de loi, que les intéressés « se montrent dignes de la nationalité italienne par leur éducation, culture et niveau de vie ». Loi du 6 juillet 1933, n° 999. [↩]
      Chiffre cité par A. Del Boca, op. cit., p. 248. [↩]
      Le témoignage de I. Montanelli est cité par E. Biagi in 1935 e dintorni, Mondadori, 1982, 58-61. [↩]
      Sur C. Gini, M.-A. Matard-Bonucci, L’Italie fasciste op. cit., p. 74-75. D. Simonelli, La demografia dei meticci, 1929. [↩]
      Avant la guerre d’Éthiopie, on ne trouve pas de textes dénonçant les méfaits du métissage dans la presse coloniale. Voir le mémoire de maîtrise inédit de F. Marfoli, La vision des Éthiopiens sous le fascisme : étude de quatre revues coloniales italiennes, dir. O. Dumoulin, Université de Rouen, sept-oct 2001. [↩]
      Illustrazione coloniale, Fev. 1936, n.2, « Metodo romano per colonizzare l’Etiopia ». [↩]

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      PARTIE 2
      La conquête de l’Éthiopie et le rêve d’une sexualité sur ordonnance (2), par Marie-Anne Matard-Bonucci.

      Le spectre du #métissage

      La proclamation de l’Empire représenta un tournant dans l’histoire du racisme et de la doctrine fasciste. Jusque-là, la domination des Italiens sur les populations coloniales s’était traduite par un racisme colonial assez banal. En Libye, aucune législation sur le métissage n’avait été adoptée et les Arabes étaient autorisés à fréquenter les bordels des Européens. À une économie propre au racisme qui valorisait les populations arabes par rapport aux habitants d’Afrique noire s’ajoutaient des facteurs objectifs limitant les risques de procréation des couples mixtes : les femmes italiennes y étaient plus nombreuses et les mariages « à court terme » n’existaient pas1.

      Dans la radicalisation raciste de l’été 1936, il est difficile de savoir si la question sexuelle fit office de catalyseur ou servit de révélateur. Mussolini était ulcéré depuis longtemps par l’idée même des couples mixtes. En avril 1934, il avait exigé de retirer de la circulation le roman Amour noir : « Il s’agit des amours d’un Italien avec une négresse. Inadmissible de la part d’une nation qui veut créer un Empire »2. Deux jours après la proclamation de l’Empire, le chef du gouvernement ordonna à Badoglio et Graziani de n’autoriser aucun Italien civil ou militaire à rester plus de six mois sans femme en Éthiopie pour prévenir « les terribles et prévisibles effets du métissage »3. Échafaudant de grands projets d’expansion économique pour l’Empire, Mussolini avait expliqué, à la même époque, au baron Aloisi, chef de cabinet du Ministère des affaires étrangères, son intention d’y envoyer « beaucoup d’Italiens, mais avec l’obligation d’emmener leurs femmes, car il faut absolument éviter le danger d’une race de métis qui deviendraient nos pires ennemis »4. En juin 1936, Facetta Nera tomba en disgrâce peu après avoir subi les assauts du journaliste à succès, Paolo Monelli. Dans un article intitulé « Donne e buoi dei paesi tuoi », et peut-être écrit sur ordonnance, il mettait au défi l’auteur de la chanson de partager quelques jours de l’existence d’une « facetta nera », « une de ces abyssines crasseuses, à la puanteur ancestrale qui puent le beurre rance qui dégouline à petites gouttes dans le cou ; détruites dès l’âge de vingt ans par une tradition séculaire de servage amoureux et rendues froides et inertes dans les bras de l’homme ; pour une beauté au visage noble cent ont les yeux chassieux, les traits durs et masculins, la peau variolée »5. La plume haineuse vitupérait le romantisme à l’eau de rose de la chanson et dénonçait l’incitation à fréquenter les « petites négresses puantes », qui conduisait au métissage et au « délit contre la race ». En rupture avec le climat de badinage et de libertinage qui avait accompagné la conquête de l’Éthiopie, l’article était en phase avec l’évolution idéologique de l’époque. En novembre 1936, devant le Grand Conseil du fascisme Mussolini affirma la nécessité « d’affronter le problème racial et de l’introduire dans la littérature et la doctrine fascistes »6.

      À cette date, la constitution d’un corpus de littérature et de propagande raciste était en bonne voie. Depuis plusieurs mois, le roman d’aventure de la conquête coloniale occupait les pages des journaux. À partir de mai 1936, s’insinua bientôt la figure d’épouvante du métis, en métropole comme dans les colonies, dans les feuilles fascistes comme dans la presse dite d’information7. Non seulement le métissage portait atteinte au prestige de la race mais le métis était présenté tantôt comme un délinquant en puissance, tantôt comme un malheureux. Un haut fonctionnaire du Ministère de l’Afrique italienne brossait un tableau assez sombre : « On a assez vu, en Érythrée et en Somalie, des officiers et fonctionnaires, parfois de grade élevé, vivre maritalement avec des femmes indigènes donnant naissance à une catégorie d’infortunés ; leur paternité italienne n’empêchait pas, une fois le père rentré en métropole, et si les missionnaires n’intervenaient pas, qu’il vive son adolescence dans le milieu de la race maternelle. Ces malheureux étaient évités par les Blancs et méprisés par les Indigènes8.

      Pour la bataille de la race on fit appel à des racistes patentés tels Lidio Cipriani, lequel agitaient depuis le début des années Trente l’épouvantail du métissage entre races supérieures et inférieures9. Ses multiples expéditions « du Cap au Caire » l’avaient imposé comme spécialiste des populations africaines, par des reportages dans des journaux grand public et dans l’Illustrazione italiana10. En 1937, il devint le directeur de l’Institut et du musée d’anthropologie de Florence, l’un des plus renommés d’Italie. Il s’imposa comme l’un des acteurs de premier plan de la croisade contre le métissage jouant un rôle important dans la principale revue du racisme militant, La Difesa della razza, lancée à l’été 193811. Il mit à la disposition de la revue ses collections de photographies des populations africaines12.

      La Difesa della Razza excella dans l’invention de procédés de photomontages destinée à matérialiser visuellement le métissage. Un quart des couvertures interpellait les lecteurs sur ce thème. L’une d’entre elles montrait l’addition d’un faciès de femme blanche et d’homme noir dont il résultait un masque grotesque. Une autre accolait une tête de blanche et d’Africain : de cet étrange Janus, surgissait une tête de mort édentée. Deux mains, l’une blanche, l’autre noire s’enlaçaient laissant choir une fleur fanée. Plus classique, la couverture de mai 1940, mettait en présence une Ève africaine offrant le fruit défendu à un « aryen ». Un cactus, au premier plan signalait, une fois encore, le danger de la fusion des races13.Le Parti fasciste suscita sa propre littérature sur le sujet. En 1939, parut Le problème des métis sous l’égide de l’institut fasciste de l’Afrique italiennes14. « Dieu a créé les blancs, le diable les mulâtres » pouvait-on lire en exergue15. En Afrique, le Parti fasciste fit campagne pour changer les mentalités. Guido Cortese, secrétaire du faisceau d’Addis Abeba, interprétait fidèlement le nouveau cours politique16 : « Le folklore, celui des nus, des pleines lunes, des longues caravanes et des couchers de soleil ardents, des amours folles avec l’indigène humble et fidèle, tout cela représente des choses dépassées, qui relèvent du roman de troisième ordre. Il serait temps de détruire tout de suite les romans, illustrations et chansonnettes de ce genre afin d’éviter qu’ils donnent naissance à une mentalité tout autre que fasciste ».

      Réformer les pratiques sexuelles des Italiens dans l’Empire

      Le 19 avril 1937, un décret-loi fut adopté pour sanctionner les rapports « de nature conjugale » entre citoyens italiens et sujets de l’Empire, passibles de un à cinq ans de prison17. La loi frappait les Italiens seuls et non les sujets de l’Empire – une situation qui serait bientôt considérée comme injuste par certains fascistes qui réclameraient un durcissement de la loi18. Avec les mesures pour la défense de la race qui installèrent l’antisémitisme d’État à l’automne 1938, la question était affrontée dans le cadre de la partition entre citoyens, ou non, de race italienne. Les juifs, comme les sujets de l’Empire, n’appartenaient pas à la race italienne. Dans ce cadre, les mariages entre individus de race différente étaient interdits : même si elle s’appliquait à l’Empire, la loi visait principalement les unions mixtes impliquant des juifs, très fréquentes, alors que celles-ci prolongeaient rarissimement une situation de madamismo.

