Né esclave et devenu député, Jean-Baptiste Belley meurt à Belle-Ile-en-Mer - Histoire - Le Télégramme
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Sur ordre de Bonaparte, Belley, suspendu de ses fonctions, est transféré sans jugement à Belle-Ile-en-Mer en 1802 où il meurt trois ans plus tard.
Photo François Destoc/Le Télégramme
Peu connu de l’Histoire de France, Jean-Baptiste Belley, l’un des premiers députés noirs à la Convention (1793), est mort à Belle-Île-en-Mer, en 1805. Né esclave, il participera à la guerre d’indépendance des États-Unis, et à la Révolution française.
Destin exceptionnel, et peu connu, que celui de Jean-Baptiste Belley. Député élu à la Convention en 1793, il est né esclave mais on ne sait pas exactement où, ni quand. À Gorée au Sénégal, ou à Saint-Domingue (actuel Haïti) ? En 1746, 1747 ou 1755 ? Les sources varient, et les témoignages du premier concerné également. Il n’en reste pas moins qu’il faisait partie des « nègres libérés » (devenus libres), qui ont connu une ascension sociale à cette époque à Saint-Domingue et qui revendiquaient l’égalité des droits, mais pas l’abolition de l’esclavage. Belley lui-même, une fois libre, a acheté au moins deux esclaves. Il s’est libéré « par son travail » : il est perruquier.
Son courage salué par un surnom
Autre fait certain : il participe à la guerre d’indépendance des États-Unis avec un contingent de volontaires noirs libres de Saint-Domingue, en 1777. Il rentre à Cap-Français, aujourd’hui Cap-Haïtien, avec un surnom, « Mars », en référence au dieu de la guerre et au courage dont il a fait preuve au combat. Il semble jouir d’une certaine réputation dans sa communauté. La Révolution française bouleverse la vie des colonies. Colons blancs d’un côté, soutenus par un fort lobby en métropole et qui refusent la diffusion de la Déclaration des droits de l’Homme sur l’île. Désormais libres, les noirs revendiquent l’égalité. Esclaves qui se révoltent massivement en 1791 pour exiger l’abolition. Et lorsque les colons tentent de prendre le pouvoir à Saint-Domingue, avec l’appui des Anglais, le capitaine Belley prend les armes pour aider les commissaires de la République à faire face, victorieusement. Il reçoit six blessures dans ces combats.
Arrivée triomphale à Paris
Saint-Domingue élit six députés à la Convention, en septembre 1793. Trois rallient Paris, via les États-Unis, dans des conditions rocambolesques. À Philadelphie, Belley est pris à partie par des colons qui refusent de voir un noir occuper un poste de pouvoir : « Quand on sait sauver les Blancs et les défendre, on peut bien les commander », répond-il.
L’arrivée des trois députés, un blanc, un métis et un noir, est triomphale à Paris et l’abolition de l’esclavage est votée dès le lendemain. Jean-Baptiste Belley en est devenu un défenseur. Il libère les esclaves qu’il possède alors. Les sources manquent pour connaître l’évolution de ses idées mais la mesure permet aussi d’assurer le ralliement des esclaves à la République, et la défense de l’île de Saint-Domingue face aux puissances étrangères.
Écarté par Bonaparte
Jean-Baptiste Belley ne semble pas avoir eu une activité parlementaire foisonnante, mais il a fait face au lobby des colonies à Paris. Il rallie les Jacobins et survit à la mort de Robespierre dont il défend, cependant, la mémoire. En juin 1797, il retourne à Saint-Domingue où il met ses talents de militaire au service de la République puis du Consulat (1799). Mais Bonaparte, sensible à la pression des colons représentés à Paris par son épouse Joséphine de Beauharnais, annule l’abolition de l’esclavage en 1802. Il écarte les officiers noirs : « Ne pas souffrir qu’aucun Noir ayant eu le grade au-dessus de capitaine reste dans l’île », ordonne-t-il en octobre 1801. Belley est suspendu de ses fonctions, mis à la retraite et transféré, sans jugement, en résidence surveillée à Belle-Île-en-Mer jusqu’au 6 août 1805, date de sa mort. S’il semble avoir bénéficié d’une semi-liberté, il ne pouvait quitter l’île.
Un portrait de Girodet
Son portrait de pied, dans son costume de député, peint par Girodet en 1797, reste une référence dans l’Histoire de la peinture, car c’est une des premières représentations d’une personne noire en tant que sujet principal d’une œuvre.
Jean-Baptiste Belley faisait partie des premiers députés français noirs ou métis.
Arrivé en France avec un autre député de Saint-Domingue, Jean-Baptiste Mills, un métis, il reste un symbole de l’abolition de l’esclavage. et de fidélité à la République dont il n’a été récompensé ni par Bonaparte, ni par la postérité.