• Les vaccins anti-Covid évitent-ils la transmission du SARS-CoV-2 ?
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/06/les-vaccins-anti-covid-evitent-ils-la-transmission-du-sars-cov-2_6065356_324

    (...) Le choix des laboratoires pharmaceutiques de se fixer sur les symptômes s’explique aisément. Lors des essais cliniques, repérer les symptômes (fièvre, toux, perte de goût…) chez quelques dizaines ou centaines de personnes est beaucoup plus simple – et moins cher – que de réaliser des tests virologiques chaque semaine chez plusieurs dizaines de milliers de volontaires. « Surtout, sur le plan de la santé publique, ce sont bien les malades qui posent un problème, notamment ceux qui développent des formes graves. Si le Covid-19 se contentait de nous infecter comme un rhume banal, on n’aurait pas besoin d’un vaccin » , souligne Guy Gorochov, responsable du centre d’immunologie et des maladies infectieuses à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).

    « Marges d’erreur trop importantes »

    La question de la simple infection n’est pas pour autant anodine. Elle peut orienter la politique vaccinale. Si un vaccin fait véritablement barrière au virus, il peut paraître prioritaire d’immuniser les supercontaminateurs potentiels, ceux qui rencontrent beaucoup de monde – médecins, chauffeurs de bus, caissières de supermarché. Si, au contraire, il ne permet d’éviter que les symptômes, alors priorité doit être donnée aux personnes les plus susceptibles de développer des formes graves, à commencer par les personnes âgées.

    C’est du reste l’argument qu’a développé la Haute Autorité de santé (HAS) dans ses recommandations. Pour l’heure, « c’est la protection individuelle des personnes à risque qui est privilégiée car ce sont les seules données dont nous disposions, expliquait au Monde Daniel Floret, vice-président de la commission technique de vaccination de la HAS, lors de la présentation de cette stratégie. Si nous obtenions de nouvelles données, nous pourrions faire évoluer nos priorités. »

    En vérité, les différents essais conduits par les firmes pharmaceutiques ont fait apparaître ce que Jean-Daniel Lelièvre, directeur du service d’immunologie clinique et de maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor, de Créteil (Val-de-Marne), nomme « des indices », et que l’infectiologue Odile Launay a qualifié de « premières indications ». Chez les singes, d’abord. Moderna a analysé les écouvillons nasaux de macaques vaccinés avec leur préparation contenant 100 microgrammes d’ARN messager (le dosage fourni aux humains) puis volontairement infectés. Au bout de deux jours, le virus avait pratiquement disparu. « Mais attention, tempère Jean-Daniel Lelièvre. Les singes pèsent 8 kg, dix fois moins que nous. Or, quand on leur a donné 10 microgrammes de produit, ce qui en proportion correspond au vaccin Moderna pour les humains, cela n’a pas eu beaucoup plus d’effet que le sérum physiologique de contrôle… »

    L’essai clinique de phase 3 de Moderna a lui aussi fourni des indications. Le laboratoire américain a, en effet, réalisé des tests PCR de 28 000 volontaires avant les deux injections. Il a découvert que, parmi les personnes négatives avant la première dose, 52 étaient devenues positives et asymptomatiques quatre semaines plus tard : 14 avaient reçu le vaccin, 38 le placebo. « Insuffisant pour conclure mais cela suggère un certain degré de protection », avance prudemment l’équipe de Moderna dans un article du New England Journal of Medecine publié le 30 décembre. « Encourageant… mais pas plus, tranche Jean-Daniel Lelièvre. Les échantillons sont trop faibles et les marges d’erreur très importantes. »

    Les données fournies par AstraZeneca sont encore plus ténues. La firme anglo-suédoise a pourtant réalisé des PCR hebdomadaires de tous ses volontaires pour suivre d’éventuelles infections. Résultat : là où les deux doses du vaccin affichent une efficacité de 60 % contre les symptômes, elles ne protègent plus contre l’infection qu’à… 4 %. Un second dosage, réalisé par erreur, et qui s’est révélé plus efficace à contrer les symptômes a montré également de meilleurs résultats à écarter le virus (60 %). Mais là encore, la barre d’erreur – entre 1 % et 82 % – ne permet aucune conclusion.

    Challenge infectieux

    Ces résultats soulèvent deux questions. D’abord pourquoi une telle différence ? Pourquoi les anticorps créés par le vaccin pour combattre le virus dans les poumons ne lui interdisent-ils pas l’accès à nos cellules nasales ? « Parce que, face au SARS-CoV-2, il y a deux réponses immunitaires, l’une locale, rapide, avec des anticorps nommés IgA, l’autre systémique, avec des anticorps IgG, explique Guy Gorochov, qui a décrit ce mécanisme dans un article publié le 4 décembre sur le site de la revue Science Translational Medicine. Quand on injecte le vaccin en intramusculaire, cela déclenche a priori surtout une réponse systémique qui n’atteint pas forcément, et pas rapidement, les muqueuses supérieures. »

    Pas forcément… mais peut-être. Pour lever le doute, il faudrait réaliser des prélèvements dans les fosses nasales des personnes immunisées par les différents vaccins homologués. C’est ce que devrait faire un essai prévu par la plate-forme française Covireivac avec la formule de Moderna. Une autre solution serait de réaliser un challenge infectieux humain, autrement dit d’infecter volontairement des personnes vaccinées, jeunes et sans risques connus, pour suivre le virus dans leur organisme, notamment dans le nez. Les Britanniques prévoient de le faire. « Un projet en ce sens est envisagé dans les campus américains », rapporte le pédiatre et vaccinologue de Philadelphie Paul Offit, membre du panel de conseillers de l’agence américaine du médicament (FDA).