      Dans l’Empire les troupes d’occupation et les colons pouvaient continuer à fréquenter les maisons closes et les très nombreuses prostituées africaines, les sciarmute19. En juin 1939, une nouvelle loi précisait et aggravait la précédente, la répression des couples mixtes et du métissage s’intégrant dans un texte plus large de défense du prestige de la race20. Tout délit, quel qu’il fût, était passible d’une peine plus lourde (un quart à un tiers) s’il y avait atteinte au prestige de la race italienne, ou lorsqu’il était commis en présence d’un indigène ou en complicité avec celui-ci. La loi reconduisait les dispositions de 1937 sanctionnant les relations de nature conjugale entre Italiens et sujets de l’Empire mais une disposition nouvelle marquait le franchissement d’un seuil dans la lutte contre le métissage. L’article 11, « Inchiesta relativa ai meticci » invitait les Procureurs à diligenter une enquête, en présence d’un enfant métis, probablement conçu après l’entrée en vigueur de la loi d’avril 1937. Le texte annonçait (art 20, Meticci) des dispositions à venir concernant la position des métis dans l’Empire. En mai 1940, de nouvelles dispositions assimilaient les métis à des sujets africains, interdisant aux pères italiens de les reconnaître. À l’instar des mesures antisémites, les lois coloniales ignoraient le statut de métis, par crainte sans doute que l’invention d’une catégorie juridique n’installe durablement le phénomène.

      La répression s’exerça de plusieurs façons. Plusieurs officiers furent rapatriés en métropole et parfois radiés des cadres de l’armée21. S’agissant des civils, il incombait à la police et à la justice de mettre un terme à des agissements qualifiés par le Duce de « scandaleux » et de « criminels ». Une « police » du madamismo était habilitée à distribuer des « billets jaunes » de mise en garde22.

      Plusieurs procès furent attentés à des Italiens pour réprimer le délit de madamismo23. Un premier jugement fut rendu en septembre 1937. Plusieurs dizaines d’autres procès suivirent devant les tribunaux d’Addis Abeba, Asmara, Gondar, Harar. Le nombre de procès peut sembler anecdotique en regard d’un phénomène qui concernait plusieurs milliers d’individus. Mais les textes des décisions de justice sont cependant riches d’enseignements quant à la façon dont les juges interprétaient la loi. La difficulté consistait dans l’établissement du délit, avec ce que cela supposait d’atteintes à la vie privée des individus. Confronté à un premier procès pour madamismo, en novembre 1938, le Tribunal de Gondar admettait la difficulté à juger en regard du caractère récent de la jurisprudence constituée. Il résumait efficacement la ligne de conduite suivie par les juges dans la plupart des procès : « Compte-tenu des jugements rendus par les autres Tribunaux de l’Empire, ce Tribunal entend diriger l’enquête vers la recherche des preuves matérielles telle que la vie commune menée pendant un certain temps et caractérisée par des rapports sexuels réitérés ; il s’agit aussi de déceler, sur le plan moral ou psychique, les éléments attestant d’un lien spirituel particulier qui ressemble d’une façon ou d’une autre à notre affectio maritalis24. À l’évidence, le fait d’avoir des relations sexuelles avec des Africaines n’était pas en cause. Plusieurs sentences laissaient transparaître la compréhension des juges à l’égard des « besoins sexuels » des expatriés, de la nécessité d’un « défoulement physiologique ». Les rapports sexuels occasionnels avec une domestique dès lors qu’elle ne vivait pas sous le même toit n’étaient pas condamnés25.

      Le sexe était toléré avec les indigènes pourvu qu’il fût dénué de tout affect. Dans une affaire de madamismo, les juges de Gondar estimaient que l’accusé -que son attachement manifeste à la femme accablait- n’aurait pas été coupable « s’il s’était servi de la femme seulement comme prostituée en lui payant le prix d’accouplements occasionnels puis en la congédiant après avoir satisfait ses besoins sexuels »26. En dépit de l’affichage d’un tel cynisme, certains juges prétendaient imposer une morale dans le commerce sexuel entre homme blancs et femmes noires, s’indignant parfois des pratiques de certains colons27. Deux Italiens furent ainsi condamnés pour atteinte au prestige de la race, pour avoir partagé une seule chambre à coucher avec deux Éthiopiennes. « Sans nul doute, l’acte sexuel accompli en présence de tiers offense la pudeur et dénote une pudeur inférieure à celle qui existe chez les peuples civilisés, et en particulier au sein du peuple italien du fait de la conjonction heureuse des principes du fascisme et des enseignements moraux du catholicisme. Cela est d’autant plus répréhensible si l’on tient compte de la réserve notoire des femmes indigènes en matière de sexualité. »28

      Comment statuer sur l’existence de rapports sexuels dès lors qu’ils n’étaient plus « de simples échanges destinés à assouvir une pulsion physique »29. Comment établir la réalité d’une relation de nature conjugale ? La cohabitation prolongée constituait donc une présomption importante qui ne fut pas toujours considérée comme suffisante pour l’établissement des faits. Le caractère passionnel de certaines relations était considéré comme preuve de culpabilité. Quelques procès avaient été motivés par des plaintes de femmes contre la violence dont elles avaient été victimes30. La violence contre les femmes n’intéressait pas les juges en tant que telle mais en ce qu’elle révélait une dépendance affective des accusés, en proie à la jalousie. Plusieurs affaires trahissaient le manque de confiance des Italiens à l’égard de leurs compagnes31. Les recommandations de fidélité sexuelle étaient prises pour l’aveu d’une affection coupable. Les cadeaux étaient considérés comme des indices à charge : le caractère utilitaire de certains présents pouvait être plaidé mais ceux qui n’étaient manifestement destinés qu’à faire plaisir, enfonçaient les accusés32. Tous les éléments « à charge » étaient réunis dans une affaire jugée en septembre 1939. Une Africaine avait été embauchée pour 150 lires par mois comme domestique par un homme dont elle partageait le couvert et la couche. L’homme était subjugué par cette femme au point de vanter ses qualités dans son entourage, de lui offrir des parfums. Il était allé la rechercher quand elle l’avait abandonné pour épouser un « homme de sa race ». Pour les juges, la culpabilité était flagrante : « Cohabitation, table commune, confiance et tendresse, jalousie réciproque, cadeaux de coquetterie et non utilitaires font de la petite servante une compagne de vie, ce qu’est justement l’épouse »33. Les marques de tendresse ou d’attention particulière à l’égard des indigènes étaient particulièrement suspectes : raccompagner une femme chez elle le soir, la désigner comme sa femme34, lui rendre visite lorsqu’elle était malade35.

      « L’affection », la passion qualifiée parfois « d’enivrement » étaient en revanche répréhensibles. Le mot « amour » n’était jamais employé, tant les juges considéraient cette éventualité comme improbable ou inconvenante. En janvier 1939, un homme fut condamné à un an et demi de prison pour madamismo. Facteur aggravant, l’homme avait avoué aimer la femme indigène36. Il avait admis lui avoir fait des cadeaux, à elle et à sa mère. Espérant fonder un foyer, il avait préparé une lettre au Roi pour demander à l’épouser. Les juges diagnostiquaient un cas « macroscopique d’ensablement »37, « car ici, le blanc ne désire pas simplement la Vénus noire en la tenant à ses côtés pour des raisons de tranquillité et pour bénéficier de rapports faciles et sûrs mais c’est l’âme de cet Italien qui est troublée ; il est entièrement dévoué à la jeune noire qu’il veut élever au rang de compagne de sa vie et qu’il associe à tous les évènements, y compris hors sexualité, de sa vie38. »

      La lutte contre le métissage inaugura bien, sur le plan juridique, la mise en œuvre d’un racisme biologique fondé sur le principe de la pureté du sang. En ce sens, elle marquait un changement radical dans les conceptions qui avaient prévalu jusque-là en matière de citoyenneté et d’identité, dans l’Empire comme en métropole. Toutefois, ces mesures furent adoptées pour répondre à une question de gouvernance coloniale locale : il n’était pas encore question d’une politique globale de la race -à aucun moment, des mesures analogues ne furent envisagées pour prévenir les métissages arabo-italiens en Libye, autre importante colonie de peuplement italienne- ni de mesures visant les juifs39.

