après deux ans et demi de restrictions, Taïwan rouvre prudemment ses frontières

/apres-deux-ans-et-demi-de-restrictions-

  • Covid-19 : après deux ans et demi de restrictions, Taïwan rouvre prudemment ses frontières
    https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/15/apres-deux-ans-et-demi-de-restrictions-taiwan-rouvre-prudemment-ses-frontier

    Covid-19 : après deux ans et demi de restrictions, Taïwan rouvre prudemment ses frontières
    Les autorités ont mis fin jeudi aux quarantaines obligatoires pour les voyageurs arrivant de l’étranger. Mais le port du masque, même en extérieur, reste encore la norme.
    Par Simon Leplâtre(Taïpei, Taïwan, envoyé spécial)
    Lentement, prudemment, Taïwan apprend à vivre avec le Covid. Jeudi 13 octobre, le pays a mis un terme aux quarantaines obligatoires pour les personnes arrivant de l’étranger, la fin officielle de deux ans et demi de fermeture. Environ 48 000 cas de Covid et 80 décès sont actuellement enregistrés par jour pour une population de 23,5 millions d’habitants, soit sa deuxième vague la plus importante après un pic à 80 000 cas quotidiens en mai. Taïwan compte parmi les derniers pays d’Asie à rouvrir ses frontières. Seule la Chine applique encore une politique zéro Covid ultra-stricte.
    Taïwan avait déjà progressivement réduit le nombre de jours de quarantaine : initialement de de quatorze, il était passé à dix, puis à sept en mai et à 3 en juillet, assortis à chaque fois de quelques jours de « surveillance » : obligation de prendre sa température chaque jour et d’éviter les lieux trop fréquentés. Cette pratique reste imposée aux voyageurs pendant sept jours.
    De fait, le pays reste particulièrement prudent : les personnes contacts de patient positif sont encore tenues de s’isoler au moins trois jours, et le nombre d’arrivées sur le territoire taïwanais par semaine est encore limité à 150 000, contre 60 000 jusqu’à fin septembre. Une décision critiquée par les professionnels du tourisme.
    Surtout, le pays n’a pas abandonné toutes les restrictions : le masque est toujours obligatoire dans tous les lieux publics, y compris en extérieur, et il est porté avec discipline. Même dans les salles de sport, la plupart des usagers le portent : « Je l’enlève pour grimper, mais je le remets dès que j’arrive au sol, par respect pour les autres », justifie Mandy Chen, 35 ans, une pratiquante dans une salle d’escalade de New Taipei City. Si les jeunes soutiennent largement l’abandon des restrictions, les générations plus âgées sont divisées. (...)
    Cette approche prudente s’explique en partie par le succès passé de Taïwan à contenir le virus : en 2020, l’île indépendante, dont la Chine revendique la souveraineté, avait été le premier Etat à alerter l’Organisation mondiale de la santé, le 31 décembre 2019, sur le risque de transmission interhumaine, alors que la Chine allait encore prétendre pendant trois semaines que le virus n’était pas contagieux. Les autorités ont rapidement interdit les arrivées depuis le continent, puis imposé une quarantaine de deux semaines à tous les voyageurs quand le virus s’est diffusé au reste du monde. Résultat, pour l’année 2020 Taïwan ne comptait que 7 décès liés au Covid, et son économie enregistrait une croissance de 3 % quand le reste du monde plongeait en récession.
    Ce succès, lié à son insularité et à l’expérience du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, explique le conservatisme du gouvernement en 2022. « L’approche zéro Covid a eu tellement de succès que beaucoup de gens ont pensé que nous pourrions continuer comme ça avec Omicron, explique Chen Chien-Jen, vice président taïwanais entre 2016 et 2020. Mais le variant Omicron est complètement différent », précise celui qui est redevenu épidémiologue à l’Academia sinica, après sa retraite politique.
    Le variant Omicron et la disponibilité des vaccins ont convaincu la plupart des pays qui gardaient une approche stricte d’apprendre à vivre avec le virus. La vaccination a toutefois commencé lentement à Taïwan, entre problème d’approvisionnement, hésitation d’une population jusque-là protégée. Si bien que Taïwan était encore peu vacciné quand le pays a connu sa première vague, qui a fait 800 morts en mai 2021.
    Pour Chen Chien-Jen, c’est cette vaccination tardive qui explique l’ouverture également tardive de Taïwan : « Notre programme de vaccination a vraiment commencé en mai 2021, six mois après les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. C’est pour cela que nous ouvrons le pays six mois après les autres. Il fallait être prêt à trois niveaux : augmenter la vaccination, et en particulier les doses booster. Ensuite, il fallait distribuer largement des kits de diagnostic rapide [autotests], et enfin, assurer un usage élevé des antiviraux. »
    Voir les graphiques : Covid-19 : les chiffres de l’épidémie en France et dans le monde, en cartes et en graphiques
    Malgré un taux de vaccination élevé, à 87 %, et 73 % avec la dose de rappel, encore 25 % des personnes âgées de plus de 65 ans ne sont pas vaccinées, indique l’épidémiologue. D’où l’importance des tests et des antiviraux pour ces personnes plus vulnérables. Grâce à cette approche, Taïwan ne comptait que 11 766 décès liés au Covid le 14 octobre (contre 155 816 en France au 14 octobre 2022).Pour certains, le gouvernement est toutefois trop conservateur. « De mon point de vue d’expert, le masque ne sert à rien en extérieur. J’encourage les autorités à abolir l’obligation, qui pourrait être remplacée par une politique de masque responsable : c’est une bonne habitude à garder dans les transports en commun, mais cela peut-être volontaire. Ce genre d’obligations entretient une atmosphère de pandémie, or il faut passer à une phase d’endémie », estime Hsiu-Hsi Chen, professeur à l’institut d’épidémiologie et de médecine préventive de l’université nationale de Taïwan (NTU). Selon lui, l’excès de prudence face au virus a aussi des effets négatifs : « Outre les conséquences économiques, il ne faut pas sous-estimer les conséquences psychologiques et sociales de l’isolement ! Beaucoup de personnes âgées continuent d’éviter les activités sociales, cela favorise la dépression et peut aggraver les démences », estime ce chercheur.Simon Leplâtre(Taïpei, Taïwan, envoyé spécial)

    #Covid-19#migrant#migration#taiwan#sante#santementale#frontiere#vaccin#vaccination#restrictionsanitaire