    Et pourquoi pas un vaccin nasal ? « C’est beaucoup plus compliqué à doser car les muqueuses, contrairement au sang, doivent assurer de la tolérance, observe Jean-Daniel Lelièvre. On y trouve des bactéries et des virus, qui jouent un rôle essentiel. L’équilibre est très délicat. » Seulement trois vaccins muqueux existent aujourd’hui : contre la grippe, contre le choléra et contre le rotavirus. Parmi les 150 vaccins contre le Covid en cours de développement, quelques audacieux suivraient cette piste.

    À date : ne pas lésiner sur les doses, poursuivre les « gestes barrières » et en plus se revacciner (ne sont pour l’instant attestés que 8 mois de protection entre les symptômes, pour le Pfizer cher, pour l’Astra Zeneca, pas cher, je n’ai rien vu).
    Alors là, oui. Ça commence à ressembler à un complot des gouvernements alliés à big pharma et au capitalisme de plate forme, moi je vous le dit.

    #vaccin #covid-19 #vaccins_muqueux

    • Curieusement, cette question ne semble rigoureusement jamais abordé dans l’optique de l’opposition « liberté individuelle / obligation vaccinale ».

      Elle est pourtant centrale :

      – si le vaccin ne bloque pas la contagion, alors la question de se faire vacciner est largement une question de choix individuel (avec tout de même l’idée qu’en tombant malade alors qu’on pouvait se faire vacciner, on contribue à la saturation du système de santé) ;

      – mais si le vaccin bloque/limite la contagion, alors ça devient bien plus une responsabilité collective. Surtout qu’on est depuis le début dans l’idée qu’on fait collectivement des sacrifices pour protéger les plus fragiles, et/ou qu’on porte un masque autant ou plus pour protéger les autres que soi-même. L’obligation vaccinale devient bien plus légitime dans ce cas.

      Et, même sans avoir encore les informations, dans une certaine mesure c’est une sorte de pari de Pascal : le fait de se faire vacciner alors qu’on ne sait pas encore si ça bloque la contagion, c’est un choix positif. Si ça bloque on a participé à protéger les autres en se faisant vacciner. Si ça bloque et qu’on refuse le vaccin, alors il y a un prix pour les autres.

  • Des #chercheurs sur le #nucléaire s’inquiètent après le #licenciement d’une spécialiste de Fukushima
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/06/nucleaire-des-chercheurs-s-inquietent-apres-le-licenciement-d-une-specialist

    "Spécialiste de la catastrophe de #Fukushima, Christine Fassert a été renvoyée pour faute en juin 2020, au motif d’une « insubordination récurrente » et d’un « comportement inadapté », comme l’a révélé en septembre Le Canard enchaîné. Elle affirme que le conflit avec sa hiérarchie est lié aux résultats de ses travaux de recherche, ce que l’IRSN, l’expert public des risques nucléaires et radiologiques, bras technique de l’Autorité de sûreté nucléaire, conteste fermement.

    Socio-anthropologue, Christine Fassert est embauchée en 2012 par l’IRSN, qui vient alors de créer un #laboratoire des #sciences_humaines_et_sociales. Le projet Shinrai – « confiance », en japonais –, lancé en partenariat avec Sciences Po Paris et l’université japonaise Tokyo Tech, vise à étudier les conséquences sociales et politiques de l’accident de la centrale de Fukushima de mars 2011. En cinq ans, Christine Fassert et Reiko Hasegawa, chercheuse anciennement rattachée à Sciences Po, réalisent près de 130 entretiens au #Japon auprès des évacués rentrés ou non chez eux, de représentants du gouvernement ou d’associations.

    Dès la #publication des premiers articles, Christine Fassert affirme avoir subi des tentatives d’obstruction de sa hiérarchie, qui demande des modifications ou l’empêche de participer à plusieurs colloques. « Quand nos analyses ne correspondaient pas à ce que l’IRSN voulait entendre, ils essayaient de nous imposer des changements, assure Reiko Hasegawa. Ils nous demandaient d’enlever des phrases entières, c’était des pratiques totalement inhabituelles dans le milieu de la recherche. »

    Selon les deux chercheuses, un passage indiquant que la population japonaise a perdu confiance envers les autorités, par exemple, devait être modifié. Impossible également d’écrire que, à la suite de l’accident, les Japonais se sont prononcés lors d’un débat public en faveur de la sortie du nucléaire, et que le résultat est le même à chaque fois que les populations sont consultées à travers le monde. Parmi les sujets sensibles figureraient aussi la question du retour des évacués et celle de la dangerosité de l’exposition à de faibles doses de radioactivité, qui suscite une importante controverse scientifique. Après l’accident de Fukushima, le gouvernement japonais a fait passer la dose limite pour le public de 1 millisievert (mSv) par an au niveau du seuil de référence maximum, soit 20 mSv/an, la politique de retour dans les zones évacuées étant établie sur cette limite.

    En 2019, la publication de deux #articles de Christine Fassert est refusée. L’un porte sur la gouvernance des risques et repose sur des entretiens avec des #experts critiques du nucléaire et sur le rapport dit « Pompili », sur les fragilités du parc nucléaire français ; le second démontre que les citoyens japonais font davantage confiance à l’expertise associative qu’à l’expertise institutionnelle. « Est-ce que, en cas d’#accident en France, les citoyens feront plus confiance à la Commission de #recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (#Criirad) et à l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO), ou à l’IRSN ? La question n’est peut-être pas agréable à entendre, mais elle est réelle », assure Christine Fassert."