      La partie qui se jouait en Éthiopie concernait autant l’Italie que la corne de l’Afrique. Le front pionnier de l’Empire ramenait sur le devant de la scène les projets de révolution anthropologique et de construction de l’homme nouveau et les difficultés à les mettre en œuvre.

      Sexe, race et totalitarisme fasciste.

      Une fois l’Empire proclamé, le rêve colonial et l’utopie fasciste de l’homme nouveau se trouvèrent en contradiction, non sur le terrain de la violence mais sur celui de la sexualité. Objets de désir, d’abord instrumentalisées par la propagande, les « Vénus noires » furent bientôt diabolisées, leur fréquentation n’étant autorisée que dans le cadre d’une relation proscrivant tout affect. En organisant la prostitution en terre coloniale, le fascisme heurtait la morale en usage dans la péninsule, suscitait la réprobation du Vatican, mais se comportait comme la plupart des puissances coloniales confrontées à la demande sexuelle des troupes en campagne40.

      En revanche, en menant la lutte contre le madamismo à un niveau d’État, le fascisme se singularisait par une démarche fusionnant racisme et totalitarisme, la doctrine de la race venant au secours du projet de révolution anthropologique du régime. D’un côté, en traquant le concubinage des Italiens et des Africaines, les responsables fascistes cherchaient à prévenir le métissage au nom de conceptions racistes qui n’étaient guère originales en contexte colonial41. Mais le régime pourchassait aussi d’autres démons, les défauts supposés d’un peuple que le Duce voulait transformer : le sentimentalisme, un certain humanisme et des comportements jugés aux antipodes de la virilité fasciste.

      Dans la métropole, la volonté d’orienter les comportements affectifs et sexuels était à l’œuvre depuis plusieurs années. La famille et la procréation devaient borner l’horizon amoureux des Italiens. Dans cette perspective, l’homosexualité -masculine seulement- fut réprimée par le code pénal de 1931. En décembre 1926 une taxe sur le célibat fut adoptée, les célibataires ne cessant par la suite d’être montrés du doigt et pénalisés, par exemple dans leur carrière lorsqu’ils étaient fonctionnaires. Paolo Orano intellectuel proche du pouvoir assimilait le célibat à une forme « de fuoruscitismo » civil et social42.

      S’agissant du couple, il n’était guère besoin de légiférer sur les rapports hommes femmes tant la domination des premiers allait de soi. Toutefois, certains fascistes rêvaient aussi de marquer les relations amoureuses au sceau du totalitarisme fasciste. Dès 1915, le nationaliste Giovanni Papini, l’une des sources d’inspiration du fascisme, recommandait dans Maschilità de se libérer de la famille, du romantisme et de l’amour, opposant les femmes et hommes, le miel et la pierre, et dénonçant l’amour comme un asservissement43. Pour un régime qui érigeait la famille en absolu et qui s’appuyait sur l’Église pour gouverner, il semblait difficile, après 1922, de souscrire à la totalité de ce programme. Paolo Orano proposait une voie de compromis étant entendu que sous le fascisme, « L’État entre avec méthode et énergie au cœur de la moralité individuelle et domestique, car il est le maître de la vie sociale ». Il convenait de se libérer de l’idée bourgeoise suivant laquelle l’amour devait précéder le mariage et en finir avec les illusions romantiques et égoïstes de l’amour comme fin en soi. Le couple devenait une forme d’association tendue vers la procréation dont l’amour était une conséquence et non un préalable44.

      Cette philosophie des rapports homme femme inspira la politique fasciste en Éthiopie. L’éloignement, de plus fortes contraintes pour les hommes dans un contexte de guerre puis d’occupation permettaient, en théorie, de contrôler plus efficacement les comportements amoureux. Dans l’économie licite des pratiques sexuelles deux solutions s’offraient aux soldats colons fascistes, célibataires par force : la chasteté, le colonisateur cédant la place à une forme de moine soldat, ou la pratique d’une sexualité déconnectée de tout sentiment.

      Ceux qui firent le premier choix furent une minorité. Certains hommes mariés mirent un point d’honneur à résister à la tentation du sexe qui « était au cœur de toutes les préoccupations »45. Brandissant l’étendard de la fidélité au mariage, ils justifiaient l’obligation de chasteté et la frustration sexuelle par la morale, les valeurs du catholicisme, la loi fasciste et une répulsion d’ordre raciste46. Laissant femme et enfants dans la péninsule, Nicola Gattari était venu en Éthiopie comme soldat et y était resté pour se faire une situation, comme patron de camion. Dans certaines lettres adressées à sa femme bien-aimée, il abordait ce sujet délicat47 « Je suis un homme jeune plein de désirs mais qui peut les satisfaire ? Ces femmes noires puantes auprès de qui des milliers d’hommes de tous les âges contractent des infections ? Non, ma chérie, ton Nicola reviendra comme il est parti, je te le jure (…) Pense à nos retrouvailles, comme notre étreinte sera belle ! » Répondant à son épouse qui lui avait demandé, sans trop y croire, s’il était tombé amoureux d’une petite noire, il réaffirmait sa constance : … « Oui, je passerai peut-être pour un imbécile par rapport à d’autres et je dois admettre que ma volonté de rester fidèle aux liens sacrés du mariage doit être le fait d’un résident sur mille en Afrique. Si je me suis amouraché d’une petite négresse ? Je pourrais te répondre que pour conquérir une de ces pouilleuses il n’y a pas besoin d’être amoureux car ce sont des filles faciles : 5 lires suffisent et l’affaire est conclue ».

      La prostitution constituait donc une porte de sortie. Celle-ci ne bloquait pas nécessairement l’appel du concubinage, le passage de la condition de sciarmutta à celle de madama étant fréquente chez les femmes éthiopiennes48. En allant inspecter les chambres à coucher, en suscitant les confessions intimes lors des procès, l’État avait, en effet, pénétré « au cœur de la moralité individuelle et domestique ». De trop nombreuses barrières rendaient l’entreprise difficile dans la métropole : elle fut tentée, au nom de la lutte contre le métissage, dans l’Empire. Par leurs recommandations concernant les échanges avec les indigènes, les juges inventaient un idéal-type, celui d’une sexualité émancipée de tout sentiment, ramenée en définitive, à la « masculinité » exaltée par Papini.

      Quel fut l’impact des procès et des condamnations qui en résultèrent ? Le traitement judiciaire de la question permit aux juges de montrer leur zèle fasciste. Les sentences des procès furent autant de leçons de racisme et de fascisme, infligées peut-être surtout pour l’exemple à des hommes de milieux modestes49. En infligeant une peine d’un an et demi de prison à un prévenu manifestement amoureux d’une Éthiopienne le juge prétendait lui « éclaircir les idées »50.La répression installa un climat de peur parmi certains colons, à en juger par les comportements des couples qui se cachaient et d’amants qui se réunissaient une fois la nuit tombée51.

      En janvier 1939, l’anthropologue raciste Lidio Cipriani, était modérément optimiste : « Malheureusement l’obscénité des rapports sexuels entre Blancs et indigènes continue, mais il semblerait que les mesures racistes aient conduit à une diminution sensible des cas de fécondation indésirables … Il est probable que le blanc commence désormais à se rendre compte de l’inconvénient qu’il y a à s’abandonner sans vergogne à une femme de couleur »52. Toutefois, la plupart des témoignages invitent à penser que la loi contre le madamismo ne fut guère respectée, y compris par ceux qui devaient imposer l’ordre fasciste, et notamment les carabiniers53. En Érythrée, on dénombrait 10 000 les femmes africaines vivant avec des Italiens en 1935 et 15 000 en 194054.

      La question du sexe et du métissage, comme d’autres mesures destinées à réformer les comportements en profondeur traçait les limites de l’emprise fasciste sur les esprits et de sa capacité à façonner les mœurs.

