Feminicide : crime de propriétaire | Christelle Taraud / Mediapart | 18.11.22
▻https://www.mediapart.fr/journal/france/181122/chaque-moment-phare-de-resistance-des-femmes-se-traduit-par-un-pic-de-viol
120 féminicides [en France] depuis le début de l’année. Que vous inspire ce chiffre ?
Christelle Taraud : Il est à la fois effarant et assez normal au regard des régimes patriarcaux et de leur organisation : à chaque moment phare de résistance des femmes, à chaque fois que l’on remet en cause l’ordre du genre – les relations inégalitaires entre les femmes et les hommes structurées au moins depuis le néolithique –, on constate immédiatement des réactions antifemmes et antiféministes. Celles-ci se traduisent systématiquement par des pics de violences.
Tant que les femmes ne font pas trop de vagues, les systèmes coercitifs et punitifs agissent plutôt à l’échelle individuelle. Mais dès qu’elles mettent en place des mouvements de résistance collectifs, comme MeToo, cela conduit à une remise en cause de plus en plus importante de la domination masculine, et cette montée des revendications et ce recul du seuil de tolérance se traduisent, en général, par une hausse des actes antifemmes. Notamment par des meurtres dans l’espace intime
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L’objectif de ces violences, c’est la réaffirmation de la hiérarchie des genres. C’est une manière de dire : j’incarne le sexe fort et toi le sexe faible, donc « tu dois m’obéir », « tu es ma chose », « tu n’existes que pour moi et par moi », et si tu émets l’idée d’une vie autonome, je te punis immédiatement. Le féminicide est un crime de propriétaire, ne l’oublions pas.