      Texte paru in D. Herzog, Brutality and desire. War and Sexuality in Europe’s Twentieth Century, Palgrave Macmillan, 2008.

      Pour aller plus loin :

      La guerre d’Éthiopie, un inconscient italien, par Olivier Favier. Sur le mausolée au maréchal Graziani à Affile (août 2012), la naissance d’une littérature italophone et postcoloniale et le documentaire de Luca Guadagnino, Inconscio italiano (2011). Voir aussi : L’Italie et ses crimes : un mausolée pour Graziani, par Olivier Favier.
      Mémoire littéraire, mémoire historique, entretien croisé avec Aldo Zargani et Marie-Anne Matard-Bonucci, par Olivier Favier.
      Le fascisme, Auschwitz et Berlusconi, par Marie-Anne Matard Bonucci, Le Monde, 11 février 2013. Marie-Anne Matard-Bonucci est professeure d’histoire contemporaine à Paris VIII, Institut Universitaire de France. Elle est également l’auteure deL’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Puf, 2012.

      C. Ipsen, Demografia totalitaria, Il Mulino, p. 256. [↩]
      Propos rapporté par le Baron Pompeo Aloisi, chef de cabinet du ministre des affaires étrangères à partir de juillet 1932 : Journal (25 juillet 1932-14 juin 1936), Plon, Paris, 1957, p. 185. [↩]
      Télégramme de Mussolini à Badoglio et Graziani, in La menzogna cit., p. 20. [↩]
      B Aloisi, Journal, cit., p. 382. La conversation est datée du 8 mai. [↩]
      L’article parut dans La Gazzetta del popolo de Turin, le 13 juin 1936. [↩]
      G. Bottai, Diario 1936-1943, op. cit., p. 115. 19 novembre 1936. Rien ne prouve qu’à cette date, Mussolini songeait aussi à l’antisémitisme. [↩]
      La presse coloniale fut particulièrement mobilisée : en janvier 1940, Africa italiana sortait un numéro spécial « Discipline et tutelle des races dans l’Empire ». Un mois plus tard, la même revue traitait du rôle de la femme italienne dans l’Empire. [↩]
      C. Rossetti, Ibid. [↩]
      L. Cipriani, Considerazioni sopra il passato e l’avvenire delle popolazioni africane, 1932. Sur le personnage, voir : R. Maiocchi, Scienza italiana e razzismo fascista, La Nuova Italia, Firenze, 1999, p. 161-163. [↩]
      In Africa, dal Capo al Cairo est le titre du livre publié en 1932, Florence, Bemporad. [↩]
      Sur le rôle de cette revue dans le dispositif propagandiste raciste, M. A. Bonucci, L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Perrin, 2007. [↩]
      P. Chiozzi, “Autoritratto del razzismo : le fotografie di Lidio Cipriani in La menzogna della razza, cit., p. 91-94. [↩]
      Les couvertures évoquées sont respectivement celles des numéros : A. III, 14-20/05/40
      A. III, 11- 5/04/40 ; A. IV, 3-5/12/40 ; A. III, 8-20/02/1940. [↩]
      G. Masucci, Il problema dei meticci, Istituto Fascista dell’Africa italiana, 1939, XVII. [↩]
      Un compte-rendu figure dans Razza e Civiltà, A. I, n°1, 23 mars 1940, p. 107. [↩]
      G. Cortese, Problemi dell’Impero, Pinciana, Rome, 1937. Cité in F. Le Houerou, op. cit., p.95. [↩]
      Décret-Loi (RDL) du 19 avril 1937, n°880, « Sanzioni per i rapporti d’indole coniugale fra cittadini e sudditi » [↩]
      Voir la position de Giovanni Rosso, « Il reato di madamismo nei confronti dell’indigena che abbia una relazione di indole coniugale con un cittadino italiano » in Razza e Civiltà, An I, n°1, p. 131-139. [↩]
      Voir A. Del Boca, La caduta dell’Impero, op. cit., p. 243-245. [↩]
      RDL n°1004 du 29 juin 1939. [↩]
      A. Del Boca évoque plusieurs cas, in La caduta cit. , p. 246-247. [↩]
      F. Le Houerou, op. cit., p. 95. [↩]
      La Revue Razza e Civiltà, publiée à partir de mars 1940 : il s’agissait de l’organe du Conseil Supérieur et de la Direction générale pour la Démographie et la race. Dans le cadre de la rubrique « Giurisprudenza e legislazione razziale » a publié de nombreux extraits des décisions judiciaires. Les analyses présentées ci-dessus se fondent sur l’analyse de 28 cas présentés par la revue. La moitié conclut au délit de madamismo ou d’atteinte à la dignité raciale. [↩]
      Sentence du Tribunal de Gondar du 19 novembre 1938, Président Maistro, Accusé Spano. RC, An I, n.1 p. 128-131. [↩]
      Sentence du 7 février 1939, accusé Venturiello, Pres. Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p. 549. [↩]
      Sentence du Tribunal de Gondar du 19 novembre 1938, Accusé Spano, Président Maistro RC, An I, n.1 p. 1p. 130. [↩]
      Voir Sentence de la Cour d’Appel d’Addis Abeba, 4 avril 1939, accusé Isella, Pres Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p. 552. [↩]
      Sentence du 21 décembre 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, accusés Lauria et Ciulla, Pres. Morando, RC, A. I, n°5-6-7, p.548. [↩]
      Sentence du 3 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Accusé Melchionne, Pres Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p.548. « I congressi carnali perdono il carattere d’incontro a mero sfogo fisiologico ». [↩]
      Ainsi, le procès contre G. Spano a été suscité par une plainte de sa concubine auprès des carabiniers. Sentence du tribunal de Gondar du 19 novembre 1938, RC, An I, n°1, p. 128. [↩]
      Cour d’Appel d’Addis Abeba, Sentences du 31 janvier 1939, Accusé Seneca, Pres Guerrazzi ; 3. janvier 1939 Accusé Marca, Pres. Guerrazzi, RC, A. I, n°5-6-7, p. 548 et 551. [↩]
      Des cadeaux sont mentionnés dans plusieurs affaires. [↩]
      Sentence du 5 septembre 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Fagà, Pres Carnaroli, RC, A. I, n°5-6-7, p. 547. [↩]
      Sentence du 14 février 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Autieri, Pres Carnaroli , RC, A. I, n°5-6-7, p. 549. [↩]
      Sentence du 3 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Giuliano, Pres Carnaroli RC, A. I, n°5-6-7, p. 550. [↩]
      L’expression utilisée est « volerle bene ». [↩]
      On désignait comme insabbiati, « ensablés », les hommes restés vivre en Éthiopie, souvent aux côtés d’une Africaine. [↩]
      Sentence du 31 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, Procès contre Seneca, Pres Guerrazzi , RC, A. I, n°5-6-7, p 548-549 [↩]
      Outre que le métissage semblait inspirer moins de crainte s’agissant des Arabes que des populations d’Afrique noire, des raisons tenant au contexte proprement libyen expliquent un tel choix : présence plus nombreuse de femmes italiennes en Libye ; statut différent du mariage dans ce pays par rapport à l’Éthiopie. Cf. C. Ipsen, op. cit, p. 256. [↩]
      Au demeurant, en métropole aussi, le fascisme avait une politique visant à contrôler la prostitution sans l’interdire définitivement. Sur la duplicité du gouvernement italien qui réprima la présence de prostituées dans la rue et mais la tolérait dans des bordels soumis à un contrôle policier et sanitaire : V. De Grazia, Le donne nel regime fascista, Tascabili Marsili, p. 73-74. [↩]
      V. Joly écrit : « Les amours exotiques doivent être éphémères. Les femmes indigènes ne sont que des substituts qu’imposent la solitude et l’éloignement de la promise qui attend en métropole, simple rêve parfois. Elles ne doivent pas plus être sentimentales tant est vive la crainte du « métissage » affaiblissement pour la race du vainqueur », in « Sexe, guerre et désir colonial » in F. Rouquet, F. Virgili, D. Voldman, Amours, guerres et sexualité 1914-1945, Gallimard, BDIC, 2007, 62-69. [↩]
      La formule est de Paolo Orano in « Famiglia, razza, potenza », Il fascismo, vol. II, Pinciana, Rome, XVIII, p. 391-429. Le fuoruscitismo désignait l’exil antifasciste. [↩]
      Maschilità, Firenze, Libreria della Voce, 1915. [↩]
      P. Orano, Ibid. [↩]
      A. Del Boca, Gli Italiani in Africa orientale, La caduta dell’Impero, Rome-Bari, Laterza, 1982, p. 243. [↩]
      A. Del Boca donne quelques exemples parmi lesquels celui du Résident de Bacco ou encore le témoignage d’un Consul de la Milice. Ibid. p. 250. [↩]
      Ces lettres ont été publiées par S. Luzzatto, La strada per Adis Abeba. Lettere di un camionista dall’Impero (1936-1941), Paravia. Scriptorium, 2000 : Les citations sont aux pages 85 et 144. [↩]
      G. Barrera, op. cit. p. 26. [↩]
      Les sentences des procès ne permettent pas toujours de connaître la profession des accusés. Reste que l’impression dominante est celle de procès attentés à des hommes de condition modeste, issus du prolétariat ou d’une basse classe moyenne. Sur la sociologie des colons éthiopiens, F. le Houérou, op. cit., p. 115-135. [↩]
      Sentence du 31 janvier 1939, Cour d’Appel d’Addis Abeba, accusé Seneca, Président Guerrazzi, RC, A. I, n°5-6-7, p. 548-549. [↩]
      Autant qu’on puisse en juger par les allusions contenues dans certaines sentences à la crainte de perquisitions de la police pendant la nuit pour constater le délit. [↩]
      Archivio Centrale dello Stato (Rome) MCP, Gab., b. 151, lettre du 18/01/1939. Dans une autre lettre de l’hiver 1939, à une époque où il propose, il est vrai, ses services comme « consulente razziale nell’Impero », Cipriani revient sur la question (Lettre de Cipriani à Landra du 31/01/39, in ACS, MCP, Gab., b. 151). [↩]
      F. Le Houérou a recueilli 35 témoignages dont la plupart émanent des « ensablés », les Italiens restés sur place souvent après avoir vécu avec une Madama. Par sa nature, la population interviewée amplifie peut-être la réalité du phénomène. Voir en particulier, op. cit. p. 97-105. [↩]
      Chiffres cités par G. Barrera, op. cit., p. 43. [↩]

      http://dormirajamais.org/conquete-2

      via @olivier_aubert à qui je dis #merci (@olivier_aubert —> j’ai déplacé la référence ici, car plus appropriée qu’ici : https://seenthis.net/messages/972185)

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  • I libri che smontano il mito del colonialismo buono degli italiani - Igiaba Scego - Internazionale

    La sera del 21 marzo 2017 la sala del cinema Farnese a Roma è piena. I giovani sono molti.

    L’occasione d’altronde è di quelle da non perdere: la proiezione del documentario di Raoul Peck I’m not your negro, basato su uno scritto inedito di James Baldwin. Il documentario ripercorre con intelligenza e sentimento la stagione afroamericana dei diritti civili e le vicende di tre personaggi – Malcolm X, Martin Luther King, Medgar Evers – uccisi per il loro impegno contro il razzismo. Peck è un regista che non dà tregua. Ogni fotogramma è un invito a non abbassare la guardia, a non nascondersi dietro il velo del conformismo.

    Sa come ferirci con immagini di linciaggi reali o ricostruiti per lo schermo. Sa come scuotere le coscienze assopite o troppo impaurite per agire. E vediamo in ogni inquadratura quel corpo nero, quel popolo nero, maltrattato, umiliato, annientato, polverizzato. Un corpo che a seconda delle esigenze del potere diventa portatore delle ansie e della cattiva coscienza di un’intera nazione.

    Mi ha colpito una scena, in particolare, di questo film. A un certo punto, James Baldwin, finito un discorso davanti a degli studenti universitari, perlopiù bianchi (wasp, white anglo-saxon protestant), sembra impaurito dal loro entusiasmo. Lui è l’unico nero e sta al centro della sala. Loro sono in piedi ad applaudire. Per un attimo Baldwin li guarda a uno a uno, scosso. Non è solo l’emozione che può provare uno scrittore quando viene apprezzato, c’è qualcosa di più nei suoi occhi che scrutano gli studenti. C’è una ferita mai sanata della storia, c’è un nero al centro di una folla bianca che sta per essere linciato. Baldwin sa di essere in un’aula universitaria, sa che gli studenti lo adorano. Ma per un attimo i suoi occhi pieni e rotondi vedono un’altra scena, e come in un cortocircuito della memoria lo attraversa la paura di non essere più protetto, di perdere il corpo.

    La voce di una storia nascosta
    Nel documentario dell’Italia si parla una sola volta. Il nome del paese è per Baldwin legato all’aggressione fascista contro l’Etiopia degli anni trenta e in generale il riferimento è al feroce colonialismo in Africa orientale a cui gli afroamericani hanno risposto con manifestazioni antifasciste in favore del popolo etiope aggredito. Quell’Italy pronunciato da James Baldwin, e nel film filtrato dalla voce bassa e profonda di Samuel L.Jackson, mi fa tremare il cuore.

    In quel momento si crea una connessione tra l’America (del nord e del sud) e l’Europa. Due continenti che hanno una storia di violenza alle spalle, mai del tutto pacificata. Una storia nascosta o mistificata in vari modi. E che solo ora, e pure faticosamente, trova voce.

    Chissà quanti in sala conoscono la storia del colonialismo italiano, dei suoi crimini e dei suoi paradossi. Ancora troppo pochi, mi dico.

    In un attimo, dal comizio di James Baldwin mi trovo catapultata davanti a un palcoscenico romano.

    Ci sono un uomo e una donna. Lui indossa una giacca stropicciata, lei ha una gonna colorata e molto sportiva. Sono Daniele Timpano ed Elvira Frosini, autori-attori dello spettacolo Acqua di colonia, che già dal titolo suggerisce il tema del colonialismo italiano. Al centro, accanto a loro (ignorata da loro) una donna nera seduta su una sedia scomoda, di quelle che si usano all’asilo.

    Ed ecco uno scambio di battute tra Timpano e Frosini:

    Timpano: “Queste cose in Italia non le sa nessuno. Nemmeno noi”.

    Frosini, (indicando il pubblico): “Nemmeno loro”.

    Timpano: “Ecco. Una cosa è certa. Non sappiamo nulla. Tu per esempio che sai?”.

    Frosini: “Boh, Faccetta Nera? Viale Libia…via dell’Amba Aradam a Roma, dove c’è l’ufficio dell’Insp… poi?”.

    Una piccola parola, “poi”, e mi rendo conto di essere racchiusa lì dentro, in quell’interrogativo che Elvira Frosini lascia in sospeso. In quella parola ci sono io, afroitaliana, ma c’è anche la ragazza afrodiscendente seduta sulla sedia scomoda dell’asilo.

    Il colonizzato è diventato solo il suo corpo. Un corpo bello da possedere o un corpo brutto da annientare

    Il sistema Italia ha cercato di costringere al silenzio quella memoria che ci riguarda ed Elvira Frosini e Daniele Timpano mettono in scena, con un gioco teatrale, questa violenza che ci è stata fatta. Per molto tempo i nostri antenati non hanno avuto il diritto di parola, di pensiero, di vita, chiusi nel freddo stereotipo di un fraintendimento. Il colonizzato è diventato solo il suo corpo. Un corpo bello da possedere o un corpo brutto da annientare. Siamo le nostre labbra, i nostri seni, le nostre vagine, i nostri testicoli. Quei testicoli che durante il linciaggio negli Stati Uniti o in Africa orientale venivano soppesati dal branco e poi tagliati con un’accetta. Evirazioni, stupri, omicidi hanno caratterizzato le politiche segregazioniste. Corpi neri, capri espiatori di una società in continua mutazione, negli Stati Uniti come in Italia.
    Truppe etiopi marciano verso il nord del paese durante l’occupazione italiana, 1935 circa. - Hulton-Deutsch Collection/Corbis/Getty Images
    Truppe etiopi marciano verso il nord del paese durante l’occupazione italiana, 1935 circa. (Hulton-Deutsch Collection/Corbis/Getty Images)

    Per fortuna non siamo stati muti. Gli afroamericani hanno manifestato, resistito, scritto. E del colonialismo italiano si è molto dibattuto anche nella narrativa. Opere come Regina di fiori e di perle di Gabriella Ghermandi, L’abbandono di Erminia Dell’Oro, o Timira, il romanzo meticcio scritto dall’italiano Wu Ming 2 e dall’afroitaliano Antar Marincola (figlio di Isabella Marincola, protagonista della storia) hanno fatto scuola. Io stessa, con i miei Adua e Roma negata (quest’ultimo in collaborazione con il fotografo Rino Bianchi) ho contribuito al dibattito.

    Ma l’essere di quell’Africa orientale (o esservi legati per altre vie come in Timira) ci ha portato ad affrontare direttamente questa storia, perché ne eravamo segnati nel profondo. Quel colonialismo aveva a che fare con la nostra nascita, con la nostra lingua, con i nostri gesti, con i nostri genitori, con le nostre paure e soprattutto con la nostra rabbia, un autentico furore per i crimini commessi in Africa e mai pagati.

    Furore per una storia avvenuta e mai ricordata. Per questo nei libri elenchiamo i numeri dei morti uccisi dai gas asfissianti lanciati dall’esercito di Benito Mussolini o le stragi compiute dal generale Rodolfo Graziani dopo l’attentato del 1937. Senza dimenticare “la bomba dell’ignoranza” come la chiama Ribkha Sibhatu (autrice di Aulò, Sinnos, e mediatrice e attivista eritrea), quell’accesso all’istruzione negato ai popoli di Somalia, Eritrea, Libia, Etiopia. Questi numeri, questi fatti, per noi originari di quell’Africa orientale sono diventati tracce (quasi un promemoria) di qualcosa che dobbiamo ricordare per non subirlo di nuovo.

    I conti con il passato
    Chi ha le sue origini in quella storia (penso al bellissimo documentario Asmarina sugli eritrei a Milano di Medhin Paolos e Alan Maglio) è portato naturalmente a fare i conti con le ferite di quel passato. Si può dire la stessa cosa – mi domando – per gli artisti italiani (o meglio italiani di nuova generazione) di oggi?

    La risposta è sì. Anzi, oggi più che mai.

    All’inizio, c’era solo Tempo di uccidere di Ennio Flaiano, primo premio Strega e unico romanzo dell’autore. Basato anche (ma non solo) su echi biografici, Tempo di uccidere è un romanzo complesso. Un uomo vaga per l’Africa orientale, ha un mal di denti furioso e poca voglia all’inizio di mettersi in gioco. L’Africa di Flaiano non è esotica, ma quasi malvagia. In questa Africa fatta dei suoi incubi, lui si muove senza uno scopo. Incontra una donna del posto, la costringe a un rapporto sessuale, si fa coccolare da lei e poi la uccide (dice per sbaglio) come una bestia.

    In Tempo di uccidere il protagonista entra in questa Africa, definita “sgabuzzino delle porcherie”, non in punta di piedi, ma con i suoi primitivi scarponi da militare. Le immagini che ci mostra Flaiano sono ancora quelle di un continente ingenuo, nel più perfetto cliché colonialista. Ma lui per primo sembra chiedersi che ci facesse lì. E anche il suo rapporto con l’indigeno Joannes, un ex ascaro, non è quello con un deferente servitore, ma con un pari che scruta, osserva e duella a distanza con il protagonista.
    Un’esercitazione amatoriale di civili con maschere antigas a Baggio, vicino a Milano, 1935. - Hulton-Deutsch Collection/Corbis/Getty Images
    Un’esercitazione amatoriale di civili con maschere antigas a Baggio, vicino a Milano, 1935. (Hulton-Deutsch Collection/Corbis/Getty Images)

    Mette molta carne al fuoco Ennio Flaiano, ma il suo romanzo per molto tempo, decenni interi, è rimasto un unicum nel panorama letterario della penisola. Dopo di lui c’è stato solo un lungo, colpevole silenzio.

    Per fortuna il tempo passa e allo scoccare del ventunesimo secolo tocca a Carlo Lucarelli riprendere in mano l’incandescente materia coloniale con il suo L’ottava vibrazione, un libro che di fatto è uno spartiacque. Lucarelli ripercorre le vicende che portano alla battaglia di Adua, una delle pagine di storia - l’esercito italiano sconfitto da quello etiope – che l’Italia ha cercato a ogni costo prima di vendicare (con il fascismo che cantava Adua è liberata, è ritornata a noi) e poi dimenticare.

    I personaggi di L’ottava vibrazione si muovono in una tela in perenne movimento. Una tela dove oppressori e oppressi si contendono una scena fatta di omicidi, possessi coatti e strane convergenze. Lucarelli non vuole dare un giudizio, vuole solo osservare quello che per decenni nessuno ha più osservato: i soldati italiani parlano tutti in dialetto, non si capiscono tra di loro, provano a “fare gli italiani” attraverso una guerra, ma perdono sia la sfida identitaria sia la battaglia. In scena Lucarelli mette uno stato, ancora risorgimentale, che baratta i suoi ideali per entrare nel giro dei grandi dell’Europa.

    La ragazza giovanissima, 12 anni, era di fatto un bottino coloniale e Indro Montanelli per giustificarsi diceva ‘a dodici anni quelle lì sono già donne’

    In un attimo l’Africa orientale diventa un far west dove c’è chi si crede John Wayne e considera le donne del luogo cagne da monta. Lucarelli osserva, appunta e ci trasferisce tutte queste microstorie usando una lingua onesta, a tratti poeticamente antropologica. Così il romanzo apre la strada di una visione tutta italiana su quel passato coloniale poco raccontato.

    Anche perché quel passato è la storia d’Italia. Di tanti che lì sono andati a combattere per l’Italia liberale e poi ci hanno mandato, anni dopo, i nipoti a conquistare un impero per Benito Mussolini. È la storia di donne africane prese con la forza o con l’inganno per avere una sposa di compagnia, come Indro Montanelli e la sua sposa bambina (che lui chiamava il mio animalino) acquistata per 500 lire insieme a un cavallo ed un fucile. La ragazza giovanissima, 12 anni, era di fatto un bottino coloniale e Montanelli per giustificarsi diceva “a dodici anni quelle lì sono già donne” e poi “Scusate, ma in Africa è un’altra cosa”. Però il continente oltre a essere teatro di crimini di guerra è anche stato, per molti italiani, vita quotidiana di chi aveva un emporio o un negozio di barbiere, di chi costruiva o faceva il cappuccino, chi si inventava monumenti e chi invece li distruggeva. Un coacervo di storia patria e storia intima insomma. Storia soprattutto al maschile, ma non del tutto svuotata di presenze femminili.

    Inciampare nel colonialismo
    Per questo Daniele Timpano si chiede in Acqua di Colonia: “Ma che siamo come la Francia con l’Algeria? Come l’Inghilterra con l’India? Come i cattivi di Sandokan? Ma che siamo colonialisti noi?”.

    Su questa domanda una generazione, anzi due, di trentenni e quarantenni (con qualche punta verso i cinquanta) si è caricata un peso necessario da sostenere soprattutto oggi in questa Europa che riprende quello stesso razzismo coloniale e lo veste con nuove parole come sovranismo o con giustifiacazioni come “non siamo razzisti, ma… prima gli italiani/gli europei”.

    D’altronde molti tra gli autori nel colonialismo ci sono inciampati, per un viaggio, per una militanza politica o perché più semplicemente era una storia di famiglia, di un nonno, di un padre, di uno zio.

    È lì tutta l’ambiguità della storia coloniale, nel sorriso di un carnefice efficiente di 28 anni

    Durante il fascismo si era di fatto colonizzati dalla propaganda coloniale (come ci ricorda il duo Timpano-Frosini) e questo ha lasciato tracce negli album di fotografie tenuti sopra il camino o nelle vecchie cantine umide piene cimeli di quell’Africa solo apparentemente lontana. Recentemente è anche stata scoperta la foto di un massacro, quella dei diaconi di Debre Libanos (a cui di recente è stato dedicato il docufilm Debre Libanos di Antonello Carvigiani con la regia e fotografia di Andrea Tramontano, a cura di Dolores Gangi). A Debre Libanos furono uccisi (come vendetta dopo l’attentato a Graziani) più di duemila diaconi e pellegrini indifesi. La foto li mostra seduti in circolo prima dell’esecuzione. Il fotografo, Virgilio Cozzani, tenente di un battaglione coloniale, ebbe il compito di eseguire le fucilazioni a Shunkurtì. Il tenente, nelle note di suo pugno (che sono state mostrate in anteprima mondiale su Tv2000) mostra una personalità che da una parte è quella di un carnefice, ma dall’altra quella di un ragazzo mandato lì a eseguire gli ordini e che quando non massacra, sorride.
    Soldati italiani in partenza per l’Etiopia, 1935. - Archivio Gbb/Contrasto
    Soldati italiani in partenza per l’Etiopia, 1935. (Archivio Gbb/Contrasto)

    Ed è lì tutta l’ambiguità della storia coloniale, nel sorriso di un carnefice efficiente di 28 anni.

    Molti scrittori e scrittrici di oggi hanno fatto tesoro dell’opera degli storici, primo fra tutti Angelo del Boca, ma ricordiamo anche Nicola Labanca, Alessandro Triulzi e il grande Gian Paolo Calchi Novati recentemente scomparso. Dai loro lavori fondamentali autori e autrici sono partiti per togliere la polvere accumulata sulla memoria del colonialismo italiano.

    Stereotipi duri a morire
    Adesso i risultati si vedono in libreria. Non a caso un mio amico qualche settimana fa mi ha chiesto se il colonialismo stia diventando un settore editoriale.

    In effetti basta farsi un giro in libreria per leggere i tanti titoli che sono usciti ultimamente su questo argomento, da La malinconia dei Crusich di Gianfranco Calligarich a La grande A di Giulia Caminito passando per I fantasmi dell’impero di Marco Cosentino, Domenico Dodaro e Luigi Panella, senza contare poi i diari di ex soldati (recentemente è uscito Ti saluto, vado in Abissinia di Stefano Prosperi, per Marlin) pubblicati da piccole case editrici, o i tanti approfondimenti saggistici.

    Tuttavia non sta nel mercato la spinta alla proliferazione di titoli a cui stiamo assistendo, ma nella voglia di colmare un vuoto in una storiografia nazionale che sta ancora combattendo con gli stereotipi creati allora.

    E dalla lista mancano le nuove uscite: Sangue giusto di Francesca Melandri, che unisce la storia del colonialismo al presente dei flussi migratori e l’attesissimo romanzo della scrittrice etiope-americana Maaza Mengiste.

    Lo spazio coloniale diventa così da una parte spazio per il noir come in I fantasmi dell’impero – una discesa conradiana negli inferi dei crimini di guerra – e dall’altra dolce ricordo di infanzia, come nel sorprendente La grande A di Giulia Caminito, dove il colonialismo scolora nel dopoguerra e dove il romanzo si fa anche storia di emigrazione.

    Sono tanti i giovani ricercatori (come Valeria Delpiano, Giulietta Stefani, Gabriele Proglio tra i tanti) che si stanno occupando di questo periodo storico, anche con approcci nuovi per l’Italia che vanno dagli studi postcoloniali a quelli studi sul genere.

    C’è fermento in libreria insomma e, finalmente, presa di coscienza. Ancora forse è assente il grande romanzo sui rapporti tra la Libia e l’Italia (anche se non mancano studi storiografici come Non desiderare la terra d’altri. La colonizzazione italiana in Libia di Federico Cresti), ma di fatto nella letteratura italiana c’è stata una rivoluzione silenziosa che ha messo insieme scrittori e scrittrici italiani (di origine migrante, proprio di quelle ex colonie, e italiani da una o più generazioni) che stanno lavorando contro un oblio durato troppo a lungo. Forse, anche grazie a questi libri, diversi tra loro per densità, obiettivi, tessitura, si potrà superare il mito autoassolutorio degli italiani brava gente e finalmente insegnare a scuola quello che per troppo tempo è stato taciuto.

    http://www.internazionale.it/opinione/igiaba-scego/2017/04/01/italia-colonialismo-libri

    #colonialisme #Italie #Afrique #livre

  • Les frères Traoré condamnés : « On veut détruire notre cellule familiale » | Elsa Vigoureux
    http://tempsreel.nouvelobs.com/justice/20161215.OBS2703/les-freres-traore-condamnes-je-ne-comprends-pas-pourquoi-je-sui

    Bagui et Yssoufe, les frères d’Adama Traoré, mort le 19 juillet sur le sol de la gendarmerie de Persan, comparaissaient mercredi pour outrages, menaces de mort et violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique. Source : L’Obs

    • Et #féodalité aussi : la Seigneur du lieu a été malmenée, il faut donc châtier les manants et leur rappeler leur place dans ce monde. Une telle instrumentalisation de la fonction de Maire puis des forces de l’ordre et enfin de la Justice, c’est tout bonnement affolant et affreusement révélateur de la façon dont les contre-pouvoirs ont tous été détruits. L’exécutif (Le Maire) a tous pouvoirs et aucun compte à rendre à quiconque dans ce « fief ».

    • Un procès « hors norme », une enquête bidonnée par les flics et une maire (mairesse ?) omnipotente qui veut « mutualiser » les frais de justice d’une action en diffamation contre Assa Traoré.

      Les faits remontent au 17 novembre 2016, aux alentours de 20h45. La maire UDI de Beaumont sur Oise, Nathalie Groux, souhaite mettre au vote du conseil municipal une prise en charge par la municipalité des frais de justice pour sa plainte en diffamation contre Assa Traoré. Cette dernière, accompagnée de sa famille et de ses soutiens, décide de venir assister à la séance. Une « provocation » pour le procureur adjoint. « Vous pensiez sérieusement que vous seriez autorisés à assister au conseil municipal avec la cinquantaine de personnes qui vous accompagnait ? » lance-t-il à Assa Traoré, venue déposer à la barre comme témoin. « Vous pensez que ce n’est pas normal que j’assiste au conseil municipal ?, lui répond, sans se départir de son calme olympien, la sœur d’Adama. On a le droit d’y assister, comme tout citoyen. Surtout sur une question qui nous concerne directement, puisqu’il s’agit de nos impôts. Je n’ai jamais demandé à ce que tout le monde puisse entrer. »

      ... / ...

      « C’est une enquête pourrie, minable, bidon ! », tonne Me Yassine Bouzrou qui met en cause l’absence de perquisition, d’auditions des élus de l’opposition et les « déclarations évolutives » des forces de l’ordre. « Le doute profite aux prévenus » rappelle –t-il au tribunal. « Il n’y a rien de tangible, aucun élément probant », renchérit sa consœur Me Noémie Saidi-Cottier, qui rappelle que Bagui Traoré, condamné douze fois, dont sept quand il était mineur, s’est amendé depuis sa sortie de prison en 2013 : « Il est devenu père, gagne sa vie, aide sa mère, il est parfaitement inséré. » Depuis la mort de son frère Adama, « il fait des cauchemars terribles, prend des médicaments ». « Il l’a vu recousu et ne s’en remet pas. »

      Lu ici même :
      http://www.humanite.fr/le-proces-hors-norme-des-freres-traore-628786

      #justice_de_classe (partout)

    • Gli afroeuropei e l’invenzione del colore della pelle

      Si chiama Assa Traoré, madre di tre figli, sorella di innumerevoli fratelli, educatrice, francese di origine maliana, 31 anni di vita terrena, ma sulle spalle l’esperienza dei suoi antenati. Suo fratello, Adama Traoré, è morto in una gendarmeria il 19 luglio 2016, il giorno del suo compleanno. Da quel giorno Assa non ha smesso di cercare giustizia per suo fratello, per capire cosa sia successo dalle 17.30, orario in cui è stato portato via dalla polizia, alle 19.00, orario in cui è stato trovato senza vita.

      http://www.internazionale.it/opinione/igiaba-scego/2017/02/26/afroeuropei-razzismo

  • Viaggiare è impossibile se non sei nato nel paese giusto

    Accoglienza, crisi, rifugiati, immigrazione, barconi, frontiera, muri, scafisti, salvataggi, respingimenti.

    Sono le parole che più usiamo quando parliamo del movimento dei corpi nello spazio.

    Ma perché ci dimentichiamo sempre della parola viaggio? Non sono forse viaggiatori anche gli afgani, i siriani, i somali?

    http://www.internazionale.it/opinione/igiaba-scego/2016/04/11/migranti-passaporto-viaggiare
    #voyage #voyager #voyageur #mots #migrations #asile #réfugiés #terminologie #vocabulaire #visas #mobilité #passport_index #liberté_de_circulation #inégalités #histoire #mobilité_circulaire
    signalé par @albertocampiphoto

    Negli anni settanta e ottanta del secolo scorso questo era possibile. Roma era piena di studenti africani che spesso studiavano e si formavano per un periodo nelle università italiane, prima di tornare nei paesi di origine. Lo testimonia una scena del documentario del 1970 Appunti per un’orestiade africana di Pier Paolo Pasolini, in cui lo scrittore intervista alcuni studenti africani. Sono tutti eleganti. Tutti con uno sguardo fiero e una bella giacca addosso. Vengono da Etiopia, Burkina Faso, Congo e intrattengono con lo scrittore un dialogo serrato, intenso, dove gli sguardi si incrociano e si confrontano. Ogni tanto mi capita di rivedere la scena di quel dialogo su YouTube e da un po’ di tempo mi sfiora lo stesso pensiero.

    Quei ragazzi così ben vestiti, quei figli dell’Africa, non hanno dovuto mettersi nelle mani dei trafficanti, ma semplicemente hanno preso un aereo. Il mondo nel passato non era perfetto, ma la possibilità di viaggiare, di ottenere un visto, anche se faticosamente, esisteva. Oggi non più. Se vuoi viaggiare c’è la mafia, le mafie. Sono loro le vere agenzie di viaggio globali. Come è successo che abbiamo creato un mondo di serie A e uno di serie B? Un mondo dove una persona può muoversi a piacimento, in cento e più paesi senza visto, e altri sono considerati indesiderabili appena mettono la testa fuori dall’uscio?

    • Viaggiare non è facile per un africano… anche in Africa

      Un cittadino africano ha difficoltà a entrare in molti Paesi. Non solo gli africani fanno fatica a viaggiare regolarmente attraverso il mondo ma la loro mobilità resta molto limitata anche tra i Paesi africani. E’ il risultato di un report (nota 1) pubblicato dal Gruppo Bancario Africano per lo sviluppo – AfDB – e questo è un freno importante allo sviluppo e all’integrazione regionale.

      http://www.labottegadelbarbieri.org/viaggiare-non-e-facile-per-un-africano-anche-in-africa

    • The trials, restrictions and costs of traveling in Africa if you’re an African

      The African Development Bank (AfDB) recently put out an Africa Visa Openness report—the first of its kind—assessing how easy it is for African travelers to visit other countries on the continent. For me, this report could not have been more timely. I am a Kenyan citizen. At the time I was in Ivory Coast jumping over very many hurdles as I tried to obtain the necessary visas that would take me on a road trip from Abidjan to Bobo and Ouagadougou in Burkina Faso, to Lome in Togo, to Cotonou and Ouidah in Benin and finally get me back to Abidjan in good time to catch my flight back to Nairobi.

      http://qz.com/641025/the-trials-restrictions-and-costs-of-traveling-in-africa-if-youre-an-african

    • Third World Passport 101 : The Secret To Successful Visa Applications

      Reader Question: Hi Trisha! My name is Patty and I’ve been an avid reader of your blog. Every time I think about traveling the word, I always get frustrated because of the Philippine passport that limits me to go to places. Like seriously, we need a visa to the countries I want to freely visit- like let’s say Australia, USA, Canada, Japan, etc. And these visa requirements are always so heavy and demanding. It’s like you have to be rich to be approved! Although I was granted a Schengen visa, it’s because my dad supported my travels. Now, I’m only about to graduate college and I have some savings of my own, but I’m scared that they might think it’s not enough for me to explore. I’M JUST REALLY FRUSTRATED WITH OUR LIMITATIONS. :( I don’t want to keep getting visas because they’re costly too. I don’t know what to do about it. Sorry for ranting. Hope you can give me some advice about this. Thank you. – Patty, the Philippines

      http://psimonmyway.com/third-world-passport-101-the-secret-to-successful-visa-applications

  • Le Sénat supprime la « taxe tampon » - Libération
    http://www.liberation.fr/france/2015/11/21/le-senat-supprime-la-taxe-tampon_1415217

    Une première #victoire ! #youpi #femmes

    Contre l’avis du gouvernement, sénatrices et sénateurs ont ramené à 5,5% le taux de TVA sur les protections hygiéniques.

    Mesdames les sénatrices (87), messieurs les sénateurs (261), chapeau ! Alors que l’Assemblée avait envoyé valser, en octobre, un amendement visant à baisser le taux de TVA sur les tampons et autres protections hygiéniques (actuellement de 20%), le Sénat a en effet voté la réduction à 5,5% de ce taux. L’affaire a été pliée à main levée, contre l’avis du secrétaire d’État au Budget Christian Eckert et celui du rapporteur général Albéric de Montgolfier (Les Républicains). Non mais !

    Reste maintenant à espérer que l’Assemblée ne fera pas à nouveau obstacle en dernière lecture à cette mesure qui ne relève au fond que du bon sens : les tampons n’ont rien d’un produit de luxe alors qu’ils sont à l’évidence des produits de première nécessité. Ce que ne cessent de marteler depuis plusieurs semaines en France (mais aussi en Grande-Bretagne, en Australie etc.) de nombreuses militantes féministes avec fermeté et une forme d’humour cash et décomplexé. Parmi elles, les Georgette Sand particulièrement au taquet sur ce que ça coûte d’être une femme, tandis que Osez le féminisme ne mollit pas dans ses actions pour sortir les règles du stupide tabou dont elles font l’objet.

    Alors, mesdames les quelque 150 députées (sur 577) foncez. Pour mémoire, François Hollande et Manuel Valls ont déjà reçu plus d’une centaine de petites culottes tachées de faux sang…

    #taxe_tampon

  • La vera storia di Faccetta nera

    “Durante una trasmissione in tv a cui ho partecipato, è successo un fatterello”. Così comincia un post su Facebook che Maryan Ismail, attivista politica italosomala, ha pubblicato pochi giorni fa. Il fatterello ha come scenario uno studio televisivo. Maryan, che fa politica attiva a Milano da molti anni, ha deciso di contrastare il razzismo parlando in ogni spazio pubblico, tv compresa. Naturalmente non parla solo di immigrazione, ogni causa importante la trova sulle barricate: dalla lotta contro il fondamentalismo (ha perso recentemente suo fratello in un attentato di Al Shabaab a Mogadiscio) fino alle questioni riguardanti la vivibilità urbana. “Però ho la pelle nera”, dice Maryan sottolineando che la lotta contro le discriminazioni è una delle voci importanti della sua missione politica. E spesso per attaccarla gli interlocutori, soprattutto in tv, usano proprio la sua pelle.

    “Un tipo di una certa età molto sguaiato”, scrive nel suo post Maryan “e in preda a un evidente travaso di bile, stava cercando di mettere insieme due parole sull’immigrazione e sui costi correlati. Preso in contropiede dalla mia reazione, ha cominciato a cantarmi in faccia Faccetta nera”. ...

    http://www.internazionale.it/opinione/igiaba-scego/2015/08/06/faccetta-nera-razzismo

    #colonialisme #italie #mussolini #facebook #Faccetta_nera @cdb_77

  • Siamo ancora pecore nere

    Dieci anni fa io e le mie colleghe Laila Wadia, Gabriella Kuruvilla e Ingy Mubiayi abbiamo scritto un libro dal titolo provocatorio: #Pecore_nere (a cura di Emanuele Coen e Flavia Capitani, pubblicato da Laterza). Erano dei racconti che parlavano della nostra condizione di figlie di migranti in Italia. Era il primo libro del genere scritto sul tema nel nostro paese e infatti all’epoca i giornalisti non sapevano bene come trattarci.

    http://www.internazionale.it/opinione/igiaba-scego/2015/01/21/siamo-ancora-pecore-nere
    #Italie #migration #intégration #deuxième_génération